
GORDINI

Dernière mise à jour : 12/05/2010
Le Sorcier

Petit historique
Le nom de Gordini est généralement associé à une petite voiture aux formes carrées de la Régie Renault, la R8. Rehaussée de deux
bandes blanches, sur le toit et les capots, cette voiture a fait la popularité de celui qu'on dénomma très vite "le sorcier". Mais avant cela,
Amédée Gordini donna à des petites Simca de quoi briller au Mans.
Amédée Gordini (1899/1979)

Origines
L'histoire d'Amédée Gordini débute le 23 juin 1899, près de Modena en Italie. C'est à Bazzano qu'il vient
au monde dans une région pauvre et isolée. A cette époque, des milliers de travailleurs franchissent la frontière
avec la France pour espérer trouver fortune en quittant une terre aride et pouvoir survivre. A 12 ans, Amedeo perd
son père et doit trouver un travail pour assurer la subsistance de sa famille. Il entre alors comme apprenti chez
un forgeron local qui va lui apprendre le travail des métaux. Il travailla également pour un
concessionnaire Fiat à Bologne, ou il rencontra d'ailleurs Eduardo Weber, le futur constructeur
de carburateurs, puis pour Isotta-Fraschini ou il bénéficia des conseils d'Alfieri Maserati.
A la fin de la Première Guerre, Amedeo est amené à faire son service militaire dans l'infanterie mais l'armistice
met vite fin à cet épisode. Retrouvant son emploi chez Isotta-Fraschini, Amedeo débute également la
construction de sa première voiture en assemblant des pièces d'origine différentes et un moteur récupéré
sur une voiture Bianchi hors d'état. En 1921, il se marie et sa vie professionnelle continue d'évoluer.
Après avoir travaillé pour Hispano-Suiza, il effectua un voyage à Paris qui sera décisif pour son avenir.
Dès lors, Amedeo n'a plus qu'un seul but, conquérir Paris.
Paris
C'est en janvier 1925 que Gordini arrive dans la capitale française, avec une simple petite valise à la main. Arrivé à la gare de Lyon, Amédéo retrouve une communauté
importante d'italiens et, curieux de tout, découvre les folles "nuits parisiennes", dépensant jusqu'à son billet de retour dans ce Paris des "années folles". Sans un
sou, Amédée n'a plus qu'une seule alternative, s'établir en France. Grâce à ses relations, il trouve du travail chez un compatriote. Garagiste, Gasparetto tient un
garage à Suresnes et importe des automobiles italiennes, des Isotta-Fraschini, sur lesquelles Amédée va se faire la main. Toujours grâce à la solidarité de la
communauté, et par l'intermédiaire de Gasparetto, Amédée rencontre Cattaneo, spécialiste dans le service et la réparation des voitures Hispano-Suiza. Amedeo va
travailler pour lui pendant quelques temps, accentuant ses connaissances en travaillant sur des mécaniques d'exception. Entre temps, Amédée prendra la nationalité
française et se mariera à une française en 1926 (un second mariage ?). Il travaille en tant que spécialiste des Fiat et devient vite agent de la firme, reconnu pour
ses qualités de metteur au point et ses brillants débuts en tant que pilote amateur. En effet, ce concessionnaire Fiat participera à quelques compétitions régionales
avec des voitures bricolées par ses soins. C'est sur une base de Fiat 508 S Balilla qu'il fera d'ailleurs ses débuts en compétition.

