RENAULT    

Dernière mise à jour : 26/05/2010

Le temps de la maturité...

Petit historique, suite...

Après la crise de mévente de 1908, les usines de Louis Renault reprennent leur expansion. L'offre commerciale est étendue, avec des automobiles de 8 à 50 CV fiscaux. Le châssis 12/16 CV de la gamme moyenne, présentée en 1910, va recevoir de superbes carrosseries. Suivra la 40 CV, une voiture d'exception.
Type CB
Les usines Renault n'ont qu'une douzaines d'années quand le type CB 12 CV est présenté au Service des Mines, en décembre 1910. Depuis l'époque où le jeune Louis Renault a construit son automobile dans son petit atelier au fond de son jardin, en 1898, jusqu'à cette date, la progression a été spectaculaire. Le surnom "d'ogre de Billancourt" lui est d'abord donné pour ses acquisitions de terrains autour de son usine. A partir de 1903, Renault "mange" les jardins de Billancourt avec boulimie, alors qu'il passe le cap des 1.000 voitures par an pour atteindre 3.000 voitures en 1907. En 1911, par acquisitions successives, les usines s'étendent sur plus de 11 hectares et font vivre 3.500 personnes. A partir de 1908, il offre une gamme étendue, de la 8 CV 2 cylindres à la 6 cylindres de 50/60 CV produite confidentiellement. les modèles à 4 cylindres sont eux mêmes nombreux et diversifiés. Sur neuf châssis à moteur 4 cylindres, six sont de 1909 et trois sont des nouveautés présentées en 1910 : le type BM en juin et les Types CB et CE en décembre. Le moteur de la BM est un 6 litres à 4 cylindres 110 x 160 mm qui commence à dater par ses cotes formidables, alors que le fractionnement des grosses cylindrées est déjà privilégié par les constructeurs. le Type CB 12 CV est plus raisonnable et moins lourd, étant sensiblement équivalent au double du moteur AXD 9 CV des célèbres "deux pattes" Renault. Le Type CE 5 litres 18 CV équipe de grandes routières, torpédos ou coupés limousines.

La 12 CV 80 x 120 mm, qui se situe au début de la gamme moyenne, est déjà une automobile de luxe : non carrossé, son châssis avec pneumatiques coûte 9.600 francs, ce qui représente entre6.000 et 7.000 heures de travail d'un ouvrier qualifié. A cela, il faut ajouter la carrosserie et quelques équipements indispensables (lanternes, phares, pare-brise, etc.) qui font grimper le prix aux alentours de 15.000 francs. C'est un châssis de qualité, bien construit et soigneusement mis au point avant livraison au carrossier. La plupart des modèles de luxe sont encore habillés chez Kellner, Labourdette, Binder ou Belvalette, les meilleurs de paris, tous venus de la grande carrosserie hippomobile qui a fait leur réputation. Henri Labourdette, qui carrosse beaucoup de grandes Renault, coopère étroitement avec le constructeur de Billancourt, qui cherche à développer ses propres ateliers de carrosserie en proposant des caisses standard d'exécution simplifiée plus abordables.

Constructeur depuis douze ans, louis Renault s'est efforcé de combiner la robustesse et la simplicité avec le bon fonctionnement et la facilité de réparation. Sa prise directe de 1898 est une brillante application de cette philosophie. Son radiateur multitubulaire placé à l'arrière du moteur, sans pompe à eau et soufflé par les ailettes du volant moteur, procède des mêmes principes. Sur ces 4 cylindres, il généralise le graissage par pompe basse pression avec régulation du débit par le vilebrequin lui-même. L'allumage est donné par une magnéto haute tension à induit tournant dont le distributeur, reporté directement en bout de l'arbre à cames, est facilement accessible et vérifiable. Le carburateur est fait maison, avec compensation par système à dépression rigoureusement indéréglable et réchauffage. l'embrayage est à cône inversé, avec système d'engagement progressif. Les boîtes sont à 3 rapports jusqu'à 12 CV, à 4 rapports et deux baladeurs au-delà.

Aviation

Renault est également constructeur de moteurs d'avions et en 1911, la marque fait la une des journaux. En effet, le 7 mars 1911, Eugène Renaux et son passager Albert Senoucque, partis de Paris bord d'un Farman-Renault, se posent sur le sommet du Puy-de-Dôme et gagnent un prix de 100.000 francs-or offert par Michelin, une vraie fortune à l'époque. Le 1er septembre, un Farman-Renault bat le record du monde de distance et de durée : 720 km en 11 heures et 1 minute. Le 22 septembre, un biplan Voisin à moteur Renault bat le record d'altitude, avec 2.460 m.
Les taxis de la Marne
Du 3 au 4 septembre, les armées françaises battent en retraite depuis la frontière belge jusqu'à Paris et, vers l'est, sur la vallée de la Marne. Quoique rapide, cette retraite s'est effectuée en combattant et avec méthode. Von Klück, qui commande la droite allemande, semble pouvoir marcher sur Paris sans rencontrer de résistance organisée. Pourtant, dès le 2 septembre, des reconnaissances aériennes françaises indiquent que les troupes allemandes tournent vers le sud-est en direction de Meaux et de Provins. Certaines unités sont même trop avancées compte tenu de leurs fiables moyens en artillerie. Von Klück cherche à envelopper le gros des troupes françaises regroupées au sud de la Marne plutôt que de marcher sur Paris. Cette inflexion, bientôt confirmée, n'échappe pas au commandant en chef des armées françaises, Joffre, ni au commandant du camp retranché de Paris, Gallieni. C'est à l'Etat Major de ce dernier que va être prise une décision capitale : la réquisition des taxis pour renforcer l'armée Maunoury, qui contre-attaque d'ouest en est le flanc droit de l'armée de von Klück. Cette contre-attaque sur l'Ourcq porte ses fruits dès le 6 septembre, mais la réaction allemande est prévisible. Comprenant son erreur, von Klück fait pivoter son aile droite pour contrer Maunoury et rappelle son artillerie lourde. Gallieni dispose de troupes, mais la situation commande de les lancer en renfort avant que les armées allemandes ne soient réorganisées face à l'ouest. Les chemins de fer ne peuvent acheminer que la moitié d'une division, soit 6.000 hommes, vers Nanteuil-le-haudouin, où la situation devient critique. Un officier de l'état-major de Galliéni, le général Clergerie, à l'idée d'utiliser les taxis parisiens, du moins ceux qui circulent encore dans la capitale.

Taxis AG 1910

En 1914, la capitale compte environ 10.000 taxis en circulation. La plupart des chauffeurs ont été mobilisés et ne restent que les plus vieux. Cela fait environ 3.000 chauffeurs dont 2.000 disponibles. Certains d'entre eux ont déjà été mis à la disposition du commandement du camp retranché et, dès le 1er septembre, Gallieni, qui détient tous les pouvoirs, a lancé un ordre de réquisition et ordonné un recensement de toutes les automobiles de place. Clergerie soumet l'idée à Gallieni, qui approuve immédiatement : avec 600 taxis chargés chacun de 5 fantassins, une rotation permettra d'acheminer 3.000 hommes exemptés d'une fatigante marche d'approche. Le 6 septembre, en fin de journée, les premiers chauffeurs sont convoqués sur l'esplanade des Invalides. Certains ont été arrêtés en circulation, leurs clients sommés de descendre. Les protestations, les incidents sont vite réglés par les autorités militaires, qui organisent les groupes, les convois et tentent de fournir l'essence et l'huile ainsi que les vivres. Une certaine confusion règne, entretenue par des chauffeurs, tous civils, qui rechignent. Aux taxis s'ajoutent des véhicules particuliers de réquisition et des cars d'excursion. Peu à peu, des convois partent dans la nuit vers les points de rassemblement des troupes, parfois non prévenues. Le 7 septembre se passe en grande partie à charger des fantassins, parfois sans ordre précis. L'acheminement s'effectue dans la nuit du 7 au 8 septembre vers Nanteuil-le-Haudouin, où règne un énorme embouteillage de voitures et de troupes.
De nombreuses compagnies de taxis furent impliquées dans l'opération. Si la Compagnie générale des automobiles de place, ou G7, est la plus connue, avec ses Renault, on trouvait également dans le convoi des voitures appartenant à la Compagnie des Autos-Fiacres, à la Météor, à la Karmina, à la Compagnie générale des Voitures à Paris et à une bonne vingtaine d'autres. outre les Renault, on trouvait des Unic, des De Dion, des Chenard & Walcker, des Delahaye, des Clément-Bayard et des Mors.

Expérimentés fin 1905, les "taxautos" Renault furent mis en service en 1906. Beaucoup seront remis en circulation en 1919

Les 3.000 hommes lancés dans la bataille le 8 septembre arrivent à point, car von Klück s'est renforcé. La journée du 9 septembre est décisive. Les renforts français que les taxis ont transportés en plusieurs rotations et dont le haut commandement allemand ignore l'importance vont le pousser à prendre une décision cruciale alors que ses forces sont supérieures : von Klück doit décrocher le 10 pour éviter un éventuel enveloppement. Les combats cessent peu à peu sur l'Ourcq, tandis que les derniers taxis regagnent la capitale, soit en convois, soit isolément. Les chauffeurs, âgés d'au moins 50 ans, fatigués, couverts de poussières, ont peu dormi, peu ou mal mangé, les compteurs ont davantage tourné en attente qu'en marche. Les distances affichées sont comprises entre 130 et 200 km. Comme prévu, les "courses" sont facturées au compteur. L'Etat paiera aux compagnies environ 70.000 francs, dont 27 % seront reversés aux chauffeurs.

Mr Kleber Berrier, dernier chauffeur de taxi de la marne devant un "deux pattes" de la Marne

Le succès de l'opération valut aux taxis une gloire impérissable que le temps allai enjoliver de légendes. Tout ce qui suit est faux : l'idée d'utiliser des taxis revient à Galliéni, les troupes ne furent transportées que par des taxis Renault, les voitures portèrent les troupes jusqu'à la ligne de feu, certains chauffeurs combattirent, etc. Ces légendes, qui relèvent de la désinformation, furent parfois diffusées ou non démenties au lendemain même de l'opération.

