DE DION-BOUTON    

Dernière mise à jour : 12/05/2010

Diversité et "Populaire"

Petit historique, suite...

A partir de 1900, De Dion-Bouton dispose d'un modèle très simple et très demandé, le Vis-à-vis. Mais c'est un nouveau modèle qui va marquer l'époque. Produite durant quelques années en parallèle avec le Vis-à-vis, ce modèle inédit est baptisé "La Populaire". Son nom, prédestiné, va permettre à la firme de remplir ses carnets de commandes et d'envisager un avenir serein. Mais parlons un peu du Vis-à-vis avant de passer à ce modèle "Populaire".

1900 - Après les tricycles, le Vis-àvis

En 1900, De Dion-Bouton dispose d'une automobile dont le rapport qualité-prix est excellent. De plus, à la fiabilité étonnante du véhicule et à sa facilité de conduite s'ajoute de bonnes performances, des atouts confirmés par son succès. Les deux premières versions proposées sont les types D et E, pratiquement identiques. Le Type E a reçu une marche arrière, devenue obligatoire pour les voitures à quatre roues. Au cours de l'année, la série G viendra compléter la gamme. Recevant un moteur plus puissant, passant de 3,5 ch à 4,5 ch., il atteint la vitesse de 35 km/h et grimpe plus facilement les côtes. Ce sera la série la plus produite, avec 1.450 exemplaires. Ce sera aussi le modèle le plus diversifié. On le trouvera dans des carrosseries type double phaéton, avec toutes les places face à la route.

Le Vis-à-vis, très prisé par le particulier, va également séduire les médecins. Moins coûteux qu'une voiture à cheval, il va révolutionner le métier. Certains modèles adopteront d'ailleurs, en France comme à l'étranger, l'appellation Docteur. On parlera lors de Vis-à-vis Docteur ou Coupé Docteur dans les catalogues des marques.
En 1901, le Type L adopte un moteur de 6 ch. et sa vitesse passe à 35 km/h.  253 exemplaires de ce type seront produits. L'année 1902 verra apparaître le Type J, un modèle allongé qui fait presque 2 mètres. Offrant toujours 4 places, ce dernier donnera lieu à la fabrication de versions commerciales. 146 Types J seront produits.

Des chiffres

Entre 1899 et 1902, cinq séries seront produites, pour un total de 2.900 exemplaires. Ce chiffre est fort impressionnant puisqu'à l'époque, l'automobile n'est encore qu'un engin plutôt considéré comme sportif et destinés à de riches amateurs. De Dion-Bouton va changer tout cela et ouvrir une nouvelle voie. Issue du Vis-à-vis, De Dion-Bouton lance en 1902 une voiture baptisée "La Populaire". Dotée d'un moteur avant dont la cylindrée atteint pratiquement le 1 litre de cylindrée, cette nouvelle voiture est capable d'atteindre les 40 km/h. Produite à 900 exemplaires, la voiture de De Dion-Bouton adopte des solutions modernes et jugées les meilleures de l'époque. Elle dispose de solutions et d'un concept encore en vigueur de nos jours : légère pour limiter les coûts et la consommation, compacte pour passer et se garer partout, spacieuse pour recevoir quatre personnes et accès latéral pour plus de commodité, et enfin, facile à conduire afin de séduire le plus grand nombre. Si on ajoute des performances minimales, un silence d'utilisation et un très bon confort, on comprend mieux le succès remporté par le modèle.
Avec le Vis-à-vis, De Dion-Bouton s'impose, et ne laisse pas le monopole des voiturettes aux jeunes constructeurs qui viennent s'installer en ce début de siècle. Cette politique se confirmera avec l'arrivée des "Populaire", les K1 et K2. Exposée au Salon de Paris 1902, la K1 se présente sous la forme d'une deux places style course, avec capot avant et une direction inclinée à volant. la firme s'adapte au courant et la voiture ressemble beaucoup aux machines qui disputent les grandes épreuves comme le Paris-Berlin ou le Paris-Vienne. Son avant, d'ailleurs, ressemble beaucoup à la Renault victorieuse. Il faut dire que le capot "alligator" est une référence à l'époque chez nombreux constructeurs. Ce capot signifie puissance et vitesse, deux facteurs très recherchés par la clientèle sportive. Mais il ne faut pas se tromper. Contrairement à ce que l'on peut penser, le moteur 6 HP de la De Dion K1 se trouve encore à l'arrière. Le capot est donc factice. Tout changera avec la K2 de 1903, disposant cette fois d'un moteur 8 HP monocylindre placé à l'avant.

