RENAULT    

Dernière mise à jour : 12/05/2010

Naissance d'un géant français...

Petit historique

Louis Renault (1877/1944)

Tout petit déjà, Louis Renault développait un certain intérêt pour tout ce qui était mécanique. A 14 ans, il installe, au fond du jardin de la résidence secondaire de son père, un petit atelier ou il démonte et remonte tout ce qui se est mécanique ou électrique. Il démonte un moteur Panhard, dessine des plans, dépose ses premiers brevets, préfère roder près de l'atelier d'un certain Léon Serpollet que ses études au lycée Condorcet. C'est d'ailleurs Léon Serpollet en personne qui, impressionné par la curiosité de Louis Renault, lui fera faire son premier tour en automobile.
Benjamin de la famille, Louis Renault ne se destinera pas aux études. Sage décision puisqu'il deviendra l"un des plus puissants industriels français de la métallurgie et des constructions mécaniques.

1881

Le père de Louis Renault, Alfred, est originaire d'Anjou et est "monté" à Paris comme apprenti dans une fabrique de boutons. Au bout de quelques années, il fonde sa propre entreprise de tissus et boutons et rachète celle de son ancien patron. A cette dernière, il ajoute une affaire de négoce de draps et de tissus en gros. Le succès aidant, Alfred Renault devient propriétaire de l'immeuble qu'il habite à Paris, place de Laborde. De plus, grâce à sa réussite et à l'argent de ses différentes affaires, il a investi dans l'immobilier en Anjou et est devenu propriétaire d'une maison de campagne à Billancourt, sur le bord de la Seine. Durant toutes ces années, Alfred aura cinq enfants, dont deux décèderont très jeunes). Les trois autres, Fernand, Marcel et Louis sont officiellement les héritiers désignés. En 1889, Fernand et Marcel sont déjà associés aux affaires de leur père et Louis, né en 1877, finit ses études au lycée Condorcet. Des études qui ne le passionnent pas. Louis a bien pensé à préparer le concours de l'Ecole Centrale mais ses bases sont insuffisantes.

Découverte

A la fin des années 1880, Louis est au Lycée Condorcet mais les études ne le passionnent guère. Lorsqu'il rentre chez lui, il fait souvent un petit crochet par la gare Saint-Lazare. Sa passion pour les trains à vapeur est déjà très présente et Louis est fasciné par tout ce trafic déjà important. Un jour de 1889, Louis ne va pas au lycée, préférant encore une fois se rendre à la St Lazare plutôt que de suivre des cours qui l'ennuient. Caché dans le tender du Paris-Le Havre pour observer le travail des mécaniciens. Découvert, il sera débarqué à Rouen, le premier arrêt du rapide, et ramené à Paris aussitôt. Cependant, Louis Renault a satisfait sa curiosité. Au cours de cette même année, Paris organise l'exposition universelle, qui rassemble les dernières nouveautés en véhicules à vapeur, en machines et installations industrielles gigantesques. Un évènement qui accrue la curiosité de notre jeune homme. A 12 ans, Louis est déjà féru de mécanique et a déjà repéré l'atelier d'un certain Serpollet. Souvent, il fait le pied de grue devant l'établissement, guettant les apparitions des machines à vapeur de Mr Léon, des voitures légères à mise en route rapide.

Léon Serpollet

Léon Serpollet construit à cette époque des chaudières mais aussi des voitures légères. Son atelier, situé sur les pentes de Montmartre, est très actif à cette époque. Fervent supporter de la vapeur, Léon Serpollet s'obstinera dans cette voie, qui, très vite, va être totalement dépassée par la motorisation essence. En attendant, l'activité de Léon est intense. Remarquant le jeune Louis, le constructeur invite ce dernier à venir faire un tour sur une de ses machines. Malgré un accident qui aurait pu se terminer tragiquement, Louis Renault rentrera chez lui totalement satisfait de sa journée, conquis par la machine et conforté dans son choix, construire à son tour son automobile. En attendant, il devra patienter encore quelques années.

Serpollet, qui d'ailleurs s'associa un temps avec Armand Peugeot, fut le titulaire d'un des premiers permis de circulation pour véhicules à traction mécanique. Il sera également l'un des premiers premier à se voir retirer ce permis, suite à un excès de vitesse.

1892 - 1898

Adolescent, Louis Renault est toujours un étudiant peu enthousiaste. Ses frères, plus âgés, prennent la succession de leur père, décédé en 1892. Louis, qui bénéficie de l'indulgence de ses frères Marcel et Fernand, s'est installé un petit atelier dans la propriété de Billancourt. C'est là qu'il bricole et construit ses premières machines, dont un générateur de vapeur rapide et un canot à vapeur qui fonctionne parfaitement. Comme Serpollet l'avait fait, il dépose un brevet pour son générateur et en 1897, parvient à vendre la licence de fabrication à la puissante entreprise Delaunay-Belleville, le fournisseur de la Marine française. Cette entreprise lui propose alors un poste de dessinateur qu'il accepte mais il doit cependant accomplir son service militaire. A vingt ans, titulaire d'un brevet d'ouvrier d'art, il ne fait qu'un an de service et se trouve libéré de toutes obligations au début de l'année 1898.

1899

Une fois libre, Louis Renault ne retourne pas chez Delaunay-Belleville. L'idée de rester enfermé et de travailler sous les ordres d'ingénieurs diplômés ne lui plaît pas. Il retarde sa décision et recommence ses bricolages dans son atelier. Toutefois, il ne reste pas sans emploi. Ses frères, bienveillants, lui offre un poste au sein de l'entreprise familiale. Il se retrouve donc employé chez Renault Fils, avec un salaire modeste, libre de travailler à ses inventions à ses heures perdues. Louis possède un tricycle De Dion-Bouton, un engin très à la mode à cette époque. Considérant cet engin très inconfortable et surtout peu fiable, il va le bricoler pour l'améliorer. A une époque ou les constructeurs de tricycles abordent le quadricycle, en conservant des solutions propres aux cycles, cadre en tube, transmission par chaîne et démarrage en pédalant, Louis Renault à déjà d'autres solutions dans la tête. Il débute la construction de son engin dès 1898.