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L'apparition d'une 10/12 CV chez Renault à la fin de 1919 montre le souci du constructeur d'élargir sa gamme vers le bas, malgré ses réticences personnelles. Il ne tarde pas à se rendre compte qe l'avenir se trouve là, dans les modèles plus populaires. Dans l'impossibilité de proposer de vraies nouveautés, Renault reconvertit une partie de ses usines de guerre en produisant des matériels lourds : wagons, tenders et tracteurs agricoles. Toute cette activité relativise l'importance des types de tourisme : la production de 1921 n'atteint que 5.500 voitures et l'effectif employé est de 10.500 personnes, dans les deux cas la moitié des chiffres de 1920. La presse automobile ne peut qu'encourager Renault à poursuivre dans cette voie menant à la voiture populaire. En fait, les énormes 6 cylindres présentées aux Mines en 1919 et 19220 sont autant de prototypes dont une petite partie seulement est commercialisée. Ces grandes voitures servent à expérimenter et valider diverses dispositions de châssis, de freins et de suspensions applicables à un vrai haut de gamme, que lui Renault veut proposer comme la plus belle voiture française des années vingt. Mais parallèlement, et au vu de l'évolution du marché, les "Etudes" sont lancées sur le projet d'une très petite voiture (pour Renault) à vocation populaire, une 6 CV qui ne répond pas plus à la 5 CV de Citroën que la 10 HP (en réalité une 12 CV) à la 10 HP de Javel (en réalité une 8 CV).
KJ et MT
Jusqu'en 1921, Renault peut contrer la Citroën 10 HP (en réalité une 8 CV fiscaux) avec ses types GS et IG, d'une cylindrée nettement supérieure (2,2 litres) qui en fait de vraies 10 CV. Ces voitures bénéficient de la réputation de robustesse et de fiabilité des Renault, face à une Citroën encore inconnue et lancée à grand renfort de publicité. Au lendemain de l'Armistice, en 1919, la production "tourisme" de la firme n'atteint que 6.300 véhicules et 15.000 en 1922, alors que Citroën monte en flèche après 1921. Face à un modèle unique très bien positionné et à des méthodes de construction à la chaîne, louis Renault va devoir s'adapter sous peine d'être irrémédiablement dépassé. Au Salon de Paris 1921, nouveau coup dur pour Renault, la nouvelle 5 CV Citroën démontre que Javel abandonne le modèle unique et vise une clientèle plus populaire qui ne peut se satisfaire de la rusticité du cyclecar. Pour Louis Renault, pionnier de l'industrie , l'automobile ne peut intéresser que les classes aisées ou les utilisateurs professionnels. Lui-même n'est touché que par les machines de luxe et de forte cylindrée, où ses talents de mécanicien peuvent pleinement s'exprimer. Construire des véhicules économiques, au moindre coût, et les vendre en masse ne le motive pas. De même, le montage à la chaîne ne se met en place que très lentement à billancourt. Ce "retard à l'allumage" de Louis Renault, qui doit se rappeler les précédents conflits nés du chronométrage, apparaît aussi dans ses publicités : en 1922, il propose encore des 10 HP "série" sans éclairage, ni démarrage. Pourtant, il doit réagir, car les Citroën révèlent qu'un marché plus large existe.
La réplique à la 5 HP est présentée au Services des Mines le 7 juillet 1922. Il est évident que la nouvelle 6 CV Renault n'a pas été conçue, étudiée et construite en neuf mois, mais la présentation de la "petite Citron" a sans doute accéléré le processus. Cette nouvelle petite KJ conserve le style des Renault de 1914, avec leur capot alligator de section étroite caractéristique et leur direction à droite, au début. Calquée sur la 10 HP GS, elle évolue vite, devenant KJ1 dès le salon 1922, avec la direction à gauche en série et, surtout, le nouveau capot élargi, sans brisure, avec la ligne supérieure et les flancs de caisse, un style plus lisse emprunté aux 12 et 18 CV dites "sport". La KJ1 a déjà la silhouette de la future NN. Elle est équipée du nouveau capot à angles vifs hérités des grands types sport antérieurs. Taxée 6 CV, cette KJ/KJ1 présente quelques dispositions modernes, comme un moteur à culasse détachable, et la plus petite cylindrée encore jamais commercialisée par Billancourt : 950 cm3. Au prix de 11.800 francs en torpédo, elle vise la même clientèle que la B2 de Citroën (14.000 francs), prise en sandwich entre elle et la 10 HP, devenue KZ pour 1923 et tarifée à 22.000 francs. Avec 15 ch. pour 850 kg en torpédo et une boîte à 3 rapports, les performances de la 6 CV Renault restent modestes : moins de 70 km/h lancée sur le plat et peu chargée. Néanmoins, solidement construite et fiable, à défaut d'être légère et nerveuse, la 6 CV connaît un bon succès, qui va inciter Renault à la perfectionner dans le sillage des hauts de gamme : nouveau capot profilé type sport pour 1923 (KJ1). En 1924, elle devient le Type MT en recevant des freins avant que Renault n'est pas le dernier à adopter, car ses modèles haut de gamme en bénéficient déjà. Ce type M>T, présenté aux Mines en février 1924, fait aussi la transition entre les types KJ/KJ1 et la NN, future icône de la France profonde. Dorénavant ancré sur les 6 et 10 CV, Renault compte moins sur ses grosses 6 cylindres, dont la 40 CV est le vaisseau amiral.

10 CV 1925, carrossée par Carrier

6 CV MT 1925, ancienne KJ1, future NN

Type KZ
En 1923, Renault propose à la clientèle un catalogue automobile des plus complets. Les clients aux budgets serrés adoptent la minuscule KJ, une 6 CV animée d'un 4 cylindres de 950 cm3 et tarifée 11.800 francs. A contrario, les consommateurs les plus aisés sélectionnent un châssis Type JV1 40 CV, ou repose un solide 6 cylindres de 9.120 cm3. Un chèque de 52.000 francs est alors nécessaire pour le seul châssis nu !

La nouvelle Renault type KZ 10 CV Sport vient judicieusement s'intercaler entre la série JM Tourisme et JT Sport (12 CV, 4 cylindres, et 35.000 francs) et les luxueuses 6 cylindres déjà évoquées. Le Type KZ découle directement d'un classique de la maison, la 10 CV Tourisme lancée au cours de l'été 1919. Tous les modèles Renault baptisés Sport de la saison 1923 reçoivent un nouveau capot en forme dite "coupe-vent", qui ne marque pas, comme sur la série Tourisme, le décrochement disgracieux avec le radiateur placé en arrière de la mécanique, selon une habitude maison datant de 1904. Par ailleurs, la face avant de ce nouveau capot est agrémentée d'un monogramme circulaire ou s'inscrit le nom de Renault, un montage temporaire remplacé dès 1925 par le célèbre losange, désormais symbole de la marque française. Vendue 22.000 francs en carrosserie découverte, la KZ Sport bénéficie d'un autre avantage d'importance : un dispositif de freinage (mécanique, bien sûr) sur les quatre roues. En revanche, la mécanique reste ultra traditionnelle. Il s'agit d'un 4 cylindres en ligne aux soupapes latérales, d'une cylindrée de 2.120 cm3.

La KZ adopte les jantes Michelin à voile plein, une habitude adoptée dès 1920 par la marque

La gamme Renault KZ s'avère rapidement un succès commercial et constitue avec la série 6 CV M et NN la principale source de revenus du groupe, contrairement aux modèles 15 CV, 18 CV, 22 CV à 6 cylindres, dont les ventes demeurent relativement faibles. L'empattement de la gamme KZ est porté à 301 cm pour le millésime 1924. L'appellation KZ1 adoptée en 1927 correspond à une légère modification esthétique : les ailes avant sont maintenant galbées et épousent davantage les roues. Désormais confortablement installée dans le paysage automobile national de large diffusion, la série KZ poursuit une carrière paisible sans grands bouleversements, mais évolue par de légères modifications au fil des années.

La KZ1, aux ailes avant désormais galbées et le motif Renault en losange

En 1928, la KZ1 devient KZ2 en adoptant des pare-chocs bilames chromés à l'avant et à l'arrière. Sa puissance fiscale grimpe à 11 CV, mais elle reste étrangement cataloguée comme une 10 CV. La KZ3 de la saison suivante est équipée d'un pont arrière du type "banjo" et d'un système d'embrayage plus moderne à disque unique. Révolution technique à Billancourt à l'occasion du millésime 1930, le radiateur de refroidissement quitte l'arrière du moteur pour se placer classiquement à l'avant de celui-ci, à l'instar des voitures de la concurrence. Toutes les Renault sont donc maintenant dotées d'une calandre à fentes de refroidissement horizontales. Il faut aussi noter que la KZ4 reste la seule proposition en configuration 4 cylindres, le Type NN2 6 CV ayant quitté le catalogue à la clôture du programme 1929.
En 1931, Renault fait un revirement soudain et deux KZ 4 cylindres sont inscrites au catalogue, le Type KZ5 10 CV, bâti sur un empattement de 311 cm, et la nouvelle KZ6, dite Primaquatre, dont la carrosserie empruntée à la Monasix repose sur un châssis de 265 cm d'empattement. Esthétiquement, des fentes de refroidissement verticales apparaissent sur les flans de capot et, dès 1932, une calandre remplace le montage précédent. Les Renault KZ18 Primaquatre et KZ17 Vivaquatre de la saison 1934 s'habillent de nouvelles robes dites "aérodynamiques", selon la mode du moment, avec la calandre inclinée, les volets de capot et les ailes avant enveloppantes. Cette tendance s'accentue la saison suivante d'une manière plus discutable avec une partie arrière de l'auto façon "queue de pie", suivant la terminologie de l'usine.

    

La KZ5 et la KZ6

Le programme des fabrications est bousculé pour 1936. Le nouveau plan stratégique porte un coup fatal à la série KZ, qui s'éteint, remplacée par les Types ACL1 et ADL1. Les autos conservent les appellations Primaquatre et Vivaquatre mais reçoivent sous le capot un nouveau 4 cylindres d'une cylindrée de 2.383 cm3 d'une puissance fiscale qui passe de 11 à 14 CV.

Haut de gamme

La 40 CV type MC de fin 1923 découle des types H, I et J précédents, eux-mêmes issus des 50 et 40 CV d'avant 1914. Par goût personnel, Louis Renault s'attache à ce haut de gamme, symbole de sa puissance industrielle. Malgré son style archaïque, sa hauteur de capot et ses énormes roues, la 40 CV est une imposante machine qui séduit tous les carrossiers et qui reçoit maintes récompenses dans les concours d'élégance.
Type 40 CV NM
Louis Renault, aurait-on dit, n'aimait pas les petites voitures. Pourtant, comme beaucoup d'autres pionniers autodidactes, il suscite et accompagne la course à la puissance avec prudence au début du siècle et remporte ses premiers grands succès en compétition avec des voitures légères. Mais l'expansion commerciale et la réputation de sa marque passent par la croissance des cylindrées, seul moyen à l'époque de gagner en puissance et en notoriété, face à une concurrence croissante. Comme De Dion , qui vient au V8 très tôt, comme Delage, qui abandonne vite ses monocylindres, comme Rolls-Royce, qui s'affirme définitivement avec la 40/50 HP Silver Ghost, comme Delaunay Belleville, référence de la construction française, Renault met une 6 cylindres de 7,5 litres à son catalogue dès 1908 : c'est l'ancêtre de la 40 CV des années vingt. Mais le constructeur ne commet pas l'erreur de s'orienter uniquement vers les fortes cylindrées, et le gros de la production est assuré par les "deux pattes" de 8 et 9 CV et les 4 cylindres de 10 à 20 CV. Entre 1908 et 1910, avec une vraie gamme, Renault double sa production annuelle, passant de 3.500 voitures à 7.000. Les grosses cylindrées, au-delà de 4 litres restent marginales mais sont indispensables au prestige de la marque. Fait significatif : à la veille de la guerre, les modèles Renault les plus connus sont les 2 cylindres (très répandus sous forme de taxis, ceux de la Marne) et ceux que l'on appelle déjà depuis 1911 les 40 CV, les types CG, jusqu'en 1913, puis DT et ES.

