LA COMPETITION AUTOMOBILE     

Dernière mise à jour : 12/05/2010

24 Heures du Mans

L'histoire - Avant les 24 Heures du Mans

A la fin du 19e siècle, l'automobile est encore qu'une invention que plusieurs constructeurs tentent de faire évoluer. Bien avant De Dion-Bouton, Daimler, Benz, Darracq, puis Panhard, Peugeot, Renault, un homme est un précurseur. Inventeur de génie, père de deux futurs constructeurs, Amédée Bollée père est issu d'une famille de fondeurs de cloches installée au Mans. Après Delamare-Debouteville, concepteur d'un engin motorisé en 1884, Amédée Bollée père est le créateur de plusieurs machines qui restent majeures dans l'histoire de l'automobile. L'Obéissante en fait partie, une voiture qui de plus, dispose de roues directrices qui pivotent séparément, ce qui est inédit. Elle dispose d'un volant et d'une suspension sur les quatre roues, avec des freins assez puissants pour arrêter ses 4 tonnes. C'est avec cette voiture que notre inventeur reliera, le 9 octobre 1875, Le Mans à Paris. En quittant le quartier de Sainte-Croix, il effectue la première véritable sortie publique d'un véhicule motorisé en France et pour ce faire, a du se demander une autorisation spécifique aux différents préfets des départements traversés. Le parcours durera 18 heures et, à cette date, aucun véhicule n'avait réussi pareille performance. Le Mans est donc une ville pionnière et c'est toujours dans cette ville que voit le jour, en 1891, l'Union vélocipédiste de la Sarthe, qui deviendra l'Automobile Club de la Sarthe quelques années plus tard, en 1906.

Création des Automobiles-clubs

Amédée Bollée va développer plusieurs machines, des machines à vapeurs précurseurs des camions, des tramways, et des automobiles à pétrole. Ce sont cependant ses deux fils, Amédée Bollée Junior et Léon Bollée, qui vont développer les premières "automobiles". Passant à leur tour à la construction d'engins, lourds pour le premier, plus légers pour le second, les deux frères n'adoptent pas les mêmes techniques de motorisation. Amédée Junior suivra les pas de son père en optant pour la vapeur, le second optera pour le moteur à combustion interne. La "Voiturette" de Léon sera un succès et déjà, les premiers Automobiles Clubs voient le jour. L'ACF est fondé le 12 novembre 1895, par le baron de Zuylen de Nyevelt, le comte Albert de Dion et le journaliste Paul Meyan.

Premiers Grands Prix

Après la tragédie de la course Paris-Madrid-Paris en 1903, les épreuves dites de ville-à-ville sont interdites. C'est cette décision qui poussera les organisateurs de courses à créer des épreuves disputées sur des circuits fermés, comme le Circuit des Ardennes, la Targa Florio ou le Tourist Trophy ou la Coupe Gordon Bennett. Ainsi, en 1905, l'ACF décide de créer le premier Grand Prix de l'histoire, une course destinée à remplacer la Coupe Gordon-Bennett. Pour ce faire, il faut un circuit et c'est naturellement du Mans que va venir la solution. Amédée Bollée père, à la tête de Sarthois très motivés, fondent l'Automobile Club de la Sarthe, le 24 janvier 1906. Autour de Bollée, on retrouve des figures de l'automobile de l'époque, Paul Jamin, connu pour ses victoires dans le Paris-Dieppe et le Paris-Trouville de 1897 à bord d'une Voiturette Léon Bollée. On compte aussi le sportif René Pellier, le futur constructeur Louis Verney, Gustave Singher, Georges Carel, Robert Gaullier et Georges Durand, qui devient le premier secrétaire général de l'ACS.

Georges Durand

Le circuit

Les dates retenues pour le Grand Prix sont les 26 et 27 juin 1906. Selon l'organisation, la course durera deux jours car l'épreuve est prévue sur 1.240 kilomètres, une distance digne d'un grand prix d'endurance. Si cette distance est si impressionnante, c'est surtout à cause des constructeurs. A l'époque, ces derniers sont les premiers à exiger cette grande distance, un bon moyen pour eux de prouver les qualités de résistance de leurs produits, et ce, à la plus grande vitesse possible. Le circuit doit donc être à la hauteur de leurs espérances. Le Comité du circuit de la Sarthe voit le jour le 30 décembre 1905. C'est ce comité qui deviendra l'ACS en 1906.

