CITROËN
Dernière mise à jour : 15/05/2010
Autos sur chenilles...
Petit historique, suite...
Entre 1921 et 1934, André Citroën va utiliser la publicité avec succès pour promouvoir les autochenilles système Kégresse. Ces véhicules seront
l'outil principal des grandes croisières transcontinentales que la marque aux chevrons va financer. Traversée du Sahara, Croisière noire, Croisière
jaune et Croisière blanche, seront les premières grandes épopées du 20e siècle. Ces croisières mettront également en avant l'inventeur du système,
Adolphe Kégresse.
Le 20e siècle ne s'affirme définitivement qu'après la Grande Guerre avec les formidables progrès techniques que les nécessités du moment ont
suscités chez tous les belligérants. Parmi les domaines concernés, l'automobile et l'aviation, devenus moyens de guerre, ont montré leur
efficacité.
C'est à cette époque qu'une invention prometteuse se concrétise et affronte les réalités du terrain : le propulseur à bandes souple sans fin destiné
au tout-terrain.
Adolphe Kegresse (1879/1943)
Adolphe Kégresse est né à Héricourt en Haute-Saône, en 1879. Après l'école primaire, il reçoit une instruction technique l'Ecole pratique et d'industrie
de Montbéliard. Avec un diplôme de mécanique en poche, son service militaire effectué, il entre chez Jeanperrin, un petit constructeur automobile du Doubs,
mais le quitte bientôt pour d'autres horizons. Il part en Russie en 1905, à Saint-Pétersbourg pour tenter sa chance, comme d'autres partent aux Etats-Unis.
A cette époque, la demande en mécaniciens et ingénieurs est importante dans ces deux pays. En 1903, à Saint-Petersbourg, il travaille comme maître-mécanicien
aux chemins de fer de St-Petersbourg puis, s'étant fait remarquer par ses compétences techniques, est appelé à diriger le service automobile de la Cour de
Russie, avec rang d'officier supérieur. Ainsi, en 1907, directeur technique du premier garage impérial du Tsar de Russie, Nicolas II, il a la charge de
réceptionner les voitures du Tsar, de les mettre au point, de les réparer le cas
échéant, et de former des techniciens russes et des conducteurs. Il y restera jusqu'en 1917. Grand chasseur, le Tsar regrette de ne pas pouvoir circuler pendant
le long hiver russe et Kégresse, en 1910, imagine et met au point un système original pour que le Tsar puisse utiliser ses véhicules par tous les temps.
Ces véhicules sont des Packard, Mercedes-Benz (première à être équipée) et Delaunay-Belleville. En fait, il répondait au souhait, ou plutôt à l'ordre du Tsar,
qui voulait aller à la chasse en hiver en automobile.
Mercedes dôtée du premier système Kégresse
Avant même que l'empereur ait manifesté son désir, Kégresse avait déjà imaginé d'équiper des automobiles postales de bandages sans fin en
lieu et place des roues motrices et de compléter les roues avant par des skis orientables. Le principe de la chenille existe, mais sous forme
de chaînes métalliques dévoreuses de puissance, impossibles à adapter à des véhicules de tourisme. L'idée su propulseur de Kégresse consiste en
une courroie sans fin souple tendue entre une poulie motrice et une poulie folle à l'intérieur de laquelle roulent des galets qui supportent
le poids du véhicule. Grâce à l'appui du Tsar, il peut expérimenter diverses solutions,avec des matériaux légers comme la corde, la courroie
de cuir tressé ou la caoutchouc armé. Il a même utilisé des poils de chameau tressés pour les premiers bandages. Finalement, c'est le caoutchouc
qui sera utilisé. Le gros désavantage est que la durée de vie de
la bande de caoutchouc est assez faible. Cependant, le système fonctionne et il est adopté. Kégresse finit par prendre un brevet en 1913.
Les véhicules seront adaptés de manière à pouvoir, en été, retrouver leur fonction première. En 1914, l'armée russe sera la première et seule armée
à disposer de véhicules à chenilles, comme les ambulances Packard et les auto-mitrailleuses Austin-Putilov qu'utiliseront ensuite les Bolchévicks.