       

Les ancêtres de la 40 CV : CG de 1911, DT de 1913 et JV1 de 1923
Ces hauts de gamme sont de très grandes voitures : plus de 400 cm d'empattement et une longueur de châssis de 530 cm permettent la construction de très grands torpédos ou d'amples coupés-chauffeur. Mais le déclenchement de la guerre, quelques mois plus tard, en limite considérablement la production. En mai 1919, Renault présente au service des Mines le type HD, héritier direct de la 40 CV de 1914, sur un empattement plus court, auquel succède en août le type HF, doté du même moteur 110 x 160 mm, mais équipé pour la première fois d'une suspension arrière à ressorts cantilever montés obliquement et destinés à améliorer la stabilité transversale d'un châssis trop étroit. Il semble que la définition de la suspension du type 40 CV soit encore problématique à cette époque, car Renault présente une pléthore de modèles prototypes à ressorts semi-elliptiques ou cantilever, droits ou obliques, et même à ressort transversal. Si la plupart de ces types ne sont pas suivis d'une production effective, ils mèneront peu à peu à la 40 CV Définitive.

Les ancêtres de la 40 CV : Type HD de 1919
Une famille de modèle va assurer la transition entre ces types rattachés aux études de 1914 et la 40 CV telle que la consacreront les années folles. Il s'agit des types J (JP, JD et JV) de 1921 à 1922 qui sont commercialisés en petit nombre. Ils ont en commun la suspension par cantilevers obliques, le moteur de 9,1 litres à soupapes latérales et le capot de 1914. Le Type JP à 4 vitesses n'a pas de freins avant, sinon en option. Les Type JD et JV ont quatre freins, commandés au pied avec servo mécanique, perfectionnement réclamé par la nécessité d'arrêter des voitures carrossées dont le poids atteint parfois 2.800 kg. Ces châssis sont proposés sur deux empattements : 400 cm et 380 cm. La 40 CV type JV1 (au nouveau capot modifié) entre au garage de l'Elysée et transportera le président élu en 1924, Gaston Doumergue. parmi les ancêtres de la 40 CV, il faut mentionner aussi les types HU et IR, à soupapes en tête, présentés en 1921, qui ne semblent pas avoir été mis en production.
Le type 40 CV définitif, le Type MC présenté aux Mines en novembre 1923, apparaît donc pour l'année modèle 1924. Il est doté du châssis étroit à longerons parallèles, mais avec des ressorts arrière obliques, et du moteur 110 x 160 mm de 1914, fondu en deux blocs de trois cylindres, avec culasses non détachables, sept paliers, soupapes latérales (plus fiables et plus silencieuses que les soupapes en tête) et carburateur Renault double corps. Ce châssis, le plus grand de la production française, pèse 1.850 kg non carrossé. Avec le rapport final le plus long, il atteint 120 ou 130 km/h selon le poids total du véhicule. En dehors du servo-frein, il ne comporte aucune solution technique avancée : Renault a joué la carte de la fiabilité et de la robustesse.

Contrairement à Citroën, homme d'avant-garde, Louis Renault est plutôt observateur et suit de près les évolutions des autres constructeurs, s'inspirant souvent des méthodes de fabrication de ces derniers pour créer ses modèles. Cependant, Louis reste prudent et laisse le soin aux autres de tester les nouvelles technologies, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Si André Citroën se laisse séduire par la carrosserie tout-acier, Louis Renault reste sur la réserve et préfère conserver un certain classicisme dans ses productions. La 40 CV, qui existe depuis 1911, à vocation de séduire les plus nantis, et se place donc sur le marché comme un produit élitiste. C'est le rôle qu'elle tiendra tout au long des années 20.
La 40 CV est une formidable machine, qui n'est pas sans rappeler les dinosaures d'avant 1914. Longue, haute, altière, son capot en forme d'étrave lui donne des allures de cuirassé de la route. La présence du sacro-saint radiateur Renault, placé derrière le moteur, donne une hauteur d'auvent impressionnante (1,50 m), mais impossible à réduire. Les carrossiers doivent "faire avec", à une époque où le surbaissement, sinon l'aérodynamique, est à la mode. Sur ce dernier point, la 40 CV à nouveau capot sport ferait presque figure de pionnière, avec une ligne de ceinture continue de près de 5 m de long.

Charles Faroux, "pape" de la presse automobile entre les deux guerres, publie en 1924 un essai longue durée d'une 40 CV Type MC carrossée en berline, pesant 2.850 kg en ordre de marche. Il relève les chiffres suivants : 28 s sur le 400 m départ arrêté et le kilomètre en 48 s. La vitesse de 100 km/h est atteinte en 36 s aux 600 m. Le freinage paraît optimiste, avec une distance d'arrêt de 32 m à 80 km/h, de 55 m à 100 km/h et 82 m à 120 km/h. La consommation se situe entre 25 et 27 litres aux 100 km et la vitesse maximale à 140 km/h en palier sans vent. Bien entendu, il déclare la voiture comme étant "de toute première classe" et réalisée avec "un soin incomparable", ce qui est très vraisemblable étant donné le niveau de la clientèle visée par ce modèle, dont les archaïsmes sont encore vendables à une élite peu soucieuse de performances sportives. Pour les amateurs de vitesse, Renault propose une variante sport, le type KO, donné pour 145 km/h avec 140 ch et un châssis plus court.

       

On a vu que la grosse Renault a cherché pendant dix ans, de 1913 à 1923, sa formule définitive. Pourtant, quand elle est vraiment commercialisée, elle va subir encore quelques changements dictés autant par l'évolution générale de l'automobile que par des problèmes inhérents à ce mastodonte. Outre les freins avant, adoptés dès 1922, la MC 1 reçoit de plus grands tambours (420 mm contre 380 mm précédemment) et des segments plus larges pour arrêter les 3 tonnes ou presque de la bête. Au moment de son lancement, la MC bénéficie d'un contexte économique stabilisé après la crise de 1921. La croissance a repris en Europe et une élite industrielle, politique et artistique choisit la 40 CV Renault, qu'elle fait carrosser par les plus grands noms, bien que l'usine propose elle-même des berlines, des coupés-chauffeur, des cabriolets et des torpédos. La MC 1 devient le Type NM 1925 en recevant une nouvelle transmission courant 1924, sous la forme d'une boîte-pont à 3 rapports, qui permet de soulager le train avant de quelques dizaines de kilos, mais qui les ajoute au poids non suspendu. De plus, elle est dotée d'un radiateur d'huile placé entre les mains avant du châssis, bien utile pour maintenir la viscosité du lubrifiant chargé de refroidir une énorme masse de métal.

40 CV Phaéton 1923, 40 CV Torpédo Sport 1923 et 40 CV Landaulet Type MN 1926
Solido, Rio, Solido

     

La 40 CV a été essentiellement habillée par les meilleurs carrossiers, car sa clientèle d'élite recherchait avant tout l'originalité ou le confort absolu. Kellner a produit quelques scaphandriers, mais surtout des coupés-chauffeurs très prestigieux, comme Franay, Jean-Henri Labourdette, Alfred Belvallette ou Henri Binder. Les châssis les plus en vogue sont sans doute les torpédo, qui viennent concurrencer directement les Hispano-Suiza en France, mais aussi les Isotta-Fraschini italiennes, les Rolls-Royce anglaises ou les Minerva belges, les plus prestigieuses et les plus réputées du moment, surtout après 1921 lorsque la 40 CV reçoit un moteur 6 cylindres de 9.120 cm3, ce qui lui permet une puissance de 110 ch. Surbaissée, profilée, la Renault arborent des lignes qui se réfèrent encore aux véhicules hippomobiles. Labourdette a réalisé un cab-skiff (semblable au scaphandrier) et, au moins, un skiff en bois, double pare-brise à pontage articulé et capote dissimulée. Manessius, Binder, Hibbard et Darrin et Weymann ont produit des carrosseries relativement légères. Les cabriolets usine, courts et élégants, souffrent d'une hauteur excessive que Gaston Grummer a tenté de réduire visuellement en faisant descendre les portes jusqu'au niveau des marchepieds.
Le phaéton et le Landaulet furent très prisé avant les années vingt, toutefois, Renault conserva cette configuration à son catalogue. Dans les années vingt, ses carrosseries sont largement distancées par les versions berline, torpédo, cabriolets ou spider. Elles rappellent toutefois la fonction première de la voiture, projeter l'image de la grandeur de son propriétaire.

40 CV Phaéton avec malle et sans malle arrière 1926
Solido
L'une des plus étonnantes carrosseries réalisées sur le châssis 40 CV reste le type "scaphandrier" dû à la maison Kellner. Partant d'un type torpédo à pontage articulé, Kellner y ajoute un court capotage au-dessus des places arrière, réduites à leur plus simple expression et privées de glaces latérales. Discrétion assurée, mais confort relatif, car les "maîtres", propriétaires du véhicule, sont précisément assis à l'aplomb de l'essieu arrière, là où les débattements de suspension sont les plus violents !
Comme toute voiture de luxe qui se respecte, la 40 CV pouvait recevoir toutes les finitions que son acquéreur souhaitait. Sur certaines, la malle arrière était un accessoire assez fréquemment ajouté au modèle. La 40 CV peut également se débarrasser de tous ses accessoires pour devenir une bête de record. Quelques carrosserie à caractère sportif verront le jour, l'une d'elles s'adjugeant, en 1926, un nombre impressionnant de records du monde de vitesse à Montlhéry.

Type NM 40 CV des records Juillet 1926
Universal Hobbies
Parmi la clientèle de Renault figure la présidence de la République. La 40 CV Présidentielle est l'oeuvre du carrossier Kellner, maison fondée en 1860 par un ouvrier sellier d'origine autrichienne Georges Kellner. Dans les années vingt, ce sont les deux fils du fondateur, Paul et Georges, qui sont aux commandes depuis 1910 de l'entreprise Kellner Frères de Boulogne. Cette firme travailla étroitement avec Renault et de nombreux modèles de la 40 CV sont associés à ce nom.

40 CV Présidentielle 1926
Solido

La 40 CV du président Doumergue
A la fin de l'année 1926, les ventes s'essoufflent et l'usine annonce que la 40 CV ne sera plus construite que sur une seule longueur d'empattement (387 cm), vraisemblablement sur commande uniquement. La fin de carrière se fait sentir : son moteur comme son châssis ont près de quinze ans, et cette sorte de monument automobile apparaît démodé, tant par son style que par ses performances et son comportement routier. Les dernières 40 CV sortent de l'usine au cours de l'année 1928, alors que la relève est déjà prête, sous la forme de la "Renault" à 8 cylindres en ligne, fortement influencée par la construction américaine.