A droite, la Simca 5 modifiée n° 59 d'Amédée, lors des 24 Heures du Mans de 1937
Pilote et constructeur
Dès 1930, et ses débuts en compétition, la carrière d'Amédée va prendre une autre dimension. Grâce à Cattaneo, Amédée est entré dans l'univers de la course automobile
et trouve sa voie. En 1934, il fonde sa propre entreprise et suivant sa passion et son instinct, cumule les activités de pilote (toujours avec des petites Fiat) et
de constructeur. Amédée prépare des Fiat et des Simca pour ses clients sportifs et, en parallèle, son nom apparaît régulièrement sur les listes d'engagés dans les
grandes épreuves. Progressivement, Amédée parvient, dans sa catégorie, à se hisser sur quelques podiums, et pas des moindres. Avec des minuscules Simca 5, puis 8,
bien préparées en versions légères, profilées à souhait et rapides, il remporte de nombreux succès, dont son premier au Bol d'Or de Saint-Germain en 1935 au volant
d'une Fiat 6 CV Sport à carrosserie spéciale en aluminium et châssis renforcé. Il n'est donc pas étonnant que Pigozzi, alors directeur de la SAFAF, Société Anonyme
pour la vente en France des Automobiles Fiat, le soutienne qu'il prépare des Fiat de compétition. A la disparition de la SAFAF et à la naissance de Simca, Amédée
devient concessionnaire Simca-Fiat. En janvier 1936, il signe un contrat avec Pigozzi, accord stipulant que Gordini devait préparer les modèles Fiat (Balilla Sport
et Huit 1100) fabriqués sous licence par Simca et les engager en compétition, les primes de résultat lui revenant. Amédé devient donc le préparateur et le pilote
attitré de la nouvelle marque. C'est le début d'une grande aventure.
Amédée Gordini s'illustre encore en préparant les deux barquettes qui remportent les premières places de leur catégorie aux 24 Heures du Mans de 1938. Il est alors
surnommé "le Sorcier" pour ses exploits. Ses adorables petits bolides tout ronds, flanqués de deux gros phares ronds leur donnant des allures de jouets, sont
secondés par deux Simca 8.
"8" Gordini
La Simca 8 était au départ une Fiat 1100 construite en France. La Fiat 1100 avait fait son apparition au Salon de l'Automobile en octobre 1937. En découvrant la
voiture, personne ne pouvait imaginer qu'elle brillerait un jour au Mans. Son moteur de 1.090 cm3 est frugal, moderne et brillant. Equipé de soupapes en tête,
il développe 32 ch. et est associé à une boîte de vitesses à 4 rapports, alors que la plupart des concurrentes doivent s'en contenter de 3 (comme la Renault
Juvaquatre, qui ne fournit que 23 ch.). Avec de tels arguments, la moderne Simca 8 constitue certainement une bonne base pour des développements sportifs. Mais
une bonne mécanique ne suffit pas : il faut aussi des hommes passionnés et doués, Pigozzi et Gordini en font partie. Entre les mains d'Amédée, la Huit va devenir
une redoutable barquette de course.
La première Simca 8 Gordini est un coupé classique et la seconde est une barquette développée sur un châssis livré à l'automne 1937 à Amédée. Il l'a habillé d'une
carrosserie en aluminium, gage de légèreté, tout en retravaillant le petit 4 cylindres de 1 litre. Le style de la barquette est très fluide, et sa forme fuselée se
distingue par sa poupe fuyante. L'aérodynamisme est beaucoup plus soigné sur ces voitures que sur les minuscules Simca 5 ou les Simca-Fiat également développées
pour la course. Gordini dispose de véhicules peu puissants, mais leur force réside dans leur légèreté et leur finesse aérodynamique : leurs ailes avant son intégrées
à la carrosserie, leur capot est très fluide et leur forme générale évoque celle des voitures de course Bugatti de 1937 à 1939,
surnommées Tank. Les deux Simca
8 terminent 9e et 11e au Mans en 1938, A. Debille et Lapchin décrochant la catégorie 750-1100. Sur la Simca-Fait 5, M. Aimé et C. Plantivaux décroche la catégorie
des moins de 750 cm3, avec à la clé l'Indice de performance et la Coupe Annuelle de l'ACO.
Un an plus tard, les Simca 8 Gordini sont six au départ, Gordini pilote lui-même celle portant le n° 39. Le résultat des
courses est impressionnant : au terme des 24 h, la Simca 8 Gordini d'Amédée et Scaron, 10e au général, remporte la victoire de sa catégorie après avoir parcouru
2.885 km à une moyenne de 120,246 km/h. C'est la moyenne la plus brillante, meilleure que celle des grandes Delage, Delahaye et Bugatti. La légèreté peut-être un
bon atout ! Les deux pilotes décroche l'Indice de performance, la 2e Coupe Annuelle et la 14e Biennal Cup (Rudge-Whitworth Cup). N'oublions pas la petite 5 pilotée
par Ad. Alin et Al. Alin qui décroche la catégorie des 501 à 750 cm3.