Russo-balte lors d'essais sur neige
Delaunay-Belleville du Star Nicolas III ou la Rolls Royce que Lenine
commanda pour son usage personnel
Le système de bande sans fin est déposé en 1913, après plusieurs années d'essais. Le brevet est déposé en France et en Russie, couvrant le système de courroie
en caoutchouc et le train porteur remplaçant les roues arrière motrices d'une automobile ou d'un camion. Au déclenchement de la guerre de 1914, l'armée russe
dispose de véhicules semi-chenillés Austin-Putilov à propulseurs Kégresse. L'inventeur conduira le Tsar sur les divers fronts de l'est. Au moment de la
révolution de 1917, il devra abandonner tous ses biens et, avec sa famille, rejoindre la Finlande pour échapper aux révolutionnaires. Il rejoint ensuite la France.
Détenteur d'un bon brevet, il tente en vain de proposer ses chenilles à différents constructeurs. il prend contact avec Louis Renault, mais ce dernier, qui répugne
à verser des droits de licence, ne donne pas suite à sa proposition. A Héricourt, son ami Georges Schwob le présente en 1920 à Jacques Hinstin, concessionnaire et
proche de Citroën. Hinstin est intéressé et développe le système avec Kégresse, pour construire des prototypes à chenilles sur la base des Citroën Type A 10 HP.
Après dépôt des brevets, ils présenteront le système
"Kégresse-Hinstin" à André Citroën en 1921, présent aux premières démonstrations. Ce dernier, convaincu, "saute" sur l'idée. Il achète la licence d'exploitation
du propulseur Krégresse-Hinstin en 1920 et fonde un département de production d'auto-chenilles dirigé par Jacques Hinstin et Adolphe Kégresse.
Le premier type de base est la Citroën B2 de 1921, une petite 4 cylindres développant 18/22 chevaux.
Les auto-chenilles de présérie sont essayées au mont Revard, dans les Préalpes.
Citroën cherche alors des marchés pour ses véhicules semi-chenillés. Présenté comme le véhicule idéal pour le tourisme, l'exploration, le camping,
l'industrie, l'agriculture et le remorquage en général, de celui des péniches à celui des avions, en passant par les wagons et les canons, la chenille
Kégresse apparaît comme le véhicule idéal pour les colonies et l'armée. Mais les militaires sont sceptiques. Les autochenilles sont lentes et trop peu puissantes.
Pour les convaincre de leurs capacités de franchissement, Citroën organise la première traversée du Sahara en auto. Il financera cette traversée
du Sahara, de Touggourt à Tombouctou, avec des voitures Type P2 dérivées du Type B2 de tourisme, qui se déroulera au cours de l'hiver 1922-1923, sous la
direction de Georges-Marie Haardt, directeur général des usines Citroën, et Louis Audouin-Dubreuil, officier aviateur ayant l'expérience du désert.
Si l'expédition est une réussite, elle souligne les insuffisances du propulseur Kégresse ne caoutchouc naturel, les bandes s'allongeant en chauffant, patinent
facilement et cassent sous les surcharges malgré la faible puissance des moteurs.
Traversée du Sahara
Les autochenilles équipées de propulseurs Citroën-Kégresse-Histin sont directement dérivées des Type A et B2, c'est d'ailleurs le moteur de
cette dernière qui sera utilisé dans la Première traversée du Sahara entre le 17 décembre 1922 et le 7 janvier 1923.
Autochenille K1 1922 "Première traversée du Sahara"
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C'est la première autochenille effectivement commercialisée par la marque, monté sur base du châssis B2 et adoptant le système
de l'ingénieur Kégresse. Il succède à quelques prototypes testés à partir du châssis de la Type A. Plusieurs versions seront
déclinées, en "tout-terrain à chenilles normales et une "Neige" à chenilles larges et roues avant enserrées dans des skis. C'est
la première version que l'on retrouve en 1922 pour la première traversée du Sahara,
pour un raid de 3.200 km. Le succès de cette expédition a un grand retentissement en Europe car pour la première fois, cinq voitures ont
établi une liaison terrestre entre l'Algérie et l'Afrique Occidentale française, aller et retour.
De 1921 à 1926, Citroën produira environ 1.134 chenillettes P2 et dérivées. La plupart seront destinées à l'armée.