Louis n'a pas vraiment toute satisfaction de son tricycle. Sa faible puissance, son inconfort, son absence de boite de vitesses qui oblige à pédaler dans les côtes, sa chaîne et sa place unique sont pour lui autant d'anomalies qu'il va chercher à éliminer. Pour construire sa voiturette, il ne reprendra pas les solutions du tricycle contrairement à certains écrits. remédiant à tous les défauts énoncés plus haut, Louis débute la construction de sa propre automobile, et, idée de génie, invente une boite d'engrenage pour la transmission. Cette boite donne deux démultiplicateurs et une transmission directe par crabotage de l'arbre d'entrée et de l'arbre de sortie. Baptisé "boite d'engrenage à prise directe", elle sera breveté en février 1899, malgré des antériorités qui ne lui seront pas opposables. Cette invention va très vite apporter à Louis de copieux revenus. La grande idée de Louis, c'est d'obtenir la grande vitesse par la prise directe entre l'arbre moteur primaire et l'arbre de transmission secondaire, prise réalisée par un crabotage qui met hors d'action les engrenages de 1re et 2e vitesses. Cette liaison directe offre un rendement mécanique bien meilleur, très appréciable avec un petit moteur de moins de 2 ch. La légende veut que Louis ait récupéré le monocylindre de son tricycle pour l'adapter à sa voiture. Il est plus probable que Louis ait adapté un autre moteur, le mono du tricycle ne développant que 0,75 ch. Celui adapté à la voiturette était un mono développant 1,75 ch.

Voiturette

La voiturette est très soigneusement construite. La carrosserie est à panneaux de bois et se compose d'une simple banquette à deux places avec accoudoirs garnis de cuir et un dossier genre tilbury. Les garde-boue sont en contreplaqué cintré à la vapeur puis vernis. La voiturette dispose de suspensions constituées de ressorts elliptiques, la direction est à chapes, sans boîtier, et la démultiplication de l'effort est assurée par des leviers de commande à partir d'une colonne de direction verticale portant un guidon en forme de demi-volant. Sur cette colonne de direction, on trouve les manettes de gaz et d'avance à l'allumage. Deux lanternes à bougie empruntées aux fiacres assurent enfin un éclairage minimal. Les pneumatiques sont de 65 mm et le poids total de la voiture est de 250 kg.

24 décembre 1898

C'est à Boulogne, le long des quais de la Seine, que la voiturette est testée. Son fonctionnement est tout de suite très satisfaisant et, fier de son oeuvre, Louis décide de la montrer à ses amis. C'est le soir du réveillon du 24 décembre 1898 qu'il sort son automobile pour se rendre dans un restaurant de la rue du Helder, dans le 9e arrondissement de Paris. Quand il arrive à destination, et qu'il annonce qu'il est venu en automobile, tout le monde se précipite dans la rue pour voir cette petite nouveauté. La soirée va alors se transformer en véritable séance d'essais à répétition. Pour prouver le bon fonctionnement de sa voiture, Louis va pousser l'expérience plus loin et gravir la célèbre rue Lepic pour atteindre les hauts de Montmartre. Cette rue est réputée pour être l'une des plus difficile à gravir, que ce soit pour les chevaux ou les premiers engins motorisés, les conducteurs devant mettre pied à terre pour arriver en haut de la butte. Louis parviendra au bout de son ascension sans s'arrêter, prouvant la fiabilité de son invention, la prise directe. Au petit matin, douze acheteurs se sont manifestés et Louis a déjà reçu des versements d'acomptes substantiels en bons Napoléon. Roi de la soirée, Louis, plutôt timide et réservé, voit l'avenir s'ouvrir devant lui.

Ci-dessus, Louis Renault à bord de sa première voiturette, vainqueur de la course Paris-Rambouillet et retour en 1899. Cette victoire lui permettra de multiplier les commandes.
Malgré le succès, malgré les commandes, Louis doute encore. Si l'industrie de l'automobile est bien lancée, avec des constructeurs comme De Dion-Bouton, Mors, Panhard et bien d'autres, qui produisent et vendent déjà des automobiles, Louis reste indécis sur la voie à suivre. Il est bien tenté de fonder son propre bureau d'études mais il a encore la possibilité de retourner chez Delaunay-Belleville. Sans le soutien de ces frères, c'est peut-être la voie qu'il aurait suivit. Cependant, Marcel et Fernand sont très compréhensifs et acceptent que Louis construise quelques voitures "pour voir". Ils ont bien fait. En effet, deux mois plus tard, la demande est telle qu'ils doivent envisager la création d'une entreprise, la société Renault Frères. Fernand et Marcel apportent les capitaux, Louis devient le directeur technique avec salaire. Un nouveau chapitre s'ouvre.

Marcel Renault sur tricycle De Dion-Bouton
et Louis Renault sur sa Voiturette

1898 - Premier succès...

Louis a passé une bonne nuit de Noël 1898. Parmi les joyeux fêtards qu'il retrouve ce soir là, certains testent la voiture et passent commande. Louis prend alors des acomptes car il n'a pas prévu cette réaction. Même si ces commandes ne sont pas très nombreuses (12 commandes fermes assorties d'un acompte de soixante Louis d'or), Louis ne dispose pas d'autres modèles, ne connaît même pas le prix de revient de l'engin et n'avait pas du tout envisagé de débuter seul une production. Malgré tout, cette idée ne lui déplaît pas. Avec ses commandes en poche, un argument de poids, il va tenter de convaincre ses frères de l'aider à poursuivre l'aventure. Il va falloir convaincre Marcel et Fernand, mais aussi sa mère, les patrons de Renault Fils. Après de vives discussions, de nombreux arguments de la part des deux camps, le projet de Louis, 22 ans, est entériné. La construction mécanique n'est pas l'activité de l'entreprise familiale et opérer une diversification des activités fut sans doute le sujet le plus discuté. Pour parvenir à ses fins, Louis fait essayer la voiture à ses frères, convaincu qu'ils seront enthousiasmés par l'expérience. Le plus séduit fut Marcel qui constate le bon fonctionnement de l'automobile et se range du coté de Louis. Fernand suivra. Au début de l'année 1899, la famille accepte de transformer la maison de campagne en usine. Louis peut alors recruter des collaborateurs.