Amédée Gordini, en 1939, vainqueur de l'indice de performance au Mans

"8" Gordini Le Mans 1939 Amédée Gordini/José Scaron
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Notons qu'avant les 24 Heures du Mans, Amédée et Scaron avaient été chercher une belle 13e place au classement général du célèbre Rallye de Monte-Carlo, décrochant
la aussi une victoire en catégorie avec la Simca 8.
C'est le journaliste Charles faroux qui surnomma Ammédée Gordini "le Sorcier", après les exploits de ses Simca lors des 24 Heures du Mans de 1938. Amédé fut un homme
clé du sport automobile français. Il savait concevoir des machines efficaces. Sa collaboration avec Simca se termina en 1956 mais pas sa carrière. Il travailla pour
Renault et donna naissance à une autre série de sportives, des voitures de légende encore une fois, les R8 et R12 Gordini, sans oublier les Dauphine et R17.


La petite 5
La Simca 5 du Mans fut complètement modifiée et préparée, et renaît sous la forme d'un cabriolet
monoplace... Fort du succès de sa voiture, il la prépara pour battre toute
une série de records du monde. Avec son petit moteur de 568 cm3, elle
parcourut 4.950 km sur l’autodrome de Montlhéry, en 48 heures, à la moyenne de 103
km/h, battant tous les records précédents et en bouclant le meilleur tour à 107
km/h. Cette performance, qui fera beaucoup de bruit, vaudra à Gordini une récompense de
30.000 francs, ainsi que le surnom qui ne devait jamais le quitter : le
sorcier !
Pause
En 1938, Amédée se pencha sur la Fiat Millecento, une 1.100 cm3 comme son nom l'indique.
C'est elle qui, en véritable voiture de course, s'impose au Bol d'Or, à Reims, Donington, Monthlery et
Spa Francorchamps. Le succès aurait pu être encore plus grand si la guerre n'avait pas éclatée en 1939.
Pendant la Seconde Guerre, les Simca-Gordini sont remisées. C'est la Simca 8 qui va reprendre du service en 1945 et,
avec cette voiture, Amédée Gordini fait son retour en fanfare en remportant la Coupe Robert Benoist, la première
course de l'après-guerre. Une façon de se rappeler au souvenir de Pigozzi qui renouvelle sa confiance au pilote en
l'aidant à se reconstruire. En effet, les locaux de Suresnes ont été détruits et Amédée doit trouver d'autres locaux
pour poursuivre ses activités.
Robert Benoist fut un grand pilote de années vingt et trente. Résistant pendant la Seconde Guerre, arrêté et déporté
à Buchenwald, il fut pendu par les nazis en 1944.
Le 9 septembre 1945, à Paris, furent organisées les premières épreuves d'après-guerre, à l'orée du Bois de Boulogne.
Trois Coupes furent créées pour cette occasion. La Coupe Robert Benoist, en hommage au pilote disparu, pour les moins
de 1.100 cm3, la Coupe des prisonniers pour les grosses cylindrées et la Coupe de la Libération pour les moyennes cylindrées.