La traversée du Sahara fut un succès, ce qui donnera l'idée à André Citroën
d'aller plus loin et de préparer la Croisière Noire (1924-1925) et la Croisière Jaune,
deux expéditions qui feront la renommée des automobiles Citroën dans le monde
entier. Comme la traversée du Sahara, les croisières "Noire" et "Jaune" seront
dirigées par Georges-Marie Haardt, secondé par Louis Audouin-Dubreuil.
Croisière Noire - Expédition Centre-Afrique
Après le succès de la traversée du Sahara, démontrant que l’on pouvait
relier l’Afrique du Nord à l’Afrique Occidentale en moins de 20 jours avec des
automobiles, André Citroën songe déjà à d’autres expéditions, avec Haardt et
Audouin, les deux chefs d’expédition. Gaston Doumergue, Président de la
République en fonction à cette époque, évoqua devant Citroën l'intérêt d'une
liaison régulière entre les colonies africaines et Madagascar, territoire
français isolé dans l’Océan Indien. Depuis de nombreuses années, certains
explorateurs comme Félix Dubois en 1898, avaient tenté l’aventure, mais les
essais non concluants avaient fait capoter tous les projets. André Citroën imagine
donc ce nouveau projet, en projetant une liaison régulière entre Colomb-Béchar
et Tombouctou, une ligne pouvant transporter des passagers en autochenilles, en
échange cependant de 40.000 francs, le prix du billet. Pendant le trajet, ces
passagers profiteront toutefois, et pour ce prix, de nuits dans de grands hôtels
situés tout au long du parcours, et d’un repas amélioré à chaque étape. Dans cette
optique, Citroën met en place la compagnie transafricaine, dénommée dans un
premier temps CEGETAF (Compagnie générale transafricaine), puis CITRACIT (Compagnie
transafricaine Citroën). Il engage alors des spécialistes pour mettre au point
l’expédition et prépare tout un programme de construction hôtelière. Une
campagne publicitaire accompagne tout cela, dans toute l’Europe. En ce qui
concerne les véhicules, la Citroën 10 HP est jugée trop peu confortable et
André Citroën opte pour la 15 HP Mors, plus adaptée au transport d’une
clientèle huppée visée. Bien sur, les Mors seront équipées du système Kégresse.
Après 18 mois de préparation, Citroën annonce la date du départ de l’expédition,
fixée au 6 janvier 1924. La 2 janvier, André Citroën annonce l’annulation de l’expédition,
les autorités militaires lui annonçant que le sud du pays marocain risque de s’embraser
et que l’armée ne peu assurer la protection du convoi qui doit transporter les
époux Citroën mais aussi le général Pétain, le roi des Belges Albert 1er,
le gouverneur de l’Algérie, invités par le constructeur français. Le
gouvernement retire dans le même temps toutes les autorisations de passage dans
le pays. Déçu, André Citroën liquide sa compagnie transafricaine et vend les
autochenilles préparées pour l’occasion.
Citroën ne va pas pour autant oublier son projet et juge d’ailleurs que tout
cette histoire est un complot mis en place contre lui. Il apprendra plus tard,
par plusieurs voyageurs, qu’il n’y a jamais eu de rébellion dans la région
marocaine évoquée par l’armée. Citroën suspecte alors son éternel rival, Louis
Renault, qui annonce également, quelque temps après Citroën, une expédition
similaire, mais avec des automobiles conventionnelles à 6 roues. Du coup, André
Citroën va imaginer un nouveau projet, encore plus grand, plus ambitieux. Il
veut désormais traverser le continent noir, de part en part, dans une nouvelle
mission baptisée "Croisière noire". Il prévoit d’emmener avec lui des ethnologues,
des géologues, des météorologues, des géographes, des anthropologues, des écologistes
et des cartographes, des scientifiques qui seront filmé et photographié pendant
leurs travaux tout au long du parcours. Cette fois, la mission reçoit l’aval
des hauts responsables de l’Etat. Pour le Président de la République, cette
mission permettra d’établir une jonction entre deux zones reculées de l’Afrique,
Djibouti et Madagascar. Six autochenilles sont équipées du dispositif Kégresse-Hinstin
pour parcourir les 28.000 km de la mission. Georges-Marie
Haardt et Louis Audouin-Dubreuil sont reconduits à la tête de l’expédition, et
chaque véhicule reçoit un surnom. Ces véhicules sont séparées en deux groupes,
le premier comportant le "Scarabée d’or" de Haardt, qui transporte
les cartes, les documents et les armes, "L’éléphant à la tour" (archives et trésorerie),
"le Soleil en marche" et "L’escargot ailé" (les voitures cinéma). Le second groupe se
complète du "Croissant d’argent" d’Audouin-Dubreuil et
Maurice Penand, le mécanicien en chef, de "la colombe3 (matériel
médical et ravitaillement) et de "Centaure et Pégase", les voitures balais
chargées de pièces de rechange. Ces sigles sont également peints sur les
remorques, pour éviter une erreur d’attelage. Le départ est donné au fort de la Légion étrangère de
Colomb-Béchar, le 28 octobre 1924. Le convoi traverse ensuite l’Algérie, le Niger, le Tchad, l’Obangui-Chari
(aujourd’hui République centre Africaine) et le Congo belge.
