Venus à la motocyclette en 1899, les cousins d'Armand
Peugeot suivent sa progression avec beaucoup d'attention. Réticents dans un
premier temps, ils doivent finalement admettre que l'automobile devient une
réalité à ne pas négliger. Tout en produisant des motocyclettes de grande
qualité, dont une machine de course qui atteint les 123,3 km/h et de ce fait,
pulvérise un record du monde, les Fils de Peugeot Frères vont, en 1906, franchir
le pas et devenir constructeurs d'automobiles. On trouvera donc sur le marché,
deux marque Peugeot. Une concurrence qui ne tardera pas à poser problèmes.
La première voiturette proposée par Les Fils de Peugeot Frères est une automobile dotée d'un monocylindre de
6/7 HP. En 1908-1909, des machines plus puissantes équipées de bicylindre en V, plus étoffée verront le jour.
Les 4 cylindres en V arriveront en 1912. Mais revenons un peu en arrière.
Puisque Armand est occupé avec ses automobiles, Eugène Peugeot
s'occupe des cycles, et ce n'est pas pour lui déplaire. Un vélo qui connaît un développement
exemplaire. Eugène, très prudent, estime que se lancer dans l'automobile est
une aventure utopique. De plus, lors de l'Exposition Universelle, le succès rencontré par
les bicyclettes Lion-Peugeot conforte Eugène dans sa préférence, laissant les
risques de désillusion à son cousin Armand. D'autant que la marque, pour
conforter sa notoriété, voit ses bicyclettes remporter le Paris-Nantes Cycliste.
Les cinq premiers de cette épreuve longue de 1.025 km sont équipés de
bicyclettes de la marque. Les affiches d'Albert Guillaume sont là pour le rappeler au public et immortaliser l'exploit.
Un magasin de vente est ouvert au 22 avenue de la Grande Armée à Pairs et les
clients se pressent pour acquérir la "petite reine". Si Peugeot domine le marché
hexagonal de la bicyclette, comme le symbolise l'affiche
représentant le lion qui, de sa patte, domine la collection Peugeot, ce sont
encore les anglais qui dominent le marché mondial. Irrité par cette concurrence
britannique, Peugeot déclarera dans la presse : ..."la marque est fière d'être
française". Par ces mots, Peugeot espère éveiller le patriotisme des français en
les priant d'acheter français, et Peugeot de préférence.
Malgré la réticence de ses cousins, Armand est décidé et ne lâche pas son projet.
Après l'aventure avec Serpollet, sa première automobile dotée d'un moteur à
explosion voit le jour. Sous l'impulsion d'Armand, "Les Fils de Peugeot frères" débute la
construction de ses automobiles. A partir de cette époque, les tensions entre
cousins vont être assez fortes et une période d'affrontement s'installe.
Eugène, bien que très réticent à l'automobile, ne néglige pourtant pas la motorisation. Après les cycles construits
sous la marque Lion-Peugeot, Eugène débute la production de motocyclettes, ancêtres des motos Peugeot qui apparaîtront en 1902.
1892
La firme Peugeot Frères devient la société d'articles divers et de cycles "Les Fils de Peugeot Frères".
Les firmes d'Armand et de ses cousins ne forment plus désormais qu'une seule entité,
mais
la part de l'automobile reste mince, le plus gros de la production étant le
secteur cycle dont la promotion est privilégiée. Sur les affiches signée par E.
Lucas, le vélocipède Lion-Peugeot est présenté comme un véhicule de loisir
destiné également à la gente féminine.
Sur une autre, la bicyclette est présentée sous son aspect sportif,
secteur où la marque est fort bien représentée. Mais la bicyclette est aussi un
bon moyen pour la transmission rapide des messages. Comme le montre l'affiche
d'Ernest Vulliemin, l'armée va
l'adopter pour transmettre ses messages. Les administrations vont également se
doter de cette nouvelle machine et la Poste est sûrement la première à
l'utiliser.
Pour madame, pour le sportif, mais aussi pour l'armée.
1896
Le conflit familial qui sévit entre Armand et Eugène s'amplifie
avec le temps. Eugène ne croit toujours pas
à l'automobile. Armand à de plus en plus de mal à imposer ses idées, et surtout, à
les appliquer. Il décide donc de quitter Les Fils de Peugeot Frères et de
fonder sa propre entreprise, la Société anonyme des Automobiles Peugeot. Il
récupère l'usine d'Audincourt, laissant Beaulieu aux cycles et à Eugène et ses
fils. Ces derniers ne sont pas mécontents de cette indépendance financière
d'Armand vis-à-vis de la maison-mère.
1892 - 1902
Pendant qu'Armand construit une nouvelle usine à Lille, les Fils de Peugeot Frères
misent sur la bicyclette. En 1899, ce sera le tour
de la motocyclette. Très rapidement, ils proposeront un tricycle motorisé, puis
dès 1903, un Quadricycle. Le pas vers l'automobile n'est pas encore franchit.