Amédée Gordini, en 1945 au Bois de Boulogne, pour disputer la Coupe Robert Benoist
C'est boulevard Victor, à Paris, qu'il s'installe alors, pour le reste de sa vie.
En 1947, il reprend donc la fabrication de monoplaces et recrute des pilotes de talents, comme Raymond Sommer et Jean-Pierre Wimille.
A cette époque, et après le retrait de Talbot, les Gordini sont les dernières voitures à porter les
couleurs bleues françaises et brillent sur tous les circuits, nationaux ou internationaux. Face à une concurrence
plus puissante et surtout plus à l'aise financièrement, Amédée va faire jouer son imagination pour tenir tête
aux voitures italiennes, anglaises ou allemandes. Imaginant des moteurs double arbre à cames en tête brillants,
des châssis performants, des stratégies de course ingénieuses, et sachant s'entourer des meilleurs, il va signer l'une des
plus belles pages de la course automobile française. En 1948, il fera débuter un certain Juan Maneul Fangio, lors du Grand Prix
de Reims.

Fangio, au centre avec la Simca Gordini T15 n°6, lors du départ à Reims en 1948
Fangio chez Gordini
Le 28 janvier 1949, l'une des grandes figures de l'écurie Gordini disparaît. Lors des essais du Grand Prix
de Buenos-Aires, Jean-Pierre Wimille est victime d'un accident et décède à bord de sa petite
Simca-Gordini. Quelques temps avant, en 1948, Amédée Gordini avait été invité en Amérique du Sud avec
deux voitures, l'une pour Wimille, l'autre pour un champion local que devait désigner l'Automobile club d'Argentine.
Ce fut Fangio qui fut choisi, l'as des grandes courses routières dans son pays. Wimille et Fangio dominèrent
le GP de Rosario 1948 en tenant en devançant les Maserati de Farina, Villerosi et Landi, ainsi que la puissante Alfa
du héros local Oscar Galvez. Une fois en tête, les deux Simca-Gordini se livrèrent à un beau duel qui s'acheva par
la victoire du français après l'abandon de Fangio. Après le décès de Wimille, C'est Fangio qui prendra sa place
dans l'écurie Alfa.
Au cours des dix années de l'épopée de Gordini, l'écurie n'eut à déplorer qu'une seule mort de pilote, celle de Jean-Pierre Wimille.

Fangio, au volant de la Simca-Gordini T11, à Palerme en 1947. A droite, à côté d'Amédée Gordini

"8" Gordini T15 Grand Prix de Pau 1949 Maurice Trintignant
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T8 Gordini 1949 24 Heures du Mans Scaron-Veyron
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Les années 50
En 1947, Amédée stoppa sa carrière de pilote et débuta la construction de ses premières monoplaces équipées de moteurs Simca. Lorsque Simca abandonne la compétition,
en 1951, Gordini continue seul. Il remporte alors de nombreux succès en Formule 1 et 2 en en Endurance.