Les autochenilles traversent la savane, le désert, les marécages, sur des
terrains non cartographié. Les hommes doivent régulièrement descendre des
véhicules pour tracer eux même leur route. A Kampala, le groupe se sépare en
quatre groupes de deux véhicules. L’un part vers Mombasa, l’autre vers Dar es
Salaam, les deux autres vers Le Cap et le Mozambique. Les voitures doivent se
rejoindre ensuite rallier l’océan Indien et Tananarive. L’expédition s’achèvera
le 26 juin 1925. Ils ne rentreront qu’à l’automne à Paris. Le succès est total
pour Citroën et le film de l’expédition sortira la 2 mars 1926. Citroën refera
parler de lui quelques années plus tard en organisant la Croisière jaune.
En attendant, les exploits des hommes et des autos sont amplement médiatisés
et, si les résultats commerciaux sont décevants, le nom de Citroën devient mondialement connu. Parallèlement,
la firme tente toujours d'intéresser l'armée, qui ne commande que quelques centaines de chenilles jusqu'en 1928
à des fins d'expérimentation. La B2 semi-chenillée peine à remorquer le canon de 75, tâche qu'elle n'accomplit
pas beaucoup mieux que les chevaux.
En 1928, alors que le type de base est la B14 25 chevaux puis la C4 30 chevaux, Kégresse crée le propulseur
à entraînement positif par dents et poulie crantée, qui suppriment le patinage (mais pas les ruptures). Les
30 chevaux, puis les 45 chevaux du 6 cylindres C6 promettent de meilleures performances et les militaires
commencent à prendre les types P17 et P19 au sérieux. Des unités de chasseurs, de dragons portés et des régiments d'artillerie
vont être dotés petit à petit de tracteurs Citroën-Kégresse, plus efficace à partir de 1930. Les américains
surveillent ces progrès et achètent des autochenilles Citroën pour évaluation. Peu après , ils créeront le half-track, largement
utilisé pendant et après la Seconde Guerre mondiale. En 1931 et 1932, l'expédition Centre-Asie ou Croisière
Jaune de Beyrouth à Pékin constitue une démonstration in situ sans précédent, mais les défauts restent les mêmes, même si
les autochenilles passent là ou les véhicules à roues doivent renoncer.
Croisière Jaune
Georges-Marie Hardt et Louis Audouin-Dubreuil
Pour ceux qui se souviennent, une série télévisée fut diffusée dans les années 70 (1974),
"La cloche tibétaine", une série de plusieurs épisodes retraçant l'épopée de la
croisière jaune. Dans ce feuilleton, on retrouvait Coluche, Gilles Béhat et
Philippe Léotard.