Vis à vis 1900
Clé

Compétition

La marque De DIon-Bouton, grâce au comte, féru de challenges, s'impliqua dès les débuts dans la compétition automobile. Bouton fut d'ailleurs le premier à y participer. Il remporta la première "épreuve" organisée par le journal Le Vélocipède entre le pont de Neuilly et le bois de Boulogne, le 28 avril 1887. Seul engagé, il fut naturellement déclaré "vainqueur". Le comte lui même participa à des épreuves sportives, ce qui le mènera d'ailleurs à créer le premier Paris-Bordeaux, l'ACF, le Salon de l'Auto, ainsi que des journaux dédiés à l'automobile. Les pilotes utilisant les véhicules seront nombreux, remportant de nombreuses épreuves, une belle publicité pour la marque qui n'en demande pas moins; Parmi ces pilotes, ont trouve également des femmes. Mme Laumaillé, première femme pilote d'ailleurs, participa à la course Marseille-Nice de 1898 sur un tricycle De Dion.
Rappelons que le Comte fut aussi le créateur de l'Automobile Club de France, créé dans le but d'organiser des compétitions nationales et internationales mais aussi pour pouvoir se rendre compte de l'évolution de la concurrence.

Coupé Docteur

Au coté du "vis-à-vis", De Dion-Bouton propose la "Populaire", une voiture qui connaîtra un succès sans précédent. Distribuée jusqu'en 1907, et en 27 versions différentes, elle sera proposée avec moteur monocylindre, bicylindre ou quatre cylindres, de quoi satisfaire une large clientèle. Le Coupé Docteur est une idée fort originale. Ce modèle permettait aux médecin de campagne de trouver un véhicule fiable, peu cher, pour se déplacer dans les campagnes, et de remplacer ainsi, et avantageusement, l'antique carriole attelée. La carrosserie du Coupé Docteur, bien particulière, permettait à son propriétaire d'être à l'abri des intempéries et de conserver son chapeau sur la tête.

Coupé Docteur 1900
Clé

1903 - Diversification

L'invention en 1897 de l'essieu qui portera le nom de "Pont de Dion" permettra à la marque de multiplier ses ressources financières au fil des années. En 1905, avec la Populaire, De Dion s'impose sur le marché national et international. La marque sera d'ailleurs l'une des premières à posséder une agence commerciale à New York. En 1906, la firme emploie plus de 3.000 personnes et la marque est devenue l'une des plus importante en France, grâce notamment à la fabrication de moteurs pour les autres constructeurs. Malheureusement, toute histoire à une fin et après la Première Guerre, avec la disparition progressive de la voiturette, la marque perdra de son originalité et déclinera doucement.
Si le monocylindre De Dion-Bouton est une référence à l'époque et sera l'un des moteurs le plus utilisé, même par la concurrence (on chiffre à des milliers d'exemplaires le nombre de moteurs vendus à d'autres constructeurs). la course automobile pousse les motoristes à produire des moteurs toujours plus puissants. Les ingénieurs vont alors proposer des moteurs à 2 et 4 cylindres. Pour de Dion-Bouton, l'ère de la diversification a débuté. La Populaire, construite en parallèle au Vis-à-vis, permet à la marque de remplir ses carnets de commandes et de voir l'avenir avec sérénité. La voiture sera déclinée plus tard en plusieurs versions et disponible avec trois motorisations, 1,2 et 4 cylindres.

La Poste adoptera également la "Populaire", comme nous le montre ce cliché
Aux côtés des tricycles, quadricycles, de la bicyclette à moteur de 1,5 ch (l'ancêtre de nos cyclomoteurs), et de ses voitures, la firme va ouvrir un nouveau secteur. Variant ses recherches et ses réalisations, De Dion-Bouton se lance dans la production d'accumulateurs, de dynamos, de piles, mais également dans la production de véhicules utilitaires destinés à la route. C'est ainsi que vont apparaître des véhicules sanitaires, des camions, des autobus et du matériel pour le rail. Concernant les autobus, De Dion-Bouton signera un contrat avec la Régie Autonome des Transports Parisiens.