La T15, que Manzon et Trintignant
piloteront en 1950
En 1952, Jean Behra devance les fameuses Ferrari sur le circuit de Reims, ce qui donne encore plus
de valeur à cette victoire française. Cependant, malgré cette performance, Simca décide de se retirer de la compétition.
Sans le soutien de la firme de Poissy, l'écurie Gordini va connaître des heures difficiles et devra souvent
sa survie à des clients fortunés, comme la romancière Françoise Sagan, fascinés par les automobiles rapides.
A cette époque, pour Amédée, seule la course compte et au lieu de se retirer, il s'entête à poursuivre dans cette coûteuse voie
de la compétition. Pour ce faire, il développe un nouveau moteur 8 cylindres 3 litres. Il glane encore quelques victoires
mais face à Ferrari, à Mercedes ou à Maserati, qui écrasent de leurs moyens le
sport automobile en 1954 et 1955, les petites voitures bleues sont de plus en plus à la peine,
surtout dans le Championnat de Formule 1 ou les résultats, de 1950 à 1956,
seront décevants. Entre 1950 et 1956, les
pilotes Gordini ne monteront que deux fois sur le podium des Grands Prix de
Formule 1, Manzon en 1952, 3e à Spa, et Behra en 1952, 3e à Bremgarten. La 8 cylindres s'offrira
encore une belle 5e place lors
du Grand Prix de Monaco 1956, avec Da Silva Ramos au volant mais entre abandon
et fond de classement, les Gordini ne sont plus sur le devant de la scène.
L'écurie pourtant poursuit ses engagements dans divers championnats, Formule 2
ou Endurance. Au cours de cette période, Jean Behra s'imposera à Pau en 1954.
Les 6 et 8 cylindres abandonnent régulièrement, manquant fortement de
préparation et surtout, victimes d'un manque cruel de finances pour le
développement. Parmi les résultats de l'écurie Gordini, en 1954, on trouve la deuxième place de Behra au Daily Express Trophy à Silverstone, les troisièmes places
aux Grands Prix de Bari et de Cadours. En catégorie Sport, Pollet et Gauthier s'impose dans le
Tour de France 1954. Ces deux pilotes
se classent également sixième au Mans. A la Coupe du Salon 1954, c'est Behra qui
s'impose avec une trois litres à huit cylindres. Les résultats de 1955 sont
décevants, avec l'abandon de Jean Lucas au Grand Prix d'Italie en septembre,
seule épreuve disputée par la 8 cylindres. A bout de souffle, les Gordini
courageuses désertent les circuits et la dernière apparition d'une petite voiture bleue aura lieu en 1957 au Mans. Le nouveau moteur de Formule 2,
annoncé auparavant, ne sera pas utilisé cette saison là. Ce sont encore les voitures dotées du 8 cylindres qui
seront
réutilisées, sans résultats. Après l'épisode du Mans, Amédée
ferme son entreprise et accepte les offres du géant français, Renault. Une nouvelle histoire commence pour notre "Sorcier".
Quelques Gordini

Bira, avec la T15 en 1952 en Suisse et
Trintignant, avec la T16 à Monza en 1953
Aldo Gordini
Travaillant sur plusieurs terrains, Amédée élabora, en 1955, une voiture destinée à courir en Formule 1. Cette
monoplace, dotée d'un 8 cylindres en ligne de 2,5 litres, fut baptisée Type 41. Dans le dictionnaire des pilotes de F1,
on trouve Aldo Gordini, le propre fils du "Sorcier". Ce dernier cependant ne participa aux Grands Prix de F1 qu'en
1951 et ne pilota donc pas cette voiture. Aldo est né en 1921 et vécut jusqu'en 1995. Il ne participa qu'à un seul
Grand Prix, celui de France à Reims le 1er juillet 1951, à bord d'une Simca-Gordini T11. Il abandonna au 27e tour.
On le retrouve cependant sur les listes des engagés des 24 Heures du Mans de 1950, avec André Simon, et en 1951 avec
José Scaron. Il met ensuite un terme à sa carrière de pilote.
24 S
Malgré un financement de son entreprise de plus en plus précaire au début des années cinquante, Amédée Gordini
réalise donc l'une de ses ambitions : produire un moteur 8 cylindres en ligne aussi beau qu'un Bugatti.
Travailleur sérieux et obstiné, passionné par la course, Amédée Gordini, qui a réussit en cinq années à venir
jouer dans la cour des grands et à s'y faire un nom, rêvait d'égaler son compatriote Ettore
Bugatti dont le 8
cylindres en ligne représentent la mécanique noble par excellence. Est-ce la fin du soutien de Simca (la dernière
course avec la marque de Nanterre a eu lieu en octobre 1954) qui déclencha une sorte de fuite en avant créatrice,
l'envie de produire des voitures plus "vendables" que les monoplaces ou le sentiment que l'heure était venue de réaliser
"le grand oeuvre" qui poussa Amédée Gordini à donner le feu vert au bureau d'études pour créer une sport-compétition
à moteur 8 cylindres ? Conformément à une philosophie traditionnelle, ce prestigieux moteur doit pouvoir équiper une
version GT et, pourquoi pas, intéresser un constructeur. En 1952, le petit atelier Gordini bourdonne d'activité. C'est
dans un contexte assez frénétique qu'Amédée Gordini demanda à l'ingénieur Antoine Pichetto de tracer les plans d'un
moteur 8 cylindres de 3 litres et du châssis correspondant, le Type 24 S. L'orientation vers le Sport et le Grand
Tourisme se précisa. En février 1953, le moteur 8 cylindres type 24 est mis en fabrication. Il reprend l'architecture
élaborée au fil des années sur la base du moteur Simca-Fiat : bloc et culasse en alliage léger, chemises de cylindres
en fonte de type humide, vilebrequin pris dans la masse porté par neuf paliers, chambres de combustion hémisphériques
à deux soupapes commandées par culbuteurs, graissage par carter sec avec deux pompes et radiateur-filtre d'huile. Les
cotes retenues sont celles du Type 16 de 1950, le premier 4 cylindres "double arbre" : 78 x 78 mm.