Après le succès de la première traversée du Sahara en automobile (hiver 1922-1923) et de l'expédition Centre-Afrique (octobre 1924-juin 1925), la nécessité
s'impose pour André Citroën de "vendre" le système de chenille souple Kégresse, dont il a acquis la licence d'exploitation. Ses clients sont principalement
les militaires, qui cherchent à remplacer les chevaux. Accessoirement, le marché civil des pays dépourvus de route est visé (voitures postales, bus et
ambulances). l'idée de traverser un continent asiatique mal connu s'impose en 1928, après que de nouveaux matériels ont été définis. Le premier projet prévoit
le départ de Beyrouth, au Liban, alors sous mandat français, en direction de l'est, avec une traversée des Turkestan russe et chinois pour gagner le Sian-Kiang,
la Mongolie et Pékin, avant d'atteindre l'Indochine française et de revenir au Liban par la Birmanie, l'Inde, l'Afghanistan, la Perse, l'Irak et la Syrie, soit
un trajet de 30.000 km. L'année 1929 est consacrée aux préparatifs : reconnaissance d'itinéraire, autorisations de passage, négociations diplomatiques, mises
en place de ravitaillements, etc. Les soviétiques autorisent d'abord le passage par l'Asie Centrale encore mal contrôlée. La Chine de Tchang Kaishek pose
plusieurs problèmes : xénophobie, nationalisme exacerbé, dissidence de certaines régions éloignées de al capitale comme le Sin-Kiang, guerres civiles incessantes.
Grâce à des fins diplomatiques, le projet s'organise tant à paris que dans les régions à traverser. Le financement est assuré en grande partie par Citroën, qui
obtient aussi des concours officiels (ministères des Affaires étrangères, de la Guerre, de la Marine, des PTT, musées et organisations scientifiques français
et étrangers, firmes industrielles fabriquant des matériels de radio et de cinéma).
Conservatoire Citroën
En 1930, alors que les véhicules sont techniquement définis (de nouvelles 6 cylindres plus lourdes), le gouvernement de l'URSS interdit le passage par l'Asie
centrale russe, qu'il contrôle mal. L'expédition doit donc passer par l'Afghanistan, remonter sur le Cachemire et la chaîne du Pamir et tenter d'atteindre
le Sin-Kiang. Mais les 6 cylindres ne passeront pas les cols himalayens. Il faut donc construire rapidement des voitures plus légères qui partiront de Beyrouth
avec mission d'aller le plus loin possible vers l'est à la rencontre des 6 cylindres, qui, elles, partiront de Pékin en direction de l'ouest. Au début de 1931,
une guerre dans le nord de l'Afghanistan impose un passage par la route sud (Kandahar) et l'entrée aux indes par la passe de KhaÏber, une région ou règne encore
l'insécurité. Le 25 mars 1931, les 4 cylindres du groupe Pamir arrivent à Beyrouth, alors que les 6 cylindres du Groupe Chine et le personnel se réunissent à
Tientsin, port de Pékin (Beijing), le 29 mars. Les deux groupes sont prêts à traverser le continent asiatique en automobile : une première absolue.
Le groupe Pamir quitte la banlieue de Beyrouth le 4 avril, direction Damas à travers le désert de Syrie. Navigation monotone, mais sans risque jusqu'à la
frontière irakienne, encore contestée : pétrole oblige. Les accueils des capitales, Damas, Bagdad et Téhéran sont grandioses, car le passage de l'expédition
Citroën est un évènement d'importance. Jusque-là, les voitures n'ont pas encore rencontré d'obstacles. La Perse (Iran actuel), très francophile, ne pose
également aucun problème et les autorités militaires ont droit à des démonstrations du matériel, but essentiel de la mission. L'Afghanistan est moins accueillant.
Les principales difficultés viendront des quatre fleuves en crue à cette saison. Les barges locales ne peuvent porter le poids des voitures : il faut passer à gué,
au moteur ou par traction au moyen d'une chenille et par mouflage de câbles. Les voitures sont parfois en submersion complète. Sur l'autre rive, les moteurs
doivent être séchés, vidangés et vérifiés.
Autochenille P17 1931 Croisière Jaune "Scarabée d'or"
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Groupe Pamir
Le 24 juin, l'expédition arrive à Srinagar. Cette station climatique, où viennent se reposer les fonctionnaires et les militaires de l'Armée des Indes semble
paradisiaque. Mais les apparences sont trompeuses. Alors que le groupe se prépare à affronter l'Himalaya, des nouvelles très inquiétantes du groupe Chine sont
captées par la radio. Il faut donc le rejoindre au plus tôt, mais les britanniques sont formels : les voitures ne passeront pas. Le 2 juillet, des pluies
torrentielles causent des inondations énormes qui manquent de noyer le camp et les voitures. Divisés en trois groupes, les Français affrontent le Pamir par des
ponts fragiles et des pistes en corniche faites pour les mulets. Deux voitures seulement sont conservées, allégées au maximum. Plus haut, il faudra les démonter
et les remonter, faire sauter des rochers à la dynamite, reconstruire un passage écroulé sous une chenille, rouler dans des lits de torrent. Une armée de
porteurs accompagne les deux Citroën, qui progressent lentement. L'altitude (4.000, puis 5.000 m) réduit la puissance des moteurs malgré les culasses spéciales.