1899 - Renault Frères

L'acte fondateur de la société Renault Frères est signé le 25 février 1899 par Fernand et Marcel Renault. Louis est engagé dans l'entreprise comme directeur technique non associé, et reçoit un salaire de 300 francs par mois. Cette société en nom collectif est co-gérée par les deux frères aînés qui disposent chacun de la signature "pour les besoins de l'entreprise". Les bénéfices, comme les pertes, sont alors partagés par moitié, la responsabilité personnelle de Louis n'est donc pas engagé. Louis n'est pas non plus intéressé aux profits. La raison sociale est déterminée et fait mention de "construction et vente de voitures automobiles, moteurs et accessoires se rattachant à cette industrie.
La société Renault Frères est constituée pour une durée de dix ans à compter 1er octobre 1898, avec possibilité de dissolution en cas de perte des deux tiers du capital social qui s'élève alors à 60.000 francs, somme apportée par moitié par Marcel et Fernand. Bons gestionnaires, prudents, les deux frères ont très bien défini les statuts de l'entreprise, histoire de protéger au mieux le fortune familiale au cas ou l'affaire ne tiendrait pas ses promesses. Il est vrai qu'à cette époque, l'automobile est un sujet brûlant, avec de nombreux projets, de nombreuses créations, plus ou moins sérieux, qui augmentent les risques d'échecs. Les créations d'entreprises sont nombreuses, et les brevets sur les moteurs et autres mécaniques se comptent par centaines. La période est faste avec les premiers moteurs monocylindres De Dion, rapides et fiables. Grâce à un prix abordable, de nombreux constructeurs se sont empressés d'acheter ces derniers pour se lancer dans l'industrie de la construction automobile. La concurrence est donc assez vive et il faut se faire une place dans ce secteur en proposant un modèle de qualité susceptible de séduire un grand nombre de clients. En 1898, Louis faisait partie de ces derniers mais saura se démarquer.
Type A

Type A 1898
Norev
En adoptant un moteur plus puissant, de 2,25 ch, et en le montant sur sa voiture, Louis donne naissance au Type A. Bien née, la première voiturette de Louis Renault, que l'on nommera désormais Type A, ne demande, vu ses qualités, qu'à être développée. Parallèlement à l(organisation d'une petite usine à Billancourt, dans ce qui n'est encore qu'une propriété familiale, Louis Renault fait évoluer sa voiturette vers plus de puissance et plus de performance. Avant même la fondation de la société Renault Frères, Louis Renault travailla avec ses premiers collaborateurs pour fabriquer une dizaine de voitures à livrer vers le mois de juillet 1899. Il ne dispose alors que de son petit atelier d'amateur. Mais ses contacts avec des sous-traitants lui permettent de recruter par cooptation d'excellents professionnels. En un an, il embauchera 60 personnes, s'équipera en machines-outils et sortira 71 voiturettes du premier type tout en étudiant des modèles améliorés.
La voiturette a été présentée le 15 juin 1899 au cours d'une exposition organisée aux Tuileries. Ce premier type a très vite reçu un moteur de 400 cm3 de 2,75 ch. A cette date, Louis expose son type A mais la presse l'ignore. Il faudra attendre décembre pour voir un journaliste parler de cette petite automobile. Nullement perturbé par ce manque de reconnaissance, et amateur de confort, Louis met en chantier un second modèle, le Type B, la première conduite intérieure de l'histoire de l'automobile. La carrosserie est exécutée par un artisan encore peu connu, héritier d'une affaire prospère, Henri Labourdette.
Après le deuxième Salon de l'Automobile, en juin-juillet 1899, Louis Renault pilote en course dans Paris-Trouville le 27 Août, puis dans le Paris-Ostende le 1er septembre et le Paris-Rambouillet, en octobre. Trois courses, et trois voitures qui rapportent un nouveau flot de commandes. L'activité est fébrile : si les ventes sont bonnes, les investissements nécessaires mangent le petit capital initial et les réserves familiales vont suffire à faire marcher l'affaire du "petit Louis". Une chance que n'ont pas d'autres pionniers, morts d'une expansion trop précoce et trop rapide. C'est dans de contexte que le Type B voit le jour.
Type B

Cette voiturette à conduite intérieure est considérée comme la première automobile du monde de ce type.
Dès le début, Louis Renault s'implique donc dans une vraie production en série et la rationalise. Le Type B de début 1900 est un Type A à châssis renforcé et moteur De Dion-Bouton refroidi par air, mais carrossé (sur demande) en voiture fermée, une des premières, sinon la première conduite intérieure de l'histoire. Il semble qu'il soit resté au stade du modèle unique et l'on peut y voir l'équivalent en son temps d'un concept-car actuel.
La première véritable voiture de Louis est donc le Coupé Type B. Un an après la création de la société Renault Frères, Louis ayant réussit à convaincre ses deux frères, Marcel et Fernand, la petite entreprise située 15 rue Gustave Sandoz à Billancourt est en mouvement. La cour de la petite maison de campagne de leur père Alfred est devenue le coeur du monde industriel français. Les quais de Seine vont perdre les guinguettes pour laisser la place aux forges et fonderie des frères Renault. Louis pense déjà au succès de son prochain type et à sa présence lors de la prochaine Exposition Universelle.

Type B Coupé 1900
Safir

Débuts

En 1899, la gamme de la maison "Renault" se compose doucement. Sur cette photo, prise sur les bords de Seine à Billancourt, on voit les deux premiers modèles de Louis, et le fameux tricycle De Dion-Bouton. Louis est à bord de la voiturette au centre.
A la fin de l'année 1899, le 25 décembre exactement, et juste après le Salon du Cycle, le premier article concernant les réalisations de Louis Renault est publié dans la revue "Le Chauffeur". On peut y lire ces quelques mots :
"Quatre roues, deux places côte à côte, suspension à l'avant et à l'arrière, moteur De Dion-Bouton placé à l'avant commandant l'essieu arrière par l'intermédiaire de roues dentées droites constituant les changements de vitesse au nombre de trois, d'un arbre muni de deux joints de cardan et de deux roues d'angle. Les changements de vitesses sont de vitesses sont constitués de telle manière qu'à la grande le moteur est relié directement aux roues."
Type C
Le travail le plus important à cette époque pour Louis va déboucher sur le Type C, présenté aux Mines en mai 1900. Le bon fonctionnement de la transmission à "prise directe" et les bonnes performances qui en résultent incitent Louis Renault à monter en puissance, d'autant plus que son fournisseur de moteur, De Dion-Bouton, perfectionne ses produits et en multiplie les versions : cylindrées supérieures et refroidissement à air, et maintenant à eau. L'autre source de moteurs, Aster, fait de même. On passe donc facilement et pour pratiquement le même prix de 2 à 4 ou 5 ch. réels et de 35 à 45 km/h, selon le moteur et le poids. Argument supplémentaire de vente pour un modèle dont la réputation et le rapport qualité/prix/performance est unique sur le marché. Le Type C est donc disponible avec le 450 cm3 (80 x 100 mm) de 3 ch refroidi par eau De Dion ou le 550 cm3 (90 x 110 mm) 4 ch Aster.
Pour le reste, le châssis est toujours en tubes d'acier étirés brasés (juste un peu plus grand) et la transmission par arbre, les freins, les roues, la direction sont pratiquement inchangés. La rationalisation de la fabrication est clairement démontrée par le nombre de pièces communes aux trois Types A, B et C : 224 pièces sur les 373 qui composent le châssis. Parmi ses qualités, la voiturette Renault s'est fait remarquer par son silence : engrenages sous carter et arbre à cardans font beaucoup moins de bruit que les chaînes et leurs pignons. Le refroidissement par eau améliore encore la situation. C'est la grande innovation du Type C : deux radiateurs latéraux à tubes à ailettes connectés par une boîte à eau placée au-dessus du moteur assurent le refroidissement du liquide qui circule par thermosiphon. Le montage est simple, élégant et, pour le moment, suffisant. La direction se fait encore par deux poignées (dite "bête à corne") ou par volant en option. Le Type C est donc l'évolution naturelle de la première voiturette et le jouet devient en quelques semaines une véritable automobile. Une gamme de carrosseries apparaît alors au catalogue : au petit tilbury biplace s'ajoute une version avec siège arrière spider et sur un châssis allongé, un tonneau quatre places avec deux sièges arrière disposés transversalement face à face avec entrée arrière. En avril-mai 1900, deux collaborateurs de l'usine effectuent avec un Type C une tournée commerciale de 5.000 km sans panne majeure. Le réseau se met en place;