Le monde rural ne sera pas non plus délaissé. Pour les paysans et surtout les agriculteurs, De Dion-Bouton poursuit la production d'engins motorisés et comme pour l'automobile, la vapeur cèdera la place progressivement au moteur à combustion interne.

Quant aux autorails, ils connaîtront une longue carrière, surtout en province. On pourrait penser que la diversité s'arrêterait là, mais la firme ne cesse de s'étendre. Un secteur nautique et un secteur aéronautique sont également au programme de l'entreprise avec un projet de sous-marin et un aéroplane biplan doté d'un moteur 8 cylindres de 100 ch. En 1906, l'usine qui ne cesse de s'agrandir, emploie près de 3.000 ouvriers. Dans les rues de la capitale, on verra même des arroseuses à vapeur De Dion-Bouton baptisées type "Ville de Paris". Mais revenons en 1903 et aux K1 et K2.
K1 - K2
Après la K1 6 HP, la K2 8 HP arrive en 1903 et adopte, comme on l'a vu, le monocylindre à l'avant. La K1 d'ailleurs, hérite de cette configuration également dès cette année. La K2 conserve la boîte de vitesses à train épicycliques toujours en prise et adopte un pont arrière classique à renvoi d'angle, qui reste du type de Dion avec faux essieu porteur des roues et deux demi-arbre à cardans pour leur entraînement. Avec la "Populaire", nom donné grâce à sa diffusion rapide, De Dion-Bouton renonce à la configuration Vis-à-vis, ce principe n'étant pas pratique pour le conducteur  dont la vue est gênée par les passagers placés devant lui. La "Populaire" est une vraie voiture avec ses quatre places face à la route, le conducteur étant encore placé à droite, une configuration encore très courante sur les voitures de l'époque. Quant aux passagers, ils apprécient de ne plus faire la route à reculons. Si la 6 HP, plus courte, reçoit des carrosseries tonneau à quatre places, la 8 HP permet grâce à son châssis plus long, la pose de carrosseries type landaulets, conduites intérieures et fourgons de livraisons. Avec le succès, tous les modèles issus de la K1 et de la K2, et quelque soit leur type de motorisation, recevront l'appellation de "Populaire".

16 HP Paris-Madrid
En 1903, les usines De Dion-Bouton de Puteaux, alors toutes neuves, occupent 4 ha, dont 2 Ha couverts. Ce sont les plus grandes du monde. La marque française lance sa première 2 cylindres et participe à la course Paris-Madrid.
Un peu irrité par le résultat officiel du concours Paris-Rouen, qui déclasse son tracteur à vapeur jugé "peu pratique", le comte de Dion veut mettre de l'ordre dans l'organisation des courses. Il soutient l'épreuve Paris-Bordeaux-Paris de 1895 (une vraie course) et fonde la même année l'Automobile Club de France, dont la Commission Sportive est chargée de gérer le volet sportif de l'automobile naissante, notamment en promulguant des règlements clairs et opposables à tous.

Une partie de l'équipe De Dion avant le départ du Paris-Madrid
Le choix définitif du moteur à explosion et la création du premier petit monocylindre à régime rapide entraînent une expansion considérable des activités des usines De Dion-Bouton à partir de 197, qui en fait le plus grand constructeur de moteurs du monde. Mais la concurrence apprend vite et s'organise. Albert De Dion décide de revenir à la course pour la grande épreuve Paris-Madrid prévue en 1903 et de "mettre le paquet". Le succès annoncé de cette grande course européenne, vitrine exceptionnelle de l'industrie automobile en pleine expansion, attire tous les constructeurs. Panhard et Daimler ont engagé respectivement 16 et 12 voitures, Mors 14, De Dietrich 10. Renault aligne 10 voitures légères et voiturettes, et de Dion-Bouton, absent jusque-là des grandes épreuves de ville à ville, a préparé 8 voitures, 4 voiturettes (monocylindres 9 HP) et 4 voitures légères (2 cylindres 16 HP). La décision de faire courir des voitures légères, plus lourdes que les voiturettes, traduit un changement d'orientation de la firme. Jusque-là, de Dion-Bouton s'en était tenu aux voiturettes à moteur monocylindrique plus faciles à vendre et à conduire. Mais, sous la pression de la concurrence qui joue la carte des grandes puissances, la marque en vient au 2 cylindres en faisant breveter en mars 1902 un moteur de ce type destiné à une version agrandie de la "populaire", qui elle-même est un dérivé plus pratique du Vis-à-vis. Le Type Paris-Madrid est chargé d'en faire la promotion en ajoutant à l'image de fiabilité des productions De Dion la notion de vitesse, négligée jusque-là mais qui s'avère payante du point de vue commercial. Curieusement, ce nouveau propulseur mélange des solutions de pointe et des systèmes appelés à disparaître. Le 2 cylindres est graissé sous pression par pompe, mais les soupapes d'admission sont encore automatiques. L'allumage se fait par batterie et bobine. La transmission comprend une boîte épicycloïdale (sans embrayage séparé) et le pont arrière est à cardans transversaux. Le châssis est constitué de tubes étirés assemblés par raccords brasés, mais les quatre ressorts sont semi-elliptiques. les deux systèmes de freinage (sur les roues et sur la transmission) sont à bandes serrant sur l'extérieur des tambours.