Le franchissement des dévers enneigés oblige à assurer les voitures avec des câbles. Le ravitaillement suit à peine, étiré sur des kilomètres. Enfin, après
d'épuisantes journées, les deux voitures arrivent à Ghilgit, la ville la plus haute de la région, où le chef de la mission reçoit un message étrange du groupe
Chine, retenu prisonnier au Sin-Kiang (Xinjiang). Il faut rejoindre, abandonner les voitures : l'une restera à Ghilgit, l'autre, démontée, rentrera en France avec
celles restées à Srinagar. Pressé par le temps, une partie du groupe Pamir doit rejoindre le Sin-Kiang, en Chine, à cheval et à dos de mulet,le matériel étant porté
par des chameaux. Parti début août, Haardt et son groupe mettront trois mois pour retrouver en Chine, A Aksou, l'élément avancé du groupe Chine, qui a connu de
multiples difficultés.
Démontage dans l'ascension de la chaîne du Pamir
Groupe Chine
Le groupe Chine (7 autochenilles et 2 camionnettes à roues) a quitté le port de Tientsin presque clandestinement le 6 avril 1931. Le chef du groupe, Victor Point, est
alors averti que la guerre civile ravage le Sin-Kiang et que la sécurité de l'expédition n'est plus assurée. Les voitures surchargées connaissent des problèmes
de propulseurs, dont les bandes cassent. Le groupe atteint Kalgan. Munies de propulseurs neufs, les voitures repartent vers la Mongolie, puis le désert de Gobi,
où les camions à roues s'ensablent. Le gouvernement chinois tente de faire revenir la mission vers Pékin en raison de la guerre civile qui ravage le Kan-sou. Grâce
aux chenilles, les voitures passent là ou aucune automobile ne s'est aventurée. Au Sin-Kiang, c'est la guerre : il faut négocier le passage avec les deux camps à
coups de cadeaux et de patience. Le groupe est alors intercepté par le gouvernement du Sin-Kiang, qui se moque des ordres de Nankin et retient les voitures pendant
deux mois. Il faut les démonter pour éviter leur confiscation. Par ruse, un message radio est envoyé, qui parvient au groupe pamir, à Ghilgit, déclenchant son départ.
La rencontre des deux groupes aura lieu dans la passe de toksoum, au Sin-Kiang occidental
Le groupe Pamir rejoint, au bout de trois mois deux voitures autorisées à avancer jusque-là. Fin octobre, Haardt rejoint le reste du groupe Chine à
Ouroumti. Leur
départ ne sera autorisé qu'à la fin novembre, au seuil de l'hiver, par le gouverneur, qui espère qu'ils ne passeront pas et qu'il récupérera les voitures.
Groupe Chine, les réparations
En Mongolie, moteurs en marche jour et nuit
Le 30 novembre 1931, les 6 cylindres préparées pour l'hiver reprennent la route de Pékin à 6.000 km. Pour éviter le gel, les moteurs tournent jour et nuit. La
progression est lente, les réparations se multiplient. Une nuit, une voiture perce la couche de glace d'un canal et tombe dans l'eau glacée. En Mongolie, la température
est remontée à - 18°C. Les soldats chinois bloquent le groupe, qu'ils prennent pour un détachement japonais. Enfin, le 12 février 1932, les voitures entrent dans Pékin
avec 12.500 km au compteur. Jamais un matériel à vocation militaire n'a été éprouvé à ce point. Mais il faut envisager le retour par l'Indochine et l'Inde, embarquer
les voitures révisées pour Haiphong. Le chef de la mission, épuisé, se rend à
Shanghai attaqué par les japonais. A l'escale de Hong-Kong, il doit être hospitalisé
d'urgence. Il y meurt le 16 mars 1932. La mission Citroën Centre-Asie est terminée. Les voitures et les hommes gagnent Saïgon par la route (1.800 km en 10 jours) et
embarquent le 4 avril sur le premier paquebot disponible, échappant ainsi au naufrage du navire prévu initialement, le Georges-Philippar, qui sombrera dans la mer
Rouge.