Depuis 1890, ils observent ce qui se passe, voient les marques se multiplier et
Armand diversifier ses modèles. Ils observent le marché, celui des grosses
voitures, qui assurent entre autre la promotion de l'automobile en général,
celui des tricycles et quadricycles, moins coûteux à produire, Ces derniers,
légers et de faibles puissances, utilisent des organes empruntés au cycle. C'est
ainsi qu'ils passèrent du cycles au motocycle en 1900, puis au tricycle
motorisé. Armand, en quittant ses cousins, a emmené avec lui les meilleurs
ingénieurs spécialiste de l'automobile, comme Rigoulot, Doriot et Michaux. La
société Les Fils de Peugeot Frères ne disposent donc plus, en 1903, d'ingénieurs
expérimentés.
Quadricycle
En 1902, les Fils de
Peugeot Frères ont fait preuve de prudence mais, au vu des résultats obtenus par
Armand, tentent de prendre le train en marche. Ils vont donc produire à leur
tour des véhicules à quatre roues mais vont commettre une erreur en se trompant
de produit et de clientèle. En proposant un Quadricycle, à cheval entre deux
marchés, la firme va perdre un temps précieux. En proposant un Quadricycle,
véhicule situé entre le motocycle et la voiturette, la firme choisit la facilité
et le minimalisme alors que ces types de véhicules appartiennent déjà au passé.
En 1902, les quadricycles, comme les voiturettes apparentés, que ce soit la
voiturette de Léon Bollée ou celle de Krebs produite par Panhard sous l'égide
d'Adolphe Clément, connaissent le même sort que les quadricycles Perfecta de
Darracq, conçus vers 1896 et 1897. Périmés, ils sont bannis par la plupart des
constructeurs. Seul le De Dion résista jusqu'en 1902, grâce à ses quatre places
et sa qualité de fabrication. C'est donc sur un marché délaissé que Peugeot
Frères présente son Quadricycle, alors que la Voiturette 8 HP De Dion commence à
prouver que le public demande de vraies automobiles. Le Quadricycle Peugeot
Frères 1903 se présente comme une bicyclette avec un cadre central en losange
surmontant une plate-forme tubulaire et rectangulaire portant les essieux par
l'intermédiaire, à l'avant uniquement, de petits ressorts doubles à lames.
Les roues avant sont portées par des fusées pivotantes et non par des fourches. L'essieu arrière, en
fait le tube transversal, porte l'ensemble moteur-bloc de transmission contenant
le volant-moteur, le changement de vitesses à 3 rapports et le différentiel.
Tous les organes baignent dans l'huile, à l'abri de la boue et de la poussière.
l'engin présente un curieux mélange de solutions automobiles et motocyclistes
avec son cadre tubulaire, sa selle et son guidon, son embrayage, sa boite de
vitesses commandée par un levier à main droite, son différentiel et ses arbres
moteurs. par contre, il n'y a pas de boîte séparée, pas de chaînes et pas de
courroie. Trois freins sont prévus pour arrêter le quadricycle, le premier, au
pied droit, fonctionnant en fin de course du débrayage, les deux autres, au pied
gauche, agissant sur les moyeux des roues arrière.
Le moteur du Quadricycle est un monocylindre Peugeot Frères
ou un De Dion-Bouton refroidi par eau avec réservoir et radiateur à ailettes, une solution
plutôt luxueuse pour un simple quadricycle.
Le réservoir d'huile est associé au réservoir
d'eau, tandis que l'essence est contenue dans un réservoir de cadre de 10 litres, comme sur les mobylettes.
A l'avant, sous la plate-forme, le coffre renferme les piles de l'allumage par rupteur et trembleur.
Comble du luxe, , la mise en marche s'effectue à la manivelle grâce à la boîte qui comporte un oint mort,
alors que les quadricycles antérieurs étaient généralement lancés en courant ou en pédalant.
Réunissant des solutions automobiles coûteuses et cyclistes bon marché, la Quadricycle de Peugeot Frères
de 1903 est vendu à 2.100 francs, puis à 2.800 francs, un prix de base ne comprenant pas le siège avant.
Il ne séduira pas les automobilistes, car trop rustique, ni les sportifs en raison de son manque de performances.
De plus, il ne dispose que de deux/trois places, interdisant tout usage familial et le consignant plutôt à un usage
utilitaire. Entre deux marchés, la production restera donc marginale et les Fils de Peugeot Frères ne vont pas
persister dans cette voie.
Pour conclure la description de ce véhicule "hybride", relevons les quelques mots
écrits dans La Locomotion Automobile du 12 mars 1903 :"Le quadricycle est presque aussi compliqué et aussi difficile
à conduire qu'une véritable voiturette. Le seul avantage que l'on puisse reconnaître à ces véhicules
est leur prix peu élevé.". Il faut dire qu'à cette époque, une voiturette basique coûtait 6.000 francs.
Jules Goux et Louis Delage
En 1903, Jules Goux entre au service des Fils de Peugeot frères. Il s'occupe des deux-roues et va rencontrer
quelques pilotes de motocyclettes. C'est également à cette époque que Louis Delage entre au service de Peugeot, à Levallois, comme chef d'étude. Il y
rencontrera Augustin Legros avec qui il montera quelques temps plus tard sa
propre entreprise en 1905. Pendant ce temps, Jules Goux prendra le guidon, puis le volant
des nouvelles voitures de la marque et participera avec succès à quelques courses.
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