Sur le Type C, toutes les commandes sont regroupés autour de la direction, manettes de carburation, de gaz et d'avance. A sa gauche, le conducteur dispose d'un levier pour changer les vitesses (trois dont une prise directe) ou utiliser la marche arrière. A droite, il dispose d'un levier actionnant les freins des roues avant. A ses pieds, ou plutôt à son pied droit, se trouve la commande d'embrayage avec freinage en fin de course sur la transmission. Enfin, pour démarrer le véhicule, le Type C dispose d'une manivelle disposée désormais à l'avant du moteur. La carrosserie du Type C est basique et se limite à une banquette simple dans la plupart des cas mais la firme propose d'autres types de caisses, comme une conduite intérieure ou un tonneau quatre places avec entrée par l'arrière. Le succès du Type C va permettre à la firme de Billancourt d'embaucher de nouveaux employés, portant son effectif à plus de 100 personnes. L'évolution de la marque est en route et rien ne peut, pour l'instant, faire reculer Louis dans son essor.
Si la production de 1899 se chiffrait à 71 voiturettes, les chiffres de 1900 sont plus éloquents avec 179 voitures produites.

Le châssis plus mature du Type C se prête à des variantes utilitaires : petit fourgon de livraison, voitur-fanal pour l'armée essayée aux manoeuvres de 1900, prototypes de course. Louis Renault remporta Paris-Toulouse-Paris, malgré un accident, et récolta sous forme de commandes les fruits de ses efforts.

1900 est également l'année d'apparition des premiers véhicules commerciaux de Renault Frères. Ce type est doté d'un moteur de 5 ch refroidi par eau placé sous le siège du conducteur, une modernité qui permet un excellent rapport capacité/encombrement qui sera utilisé plus tard par un bon nombre de constructeurs et baptisée "conduite avancée".
Lors des grandes manoeuvres de Beauce, au mois d'août 1900, Louis Renault, 2e classe de réserve, fournit et conduit une voiture-fanal qui transportait et alimentait un puissant projecteur électrique. Les militaires intéressés envisagèrent alors son emploi en cas de siège. Ce véhicule n'est autre qu'une extrapolation du nouveau Type C que présenta Louis à l'Exposition universelle. Revenons à ce Type C.

Paris-Toulouse-Paris

Dès 1901, Renault franchit un nouveau cap. Après le Type C, qui joua le rôle de présérie, la marque lance le Type D, livrable avec une direction. Avec une capote en option, cette voiture sera disponible dès 1901. En attendant, Louis commence à rêver à quelques succès en course. Pour réaliser ce rêve, il engage trois Type C dans la grande épreuve du Paris-Toulouse-Paris, ou Course de l'Exposition, les 25, 27 et 28 juillet. Auparavant, Louis Renault testera deux de ses voitures sur un raid de 5.000 km. Confiées à Schrader et Oury, deux conducteurs metteurs au point de l'usine, les deux Type C à moteur Aster vont parcourir les routes de France sans pannes majeures, ce qui confirme la bonne fiabilité des voitures.

Ce raid permit à Louis Renault de bénéficier d'une grande publicité, la presse, moyennant finance, faisant écho de cet exploit. C'est donc avec une grande conviction que Louis engage trois voitures dans la grande épreuve de l'année, ce fameux Paris-Toulouse aller-retour. Louis prend le volant d'une première voiture, la n° 21, les deux autres sont confiées à Grus et à Marcel Renault, respectivement les n° 22 et 20. On note aussi la présence d'une Renault à moteur Aster 6,5 HP pilotée par Schrader, la n° 72. Favorites dans leur catégorie, les trois petites Renault rivalisent avec des grosses voitures de course, les plus grosses de l'époque d'ailleurs. Cependant, Louis rencontre pas mal de problèmes en route. Victime de plusieurs pannes et crevaisons, il casse sa  voiture près de Toulouse. Il décide donc de reprendre la voiture de Marcel pour poursuivre l'épreuve. Il terminera 1er de sa catégorie. Les différents comptes rendus confondent Marcel et Louis et les officiels fermeront les yeux sur le changement de véhicule opéré durant la course, ce qui évite l'élimination. C'est ainsi que la marque signe sa première victoire au plus haut niveau de la compétition. mais ce n'est qu'un début.

Après le Paris-Ostende et le Paris-Rambouillet-Paris de 1899, le Paris-Bordeaux et le Paris-Berlin de 1901, Marcel et Louis se retrouveront dans deux épreuves de renom, le Paris-Vienne de 1902 et le Paris-Madrid 1903.

Louis Renault adorait piloter en course, pour essayer lui-même ses mécaniques. Sur la photo ci-dessus, on le voit au volant d'un Type E engagé dans la course Paris-Bordeaux 1901.
Après ses victoires, les commandes affluent. La demande est telle que Louis devra acheter 100 paires de pneus Michelin, 110 moteurs de Dion de 3 HP. Il essaiera aussi des moteurs Aster sur le type D de 1901. La production tourne à plein régime et Louis doit agrandir et embaucher sans cesse. Pour distribuer ses produits, il doit également recruter des agences de vente.

Production

En 1901, la première voiturette Renault est exportée. Il s'agit d'une commande d'un riche client de Sumatra.
Louis est saisi par une boulimie de création de nouveaux types, toujours plus puissants et rapides. Après le Type C, Renault propose les types D à J. Le Type D est dérivé du Type C et dispose d'un moteur plus puissant. Elle est plus lourde et permet d'atteindre les 38 km/h. Le Type E, une extrapolation du Type D, dispose d'une cylindrée plus importante et développe 9 ch. Le Type G, lui, est une voiture plus petite, de 6 ch. Avec un châssis long, il devient le Type L avec un moteur de 8 ch. Le Type H, une automobile de 14 ch qui frôle les 74 km/h clôture la gamme avec le Type J, une grosse 2 cylindres de 2.652 cm3 de 18 ch. C'est en 1902 que Renault propose sa première 4 cylindres, donnée pour 24 ch. C'est avec cette voiture, engagée en catégorie Voitures légères qu'il remporte au général le Paris-Vienne de 1902. En 1903, Renault propose une vraie gamme qui va de la 8 ch à moteur monocylindre de Dion à la 4 cylindres de 40 ch., en passant par les bicylindres de 12 et 16 ch.