Voiturette à moteur monoclindre n° 15, 18e de l'épreuve
Les voitures légères sont pilotées par Joseph Journu (n° 45), bardin (n° 81), Pelisson (n° 111) et Louis Loste (n° 144). Les voiturettes sont confiées à Le Bertre (n° 15), Holley (n+ 57), Collignon (n° 135) et Weisser (n° 187). Le départ du Paris-Madrid a lieu le 23 mai du parc de Versailles, sur la route de Saint-Cyr. Le premier pilote s'élance à partir de 3 h 45, au point du jour, car il faut lancer à une minute d'intervalle 215 autres concurrents. Les grosses voitures prennent rapidement la tête de la course, mais parmi les autos légères, ce sont Louis et Marcel Renault qui mènent, avec un écart de vitesse de plus de 40 km/h par rapport aux De Dion et aux autres engagés. Les De Dion font néanmoins une course régulière. La n° 45 de Journu doit abandonner à Angoulême, après la n° 44 de Loste, dont l'allumage est défectueux. Les voitures légères prennent les cinquièmes et neuvièmes places, mais respectivement à près de 2 et 3 h de Louis Renault, dont la supériorité du 4 cylindres est évidente. Côté voiturettes, sur les quatre voitures engagées, seule la n° 135 de Collignon à abandonné.

La n° 144, seule survivante de l'épreuve aujourd'hui
Seul un exemplaire des voitures engagées dans la Paris-Madrid est encore en vie aujourd'hui. La "voiture légère" n° 144 fut achetée dans les années trente par Mr Ville. En 1957, elle participa à une rétrospective en Italie et fit une démonstration chronométrée sur l'autodrome de Monza en roulant à plus de 82 km/h, soit une allure très proche de sa vitesse maximale dans le Paris-Madrid (90 km/h). Elle est conservée par le fils de Mr Ville, Mr René Ville. Il semble qu'il existe un autre exemplaire (vraisemblablement la n° 111), vendue en 1903 aux Etats-Unis à un certain Kenneth Skinner, agent exclusif de la marque.

De Dion-Bouton Course 1903
Rami JMK
S'ils déclenchèrent une expansion de la firme Renault Frères, les résultats relativement modestes obtenus dans le Paris-Madrid ne handicapaient aucunement la prospérité de De Dion-Bouton, dont les effectifs passèrent de 1.500 à 2.500 ouvriers entre 1903 et 1906. La nouvelle Populaire bénéficia du moteur 2 cylindres, limité dans ce cas à 12 HP, qui avait fait preuve de fiabilité dans une grande épreuve de vitesse. En revanche, le châssis en tube d'acier avait montré ses limites. Les nouvelles vitesses imposaient à la fois des empattements plus longs et des châssis plus bas, et le cadre en tôle embouti allait être adopté dès 1904. Les monocylindres étaient pourtant conservés et ce fut le début, chez tous les constructeurs, d'une diversification des gammes peu favorable à la rentabilité, notamment chez De Dion-Bouton.