La mort en Chine de Georges-Marie Haardt et le suicide de Victor Point le 7 août 1932 firent naître la rumeur d'une malédiction semblable à celle qui avait suivi
la découverte de la tombe de Toutankhamon. La situation en Extrême-Orient à l'époque pouvait en effet donner lieu à toutes les hypothèses.
Sans oublier la Croisière Blanche
Moins connue, la croisière Blanche fut organisé en juillet 1934. Quatrième
expédition de la marque aux chevrons, on retrouve dans cette aventure les
célèbres Citroën Kégresse. Après le succès des premières
expéditions, André Citroën fut tenté de renouveler ce type d'exploit mais, cette fois, sur le
territoire américain. C'est l'ingénieur Charles Bedaux, ingénieur franco-américain, qui se chargea
de tracer le parcours qui allait traverser le nord-ouest du Canada à partir d'Edmonton.
Le 4 juillet 1934, cinq chenillettes dernier modèle se lance à l'assaut des Montagnes Rocheuses.
Les 17 personnes composant l'expédition rencontrent très vite des difficultés imprévues et
insurmontables, à cause notamment des pluies diluviennes, des glissements de terrain, et à la boue.
Dans le passage de rivières en crue, trois véhicules seront perdus. Les deux autres, englouties dans la boue
pousseront l'expédition a abandonner. Le retour fut discret, à cheval et en train, le 24 octobre 1934.
Une raison qui fait que cette aventure soit tombée dans l'oubli.
Citroën multiplie les prototypes, y compris des engins blindés plus silencieux que les chars. Le Type P107 de 1934-1935 est
une meilleure proposition, mais la reprise de Citroën par Michelin entraîne la suppression du département autochenilles. Les
commandes sont transférées chez Unic. D'autres firmes essayèrent le système Kégresse : SOMUA, Chenard et Walcker et surtout Unic.
A l'étranger, Crossley en Grande-Bretagne, Alfa Romeo en Italie, élaboreront des prototypes d'étude restés sans suite, comme chez Mack aux Etats-Unis.
Perfectionné par les américains, le système équipera les fameux half-tracks de la Seconde Guerre mondiale.
En 1934, un industriel français établi aux Etats-Unis, Charles bedeaux, finança une expédition dans les Montagnes Rocheuses canadiennes,
qui se termina par un fiasco. Les voitures furent abandonnées dans la nature, vaincues par les pluies et la boue.
L'après Citroën
Les véhicules équipés du système Kégresse-Hinstin seront produits de 1921 jusqu'en 1937. Adolphe Kégresse perfectionna constamment ses propulseurs au niveau
de leur résistance à la rupture, de l'adhérence et de la capacité de transmission de puissance. Il est aussi ingénieur-conseil pour les voitures de production
et travaille à l'amélioration des châssis B12.
En dehors des différentes croisières Citroën, les autochenilles furent utilisées par l’armée et par quelques services publics à l’étranger. Les armées de la
Belgique, du Chili, des Pays-bas, de la Pologne et de l'Espagne feront aussi appel à ses engins. Lorsque Kégresse quitte Citroën, après la prise de contrôle par
Michelin en 1935 et la fermeture du département "Chenilles", Adolphe Kégresse entretient une activité d'ingénieur-conseil tout en
poursuivant des études techniques personnelles. il poursuit ses recherches et en 1935, mettra au point
une boite automatique dénommée Autoserve. Il transformera les dépendances de son habitation de Croissy, au 2 de l'avenue du Colifichet pour
travailler. En 1939, il testera une chenillette électrique téléguidée par un opérateur dans le parc du Colifichet. Le début du conflit ne permettra pas
la réalisation en série de cette chenillette. En plus de toutes ces inventions, Kégresse déposa environ 200 brevets concernant divers organes
de l'automobile qui sont encore appliqués aujourd’hui. En 1943, alors qu'il peaufine les réglages d'un moteur à vapeur à quatre cylindres, il meurt brutalement.