Le circuit sera trouvé à l'ouest de la ville du Mans. Il forme un triangle reliant le lieu-dit La Fourche (St Mars la Brière) aux cités de Saint-Calais et, au nord, la Ferté Bernard. Ce tracé de 103,180 km doit bien sur être revu, aménagé, géré afin de recevoir des bolides. Il faut aussi prévoir la traversée des villages, donc la sécurité, prévoir des parkings, des routes de déviation, des tribunes. Pour cette premier Grand Prix, c'est un succès, à la fois au niveau de l'organisation qu'au niveau du spectacle. De plus, c'est Ferenc Szisz au volant d'une Renault qui s'impose devant une Fiat pilotée par Felice Nazzaro.

Epreuve sélective

32 voitures sont inscrites, mais seulement 17 seront à l'arrivée de l'épreuve. Les concurrents s'élancent toutes les 90 secondes et dès le départ, la Renault AK de Ferenc Szisz prend une telle avance que ses adversaire ne pourront combler. Au cours de sa course, on le chronomètre à 148 km/h. Signalons qu'il fait une chaleur torride et que la course sera dure, d'autant que sur la route, le goudron fond et entraîne de nombreuses glissades et d'innombrables crevaisons. En tête de bout en bout, Ferenc remporte l'épreuve et aura parcouru au final 1.239 kilomètres, à la vitesse moyenne de 101 km/h. L'AK disposait, il faut dire, d'un moteur de 13 litres de cylindrée et 90 chevaux sous le capot. Les normes étaient, déjà à l'époque, réglementées par la récente Fédération Internationale de l'Automobile (1904), plus connue aujourd'hui sous les initiales FIA. Cette victoire de la Renault est aussi à mettre au compte des frères Michelin qui apportent une innovation décisive, la jante amovible, une jante qui peut être montée en moins de deux minutes contre une dizaine pour une roue standard. Cette roue à jante amovible équipe d'ailleurs plusieurs voitures dont celle du second, la Fiat de Nazzaro. Notons que le meilleur temps fut établi par la Brasier de Baras, 52 mn 19 s, réalisant une moyenne de 118,301 km/h.

Classement du Grand Prix de l'ACF

1 - Ferenc Szisz, sur Renault (pneus Michelin), les 1238,160 km en 12 h 14mn 07 s
2 - Felice Nazzaro, sur Fiat (pneus Michelin), en 12 h 46 mn 26 s
3 - Albert Clément, sur Bayard-Clément (pneus Dunlop), en 12 h 49 mn 46 s
4 - Barillier, sur Brasier (pneus Continental), en 13 h 53 mn
5 - Vicenzo Lancia, sur Fiat (pneus Michelin), en 14 h 22 mn 11 s
6 - George Heath, sur Panhard-Levassor (pneus Michelin), en 14 h 47 mn 45 s
7 - Paul Baras, sur Brasier (pneus Continental), en 15 h 15 mn 50 s
8 - Arthur Duray, sur Lorraine-Dietrich (pneus Michelin), en 15 h 26 mn 01 s
9 - "Pierry", sur Brasier (pneus Continental), en 16 h 15 mn 07 s
10 - Camille Jenatzy, puis Burton, sur Mercedes (pneus Continental), en 16 h 18 mn 42 s
11 - Mariaux, sur Mercedes (pneus Continental), en 16 h 38 mn 41 s

Victoire pour Szisz et Renault

Szisz et son mécanicien Marteau, à la une d'un magasine en 1907

Grand Prix de France

En 1911, l'ACS met en place un Grand Prix de France (Grand Prix de L'ACS), à ne pas confondre avec le grand Prix de l'ACF qui n'existe plus. En effet, depuis 1906, les constructeurs français dépassés par les constructeurs étrangers, allemands et italiens, ont décidé de ne plus participer aux compétitions. Cet attitude aurait pu être fatal au sport automobile français mais Georges Durand et les Sarthois donneront, avec le grand Prix, une nouvelle impulsion à ce sport. Lors de ce grand Prix, une course d'endurance sur 650 kilomètres, c'est le triple recordman du monde de vitesse, Victor Hémery, qui s'impose au volant d'une Fiat. Il est le seul des 14 participants à ne pas avoir abandonné, seul survivant d'une course qui a eu lieu encore une fois sous une chaleur caniculaire. Dans l'épreuve, on note l'arrivée d'un petit constructeur, Bugatti.
Dans la foulée, l'Automobile Club de la Sarthe, toujours aussi dynamique, organise le Salon Automobile du Mans, premier évènement de ce type à être organisé en province. Nous sommes alors entre le 16 et 26 février 1912.
En septembre, Jules Goux remporte la Coupe de la Sarthe sur Peugeot L76 de 7,5 litres et Paul Zuccarelli remporte le Grand Prix de France sur Peugeot L3 de 2.900 cm3. Cette fois, c'est Mercedes qui arrive au Mans.
En 1913, l'épreuve est réservée aux grosses cylindrées. En raison du forfait de Peugeot, la course se joue entre les Delage et les Mercedes. Bablot s'impose sur Delage Type Y, devant son coéquipier Albert Guyot et la Mercedes de Théodore Pillette. De quoi satisfaire les esprits chauvins, surtout en cette période trouble d'avant-guerre.