1925 : La fin des grandes Renault

Entre la 6 CV et la 40 CV, la gamme Renault est la plus complète du marché français, avec des 10/12 CV, 12/15 CV et 18 CV, ces dernières étant produites en quantités inversement proportionnelles à leur puissance. Renault conserve même à son catalogue des 4 cylindres de 3 et 4,5 litres, parfois produites confidentiellement sur mesures et souvent carrossées en sport pour des amateurs de vitesse et de grand tourisme. Mais il semble bien que ce type d'auto, qui exige une conduite vigilante et musclée, soit condamné vers 1925. Les candidats à l'automobile veulent du pratique, du solide, de l'économique et de l'utilitaire. L'année 1925 représente un premier tournant dans la production de Billancourt, sous la double pression de Citroën et des types américains. Les grandes Renault vont peu à peu s'effacer en faveur de types plus légers et plus maniables.
NN

    

La KZ5 et la KZ6

La NN, ou plutôt les NN (NN1 pour 1928 et NN2 pour 1929) sont des évolutions de la MT de 1924 dictées par le bon sens. Sur un châssis plus long de 20 cm, acceptant quatre places et quatre portes, Renault crée enfin une véritable 6 CV Utilitaire et familiale abordable, ce que la 5 CV de Citroën ne sera jamais, même avec ses trois places et un allongement moins radical. La mécanique reste celle de la KJ de 1922. Le moteur est une version réduite du 10 HP de la GS, mais avec une innovation importante : la culasse est détachable pour en faciliter l'entretien et la réparation. Ses 950 cm3 donnent environ 15 ch réels, bien insuffisants pour donner aux 6 CV de vraies performances, d'autant plus que la boîte n'offre que 3 rapports et qu'une voiture carrossée atteint facilement 1 tonne. Ses qualités sont ailleurs : dans une fiabilité et une robustesse quasi légendaire. L'on verra d'ailleurs couramment des NN dans les campagnes françaises jusque dans les années cinquante. L'allongement du châssis de la MT pour donner la NN perme d'augmenter encore l'offre des carrosseries d'usine. Si la torpédo est majoritairement choisie jusqu'en 1927, pour son prix inférieur, la conduite intérieure, qui la supplante peu à peu, révèle que la clientèle privilégie désormais le confort. La NN devient NN1 au Salon de 1927, avec de nouvelles carrosseries plus vastes, des ailes galbées et de nouvelles portières.

Type NN 4 places torpédo 1925
Type NN1 4 places torpédo 1927
Norev et Solido
En 1923, la Société Anonyme des Usines Renault possède un catalogue plutôt varié, qui correspond logiquement à celui d'un grand constructeur généraliste, ce qui est indiscutablement la marque de Billancourt. En haut de gamme, on trouve de confortables machines dotées de mécaniques à 6 cylindres en ligne comme les types JS ou JY (18 CV) ou les très dispendieuses 40 CV Type JD et JV-1 destinées à une clientèle d'élite. Mais la majorité de l'offre se situe dans la catégorie fiscale des 10-12 CV (les types II, KZ, JM et JT), équipées de 4 cylindres en ligne dont le potentiel s'étale de 2.120 à 2.818 cm3. Néanmoins, à partir du Salon de 1922, la firme a dévoilé la KJ, une petite 6 CV qui cherche à conquérir la frange la plus modeste des automobilistes de l'Hexagone. En effet, Louis Renault est bien conscient que, depuis l'abandon des économiques voiturettes bicylindres de 1916, la maison manque cruellement de nouveautés sur ce secteur de marché encore frémissant mais plein d'avenir. Le moteur monobloc de 950 cm3 est coiffé d'une culasse rapportée et s'accouple à une boîte de vitesses à 3 rapports grâce à un embrayage à cône cuir inversé, permettant à l'auto d'atteindre les 60 km/h. Trois ans plus tard, en 1925, apparaît pour la première fois la NN, la nouvelle venue vient conforter le catalogue 6 CV jusqu'alors représenté par le type MT.

NN, en carrosserie Torpédo, très demandé dans les années 20

Par rapport au Type MT, la Renault NN possède un empattement allongé de 20 cm, ce qui autorise le montage de carrosserie conduite intérieure à l'habitabilité acceptable. La mécanique demeure le 4 cylindres de 950 cm3 aux soupapes latérales, qui bénéficie d'un graissage sous pression, mais d'un refroidissement via deux radiateurs d'eau latéraux par thermosiphon, une technique déjà obsolète à cette époque. Trois types de carrosserie sont disponibles : la classique torpédo, une berline quatre places e un pimpant cabriolet deux portes avec spider, curieusement baptisé "Tout Temps". A partir de 1926, les ventes de la Renault NN emportant quatre passagers grignotent sans vergogne celle du Type MT, dont la capacité d'emport est limitée à trois places. Sagement, les planificateurs de Billancourt décident de concentrer la production des 6 CV sur l'unique NN. A cette époque, une torpédo coûte 15.750 francs, la conduite intérieure 18.550 francs, alors que le cabriolet "Tout Temps" s'échange contre la somme de 19.550 francs. Pour comparaison, le seul châssis nu d'une 40 CV coûte 80.000 francs. A destination d'un certain nombre d'artisans et de commerçants, le millésime 1926 de la Renault NN voit la naissance de la très fonctionnelle torpedo commerciale.

Berline semi-entoîlée de 1925

Les ailes avant d'un dessin nettement plus galbé permettent de reconnaître immédiatement une Renault NN 1927 d'un modèle de l'année précédente. Mis à part cette donnée stylistique, les modèles ne changent guère, mais ils sont enrichis de récentes fabrications impliquant de nouvelles identifications. Ainsi, il y a désormais trois versions de torpédo : Série (19.800 francs), Normal (20.800 francs) et Luxe (21.900 francs). Les conduites intérieures se subdivisent elles aussi en trois modèles : Série (23.000 francs), Rigide (25.900 francs) et Luxe (27.000 francs). La silhouette générale des Renault NN est calquée sur le reste de la production de l'entreprise, le signe identitaire fort étant le capot profilé en forme de coupe-vent, qui remplace dès 1924 le montage dit "alligator" adopté par la marque au début du siècle. Enfin, en 1928, le logotype circulaire incorporant le nom "Renault" en son centre demeurait fixé sur les capots des Renault de la catégorie 6 CV, 10 CV et 15 CV, alors que l'écusson en forme de losange était adopté dès 1925 sur le haut de gamme 40 CV, puis en 1926 sur les modèles Type NE 15 CV Luxe et Type MG 18/22 CV. En 1927, le célèbre losange est adopté définitivement sur tous les capots des produits de Billancourt.

      

En 1926, l'empattement de 265 cm permet la construction de vastes berlines.
Renault proposera aussi une NN camionnette décapotable dite "marchande"

Coupé NN de 1926

Techniquement parlant, les automobiles voulues par Louis Renault ne font preuve d'aucune audace particulière, le patron ayant la réputation de n'utiliser que des solutions largement éprouvées, même si elles datent souvent les produits de la marque par rapport à ceux de la concurrence. Le châssis de la NN est constitué de longerons en tôle d'acier emboutis en forme de U, fermés à l'avant et à l'arrière. On découvre par ailleurs trois traverses, dont une en "chapeau de gendarme" à l'aplomb de l'essieu arrière. Les suspensions avant comme le reste des choix techniques restent d'un concept ancestral. Un essieu rigide en acier forgé est suspendu à l'aide de deux ressorts à lames semi-elliptiques. Quatre amortisseurs à friction feront leur apparition sur la Renault NN2 de 1929. Assuré par des tambours, le freinage est activé par un dispositif à câble. Le frein de parking utilise aussi ce mode de fonctionnement mais n'agit que sur les roues arrière. Ces dernières sont du type à voile plein en acier d'une allure assez austère. Par bonheur, sur les deux derniers millésimes de production, les roues intègrent un petit enjoliveur chromé central, souvent entouré d'un double liseré de couleur en contraste avec le fond, ce qui améliore grandement la présentation.
Dès 1927, la Renault NN va trouver le moyen de faire parler d'elle. En janvier, le lieutenant Estienne, un dynamique officier colonial, quitte Oran seul aux commandes de sa petite torpédo NN. Il s'enfonce alors vers le sud, en direction de Bamako, Cotonou et Fort Lamy. Trente-six jours plus tard, il a parcouru 36.000 km. Ce voyage a pour but principal l'étude sur place d'une éventuelle liaison automobile régulière, afin de palier l'absence de chemin de fer entre l'Algérie, le Sénégal et le Dahomey. Le raid prouve également la fiabilité et la robustesse de la NN, en dépit de sa frêle silhouette et de son minuscule 4 cylindres. L'exploit ne manquera pas d'être exploité par Renault, via des affichettes présentant le profil d'une torpédo sur fond de carte africaine.

NN, habillée par la carrosserie Lavocat et Marsaud en 1928, en roadster trois places

L'année 1928 voit la petite 6 CV adopter le nom de NN1 ainsi que des pare-chocs avant et arrière faits d'une simple lame en métal chromé. Avec le type KS 2 10 CV, la voiture est la dernière des sept modèles du catalogue à conserver une mécanique à 4 cylindres. Curieusement, la tendance future (poussée par la mode du moment pour ce genre de motorisation) est désormais à l'architecture 6 cylindres,qui n'est donc plus exclusivement réservée à la dispendieuse 40 CV. Témoin la Monasix Type RY, dont le 6 cylindres en ligne ne dépasse pas les 1.476 cm3. 1929 est l'ultime millésime pour la 6 CV, nommée alors NN2. Le modèle a parfaitement rempli sa mission de véhicule d'attaque au sein d'une stratégie tarifaire bien comprise des consommateurs concernés. Dès 1930, le catalogue 4 cylindres est uniquement représenté par le Type KZ 4, une machine beaucoup plus bourgeoisie animée d'un groupe d'une cylindrée de 2.120 cm3. Le moteur 4 cylindres en ligne fera néanmoins un brillant retour chez Renault à la veille de la guerre en 1939. En effet, il occupera la salle des machines de pas moins de cinq modèles sur les huit du catalogue général. La NN2 sera remplacée par les Monasix et Monastella, des petites 6 cylindres apparues dès 1928. Ces dernières n'auront cependant pas l'endurance des NN.