Le petit engin chenillé imaginé par Adolphe kégresse était destiné à porter une charge explosive vers les retranchements ennemis. Muni de chenilles en
caoutchouc, il était filoguidé et relativement peu onéreux à construire. Plus de 12.000 exemplaires furent commandés en 1940, mais trop tard. L'armée alleamnde
utilisa par la suite un engin similaire, le Goliath.
Les torpédos coloniales de la Croisière Jaune
Entre les deux guerres, période durant laquelle l'importance stratégique des empires coloniaux français et britannique se fait le plus sentir,
la grande question qui agite les responsables gouvernementaux comme les milieux d'affaires est la construction du chemin de fer transsaharien
permettant de relier en un minimum de temps l'Afrique du Nord à l'Afrique occidentale française. Mais le train doit compter avec un rival
désormais affirmé, le véhicule routier. Le franchissement du Sahara est le problème n° 1. Avant même la grande Guerre, le chemin de fer est
privilégié, mais à l'époque, qui dit chemin de fer dit vapeur et qui dit vapeur dit ravitaillement en eau. Cette question, qui s'ajoute aux
problèmes de financement, et à ceux des infrastructures, freine les projets. Après 1919, et la démonstration des capacités nouvelles offertes
par les camons automobiles, l'emploi de véhicules routiers prend le pas sur le
ferroviaire et les expéditions automobiles se multiplient en même
temps que les concours officiels organisés ou parrainés par les ministère concernés, ceux de la guerre et des colonies en tête. les constructeurs
français s'intéressent au problème dans la perspective de décrocher de gros marchés d'équipement des forces militaires, des administrations
civiles et des entreprises de transport de voyageurs et de marchandises. C'est ainsi qu'on voit Citroën jouer la carte des autochenilles,
Renault celle des six roues (6x4), Berliet, Laffly, entre autres, celle du moteur diesel, tandis que des outsiders fabricants de camions
comme Delahaye et Peugeot financent des expéditions exploratoires.
Dans les années 1929-1931, l'apparition de camion légers et rapides et de pneus à carcasse renforcée et à grosse section coïncide avec une
recrudescence d'activité sur les pistes algériennes et sahariennes. Dix ans après l'achat de la licence d'exploitation des brevets Kégresse,
André Citroën n'a pas totalement convaincu les utilisateurs éventuels de la supériorité absolue du système semi-chenillé, qui interdit les grandes
vitesses et exige une puissance considérable (donc beaucoup de carburant). En juillet 1931, le secrétaire général de l'expédition Centre
Asie (Croisière jaune), André Goerger, quitte le groupe Pamir pour rentrer à Paris et rejoindre l'expédition en Chine par l'Amérique et le japon.
En octobre, il fait à André Citroën un rapport sur le comportement des autochenilles. Puis il transmet et appuie la demande que
Haardt a formulée
à Srinagar : que des véhicules à roues soient construits et envoyés à Haïphong, où ils remplaceront les autochenilles pour le retour prévu
par la Birmanie, l'Inde et la Perse.
Trois torpédos coloniales, dérivées des véhicules de grande liaison sahariens de 1930 (des types expérimentaux 15 CV à chenilles abandonnés), sont
construits sur la base du camion C6 I de 1.800 kg de charge utile. L'expédition Citroën doit les utiliser sur le territoire indochinois avant de mettre
le cap sur beyrouth. Ces trois voitures transporteront trois groupes de cinéastes et de chasseurs au Tonkin, au Laos et au Cambodge. Les
autochenilles formeront le quatrième groupe qui ralliera directement Saigon, où elles doivent être embarquées pour la France. La mort de
Georges-Marie Haardt à Hong-Kong bouleverse le programme. Les torpédos coloniales et les chenilles parcourent en dix jours les 1.800 km
de l'ancienne "route mandarine'. Seules les chenilles rentreront en France, les torpédos coloniales étant mises en vente sur place
et vraisemblablement transformées en camions.
Expédiées à Haïphong, les torpédos
coloniales n'effectueront que le parcours indochinois et resteront à Saigon en avril 1932
Shell
Si la locomotive a besoin d'eau, le camion a soif d'essence. Dès 1933, la société Shell se proposait déjà
d'organiser des points de ravitaillement en essence au Sahara, ce qu'elle réalisa au cours des années
suivantes en fonction des nouveaux itinéraires explorés et reconnus comme viables.