Victore Hémery sur Fiat en 1911 et Paul Bablot sur Delage en 1913
Attention : Ne pas confondre, comme c'est souvent le cas sur le Internet, le Grand Prix de France couru dans la Sarthe entre 1911 et 1913 avec les Grands Prix de l'ACF courus à Dieppe en 1912 et Amiens en 1913. Il n'y a pas eu de Grand Prix de l'ACF entre 1909 et 1911.

Première Guerre mondiale

La Première Guerre va mettre un terme aux compétitions, mais la passion automobile ne quitte pas les esprits des pilotes et des constructeurs. Les usines Bollée continuent de produire des voitures. C'est donc sans réelle surprise que les pilotes reprennent le volant après l'armistice. L'idée d'organiser le Grand Prix est toujours d'actualité, mais sur un circuit réduit à 17,262 km. Des travaux sont alors lancés pour améliorer la viabilité des routes, principalement au passage en épingle de Pontlieue. Ce virage, impressionnant, est d'autant plus dangereux que de nombreux spectateurs se pressent à cet endroit pour voir filer les bolides. Ce nouveau circuit va aboutir au tracé actuel.

Dès 1920, des courses sont organisées sur ce circuit devenu permanent, mais pour l'ACO, le vrai retour sera le 5e Grand Prix de l'ACF de 1921 et réservé au Formule 3000 cm3. Cette nouvelle donnée permet la venue des fameuses Duesenberg d'indianapolis. Il aura lieu en septembre 1921. Pour agrémenter le menu, une course de voiturettes et une de cyclecars sont ajoutées au programme. Déjà, tout le folklore des futurs 24 Heures se met en place. Les visiteurs ont droit à des animations, aux musiciens et aux stands divers. Ce Grand Prix de l'ACF, (et non de France cette fois) est un véritable duel entre les Ballot et les américaines. Finalement, Chassagne sur Ballot devra céder et abandonner laissant Murphy et sa Duesenberg passer la ligne d'arrivée en vainqueur. En 1929, le GP de l'ACF revient au Mans mais sans le succès. L'introduction d'une formule limitant la consommation tue le spectacle. En 1967, Jack Brabham et Denny Hulme remportent l'épreuve sur Brabham Repco après que les Lotus 49 Cosworth de Jim Clark et Graham Hill aient animé le début de course. Depuis, plus un seul Grand Prix n'a eu lieu au Mans.

Murphy et son mécanicien Olson sur Duesenberg

Naissance des 24 Heures...

Si l'évènement de 1921 est un succès, l'ACO est confronté à un nouveau problème. En effet, selon la règle des Grands Prix datant de 1906, ces derniers sont organisés chaque année dans des villes différents. En toute logique, celui de 1922 sera donc couru à Strasbourg, puis en 1923 à Tours. L'ACO doit trouver un moyen pour que son évènement Sarthois devienne annuel et unique. L'idée de la course d'endurance fait son chemin. En 1922, lors du Salon de l'Automobile, Georges Durand rencontre Charles Faroux, journaliste sportif spécialisé dans les sports mécanique, et Emile Coquille, responsable pour la France de la société Rudge-Whitworth, fabrique de roues pour véhicules de sport et de compétition. Il expose alors l'idée de génie que lui et ses amis de l'ACO ont eu, mettre sur pied l'organisation de la grande épreuve qui manque aux industriels de ce secteurs pour trouver des arguments publicitaires nécessaires à l'expansion de leurs sociétés. Les trois hommes mettent alors sur pied le règlement d'une épreuve pour voitures de tourisme améliorées dont la durée est fixé à 24 heures, un concept qui a déjà eu lieu en 1910 aux Etats-Unis et qui reprend le principe du Bol d'Or. Créé en 1922 par Eugène Mauve, président de l'Association des anciens motocyclistes militaires (AAMM), cette épreuve fut organisée du 27 au 29 mai 1922, sur un circuit impossible entre Vaujours, Clichy-sous-Bois et Livry-Gargan, long de 5,100 km, en terre battue.

Les 24 Heures du Mans viennent de voir le jour. Une épreuve qui permettra à l'ACO d'accéder à une notoriété internationale et de devenir un des automobiles-clubs les plus puissants de France et d'Europe. Aujourd'hui, l'ACO compte plus de 100.000 membres.
Le circuit de la Sarthe accueillera à nouveau et à deux reprises le GP de l'ACF, en 1929 avec la victoire de "Williams" sur Bugatti, et en 1967 avec la victoire de Brabham sur Brabham Repco.