1904 - 1910

La "Populaire" adoptait encore le châssis tubulaire. Dès 1905, ce dernier sera remplacé par un châssis beaucoup plus résistant.
Jusqu'alors, le châssis tubulaire était utilisé par De Dion-Bouton pour la structure de ses automobiles, dont la "Populaire". En 1905, De Dion-Bouton franchit un nouveau pas en abandonnant ces derniers, trop flexibles, pour des châssis à longerons et traverses en tôles. Ces derniers, adoptés également par d'autres constructeurs, sont à l'époque construits par des firmes spécialisées. Les moteurs évoluent également en adoptant des soupapes d'admission commandées à la place des soupapes d'admission automatiques. Elles sont disponibles sur les nouveaux moteurs monocylindres 8 et 8 HP et autorisent davantage de couple. Autre modification importante, le radiateur à serpentin, qui se trouvait entre les cintres avant du châssis et de ce fait trop vulnérable, est remplacé par un faisceau tubulaire vertical frontal, comme sur les Mercedes.
Avec l'apparition du moteur 2 cylindres qui équipe de nouveaux châssis, la firme adopte le graissage du moteur sous pression, une première. C'est en 1904 que le 4 cylindres et testé. Il s'agit là de 4 moteurs monocylindre alignés. Une 15 HP fera plusieurs milliers de kilomètres pour confirmer la fiabilité de ce moteur qui est alors déclaré apte au service, permettant à la marque d'offrir un catalogue particulièrement complet. En 1908, une nouvelle orientation est opérée, menant la marque à la production de modèles de luxe aux dimensions imposantes. Pour motoriser ces nouvelles voitures, De Dion-Bouton conçoit un 8 cylindres en V de 35 HP. L'influence de la marque est grande à cette époque et se confirme par le fait que la firme américaine Cadillac reprendra en partie ce moteur pour concevoir le sien. En 1909, la firme adopte une transmission classique à pignons baladeurs à deux rapports intermédiaires et prise directe, avec un embrayage à disque unique. Cependant, moins facile à utiliser, la firme conserve les anciennes transmissions épicycliques en production.

En 1910, les monocylindres ne sont plus en vogue et De Dion-Bouton les abandonnera définitivement en 1913. Entre 1899 et 1913, ces moteurs ont équipé pas moins d'une trentaine de types de 3 à 12 HP.
Parmi les propositions qu'offre la marque dans le domaine des grosses cylindrées, on trouve le type EA qui sera carrossé en torpédo et en Coupé de ville. Ces voitures possèdent tous les ingrédients nécessaires pour satisfaire une clientèle fortunés mais n'auront pas le temps de se développer. La Première Guerre viendra bouleverser l'industrie automobile. Ils seront cependant repris en 1919 mais pour une courte durée.

Si De Dion-Bouton abandonne les moteurs monocylindres, ce ne sera pas le cas de la marque Le Zèbre fondée par Jules Salomon, qui, non seulement les utilisera pour ses modèles mais revendiquera également pour ces dernière le titre de premières voitures populaires. Faut pas se gêner.
Type BO
Grâce à un nouveau système d'allumage électrique positif qui permet de créer l'étincelle au meilleur moment du cycle et d'obtenir une avance variable à l'allumage que les brûleurs et autres systèmes à trembleurs ne permettaient pas, le premier monocylindre à essence de la firme De Dion-Bouton tourne à 2.000 voire 3.000 tr/mn. c'est deux ou trois fois plus que les moteurs Daimler. Le mono est au point dès 1895. Sans cesse agrandi, perfectionné, mieux équilibré, il passe de 137 cm3 à 250, puis à 400 et 600 cm3 et jusqu'à 1,2 litres entre 1895 et 1910. Produit, vendu, exporté à des dizaines de milliers d'exemplaires, il fait la fortune de la firme et celles de plusieurs de ses concurrents, dont Louis Renault et Louis Delage. Comme toute réussite exceptionnelle, il satisfait pleinement ses créateurs, qui ont donc du mal à l'abandonner en faveur des 2 cylindres puis des 4 cylindres qui s'imposent d'abord par la course. Sous la pression de la concurrence, De Dion-Bouton crée donc des types à 2 et 4 cylindres, mais n'abandonne pas le célèbre "mono" qui a fait sa fortune. Après les tricycles, puis les quadricycles, la voiturette dite vis-à-vis à moteur arrière a été un succès de 1899 à 1903. Pour 1904, le moteur passe à l'avant sous un capot alligator sur le type dit "Populaire", dont le refroidisseur est encore sous le châssis. En 1905, les châssis en tubes sont remplacés par des châssis à longerons en tôle emboutie en U et le radiateur frontal est adopté, avec retard par rapport à la concurrence. Autre changement radical : la boîte de vitesses à train épicycloïdaux fait place à une boîte à tain baladeur à 3 rapports et renvoi de marche arrière.
Dès lors, les De Dion-Bouton suivent la mode du radiateur vertical, que justifient néanmoins des raisons techniques : les cylindrées et les puissances désormais développées exigent des système de refroidissement plus efficaces. Un nouveau progrès intervient en 1907 : la soupape d'admission du monocylindre jusque-là automatique devient commandée et les puissantes progressent, dans la mesure où l'on peut donner de l'avance à l'admission. Il reste à adopter un autre système moderne. Jusque-là, l'allumage était à basse tension avec piles, bobine et rupteur, système que De Dion-Bouton avait breveté dès 1895. Désormais, la magnéto haute tension s'impose : elle produit une étincelle plus chaude à très haute tension et surtout génère son propre courant électrique. Finie la corvée des piles à recharger, à surveiller et à entretenir sous peine de ne plus allumer. Une constante pourtant chez de Dion : l'essieu arrière conserve le système à cardans latéraux (conçu d'ailleurs par Trépardoux pour les véhicules à vapeur), qui sépare la fonction porteuse de la fonction motrice et qui a pris, depuis plus d'un siècle, le nom de pont de Dion. Toutes les voitures de la marque en seront équipées jusqu'en 1910, époque où le pont rigide apparaîtra sur certains types, avant de se généraliser.