INTERNATIONAL

1903

La production se poursuit à Billancourt et ce sont 948 voitures qui sont produites cette année. La firme possède déjà un réseau de 120 agents en France qui se chargent de commercialiser les nouveaux modèles de la marque, les Types bicylindres M, R, N, Q, R et le Type S, le premier modèle à recevoir un 4 cylindre maison. Louis Renault expose alors ses ambitions, construire des moteurs robustes qui tournent à bas régime et diversifier les modèles pour répondre à tous les désirs de sa clientèle.

1904

Très touché par la mort se son frère Marcel, Louis abandonne les courses pour se consacrer uniquement aux voitures de tourisme. La gamme évolue avec les Types T, U et 0. Le Type T est une 7 ch. qui reçoit le premier moteur monocylindre de la marque. Le Type U reçoit lui un bicylindres de 10 ch. Le dernier modèle, le Type 0, est une voiture de course conçue pour un milliardaire américain. C'est grâce aux succès que remporte d'ailleurs ce client d'outre-Atlantique que Louis va renouer avec la course. Cependant, il ne reprendra pas le volant et c'est son mécanicien qui prendra le volant de la voiture pour les épreuves à venir. Cet homme, c'est Ferenc Szisz.
L'année 1904 apporta deux progrès importants, l'adoption des soupapes d'admission commandées sur deux nouveaux moteurs et le montage du radiateur tubulaire derrière le moteur avec volant-ventilateur. La gamme comprend alors 10 modèles. En 1905, la modernisation se poursuit avec l'adoption généralisée de châssis en tôle emboutie disponibles pour chaque type de base en plusieurs longueurs, le tube d'acier à raccords brasés ne permettant pas de grands empattements. Les voitures s'étoffent en perdant leur aspect de fragile voiturettes. La nouvelle voiture, la bicylindres 8 CV type AG présentée aux Mines en septembre 1905 en fait partie. Carrossée en Landaulet, elle servira de "fiacre automobile" ou taxi.

1905

Prototype de course à châssis non surbaissé aux essais des éliminnatoires de la Coupe gordon-Bennett 1905

Ferenc Szisz

Mécanicien chez Renault, il fit des miracles sur le Paris-Vienne de 1902 en permettant à la voiture de Louis Renault d'arriver au terme de cette épreuve. Devenu ensuite pilote pour l'entreprise, il remportera le 1er grand Prix de l'histoire, au Mans, en 1906.
Le 16 juin 1905, Ferenc participe à l'épreuve éliminatoire de la course d'Auvergne. Pour se qualifier pour la grande finale, il doit se classer dans les trois premiers. Malheureusement, il ne termine que cinquième et doit se retirer. C'est le premier échec de Renault, suite à la défaillance d'une pompe à eau. Ce n'est pourtant que partie remise car Ferenc se présentera au Grand Prix de l'ACF le 26 avril 1906, avec cette fois une victoire à la clé. Pour cette occasion, Louis avait bien préparé sa voiture, très proche d'ailleurs des voitures de série de la marque. Elle développe 100 ch. et disposait des nouvelles jantes amovibles Michelin.
1905 est aussi l'année ou les premiers autobus Renault apparaissent. Le premier exemplaire sera livré à la Compagnie Générale des Omnibus de Paris et sera mis en circulation sur la ligne Place de Clichy - Saint Germain des Prés.

Retombées économiques

La victoire d'une renault dans le premier Grand Prix de l'ACF se traduit pour la jeune firme de Billancourt par un afflux de commandes qui fait tripler la production entre 1905 et 1907, passant de 100 à 300 châssis par mois. Les 4 cylindres 14/20 HP sont considérées comme des types de luxe et le roi d'Angleterre Edouard VII, qui commande une limousine, fait entrer une première Renault à Buckingham Palace. Appréciées pour leur silence, leur fiabilité et leur facilité d'entretien, ces voitures sont déjà exportées. 75 voitures neuves et 87 d'occasion sont vendues aux Etats-Unis en 1906. Les Renault sont réputées pour leur confort, grâce notamment à leurs ressorts trois-quarts elliptiques arrière freinés par des amortisseurs hydrauliques brevetés maison, appareils que Louis Renault estime à juste titre plus efficace que ceux à friction, surtout sur les voitures lourdes. En 1906, sur les 14/20 HP, Renault propose un démarreur automatique à air comprimé, qui entraîne le moteur par deux crémaillères agissant sur un pignon calé sur le nez du vilebrequin. L'air comprimé est fourni par un petit compresseur et une réserve. Ce dispositif n'a pourtant pas la faveur des acheteurs, qui font confiance à la bonne vieille manivelle, actionnée neuf fois sur dix par un chauffeur dévoué.
Type XB
Fin juin 1904, les voitures Renault ont adopté leur visage classique, du fait de l'adoption du refroidisseur arrière breveté par Louis Renault. Placé contre le tablier, le système de refroidissement comporte un radiateur en selle, chevauchant le volant du moteur garni d'ailettes en tôle, qui aspire l'air à travers les faisceaux de tubes. Associé au classique thermosiphon, ce dispositif va subsister jusqu'en 1928, et ne disparaîtra sur tous les modèles, au profit du radiateur avant, qu'en 1930. Outre les voiturettes à 2 cylindres, Renault étend sa gamme de 4 cylindres en ajoutant une 20/30 HP à sa 14 HP (XA/XB), première quatre cylindres cataloguée fin 1904. Ces nouvelles voitures sont plus imposantes que les types précédents, avec leur châssis en échelle en tôle emboutie dont la bonne rigidité permet d'offrir des empattements supérieurs, donc des carrosseries plus vastes et plus confortables. Le catalogue 1905 finit par proposer cinq types de base, en quinze variantes selon la longueur. Le moteur 14 HP délivre en fait entre 20 et 22 ch. réels à 1.200 tr/min. Les solutions désormais classiques sont les cylindres coulés par paire, le vilebrequin à trois paliers, les soupapes monolatérales commandées, l'arbre à cames monopièce avec régulateur centrifuge, l'allumage par magnéto et distributeur séparé, le carburateur automatique avec réglage de la richesse du mélange par disque flottant dans l'admission d'air. La boite de vitesses est à 3 rapports, l'embrayage à cône et la transmission à cardans avec bielle de poussée comme sur toutes les Renault.