La NN intéressa également la gente féminine

1926 - 1930

Au faite de sa puissance et auréolé de la gloire d'avoir contribué à gagner la première guerre mécanique, Louis Renault doit faire évoluer sa technique à partir de 1925, poussé par le concurrent Citroën, et s'adresser à une clientèle populaire. Dès lors que les effets de la production en très grande série sont démontrés en France, à partir de 1922, notamment par le fait que l'automobile populaire existe désormais et qu'elle crée son marché, Louis Renault doit s'aligner. A partir de 1925, Renault va développer ses gammes basses (6 et 10 CV) et accélérer l'implantation des méthodes de fabrication en grande série, sans toutefois radicaliser ses choix comme Citroën, qui, pour accroître les cadences, adopte la carrosserie tout-acier, le soudage électrique et le type unique fin 1926. Louis Renault, plus conservateur, plus prudent et peu enclin à passer sous les fourches caudines des détenteurs de brevets incontournables, entretient un lent mouvement de modernisation réglé sur la cadence des solutions maison auxquelles il donne, systématiquement, la préférence. Maître de ses ressources financières, il peut se permettre d'entretenir une gamme large - unique dans la production française - de 6 à 40 CV, même si cette dernière catégorie s'appuie sur une technique remontant à 1914. Deux types de base vont assurer l'essentiel de la production : la 6 CV et la 10 CV Renault, qui encadrent les 5 et 8 CV de Citroën plus qu'elles ne les menacent directement. née en 1922, la 6 CV, d'une robustesse légendaire, s'allonge en 1925 pour devenir NN, qui, elle-même, devient NN1 et NN2 au Salon 1927, avec des carrosseries modernisées et un châssis surbaissé. Ce cheval de bataille, qui va être produit jusqu'à la fin de l'année 1929, est très apprécié par les provinciaux pour sa discrétion et sa solidité, et malgré des performances très limitées par un rapport puissance/poids constamment détérioré. La KZ 10 CV, née fin 1923, évolue parallèlement en devenant KZ1 au Salon de 1926, avec (enfin) une culasse détachable et un cadre de châssis surbaissé. La mécanique subira peu de changement jusqu'en 1930, mais les carrosseries, répondant aux demandes du marché en faveur de voitures fermées plus confortables, deviennent plus vastes, plus silencieuses, mieux équipées et plus arrondies. Le style montre le bout de son nez.
En 1925, les grosses 6 cylindres héritées des années dix sont en sursis avec une production confidentielle. La relève apparaît au Salon 1926 avec la PG, une 15 CV dont le châssis ancien reçoit un nouveau 6 cylindres aux côtés du 4 cylindres KZ. Les anciennes et nouvelles 15 CV coexistent pendant l'année 1928, mais la première est en sursis, tandis que la seconde devient la Vivasix, appelée à une longue carrière. Mais l'évènement du Salon 1927 est l'apparition d'une petite 6 cylindres destinée à contrer la B14 de Citroën. La NN2 ayant révélé sa sous-motorisation, Renault cède à la mode du petit 6 cylindres en proposant la Monasix, une 8 CV qui reprend châssis et caisses des NN2 avec un moteur souple et silencieux, un embrayage à disque moins brutal et un servofrein. Les carrosseries sont très soignées, à défaut d'être des tout-acier. Avec la Vivasix, la Monasix rencontre au début un bon succès, malgré des performances routières médiocres. Mais la clientèle, séduite par un 6 cylindres bon marché, se rend compte que l'entretien est plus coûteux : 4 paliers, 6 bielles, 6 pistons, 12 soupapes à roder coûtent 50 % de plus que pour un "4". Pour les tirer vers le haut du marché, la Monasix et la Vivasix deviennent au Salon 1928 respectivement la Monastella et la Vivastella (série Luxe) en perdant leur caractère de voiture populaire.
Au Salon de Paris 1928, les visiteurs ne trouvent plus les anciennes 15 CV 6 cylindres, ni la monumentale 40 CV, remplacée par la nouvelle 8 cylindres en ligne à moteur 7 litres appelée Renahuit, puis Reinahuit et enfin Reinastella. Autre surprise : le radiateur de la grande Renault est à l'avant, sous un capot dont la forme générale rappelle celle de la 40 CV. Peu à peu, le style et l'architecture de la Reinastella vont être appliqués aux gammes inférieures et les derniers capots en étrave s'effacent courant 1929. La bonne vieille NN disparaît aussi sans avoir connu le nouveau style. Les carrosseries perdent de leur raideur sous l'influence des stylistes américains. En cette fin de 1929, la prospérité est encore à l'ordre du jour, mais les plus avertis savent qu'une crise économique majeure va frapper l'Europe. Revenons sur ces modèles...
Monasix
Depuis l'impressionnant Type AR de 50 CV datant de 1908, Renault propose au sein de son catalogue général une mécanique 6 cylindres en ligne de 9.500 cm3. En 1928, la firme décide d'élargir son offre en créant nouveaux modèles baptisés Monasix et Vivasix, tous deux animés d'un 6 cylindres. Ce type de moteur est désormais majoritaire au sein des propositions du constructeur au losange, avec des cylindrées, certes fort variées, allant de 1.476 cm3 pour la Monasix à 9.120 cm3 pour le prestigieux Type NM de 40 CV.

   

Les visiteurs du Salon de Paris d'octobre 1927 découvrent étonnés la Renault Monasix, une petite berline bâtie sur un empattement de 265 cm, propulsée à l'aide d'un 6 cylindres tout aussi modeste. En effet, avec une cylindrée ne dépassant pas 1.476 cm3, l'auto se positionne dans la catégorie fiscale des 8 CV. Le châssis de la nouvelle venue n'est pas un élément inconnu, puisqu'il s'agit de celui de la Renault Type NM 6 CV. La construction de la Monasix symbolise parfaitement un certain conservatisme propre aux produits de l'Île Seguin : ressort transversal à l'arrière, freinage par un système à câbles... En revanche, l'allumage passe désormais par une batterie, à l'instar de toutes les séries à 6 cylindres du groupe. Dire que le stylisme de la Monasix s'intègre parfaitement à l'esthétisme général de la marque relève de l'euphémisme. Principal signe identitaire fort : le capot dit de forme "alligator", impliquant le radiateur placé transversalement en arrière du moteur, selon une habitude adoptée dès le Type U de 1904. Pour l'occasion, Renault a abandonné les dénominations de ses modèles par le chiffre de leur puissance fiscale, en faveur de noms à la consonance agréable tels que Monasix, Vivasix. Si la Monasix surprend le microcosme professionnel de l'automobile par la taille de son moteur, on ne peut pas affirmer qu'elle enthousiasme les consommateurs. Maigre consolation, la Compagnie Générale des Voitures à Paris se rend acquéreur en 1929 d'une flotte de Taxi Monasix G3 Type SO, dont l'équipement varie par rapport à celui du modèle destiné à la clientèle traditionnelle, le Type RY1. En effet, le taxi Monasix est livré sans pare-chocs ni optiques. Ces dernières sont remplacées par des lanternes latérales fixées sur les montants de pare-brise. Quant à la caisse, elle se recouvre d'une teinte vert foncé rappelant celle choisie pour les autobus parisien. Cette même année, l'appellation "Stella" est créée pour désigner une version haut de gamme du catalogue 6 et 8 cylindres. La Monasix ainsi traitée se nomme alors Monastella.

En 1930, selon un changement pratique sur toute la gamme Renault et initié dès 1929 sur la Reinastella, le radiateur de refroidissement émigre à l'avant, ce qui nécessite un nouveau dessin de calandre. Celle-ci est désormais munie de fentes horizontales. A cette date, le catalogue Monasix comporte cinq modèles : une torpédo, une conduite intérieure normale, une conduite intérieure luxe, une conduite intérieure commerciale et une torpédo commerciale. Le capot moteur des Monasix millésime 1931 reçoit des persiennes latérales afin de faciliter l'écoulement des calories, et le minuscule 6 cylindres de 1.476 cm3 voit sa puissance passer de 26à 33 ch. La Renault Monasix quitte définitivement la scène commerciale en 1932. Désormais, la Monaquatrre Type UY, équipée d'un 4 cylindres de 1.299 cm3, la remplace en faveur des bons de commandes les plus populaires. Cette sage décision n'est pas sans rapports avec les effets dévastateurs de la grande crise économique, qui ravage à cette époque les pays industrialisés. Les mécaniques 4 cylindres reviennent en force au sein du catalogue Renault (Monaquatre, Primaquatre, Vivaquatre). Seuls deux modèles, la Primastella et la Vivastella, conservent un groupe à 6 cylindres. La gamme Monastella figure encore sur le stand du constructeur lors du Salon de Paris d'octobre 1931, mais ne sera pas reconduite en 1933.

Vivasix

Exclu maintenant de façon peu réfléchie de la liste des grandes marques de luxe, Renault n'est pas considéré dans les années vingt comme un constructeur de voitures dites populaires. Son prestige de pionnier, ses grands succès en course, sa participation à l'effort de guerre, le fait qu'il ne cultive pas la production de masse ni la recherche proclamée du prix minimal auréolent d'une touche de luxe, sinon d'exclusivité, jusqu'à ses plus modestes productions comme les 6 CV. On le constate notamment dans le traitement des intérieurs, où l'on trouve du bois vernis et des cuirs et draps de qualité même dans les modèles bas de gamme. Jusqu'à un différentiel de cylindrée qui, au prix d'un coût à l'achat et d'une taxation à la possession supérieurs, apporte un supplément de fiabilité et d'endurance à l'usage qui fera des Renault des voitures qui durent. Cette philosophie caractérise bien la gamme moyenne de Billancourt apparue au Salon de 1926 sous le nom de 15 CV, à côté des anciennes 15, 18 et 40 CV conçues en fait avant 1920 et proches de leur fin. Evolution plus que révolution, les nouvelles 6 cylindres moyennes de Renault semblent s'inscrirent dans une modernisation raisonnée par rapprochement avec les types de grande série, les 6 et 10 CV. D'abord par leur moteur, qui reprend, outre les cotes de celui de la 10 CV, nombre d'organes de cette 4 cylindres, notamment les bielles, pistons et soupapes, et certains accessoires comme le dynamoteur (dynamo-démarreur combiné).

    

Sans faire de bruit, Renault rationalise et limite ses coûts. Avec la nouvelle 15 CV, il crée une grosse 10 CV, vaste et lourde, solide et bien finie, mais son positionnement médian entraîne d'abord une incertitude quant à sa définition technique. Ce sont en fait deux 15 CV qui sont proposées, l'une dont le châssis s'inspire de la 40 CV, avec 355 cm d'empattement, des ressorts cantilever obliques (type PL) auxquels est ajouté un transversal (type RA) et 4 vitesses, et l'autre, issue de la KZ 10 CV, avec un empattement de 326 cm, un simple ressort transversal et 3 vitesses. La première, le type PL/RA ou châssis Luxe, trop lourde (1.680 kg en châssis nu) et trop coûteuse, ne vit que deux ans. Paradoxalement, ce châssis, le plus ancien, est équipé d'un embrayage à disque. La seconde, type PG (950 kg en châssis nu) avec embrayage à cône, devient PG1 et reçoit le nom commercial de Vivasix au Salon de Paris 1927. C'est le début d'une carrière de plusieurs années attestant que le type est bien mieux ciblé. Curieusement, la première Vivasix conserve les trois ressorts arrière de la RA, système lourd et d'un entretien compliqué en raison des multiples articulations qu'il comporte. Grâce à une sage évolution technique, empruntant aux types inférieurs et supérieurs, le type PG va survivre jusqu'en 1932, voire au-delà sous al forme des Primastella.