Type BO 9 HP "Type de Course"
Le Type BO de 1909 découle des types BG de 1907 et même des types R "Populaire" de 1903 à moteur 8 HP. plus lourde, la BO a nécessité un allongement de la course à 130 mm au lieu de 120, ce qui entraîne un gain de cylindrée et de couple. La voiture devient une 9 HP. Une version de ce moteur est graissée sous pression. Si le marquis De Dion se détourne de la compétition après son échec dans Paris-Madrid en 1903 et privilégie les épreuves routières destinées à démontrer l'endurance et la fiabilité de ses autos (comme la course Pékin-Paris de 1907), il fournit d'autres constructeurs (dont Delage), qui améliorent ses moteurs pour la course. Malgré son aversion déclarée pour la compétition, le marquis commercialise en 1909 une BO "Type de Course" avec châssis court, deux baquets et réservoir cylindrique à l'arrière. Ce type "Course" es en fait une des premières voitures de sport vendues à la clientèle normale. Elle peut même recevoir un moteur à longue course (160 mm) graissé sous pression et poussé à 18-20 chevaux, qui lui permettrait éventuellement de disputer la Coupe des voiturettes. Mais cette année-là, la suppression des Grands Prix fait apparaître de nombreuses concurrentes plus performantes et le "mono" De Dion ne peut pas lutter.

Polaire

En 1908, le Dr Charcot, le célèbre explorateur polaire, fit construire une vedette à étrave renforcée pour équiper son bateau le Pourquoi pas ?. Cette annexe était motorisée par un mono 8 HP DE Dion. Le Dr Charcot emporta aussi trois traîneaux automobiles à moteur de 4 HP et un groupe électrogène de 8 HP, de fabrication de Dion évidemment.

Derniers "mono"

De Dion-Bouton fut l'un des derniers grands constructeurs à abandonner le moteur monocylindre qu'il produisit jusqu'en 1912, notamment sous la forme d'un 90 x 150 mm graissé sous pression destiné à équiper des taxis ou des types utilitaires à pont arrière rigide et boîte montée en bloc avec le moteur.
20/30 HP
A une époque où l'automobile a moins de 20 ans, la firme De Dion Bouton fait figure d'ancienne. Pourtant, elle propose, à la veille du premier conflit mondial, une voiture de luxe à moteur V_ de série, la 20/30 HP. En 1912, la marque est loin des voitures à vapeur qui ont permis à la marque de se faire connaître en 1890. La vapeur a cédé le pas au moteur à combustion interne et, De Dion et Bouton, qui ont laissé Trépardoux en chemin, ont depuis inventé de nombreux moteurs. Ils furent même à l'origine d'un moteur qui équipa les premières Harley Davidson. Ce sont eux aussi qui réalisèrent les premiers moteurs à 8 cylindres en V produits industriellement à grande échelle. C'est d'ailleurs ce moteur qui équipe le modèle 20/30 HP. Voiture de luxe, l'une des premières à être construite en série, l'origine de ce modèle remonte à 1910.