XB Landaulet de 1907
L'offre est étendue en 1906, avec trois longueurs de châssis, le XA normal sur 272 cm, le XB long sur 290 cm et le XB Landaulet sur 306 cm. Cette dernière longueur permet de construire de confortables voitures de ville ou des doubles phaétons de tourisme. En 1908, un châssis extra-long sera proposé sur 325 cm d'empattement.
En 1907, la XB 14/20 HB deviendra la X-1 à 4 vitesses, proposée jusqu'en 1909 et remplacée en 1910 par le type BX, toujours désigné 14 HP.

La Prise directe

En 1905, le développement de l'automobile avait multiplié les types munis du système dit de grande vitesse en prise directe, breveté par Louis Renault en février 1899, si bien que ce dernier estimait avoir droit à des redevances. Après la saisie symbolique d'un châssis chez Corre à Levallois, Renault attaqua les constructeurs et le marquis de Dion fut chargé par le tribunal de chercher d'éventuelles antériorités. Aucune ne fut retenue et Louis Renault fut déclaré l'inventeur de la prise directe le 23 novembre 1905. Grâce aux accords amiables passés avec les principaux constructeurs, Louis Renault perçut 1 % du prix de vente de tous les châssis équipés de la prise directe.

Paul Hugé

Paul Hugé était le directeur commercial de Renault Frères. Ami de Louis Renault et pilote maison, il s'adressa un jour, lors d'un congrès, aux agents de la marque et déclara, en juillet 2005 : "Si, aujourd'hui, ce moyen de locomotion est réservé aux gens très fortunés, est-ce vraiment une utopie de penser que dans cinquante ans, nous aurons 100.000 automobiles en France ? Qui sait si, un jour, nous ne verrons pas des chefs d'entreprise, des propriétaires de domaine et jusqu'à des médecins se servir d'automobiles d'une façon utilitaire pour leurs déplacements."
Paul Hugé ne se trompait, dans son estimation, que de quelques millions d'automobiles.

1906 - Les taxis et les filiales

Depuis quelques temps, les premiers taxis Renault, aussi appelés "deux pattes", circulent dans la capitale avec succès. La Compagnie Française des fiacres automobiles en a commandé 250. Cette commande permet à Louis Renault de traverser les premières grèves ouvrières de 1906. Cette année là, suite à l'essor de ce mode de transport, Renault reçoit une nouvelle commande de 500 taxis, puis 750 en 1907 et 1.500 en 1908-1909.

Grâce à son moteur 2 cylindres performant, Louis peut développer une gamme tourisme assez complète, des voitures que l'on peut définir comme les premières voitures populaires moyennes. Populaires oui, mais le prix de ces dernières est encore assez élevé et seuls les clients assez aisés peuvent les acquérir. Dans le haut de gamme, Louis Renault propose des 14 CV et des 20 CV à moteur 4 cylindres. Elles sont évidemment plus chères et plus performantes. En optant pour un châssis long, le client peut disposer d'une voiture de ville luxueuse et confortable. A l'inverse, en optant pour un châssis court, il peut disposer d'une routière à tendance sportive. A cette époque, le 2 cylindres permet une vitesse moyenne de 50 km/h et de 75-85 km/h pour le 4 cylindres. Avec ces différents types, et un réseau commercial conséquent, Renault devient le premier constructeur français. Louis développe également une activité à l'exportation qui lui ouvre les portes d'un marché international. L'activité des taxis se développant à l'étranger, Renault livre 1.100 véhicules à Londres en 1907 par le biais de Renault-Angleterre, première filiale étrangère de la marque. Cette société commence à faire des bénéfices, comme d'ailleurs la Renault-Selling-Branch de New York, ce qui permet à Louis de fonder une nouvelle filiale à Berlin en 1907.

Le Grand Prix de 1906

Le premier Grand Prix de l'histoire de la course automobile eut lieu en France, en 1906. Louis Renault, après son échec dans la Coupe Gordon Bennett, est bien décidé à prendre sa revanche. Pour ce faire, il reprend le moteur 4 cylindres de 13 litres et 90 ch de 1905 mais modifia le châssis, abandonnant le surbaissé pour revenir à une architecture classique. Il adopte également les roues à jantes amovibles qui lui font gagner plus de 10 minutes à chaque changements de pneus. Un temps précieux qui permet à Ferenc Szisz de se classer 1er à 104,40 km/h de moyenne. A la fin du second jour de course, le pilote Renault avait parcouru 1.236 km à 101 km/h de moyenne. Il devient le premier vainqueur du premier Grand Prix de l'ACF et de ce fait, le virtuel premier Champion du Monde.

Szisz, au Mans lors du GP de l'ACF 1906

Le Grand Prix de 1907

Grand vainqueur en 1906 du premier Grand Prix de l'ACF, Louis Renault devient l'année suivante le champion de l'industrie française face au reste du monde. Sept ans après sa création, la firme de Louis Renault a rejoint les plus grands constructeurs européens tant par ses volumes de production que par ses succès en compétition. La victoire à l'ACF de 1906 confirme ses compétences techniques et doit peser sur les épaules de Louis la responsabilité de maintenir l'industrie française en tête de la production mondiale. 1907 doit confirmer cette position entretenue par un chauvinisme cocardier bien dans l'air du temps. Mais les constructeurs français vont pécher par trop de prudence en limitant la puissance de leurs moteurs. Renault, notamment, conserve son 4 cylindres de 1906, donnant au maximum environ 110 ch., moteur qui remonte en fait à la Coupe Gordon-Bennett de 1905, où il avait déjà démontré son insuffisance de puissance. En fait, la victoire de 1906 a été favorisé par deux facteurs, une course longue de 1.236 kilomètres étalée sur deux journées et l'adoption de jantes amovibles. La fiabilité de la mécanique Renault a fait le reste. Deux des voitures de 1906 ayant été vendues, celles de 1907 sont des répliques identiques à quelques détails près.