PG-2 Vivasix 1929
Norev
Au Salon de 1928, Renault propose une version PG2 et une variante luxe appelée Vivastella, mieux finie et mieux équipée, alors qu'il lance la Renahuit (ou Reinahuit) avec radiateur frontal, qui fait vieillir les autres types. La remise à niveau ne tarde pas. Dès le Salon 1929, toutes les Renault reçoivent le radiateur avant protégé par une calandre peinte dans le ton de la caisse avec de fines barrettes horizontales, les 6 cylindres bénéficiant de volets thermostatiques horizontaux comme la 8 cylindres. La Vivasix perdra cet équipement au cours de 1930. L'allègement (gain de 100 kg) se poursuit par raccourcissement du châssis normal à 310 cm d'empattement et abaissement du cadre. La PG4 Vivasix modèle 1931 est livrable en version normale ou luxe, outre la Vivastella. Les prix de la berline, qui débutent à 33.000 francs, placent celle-ci en meilleure position face à la C6 de Citroën. En cette période d'incubation de crise, la guerre commerciale va se livrer provisoirement à coups d'équipements, en attendant l'irruption de concepts plus radicaux, annonciateurs des temps modernes.

En allégeant et en simplifiant sa Vivasix, Renault se trouva mieux armé face aux nouvelles Citroën AC6, vendues entre 32.000 et 38.000 francs au Salon 1928, bien que les deux "Six" ne fussent pas directement concurrentes : la Vivasix était imposée pour 16 CV, la C6 pour 14 CV, et la différence de cylindrée était de 800 cm3 en faveur de la Renault, au moteur plus lent et plus souple. Les victimes de cette "guerre" entre les deux grands constructeurs français, arbitrée par les 6 cylindres américaines, furent les constructeurs de types de luxe en petite série. En modernisant peu à peu la PG, Renault faisait face sans problème.

La nouvelle calandre masquant le radiateur frontal arrive en 1929

Pour 1931, Louis Renault modernisa enfin ses 6 cylindres en adoptant l'ensemble moteur-boîte avec embrayage à disque. Il abandonna donc le volant-moteur ventilateur et sépara la dynamo et le démarreur.

Primaquatre
Le 29 décembre 1930, Louis Renault, accompagné de sen fidèle Charles Edmond Serre, convoque, sur l'immense site industriel de Billancourt, les agents et concessionnaires de la marque au losange, afin de leur faire découvrir la nouvelle quatre cylindres maison, codée KZ6, bientôt baptisée Primaquatre.
A l'aube des années trente, la grande usine de l'île Seguin, située en bordure du Bois de Boulogne, au sud-ouest de Paris, est édifiée avec passion selon les directives de Louis Renault. Mis en service dès la fin de 1929, ses ateliers accueillent chaque jour 30.000 ouvriers qui rejoignent les commandes des 15.000 machines-outils nécessaires à la production de 30.000 véhicules environ par an. Dans ce vaisseau géant ancré sur la Seine, la conception de la Primaquatre relève du puzzle. Pour gagner en vivacité, les ingénieurs maison greffent la mécanique 10 ch de la volumineuse KZ sur le châssis de la Monasix, lequel supporte une carrosserie de dimensions modestes. Une formule simpliste mais efficace qui peut se résumer ainsi : moteur puissant + caisse légère = surpuissance et comportement positivé. Le châssis de la Primaquatre, comme nous l'avons déjà dit, provient de la Monasix, châssis lui-même issu de la 6 CV NN. L'architecture consiste en deux longerons en forme de U, réunis par cinq barreaux et une entretoise à l'arrière. L'essieu avant est du type rigide, suspendu par deux ressorts semi-elliptiques, le pont arrière banjo est coiffé d'un ressort transversal à lames. Malheureusement, les freins à tambours restent tristement actionnés par des câbles.

Primaquatre, première version, avec calandre en coupe-vent, sans pare-chocs

Fidèle à sa tradition de frilosité technique, Louis Renault fait appel, pour motoriser la Primaquatre, à une solution éprouvée, le quatre cylindres 11 ch, dont la conception remonte en effet à l'été 1919. Ce groupe, connu sous le code usine 85, connaîtra une carrière unique, puisque réalésé en 1935 (2.383 cm3 et 52 ch), il finira sa longue vie sous le capot des Renault Colorale. Pour l'heure, ce bloc aux soupapes latérales de 2.120 cm3 délivre 35 ch au régime de croisière extrêmement paisible de 2.750 tr/mn. Afin de contrer le brevet Chrysler du "moteur flottant", adopté par son sempiternel concurrent André Citroën, Louis Renault lance la mécanique à "suspension amortie". Des blocs de caoutchouc s'interposent entre le châssis et le bloc moteur afin d'atténuer les vibrations parasites.

Primaquatre, seconde version, avec calandre plate, dévoilée en 1932.

En dévoilant sa gamme Primaquatre, Louis Renault renoue ainsi avec les motorisations à 4 cylindres qu'il avait imprudemment négligées en faveur des mécaniques 6 cylindres représentées par les modèles Monasix et Vivasix. ce revirement technologique permet à la marque de Billancourt de lutter plus efficacement contre une concurrente redoutable issue du quai de Javel, la Citroên C4.
En 1938, Renault organise une opération publicitaire afin de prouver la fiabilité de la voiture. Une berline Primaquatre s'élance sur l'autodrome de Montlhéry, et tourne sur l'anneau de ciment durant 50 longues heures à 131,060 km/h de moyenne. Citroën avait déjà mené de tels exploits au début des années trente.
En quatorze années de carrière, la Primaquatre endosse plusieurs types de robe qui suivent l'évolution stylistique du temps. Les modèles 1932 reçoivent une calandre plate et des pare-chocs. La mode de l'aérodynamisme conquérant, qui sévit pesamment en ce milieu des années trente, pousse les dirigeants de Renault à équiper la voiture d'un capot à volets et d'une calandre inclinée, cette dernière plagiant celle de la Lincoln zéphyr de l'année modèle 1937. La gamme Primaquatre, prévue large, ne propose pas moins de onze modèles aux consommateurs durant sa longue présence sur le marché : berline de tourisme, berline commerciale, cabriolet deux places, coach décapotable, coupé deux places, coach tous temps, faux cabriolet, torpédo tourisme, torpédo commercial, conduite intérieure, conduite intérieure deux portes. Les dernières Primaquatre quittent les ateliers de l'île Seguin en 1945, uniquement carrossées en berline et enfin munies de freins hydrauliques Lockheed.
Monaquatre
Au Salon Automobile de Paris 1931, le stand de la Société Anonyme des Usines Renault accueille une nouvelle venue baptisée Monaquatre, ou plus froidement Type UY, qui va mener au sein du catalogue de la marque une existence aussi discrète qu'éphémère. La Monaquatre remplace la Monasix, une automobile de taille modeste lancée en 1928, curieusement animée d'un petit 6 cylindres en ligne de 1.476 cm3. Cette proposition n'était pas parvenue à séduire les consommateurs. C'est sur cette liste de modèles définis pour la saison 1932, pourvus de 4, 6 et 8 cylindres, que Louis Renault va bâtir toute sa stratégie, jusqu'à l'interruption de la production due à la déclaration de la guerre.

Monaquatre, à calandre plate, de 1932

La Monaquatre s'adresse à une clientèle aux ressources financières limitées et occupe logiquement le créneau bas de gamme du constructeur de Billancourt. Mais, cette fois, comme l'indique le patronyme de l'auto, le cpot abrite un 4 cylindres en ligne de 1.299 cm3 d'une puissance fiscale de 7 CV. Le modèle partage sa carrosserie avec sa soeur Primaquatre (Type KZ 8, 4 cylindres, 2.120 cm3, 11 CV) à calandre plate divisée en son milieu par un jonc chromé, à l'exclusion des pare*chocs, qui sont dans le cas présent de simples tubes laqués noir. Il existe pas moins de six carrosseries : la berline normale, la berline luxe, le faux-cabriolet normal, le faux-cabriolet luxe, la berline commerciale et enfin le torpédo commercial. Précisons que les caisses Renault relèvent d'une construction mixte faite de tôle d'acier fixée sur un bâti en bois, une méthode dépassée en 1932 par la technique dite du "tout-acier" prônée par al firme américaine Budd et rapidement adoptée en France par André Citroën.

Pour la saison 1933, en plus des type UY1 7 CV, la série Monaquatre se dote d'une nouvelle gamme, au nom de code YN1 8 CV, car la cylindrée du moteur est poussée à 1.464 cm3. La finition est plus soignée, les roues reçoivent des enjoliveurs chromés, et les voitures se voient dotées d'un pare-chocs simple lame en métal chromé. Une conduite intérieure avec malle fait son apparition ainsi qu'un élégant coach Sport lui aussi doté d'une malle extérieure. Après le mois de janvier 1933, les Renault Monaquatre abandonnent la calandre plate en faveur d'un dessin en coupe-vent très à la mode à cette époque. Le capot troque les fentes d'aération au bénéfice de volets ouvrants. Le châssis à longerons parallèle est constitué de tôles embouties. La suspension avant à essieu rigide incorpore des ressorts longitudinaux à lames. A l'arrière, un simple ressort transversal tient compagnie à un pont rigide. Le dispositif de freinage est encore du type mécanique à câbles. La direction, quant à elle, adopte un système classique à vis et secteur. Le courant des carrosseries dites "aérodynamiques", initié de l'autre côté de l'Atlantique par la Chrysler Airflow, influence nombre de firmes françaises, y compris Renault. Outre les extravagantes 6 ou 8 cylindres Grand Sport hyperaérodynamiques, la toute récente Celtaquatre, dévoilée en 1934, se ressent de cette nouvelle donne, tout comme la Monaquatre Type YN3, à la calandre soudainement inclinée et aux ailes maintenant enveloppantes. Cette tendance symbolisant le mouvement même à l'arrêt s'accentue de nouveau l'année suivante, grâce à une partie arrière fuyante et des fentes de capot étirées, soulignées par un jonc en métal inoxydable.

La Renault Monaquatre disparaît du catalogue général en 1936. Les modèles 4 cylindres sont désormais représentés par les séries Celtaquatre, Primaquatre et Vivaquatre. Signalons qu'une version extrêmement dépouillée de la Celtaquatre, baptisée Celtastandard, livrée sans pare-chocs, sans aucun chrome, avec un seul essuie-glace et reposant sur de vilaines roues à rayons peintes est proposée au tarif de 13.900 francs. L'expérience ne sera pas renouvelée au-delà de 1937. La Monaquatre n'aura été qu'une brève parenthèse de quatre années parmi les nombreux modèles de la marque dotés d'une mécanique 4 cylindres, un type de motorisation adopté dès 1903. La Primaquatre, par exemple, lancée en 1931 et construite jusqu'en 1940, semble avoir laissé un souvenir bien plus vivace.
Reinastella
A partir du millésime 1929, la Renault Reinastella Type RM a la lourde responsabilité de succéder à la mythique 40 CV, qui représentait jusqu'alors tout le savoir-faire de la marque au losange en matière d'automobiles de très grand luxe.