Conduite intérieure
Quand on ouvre le catalogue de la marque, en 1910, on peut lire, à la suite du nom de la société : "voitures de ville et de tourisme". La 20/30 HP, grosse berline de voyage, fait partie de la seconde catégorie. Il faut compter deux mois après la commande pour prendre livraison de sa De Dion, payable au comptant en francs or et garantie un an. Bien évidemment, elle est pourvue d'un pont De Dion, inventé par nos deux compères au début du siècle et encore moderne aujourd'hui. L'accent est mis sur la facilité de conduite et d'entretien. Les de Dion de cette époque ont une réputation de fiabilité bien établie.

Limousine
Le moteur V8 de la 20/30 HP a une ouverture de 90°, et tous les cylindres sont borgnes, c'est à dire sans culasse détachable : les deux rangées de quatre cylindres s'enlèvent d'un seul bloc. Les soupapes sont latérales, actionnées par un arbre à cames, situé au centre du V formé par les cylindres. Signalons que deux autres puissances sont également disponibles sur la limousine équipées d'un V8, 16/22 et 32/50 HP. Pour bien se rendre compte de l'imposante stature d'une De Dion V8 de 1912, imaginons une carrosserie longue de près de cinq mètres, et pesant, selon le modèle, entre deux et trois tonnes. Des carrosseries d'ailleurs proposées par de Dion, mais pas imposées. Chaque client peut acheter simplement le châssis et le faire "habiller" chez un carrossier de son choix. Ils ne manquent pas à cette époque. Letourneur et Marchand, ainsi que Labourdette, étant parmi les plus grands. Cette année-là, un châssis équipé du moteur V8 coûte 10.000 francs tout juste, et si le client désire une carrosserie De Dion, il doit débourser la somme supplémentaire de 4.500 francs. Le prix du luxe en somme.

Torpédo
De Dion se méfiait des courses de vitesse, préférant engager ses voitures dans des épreuves comme le Pékin-Paris en 1907, qu'il jugeait plus probantes. Toutefois, il fit préparer pour la Targa Florio 1913 une V8 20 HP à moteur 75 x 130 mm pilotée par Berra, qui termina 4e au bout des 1.050 km du parcours effectué sur deux journées.

Berline

En 1913, une révolution a lieu chez De Dion-Bouton, avec l'abandon du célèbre moteur monocylindre qui a fait la réputation de la marque. Ce dernier atteignait alors les 699 cm3. Désormais, c'est le bicylindre qui équipe désormais les 6 HP, et les quatre cylindres qui équipent les châssis des 8, 10, 12 et 14 HP. La grosse 35 HP utilisait, elle, un 8 cylindres. De Dion-Bouton, à la veille de la Première Guerre, dispose, comme on le voit, d'une gamme très étendue.

Berline 1912
Minialuxe
Les 20/30 HP sortaient des usines De Dion-Bouton situées à Puteaux, au 36 Quai national, tout près des usines automobiles SARA et Unic. Elles employaient 3.000 personnes. Un peu plus au nord, à Suresnes, on trouvait les usines Talbot, ainsi que les ateliers des importateurs Saurer et Fiat. Quant au magasin d'exposition de De Dion-Bouton, il se trouvait en plein cœur du "quartier de l'automobile", au 77 avenue de la Grande Armée, à Paris, dans le 17e arrondissement. Il sera vendu un nombre important de ces grosses limousines à moteur V8. Elles seront exportées dans le monde entier, car les automobiles françaises ont une très grande renommée chez les têtes couronnées du moment. Une de ces voitures sera même inscrite à la Targa Florio en 1913 et en 1914, et son meilleur résultat sera 4e en 1913. Notons que la fabrication du modèle V8 se terminera en 1923.

Type GA
Au seuil de la Grande Guerre, la puissante firme De Dion-Bouton propose une gamme pléthorique allant de la petite GA 7 CV au Type EY V8 30/50 CV. Présentée fin 1914, la GA ne connaîtra qu'une très courte carrière commerciale.
Alors que Ford a déjà montré la voie en rationalisant la production et en fabriquant en masse dès 1910, les constructeurs français se complaisent à élargir leur gamme pour satisfaire un marché à la fois très segmenté et très limité. Même De Dion-Bouton, qui a inventé la "Populaire" dès 1903 et produit des moteurs par milliers au grand bénéfice de ses clients-concurrents, ne parvient pas à contenir une diversification désastreuses sur le plan de la rentabilité. La firme connaît son apogée avant 1914 avec la présentation du premier V8 pour l'année modèle 1910. Les catalogues des années dix proposent des types à 1, 2, 4 et 8 cylindres, de 5 à 35 HP de puissance fiscale. Dans l'avant-propos du catalogue de 1912, la firme expose clairement sa politique industrielle et commerciale en écrivant : "La variété des modèles est un point qui, cette année plus encore que par le passé, a attiré notre attention. L'automobile, dont le champ d'application se fait chaque jour plus vaste, trouve par là même devant lui une multiplicité sans cesse croissante de goûts et de besoins qu'il faut satisfaire. Pour ces motifs nous avons établi pour 1912 neuf types différents de voitures."