Les trois voitures Renault, dans la propriété d'un des amis de Louis. Les trois pilotes sont Szisz, Edmond et Richez.
Edmond sera remplacé en course par Henri Farman.
En 1907, Louis Renault prend trop de marge de sécurité vis-à-vis de la consommation. Le moteur est un super carré (alésage + grand que la course), mais les régimes angulaires n'ont pas augmenté et les Renault rendent 15 à 30 ch. aux meilleures concurrentes. Les jantes amovibles Michelin sont conservées, mais tout le monde en possède désormais. Le châssis, plus petit, fourni par le spécialiste de l'emboutissage Arbel, est classiquement placé au-dessus des essieux, après l'essai malheureux d'un type surbaissé en 1905. Le pont arrière n'a pas de différentiel, d'où un gain de poids mais une usure plus rapide des pneus arrière. L'avantage toutefois des Renault est qu'elles sont équipées d'amortisseurs hydrauliques maison très efficaces.
Renault fait appel une nouvelle fois à ses pilotes de 1906, François Szisz et son mécanicien Marteau, Edmond et Richez. Des incidents vont perturber l'organisation de l'équipe et marteau, blessé, va être remplacé par le quatrième pilote maison, Dimitriévitch. Edmond, malade, est remplacé in extremis par Henri Farman. Ce dernier ne peut s'entraîner que brièvement, la veille de la course. Le lendemain, les voitures s"élancent selon un ordre tiré au sort. Vincenzo Lancia sur Fiat part à 6 h 01, Szisz à 6 h 09, Farman à 6 h 23, et Richez à 6 h 34. Farman fait deux tours en 50 mn chacun, Szisz en 40 mn environ, dans les temps de Wagner. Lancia, Nazzaro, Duray, se succèdent en tête. Les Renault sont à la peine et Richez capote dès le premier tour à Londinières. Il réussit à repartir mais se trouve disqualifié. retardé au cinquième tour, Szisz accélère au sizième et signe le meilleur huitième tour. Mais la lutte pour la tête de la course se déroule sans les voitures de Billancourt, entre Arthur Duray sur sa Lorraine-Dietrich et la Fiat de Vincenzo Lancia. Quand Lancia abandonne, Duray semble parti pour remporter l'épreuve. Malheureusement pour lui, il casse un roulement de sa boîte de vitesse. Il reste alors 2 pilotes pouvant revendiquer la victoire, Szisz et Nazzaro. Szisz, cependant, a les mêmes roulements à billes que Duray et, seul pilote Renault en course désormais, limite sa consommation. Trop sans doute, car il finira 2e avec 20 litres d'essence de plus que la Fiat.

C'est dans ce virage bien négocié ici par Szisz que Richez se retourna.
Szisc passe la ligne à l'issue des dix tours après 6 h 53 mn et 10 s de course, mais il est parti 9 mn avant Nazzaro, aui arrive après 6 h 49 et 33 s de course. Ce dernier gagne donc avec 7 mn d'avance. Techniquement, la Renault n'a pas démérité, car son moteur était plus petit que celui de la Fiat. Selon les instructions de Louis Renault, Szisz a conduit sans forcer sa mécanique, comme s'il devait parcourir une distance double. La Fiat termine avec 11 litres d'essence dans son réservoir, Szisz avec 30 litres. La victoire d'une voiture italienne est mollement saluée par la foule et la presse parle de désastre. Pourtant, Charles Faroux salue la performance de Szisz et constate que, sur les sept premières voitures, on compte six françaises. Une deuxième Renault en course aurait permis d'appliquer une autre tactique en essayant de faire casser la Fiat de Nazzaro. Quoi qu'il en soit, les Renault restent dans le coup et les ingénieurs vont travailler dur pour les GP de 1908.

la Renault de Grand Prix 1907 de Ferenc Zsisz

Couleurs

Pour la première fois, les voitures du grand Prix étaient peintes aux couleurs nationales (qui n'étaient pas encore définitives). Les Renault étaient donc bleues et avaient pour numéros R1, R2 et R3.

Aéronautique

Dès 1906, Louis Renault s'implique dans la construction d'un moteur pour l'aviation naissante. Il fait étudier un moteur original, un V8 refroidi par air, un type de moteur qu'il n'utilisera d'ailleurs jamais sur ses voitures hauts de gamme au contraire de quelques uns de ses confrères.

Louis Renault, en quelques années, est devenu un homme important. Promu Chevalier de la Légion d'Honneur le 11 octobre 1906, il s'impose en patron autoritaire et innovateur. Après avoir consolidé sa gamme vers le bas, puis visé le haut du marché en lançant de nouvelles 4 cylindres de 5 et 7,4 litres, Louis développe une nouvelle famille de moteurs, de 18 à 50/60 CV, dont une 35 CV en décembre 1906 qui n'est autre que l'ancêtre de la grosse 40 CV des années vingt. En 1908, toujours à la recherche d'idées nouvelles, il s'intéresse vivement aux nouvelles méthodes de travail de l'américain Taylor. Louis, disposant déjà d'une grande expérience dans la fabrication en série, va adopter ces principes qui vont lui permettre de fabriquer des voitures bon marché.

1908 - 1909

Malgré une crise de mévente, Louis Renault continu d'élargir sa gamme. Au côté des 2 cylindres de 8 et 9 CV et des 4 cylindres existants, il lance une nouvelle famille de moteur 4 cylindres de 2,1 litres qui resteront en production jusque dans les années trente. Ce sont ces moteurs, taxés pour de 10 ou 12 CV, et qui seront d'ailleurs repris par d'autres constructeurs entre 1910 et 1930, et qui vont constituer la colonne vertébrale de la gamme Renault en donnant le jour, plus tard, au série GS et KZ (puis Primaquatre). Les nouvelles automobiles disposant de ces moteurs vont permettre à la firme de se développer rapidement et en 1908, la firme poursuit son extension, augmentant encore et encore sa superficie. La production suit le mouvement et ce sont 3.500 voitures qui sortent des ateliers en fin d'année. Malheureusement, si la production augmente, les effectifs sont les mêmes et en 1909, un grand mécontentement fait surface. Renault, déjà désigné comme le symbole du patronat autoritaire, doit faire face à une tension "explosive" que les anarchistes du moment vont très vite exploiter, perturbant et bloquant fortement la production de Billancourt.

Fernand Renault

La santé de Fernand Renault décline et la maladie gagne du terrain. Louis est seul au commande de la firme et obtient de la part de son frère une renonciation à l'association. Il rachète donc les parts de son frère pour 8 millions de francs, à une époque ou l'entreprise en vaut 30. Le 29 janvier, la Société Renault Frères est dissoute. Le 22 mars 1909, Fernand décède. Louis est désormais le seul actionnaire de la nouvelle entreprise.
Type AX
Vedette du Salon 1908, la Renault AX est la première véritable voiture populaire de la marque. Animée par un bicylindre "maison", un dérivé des taxis AG, elle innove en adoptant une transmission à cardan à une époque ou la transmission à chaîne est encore majoritaire. Elle se démarque aussi par sa carrosserie qui s'émancipe radicalement de l'héritage hippomobile. Voiturette à deux places, elle va de suite séduire une clientèle bourgeoise et sera largement diffusée.