En 1911 apparaît pour la première fois au catalogue de Renault la célèbre 40 CV Type CG, une machine dotée d'un 6 cylindres en ligne destinée à une clientèle aisée à la recherche à la fois de performances et de confort. La voiture découle directement du Type AR de 1908, qui accueillait le premier 6 cylindres en ligne produit par le constructeur, une impressionnante pièce de fonderie de 9 litres de cylindrée d'une puissance nominale de 50 CV. La cylindrée fut ramenée à 7.540 cm3 sur la version BH de 1910, puis définitivement rebaptisée 40 CV à partir de la saison 1911. L'ultime 40 CV assemblée au sein des ateliers de Billancourt, le Type NM de 1928, est bâtie sur un empattement conséquent de 387 cm. Le potentiel issu des 9.120 cm3 du 6 cylindres n'est pas superflu afin de déplacer un engin qui accuse 2.700 kg sur la balance. Au Salon de Paris d'octobre 1928, les visiteurs découvrent le nouveau vaisseau amiral de la flotte Renault, le Type RM, plus poétiquement dénommé Reinastella. Cette fois, le majestueux capot de la nouvelle venue abrite un 8 cylindres en ligne disposant d'un rassurant vilebrequin à 9 paliers. Le nombre de cylindres, à cette époque, convient parfaitement aux automobiles bien nées. Il s'agit néanmoins d'une architecture mécanique jusqu'alors inconnue pour Renault dans le domaine de la voiture particulière. Avec 7.125 cm3, la cylindrée est en baisse par rapport à celle de la 40 CV, mais l'empattement fixé à 371 cm autorise la réalisation d'élégante carrosseries.

Reinastella RM2 1932 et 1934
Norev, Solido, Solido et Solido
Outre la berline à la partie arrière découvrable ou la conduite intérieure sept places livrées par les ateliers spécialisés de l'usine, de nombreux carrossiers extérieurs de renom proposent leurs services pour habiller le châssis de la Reinastella. Citons Letourneur et Marchand, les stylistes américains installés à Paris Hibbard et Darrin, Binder, Weymann, Million-Guiet, Grummer ou encore Kellner. Ce dernier se distingue en dessinant un curieux coupé de ville baptisé "Scaphandrier", dont la surface occupée par les passagers arrière est abritée par une bulle protectrice formant une sorte de cockpit. L'aspect des Renault de la saison 1930 est largement modifié par l'adoption du passage du radiateur à l'avant, ce qui nécessite la création d'une calandre divisée en deux parties et munie de fentes d'aération horizontales. Noblesse oblige, des volets thermostatiques mobiles sont montés sur les trois modèles haut de gamme de la maison, la Vivastella, la nouvelle Nervastella et bien sûr la Reinastella. Contrairement à celle de ses soeurs plus populaires, la calandre de la Reinastella n'accueille pas le losange symbole de la marque.

Reinastella RM 1929
A cette époque, Louis Renault possède un catalogue automobile fort varié, puisqu'il offre au consommateur un modèle 4 cylindres, quatre modèles 6 cylindres et deux modèles 8 cylindres. Afin d'améliorer l'évacuation des calories, le capot d'ouïes verticales. Les deux lames du pare-chocs sont reliées entre elles par quatre formes, contrairement aux Nervahuit et Nervastella qui n'en comprennent que deux. Cette même année, en plus des versions "tourisme", la gamme Reinastella s'enrichit d'une proposition "grand Sport", dont la principale nouveauté réside dans le montage d'une boîte de vitesses à 4 rapports, un dispositif encore bien rare à cette époque.

Si les automobiles Renault millésime 1932 animées d'un 4 cylindres, soit les séries Monaquatre, Primaquatre et Vivaquatre, s'habillent d'une calandre plate constituée en deux surfaces grâce à une baguette chromée, on découvre sur les versions à 6 et 8 cylindres une gracieuse grille en forme de V. Signalons que ce dessin très élégant est un total plagiat de celui imposé dès 1931 par el bureau de style de la Chrysler Corporation et élaboré par le styliste Herb Weissinger en faveur des très belles Chrysler Six, Eight, De Luxe Eight et Imperial Eight. Autres changements esthétiques : les flancs de capot abandonnent les fentes de refroidissement pour des volets ouvrants. La Reinastella conserve les deux versions de la saison précédente, "Tourisme" et "Grand Sport", cette dernière appellation se transformant en Reinasport à partir du millésime 1932.

      

Par sa qualité de fabrication et les tarifs figurant au bas des bons de commandes, la Renault Reinastella demeure une machine d'exception. En 1932, une conduite intérieure sept places coûte 150.000 francs, ou 140.000 francs en version cinq places en finition "Tourisme". Le pris de celle-ci grimpe à 160.000 francs si cette dernière configuration est livrée au sein du catalogue "grand Sport" ou désormais Reinasport. Le record est atteint par le très joli coupé deux portes quatre glaces Reinasport, aux épais bourrelets de ceinture de caisse autorisant une peinture deux tons, pour lequel l'amateur doit débourser 170.000 francs, alors qu'une berline Monaquatre quitte la concession après le versement de 18.400 francs.

      

Grande berline, la Reinastella viendra côtoyer les grandes Hispano ou longues Mercedes dans les hôtels particuliers ou dans les remises des plus grands hôtels. Bien sur, comme la 40 CV, la Reinastella trouvera aussi sa place dans la cour de l'Elysée. En raison de son statut élitiste, la Reinastella rencontra une maigre concurrence parmi les constructeurs nationaux généralistes. Citons néanmoins la Peugeot 22 CV Type 184 millésime 1931. D'une grande qualité de fabrication, vendue aux prix de 165.000 francs en berline Grand Luxe ou 120.000 francs en châssis nu, la voiture abritait sous son long capot un 6 cylindres en ligne sans soupapes d'une cylindrée de 3,7 litres développant 80 ch. Bien sûr, Delage, Bugatti, Voisin, Hispano-Suiza, delahaye ou Talbot s'adressaient également à une clientèle riche et exigeante.

Reinastella de l'Elysée
Apparue en octobre 1928, la Reinastella ne connaîtra pas la longévité de sa devancière. La crise économique est l'une des principales causes de sa courte vie, sa production s'achevant en 1933 après 384 exemplaires. Ajoutons à ce décompte les 20 Reinasport de 1934, les Types ZS. Contrairement à la Reinastella de série ou les versions Grand Sport, la Reinasport possédait le châssis de la Nervastella et disposait d'une conduite à gauche.

      

A partir de la saison 1933, les automobiles Renault adoptent enfin la colonne de direction à gauche, à l'exception de... la Reinastella. La voiture quitte les ateliers de Billancourt, à un rythme ultra-confidentiel, en configuration conduite intérieure à quatre ou six glaces, et aborde son ultime année de commercialisation. Elle est maintenant équipée d'optiques profilées chromées et d'un épais pare-chocs à lame unique, renforçant encore davantage la ressemblance avec la Chrysler. Les machines de luxe Renault à la mécanique 8 cylindres de 7 litres de cylindrée du millésime 1934 sont désormais uniquement représentées par les modèles Reinasport. C'est donc la dernière occasion de commander une auto propulsée par ce groupe, certes d'une technique déjà datée en 1934 mais représentative d'une touchante époque finissante. Heureusement, l'année suivante, une nouvelle mouture du 8 cylindres en ligne aux soupapes toujours latérales est encore présente, mais prend comme nom la cote de l'alésage : "85". La cylindrée tombe à 5.448 cm3, soit 31 CV fiscaux. Ce moteur s'abrite sous les capots des Nervastella, Nervasport et Nerva Grand Sport, à la carrosserie totalement empreinte des influences aérodynamiques qui font fureur chez nombre de constructeurs.

Reinasport
En dépit de la conjoncture économique extrêmement défavorable découlant du krach de 1929, Louis Renault, à l'instar de certains de ses compétiteurs, conserve à son catalogue des automobiles de très haut de gamme réservées à une élite. L'année 1933 est sans conteste une période difficile pour le commerce automobile et l'industrie en général. Les effets pervers de la grande crise américaine sont désormais présents dans tous les pays du monde. Certes, pour un constructeur possédant une gamme complète et variée comme Renault, la résistance est meilleure. En effet, la petite Monaquatre Type UY1 4 cylindres placée dans la catégorie fiscale des 7 CV permet d'atteindre les consommateurs les plus modestes. Néanmoins, pour une clientèle qui, malgré ces temps difficiles, ne souffre d'aucune restriction monétaire, la firme de Billancourt maintient au sein de ses fabrications une offre prestigieuse à 8 cylindres. Depuis 1930, la nouvelle Reinastella, une automobile d'une formidable qualité de construction, dotée d'un moteur à 8 cylindres alignés d'une incroyable cylindrée de 7.125 cm3, représente ce très haut de gamme. La machine peut atteindre 180.000 francs alors qu'une Renault Type NN2 coûte à la même époque 17.500 francs. Pour 1933, les carrosseries des Renault bénéficient de quelques aménagements, notamment à l'endroit du pavillon et des panneaux de custode, et les pare-chocs sont d'un dessin à barre unique. Tous les majestueux capots des Renault à 6 et 8 cylindres s'ornent maintenant de volets ouvrants au lieu de crevés verticaux. Depuis 1932, l'offre Reinastella Type RM2-3 8 cylindres est accompagnée d'une version "Grand Sport" baptisée Reinasport. Dès 1933, cette dernière possibilité constitue un catalogue à part entière.

La Reinasport utilise la mécanique 7 litres de 130 ch de la Reinastella ainsi que son châssis de 335 cm ou 359cm d'empattement. Mais, contrairement à cette dernière, sa colonne de direction se place à gauche, sa boîte de vitesse accueille un dispositif de synchronisation et, si le système archaïque de freinage mécanique est maintenu, il dispose désormais d'un servo. En 1934, elle aborde déjà son ultime saison commerciale, en utilisant le châssis et nombre d'éléments de carrosserie de la grande soeur Nervastella, le type Reinastella disparaissant du catalogue général. La Reinasport Type RM6 conserve le 8 cylindres d'un potentiel de 7.125 cm3 délivrant135 ch et se positionne dans la catégorie fiscale élitiste des 41 CV. Le modèle se distingue esthétiquement par sa calandre en position avancée. Son allure et sa forme en V, adoptée dès 1932, sont fortement inspirées des Chrysler américaines. Ses très élégantes roues à rayons sont chaussées de pneumatiques de taille plus conséquentes : 700 x 18 au lieu des dimensions traditionnelles de 15 x 45.