Le châssis prévu est à l'étude depuis longtemps pour une voiture de sport à roues avant indépendantes et pont
arrière rigide (guidé par une variante du parallélogramme de Watt), boite de vitesse à 5 rapports et différentiel à
renvoi pour abaisser la transmission, car la voiture sera à conduite centrale. Le cadre est, comme d'habitude, fait
de deux tubes parallèles réunis par des traverses également tubulaires soudées. Les freins à disque prévus, encore
à l'étude chez Messier, ne sont pas prêts. En avril 1953, le châssis Type 24 n° 36 S est assemblé et la carrosserie
est en fabrication. Objectif : Le Mans, en juin. En mai, la carrosserie de la 36 S est achevée et le premier moteur
8 cylindres a donné 210-220 ch. à 6.000 tr/mn. C'est aux 24 Heures du Mans 1953 que le Type 24/36 S va faire ses
premiers tours de roues : l'auto n'a jamais roulé avant la première séance d'essais, où elle
révèle une dangereuse
instabilité due à un défaut de géométrie du train avant. Gordini la retire.

La 36 S ne débute vraiment que le 5 juillet, à Reims avec Jean Behra, mais un éclatement de pneu la met hors course.
L'engagement de la 36 S au Tour de France automobile montre que son moteur est bien né, mais à la Panaméricaine,
Behra est éliminé suite à un problème moteur. La 36 S reçoit enfin des freins à disque avant les 24 Heures du Mans 1954
et le montage d'un compresseur, un moment envisagé, sera oublié. A Reims, la voiture est accidentée. Elle termine 4e
au Portugal, couru en "Sport". Au Tour de France, une erreur de navigation l'élimine, mais Behra gagne la Coupe du Salon.
deux 8 cylindres participent au GP d'Agadir en février 1955, puis la 36 S court la Mille Miglia avec l'italien Bordoni,
dont la 37 S a cassé. La voiture entre en chantier de carrosserie pour recevoir une nouvelle caisse ave direction à
gauche, un moteur neuf et un pont rigide en vue des 24 Heures du Mans. Aux essais, elle est très endommagée dans un
accident causé par des spectateurs imprudents. Reconstruite, la 36 S est envoyée au GP de Caracas en novembre, où elle
prend la septième place. A Agadir, des ennuis de freins montre que les Messier ne sont pas au point. D'autres projets
occupent Gordini, malgré une situation financière dramatique.
La victoire de la 8 cylindres au Tour Auto 1953 montra la polyvalence de cette voiture et celle de Jean Behra,
qui l'avait menée prudemment sur près de 6.000 km de routes et de circuits. Le seul vrai problème avait été de retenir la
carrosserie fixée au châssis.
Françoise Sagan
Finalement, après une ultime course, la 36 S fut vendue à Françoise Sagan, qui, en toute connaissance de cause, accepta de payer
un prix très élevé pour aider Gordini. La 36 S fut revendue à José Piger en 1958, avant d'entrer en collection.
37 S
Au Salon 1953, Gordini exposa une seconde 8 cylindres, dont le moteur n'était pas terminé. Il s'agissait de la
37 S à volant à gauche, qui allait être vendue au pilote italien Franco Bordoni et peinte en rouge avant livraison.
Redevenue bleue, elle est actuellement au musée de Mulhouse dans la collection Schlumpf.
Renault
Avec Renault, Gordini va vivre une étroite collaboration, très fructueuse sur le plan sportif et technique.
Pour cette entreprise, Amédée va effectuer un grand nombre d'études et, au sein d'un atelier créatif,
téméraire et expérimenté, va donner naissance aux Dauphine Gordini puis aux très célèbres R8
et R12 Gordini.
En 1957, le 1er janvier exactement, Amédée Gordini signe un contrat avec Renault pour la production de 10.000