Type AX 1908
Universal Hobbies
Si la majorité des Type AX est habillé en "coupé docteur", le standard se veut simpliste, une carrosserie ouverte à deux places, sans portes, sans capote, sans phares, sans pare-brise. Le client devra, s'il le désire, les faire installer en option. Il peut également acheter le châssis nu pour le confier au carrossier de son choix. En 1910, une version allongée sera proposée, ce qui permettra l'adoption de caisses plus spacieuses, comme le tonneau à quatre places. Toutefois, jusqu'en 1913, c'est la version minimaliste à deux places qui aura la préférence de la clientèle.
Populaire autant qu'une automobile pouvait l'être avant 1914, la 2 cylindres ou "2 pattes" Renault AX a été le pilier de la production de 1908 à 1913. Pour parler de ce modèle, il faut revenir un peu en arrière. Après des premières années ou la production évolue sans cesse, apportant ses améliorations techniques, les modèles se stabilisent en 1906. Mais pour Louis Renault, il n'est pas question de s'endormir sur ses lauriers. Depuis le printemps 1905, une compagnie de taxis, la G7, expérimente dans Paris 23 voitures 2 cylindres type AG. Le moteur bicylindres va se révéler increvable et les premiers taxis sont mis en circulation en décembre 1905. A partir de 1907, le bicylindre existe en trois versions, 75, 80 et 100 mm d'alésage. Louis Renault va donc plancher pour améliorer son modèle et s'affirmer sur le marché des voitures populaires. C'est ainsi qu'il présente, au Salon de Paris de 1908, le type AX, équipé du même moteur mais en deux versions, un 8 HP de 75 mm et un 9 HP de 80 mm pour les voitures plus lourdes. C'est une évolution de types antérieurs bicylindriques, qui regroupe les meilleures solutions expérimentées depuis quelques années. C'est aussi une version tourisme du taxi, qui bénéficient donc de toute l'expérience acquise par la G7.

 

Le châssis de l'AX est en tôle emboutie, les roues sont de diamètre égal, le radiateur est définitivement placé en arrière du moteur, et le capot a trouvé sa forme définitive, du moins jusqu'en 1923 sur les petits modèles. La maturité technique acquise en 1908 va marquer toutes les productions jusqu'en 1914 par des solutions dites classiques, comme les cylindres verticaux coulés par blocs de deux, les soupapes commandées mécaniquement par un seul arbre à cames et placées du même côté, les engrenages enfermés dans le carter moteur, le régime d'utilisation d'environ 1.800 tr/mn en toute sécurité, l'allumage par magnéto haute tension, et le carburateur à pulvérisation. Les moteurs Renault sont encore graissés par un système mécanique compte-gouttes à débit visible et réglable, avec récupération dans le carter, mais les systèmes à barbotage ou sous pression seront bientôt adoptés. La production avait doublé entre 1906 et 1907, elle va redoubler de 1908 à 1910, passant de 3.500 à 7.000 voitures, dont une majorité de "deux pattes".

L'AX est la première Renault de grande diffusion, robuste, fiable et confortable, facile à conduire et à entretenir. Ses performances, de 60 km/h sur le plat, peuvent paraître modestes mais elles sont très acceptables à l'époque. Un journaliste dira un jour, histoire de prévenir peut-être Louis Renault : "J'espère que l'on n'affublera pas ce joli châssis, fait pour supporter une petite voiture à deux places, d'une énorme carrosserie capable de contenir cinq personne...". Son avertissement sera qu'à moitié entendu, car les taxis AG de 1914 chargeront cinq hommes équipés, mais à ce moment là, on n'aura pas le choix. En attendant, les AX sont livrées avec des carrosseries d'usine, réduites, il est vrai, à leur plus simple expression. Il s'agit de runabouts pour la plupart, des biplaces sans portes. A partir de 1909, les acheteurs réclameront davantage de confort et l'AX sera disponible avec portes, pare-brise complet et même sous forme de petits coupés. Avant l'installation d'ateliers de carrosserie à Billancourt, que justifient les volumes de production des "deux pattes", Renault sous-traite leur fabrication à plusieurs entreprises de la région parisienne. De 1905 à 1920, la famille des 2 cylindres Renault compte une quinzaine de modèles, d'une puissance allant de 8 à 10 CV.

Fiable, robuste, on retrouvera le moteur 2 cylindres de l'AX sur des bateaux, des bancs de scie, et toute sortes de machines jusque dans les années 50.
Les taxis "deux pattes" seront nombreux à Paris en 1914, mais aussi à Londres et dans d'autres villes d'Europe. Dès 1907, 1.500 Renault sont en circulation à Paris.

1906

Renault frères est, en 1906, l'une des grandes entreprise automobile parisienne. Ce succès, Louis le doit à ses mécaniques fiables (ses propres moteurs bicylindres ont succédés au monocylindre de Dion à partir de 1902), à ses châssis solides, et à la diversité de son catalogue. Depuis 1905, ce dernier est grossit par une nouvelle proposition, les taxis AG. Ces derniers entreront dans l'histoire en 1914. En attendant, ils sont majoritaires sur le pavé parisien, Renault étant pour l'instant l'un des principaux fournisseurs de la Compagnie G7 fondée en 1902 par le Comte Walewski, petit fils de Napoléon Bonaparte.

Type Grande Remise 1906
Minialuxe

1910 - 1913

La firme s'étend encore. Les ateliers couvrent désormais 44.000 m2 et l'effectif atteint 3.500 personnes. La gamme s'étoffe d'une petite 7/8 ch vendue 4.600 francs et d'une 18 ch. Il dote également son usine d'une section de carrosseries. Rappelons que jusqu'à présent, Renault ne livrait encore que des châssis nus destinés à être carrossés à l'extérieur. Louis décide également de partir aux Etats-Unis afin d'y rencontrer Henry Ford et au cours de cette visite, songe à faire de sa nouvelle 7/8 ch la Ford T française. De retour de son voyage, il applique les méthodes de Ford. Cependant, au lieu de l'utiliser pour produire un unique modèle à grande échelle, il tente de l'adapter à une multitude de chaîne fabriquant pas moins de onze modèles, de 8 à 40 ch. Le 19 août 1912, Henry Ford à son tour rend visite à Louis Renault. En voulant appliquer les méthodes américaines, Louis fait une erreur qui va provoquer une nouvelle fois la colère des ouvriers. Le chronométrage des tâches est refusé, ce qui déclenche une nouvelle grève le 11 février 1913. Les salariés refusent ce système qui pénalise leurs erreurs et qui sert à calculer leur salaire. Ils refusent tout simplement de devenir des robots. La grève durera plus d'un mois mais Louis ne cédera pas. C'est la dernière fois qu'il instaurera un dialogue avec ses salariés. Déjà autoritaire, il deviendra de plus en plus despote, et de plus en plus solitaire.

Type 1911
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