Trois configurations de carrosserie sont proposées au sein du catalogue Reinasport 1934. Une berline six glaces dont la longueur du pavillon crée un incontestable déséquilibre général des lignes, une lourdeur particulièrement notable sur la partie arrière au niveau du placement de la roue de secours. Bien que la dimension plus réduite du toit l'amenuise, ce même défaut plastique est présent sur la conduite intérieure quatre glaces. Le coach décapotable cinq places, qui par sa distinction s'illustre dans de nombreux concours d'élégance du moment, s'avère beaucoup plus équilibré. Il faut préciser que la Renault Reinasport est livrable en deux dimensions d'empattement : 335 cm pour la cinq places, 359 cm pour la sept places. Le poids des modèles kilos superflus, le groupe mécanique de plus de 7 litres de cylindrée parvient a emmener la Reinasport à la vitesse maximale de 150 km/h, une performance considérée comme conséquence en 1934.

Reinasport 1934
Nervahuit
Présentée lors du Salon d'octobre 1930, la Nervahuit Type TG1 relevait d'une tentative commerciale ayant pour but d'écouler une machine équipée d'un 8 cylindres identique à celui de la Nervastella, mais d'une finition simplifiée et donc meilleur marché. une conduite intérieure cinq places valait 48.000 francs. Le même modèle modèle au sein de la gamme Nervastella coûtait 95.000 francs. Cette curieuse initiative n'attira aucune véritable clientèle et ne subsista au catalogue que le temps d'une saison.

Nervahuit 1931
Nervasport
En 1932, la Reinastella est épaulée d'une nouvelle gamme 8 Cylindres baptisée Nervasport Type TG 5 24 CV. La cylindrée de la mécanique est ramenée à 4.240 cm3, et surtout l'empattement est raccourci à 313 cm au lieu de 371 cm pour la Reinastella, afin d'insuffler à la Nervasport un esprit plus sportif et optimiser la maniabilité. Mais cette décision esthétique engendre un certain déséquilibre au niveau des lignes générales de l'auto. En effet, la longueur du capot paraît maintenant démesurée comparée à la surface consacrée aux passagers, surtout en ce qui concerne les carrosseries coupé ou cabriolet à deux portières. Le catalogue Nervasport offre une berline quatre glaces à 36.000 francs, un coupé quatre glaces, un cabriolet décapotable, un roadster et un coach Grand Sport (45.000 francs) à des prix nettement inférieurs à ceux de la grande soeur.

Nervasport ZC4 1934
Universal Hobbies
La Nervasport, autre véhicule phare de la Régie, fut construite entre 1932 et 1935, à environ 370 exemplaires. Un des modèles remporta, avec les pilotes Christian Lahaye et R. Quatresous, le Rallye de Monte--Carlo en 1935. Dérivée de la Nervastella, c'est la version sportive, comme son nom l'indique, de la gamme Nerva. La version ZC4 disposait d'un moteur 8 cylindres en ligne de 4.827 cm3 développant 100 ch., ce qui lui permettant d’atteindre les 145 km/h.

Nervasport 1932
Entre le 3 et le 5 avril 1934, sur l'autodrome de Montlhéry, un châssis Renault Nervasport 28 CV, sur lequel reposait une carrosserie profilée et monoplace, s'attribua le record du monde des 48 h en parcourant 8.037,341 km à la moyenne de 167,455 km/h. L'engin battit également le record des 4.000 et 5.000 miles. Les pilotes Quatresous, Fromentin, Wagner et Berthelon se relayèrent aux commandes de la voiture. Les lignes de la caisse, savamment étudiées, étaient l'oeuvre de l'ingénieur aéronautique Riffard, vainqueur de la coupe Deutsch de la Meurthe grâce à l'avion Caudron Rafale, capable de dépasser les 500 km/h. L'auto avait reçu un 6 cylindres en ligne Renault de 8 litres de cylindrée, refroidi par air. Un compresseur centrifuge autorisait l'épanouissement de 325 ch.
Nervastella

Nervastella 1930
Vivasport

Vivasport YZ4 1934 et Type ACX2 Viva Grand Sport 1935
Norev et Universal Hobbies
Au début des années trente, Renault lance une gamme de voiture pour concrétiser son ambition de diversifier sa gamme en proposant des modèles attrayants, beaux et performants. C'est ainsi que naît la Vivasport, une voiture destinée aux riches amateurs de vitesse et de confort. Une voiture de prestige dont la promotion est soignée. Ainsi, Renault fera appel à Hélène Boucher, détentrice de plusieurs records de vitesse en avion et amoureuse des belles mécaniques. Le slogan parlait tout seul : "l'aviatrice la plus rapide du monde ne pouvait choisir que la fougueuse 6 cylindres Vivasport !".
Vivastella

Vivastella PG2 1930
Suprastella
En 1937, la Régie ne présente aucune 8 cylindres au salon de 1937. Il est vrai que la firme est confronté à des problèmes d'ordre économique et nage dans un contexte politique et social défavorable à la production de voitures de grand luxe. Cependant, dans un sursaut d'orgueil, Renault présente au printemps 1938 la Suprastella, qui sera produite entre 1938 et 1939.

Suprastella Coach 1939
Ixo
Si la Renault Reinastella millésime 1929 constitue la première auto à 8 cylindres fabriquée à Billancourt, l'aventure de ce type de motorisation se poursuivit jusqu'en 1939, avec les magnifiques Suprastella Type ABM8 et BDP 1 (5.448 cm3, 31 CV), dont les tarifs variaient entre 90.000 et 102.000 francs. Inutile de préciser qu'après-guerre, ces automobiles dispendieuses fabriquées à la commande ne furent plus de mise, au contraire de l'économique Juvaquatre et son minuscule 4 cylindres de 1.003 cm3.
Celtaquatre
Dévoilée à la presse spécialisée par Louis Renault le 4 mai 1934, les modèles de la gamme Renault Celtaquatre, qui se veulent très économiques, relèvent d'une conception extrêmement traditionnelle, une retenue chère au maître de l'île Seguin.

Au sein du catalogue 4 cylindres du constructeur de Boulogne-Billancourt, la Celtaquatre représente une offre destinée à des consommateurs épris d'économie tant au niveau du prix d'achat que du coût d'entretien. En toute logique, devant répondre à un tel cahier des charges, la machines manque singulièrement d'innovation et d'élégance. Le contraste est saisissant lorsqu'on compare la Celtaquatre à l'autre grande nouveauté de la saison automobile française, la Traction Avant de Citroën. Cette dernière se démarque du reste des propositions du marché par sa carrosserie basse sans châssis, ses suspensions avant à roues indépendantes et son 4 cylindres moderne aux soupapes en tête. Mais les premiers exemplaires livrés à la clientèle, malgré leurs indéniables qualités, notamment au niveau de la tenue de route, manquent singulièrement d'une bonne mise au point générale. Ces problèmes font le bonheur de la Celtaquatre, car celle-ci n'a aucune chance de s'imposer face à sa concurrente du quai de Javel sur ses seules prestations technique ou stylistiques. La première Celtaquatre type ZR1 de 1934 quitte les chaînes d'assemblage de Billancourt au mois de mai 1934. Elle n'est alors proposée qu'en configuration berline quatre portes. Un coupé est ajouté au catalogue au cours de l'été de la même année. L'empattement ramassé et al voie étroite de la Celtaquatre la font paraître exagérément haute et rondouillarde, à tel point qu'on la surnomme rapidement "Celtaboule". Autre défaut majeur : le coffre à bagages n'est pas accessible de l'extérieur. Renault lui apporta quelques modifications en 1935 et la propose toujours en version bi-ton. Curiosité, il faut payer un supplément de 400 francs pour obtenir une couleur unique.
Dans le cadre d'une promotion publicitaire, le 26 juin 1934, une berline Celtaquatre bénéficiant d'une finition de carrosserie en deux tons, mais débarrassée de ses enjoliveurs et de ses pare-chocs, tourne sur l'autodrome de Montlhéry durant 6 h à la moyenne de 114,66 km/h.

    

Pour la saison 1936, les flancs de capot adoptent quatre fentes horizontales au lieu des volets ouvrants et, comme en 1935, des roues à rayons sont disponibles sur demande. Les Renault Celtaquatre du millésime 1936 bénéficient d'une carrosserie aux formes remaniées, perdant ses rondeurs pour un style aérodynamique très tendance à cette époque. Le résultat est plutôt plaisant. Vendue 13.900 francs alors qu'une conduite intérieure Luxe coûte 16.900 francs, la berline Celtastandard est un modèle économique d'allure très austère, livrée sans pare-chocs ni pièces chromées. Un seul essuie-glace se plaque sur le pare-brise et les roues sont du type à rayons, peintes de la couleur de la caisse. Cette expérience minimaliste ne sera pas reconduite pour la saison 1938. Une nouvelle et élégante calandre en V termine le capot moteur des Celtaquatre 1937, tandis qu'à l'arrière, une malle à bagages bombée apparaît sur les modèles Luxe et Grand Luxe contre un supplément de 700 francs. Par ailleurs, les roues artillerie font place à de gracieuses jantes à douze trous (sauf sur le modèle Cetastandard), toujours agrémentées d'un enjoliveur central en métal chromé. A cette époque, la gamme s'est considérablement enrichie, intégrant, en plus d'une berline en finition Luxe ou Grand Luxe, un coupé deux/trois places, un cabriolet, un coach décapotable et une berline commerciale.

Celtaquatre 1934 et 1936
Norev
L'année 1938 sonne le glas de la carrière de la petite Celtaquatre, la vedette du moment étant la nouvelle Juvaquatre, fierté de Louis Renault, avec sa coque autoporteuse et ses roues avant indépendantes (une première pour la marque au losange). L'offre Celtaquatre se limite donc à deux modèles : une berline Grand Luxe avec malle, dotée de pare-chocs droit au lieu du type cintré de la saison précédente, et une conduite intérieure dite commerciale. Cette dernière, d'une charge utile de 500 kg, est munie d'un hayon arrière de chargement à deux ouvrants fort pratique pour les professions artisanales auxquelles elle est destinée. La fabrication cesse au mois d'avril 1938. Désormais, parmi le catalogue 4 cylindres de Renault, c'est la récente Juvaquatre 6 CV et sa mécanique de 1.003 cm3 développant 23 ch. qui répond seule à la demande des automobilistes au budget limité.
Afin de transporter les visiteurs vers les nombreux pavillons de l'Exposition Universelle de paris, qui se tient au printemps 1937, des taxis Renault à moteurs électriques sont mis en service. Les machines sont élaborées à partir de châssis et d'éléments de carrosserie du modèle Celtastandard, mais la caisse découverte sans portières avec barre de maintien en tube chromé est une création inédite.
Juvaquatre
La Juvaquatre est la seule Renault qui fut produite avant et après la Seconde Guerre mondiale. En octobre 1937, elle est dévoilée au Salon de l'Automobile de Paris, au Grand Palais. Berline deux portes à quatre places, elle comble un vide dans la gamme du constructeur et vient directement concurrencer la Peugeot 202. Il faudra attendre 1939 pour voir arriver la version 4 portes. En attendant, la Juvaquatre est déclinée en coupé, découvrable et commerciale. Si les versions berline et fourgonnette réapparaissent après la Seconde Guerre, le coupé ne sera pas reconduit. Seuls quelques centaines d'exemplaires auront été produits.

Juvaquatre Coupé 1936
Universal Hobbies