Dauphine Gordini. Ce contrat, qui arrive trop tard pour sauver l'écurie de course du "Sorcier", permet cependant
à Améde de rester dans le milieu de l'automobile sportive et ainsi, conserver sa passion pour la compétition.
Nommé à la tête du département Compétition, les premiers moteurs Renault-Gordini sont installés dans les Dauphine
et Ondine qui seront produites de 1957 à 1968. En parallèle, les moteurs frappés du sigle Gordini sont installés
dans des châssis d'Alpine ou René Bonnet.
En 1964
R 8 Gordini

R 8 Gordini Monte-Carlo 1967
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En 1964, la R8 Gordini fait son entrée sur le marché des sportives de Renault. D'abord dotée d'un moteur 4 cylindres
de 1.108 cm3, elle adopte un 4 cylindres de 1.255 cm3 en 1966. ces qualités en font une petite bombe très performante et
dès 1964, son succès ne va cesser de croître. L'engouement des pilotes amateurs est tel que la Coupe
Gordini sera créée pour
permettre à ces futurs champions de venir se mesurer, avec leur voiture de série améliorée, à d'autres concurrents qui
deviendront, pour certains, de grands pilotes. La notoriété d'Amédée, apportée par la R8, sera accentuée par les
performances des Alpine qui, grâce aux moteurs Gordini, s'imposent désormais régulièrement en rallyes ou sur circuit.

Rétromobile 2007

R 8 Gordini 1500 Double ACT 1967
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En 1967, une Renault 8 Gordini disposant d'un moteur 1.500 cm3 à double arbre à cames en tête fut construite à un seul exemplaire.
Alignée à trois reprises en compétition cette année-là, elle ne signera pas de résultats suffisamment probants pour que son
exploitation soit poursuivie. Déclinaison de la deuxième version de la R8 Gordini type r 1135, la R8 Gordini 1500 double arbre à cames débuta le 14 mai 1967
dans la 51e édition de la Targa Florio, avec les suédois Bernd Jansson et Harry Källström (numéro 164). Après quelques ennuis moteur, la voiture
sera contrainte à l'abandon. Du 4 au 9 septembre, elle est de retour parmi les quatre R8 Gordini engagées par la régie dans la 28e Coupe des Alpes.
Elle porte alors le n° 113. Alignée par Bernd Jansson et Marianne Sengstmann. Dans la troisième étape,
Marianne oubliera de pointer à un
contrôle de passage, ce qui fera plonger de la 3e place au général aux profondeurs du classement. Enfin, la troisième apparition se fait lors
du 11e Tour de Corse, les 5 et 6 novembre 1967, avec Bernd Jansson et Marianne Sengstmann une nouvelle fois. Figurant dans le
peloton de tête,
la voiture stoppera peu avant le milieu du rallye, victime de sa transmission.
L'unique exemplaire de la r8 Gordini 1500 double arbre à cames est aujourd'hui au Musée de Lohéac. Elle est en parfait état de marche après
avoir été remisée dans l'usine Gordini de Viry-Chatillon. Dans les années 70, lorsque Renault racheta le site, Gordini récupéra in extremis la voiture,
vouée à la ferraille. Il la récupère pour son usage personnel et la remet en configuration "civile". Il la rend ensuite à Christian Chassaing de Borredon,
pour son musée du Bec-Hélouin. A sa disparition, la voiture est rachetée par un vendeur spécialisé qui la met en vente comme une R8 Gordini "Coupe"
au début des années 90. Michel Hommel en fera alors l'acquisition pour le Manoir de l'Automobile de Lohéac. Elle ne dispose plus de ses parties "ouvrantes"
en aluminium, remplacées par d'autres en tôle d'acier, ni ses vitres latérales en plexiglas.

R 8 Gordini Rallye du Portugal 1967 Carpintero Albino/Antonio Silva Pereira et R 8 Gordini 1300 Coupe Gordini Pau 1968 Jean Ragnotti et Albi 1968 Roland Trolé
Solido, Norev et Eligor
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R 8 Gordini Coupe 1969 Richard Chevaux
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Gordini et Alpine
Amédée Gordini apporta sa contribution, et pas la plus légère, à la motorisation des
Alpine, en monoplace ou en Sport-prototypes. Amédée réalisa en effet la plupart
des moteurs employés par la firme de Dieppe
aux 24 Heures du Mans, entre 1963 et 1969, dont le dernier fut
le 8 cylindres en V de 3 litres.
R12 et R17
Succédant en 1971 à la R8 Gordini 1300, la R12 est un peu moins appréciée. Il est vrai que succéder à la R 8
est une tâche très difficile. Cependant, plus puissante, elle gagnera la sympathie du public et connaîtra une
carrière honorable, jusqu'en 1974, année ou apparaît la R 17. Un peu plus puissante, cette dernière n'aura
pas la même notoriété que ces deux devancières. Produite jusqu'en 1977, ce sera la dernière des Renault Gordini.
Signalons que le moteur de la R17 fut celui de la Berlinette Alpine, championne du monde des Rallyes en 1973.

R 12 Gordini Coupe 1971 Marc Sourd - Vainqueur de la Coupe R 121 G 1971
R 12 Gordini Rallye de Monte-Carlo 1973 J. Ragnotti/J. Joubert
Eligor et Ixo
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R 8 Gordini Coupe 1973 Jean-Pierre Gabreau, vainqueur de la Coupe
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R17 Gordini 5e Monte-Carlo 1975 Jean-François Piot/Jean de Alexandris 1re Groupe B
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Centenaire Gordini
Pour célébrer le centenaire de la naissance d'Amédée Gordini, la mairie de Paris
inaugura une place portant son nom. Elle est située à deux pas des anciens ateliers du "Sorcier", situés
boulevard Victor. Cette place forme l'angle du boulevard Lefebvre et de l'avenue de la Porte
de la Plaine, dans le 15e arrondissement.
Pour en savoir plus sur
Gordini, je vous invite à lire les pages spéciales dans la partie Encyclo43.
Cliquez sur l'un des icônes ci-dessous.

Amédée Gordini s'éteindra en 1979, un an après avoir assisté au triomphe d'une Renault-Alpine au Mans. Le V6 Turbo,
installé sur cette voiture, portait la griffe Renault-Gordini sur ses couvre-culasses.
Grâce à Amédée Gordini, Renault se forgera une belle image en compétition et, en guise d'hommage, l'usine
Renault-Sport de Viry-Chatillon portera, pendant de longues années, le nom d'Amédée Gordini sur son fronton,
visible depuis l'autoroute A6.