Ce choix délibéré d'élargir l'offre n'est pas propre à la firme pionnière. Renault, Panhard et Darracq font de même et ceux qui s'étaient voulus rationnels comme Louis Delage et Georges Richard se croient obligés d'abandonner le type unique. A cela s'ajoutent chez De Dion-Bouton certains conservatismes dans les méthodes de production et un objectif de qualité qui fait préférer la fabrication manuelle et les meilleures matières premières avec les conséquences qu'on imagine sur les coûts. A partir de 1912, la production semble se figer : Albert de Dion à 20 ans et Georges Bouton 30 de plus que Louis Renault. L'innovation n'a récemment concerné que le moteur V8, qui équipe des types de très grands luxe, vendus à quelques exemplaires, tandis que la voiturette, cultivée depuis quinze ans, stagne sur le plan technique.
En 1914, les monocylindres sont considérées comme dépassées et les voiturettes à 2 cylindres, dont Renault et De Dion ont été les champions, sont condamnées à brève échéance. Consciente de cette évolution, la firme va les remplacer par une nouvelle petite voiture à 4 cylindres taxée pour 7 CV, le Type GA, présenté fin 1914, probablement après le déclenchement de la guerre. Il s'agit d'un type évolué des châssis EJ4 et FG de 1914, dont le moteur 56 x 120 mm de 1.180 cm3 donne environ 14 chevaux à 1.800 tr/mn avec un couple très modeste. Avec la vogue des carrosseries plus confortablement équipées, les performances sont forcement limitées et le Type GA devrait bénéficier pour la première fois sur un modèle de Dion de petite puissance d'une boîte à 4 vitesses qui permet d'allonger un peu le rapport final sans trop pénaliser la performance en côte. Mais cette GA a encore une boîte à 3 rapports donnant une conduite plus souple. La GA ne roule qu'à 50-55 km/h au maximum sur le plat et sans être trop chargée.

Torpédo GA carrossé par la Carrosserie Védrines de Puteaux.
En 1914, les monocylindres sont considérées comme dépassées et les voiturettes à 2 cylindres, dont Renault et De Dion ont été les champions, sont condamnées à brève échéance. Consciente de cette évolution, la firme va les remplacer par une nouvelle petite voiture à 4 cylindres taxée pour 7 CV, le Type GA, présenté fin 1914, probablement après le déclenchement de la guerre. Il s'agit d'un type évolué des châssis EJ4 et FG de 1914, dont le moteur 56 x 120 mm de 1.180 cm3 donne environ 14 chevaux à 1.800 tr/mn avec un couple très modeste. Avec la vogue des carrosseries plus confortablement équipées, les performances sont forcement limitées et le Type GA devrait bénéficier pour la première fois sur un modèle de Dion de petite puissance d'une boîte à 4 vitesses qui permet d'allonger un peu le rapport final sans trop pénaliser la performance en côte. Mais cette GA a encore une boîte à 3 rapports donnant une conduite plus souple. La GA ne roule qu'à 50-55 km/h au maximum sur le plat et sans être trop chargée.
Afin de limiter le poids et le prix de vente de ses petits modèles (jusqu'à 12 CV compris), la marque commence à remplacer son célèbre pont arrière suspendu à arbres à cardans transversaux par un pont rigide, réservant le premier aux types de luxe et l'offrant en option sur la 14 CV intermédiaire. Or, sur cette GA, le pont est encore suspendu et, curieusement, le corps du pont est coulé en bronze. Le reste de la mécanique est dans la ligne des pratiques de l'époque : moteur monobloc à carter aluminium, vilebrequin à deux paliers graissé sous pression, allumage par magnéto De Dion-Bouton Vitrix ou autre, carburateur automatique de Dion-Bouton, refroidissement par radiateur et ventilateur (thermosiphon) et embrayage à plateau garni de cuir (souvent remplacé par la suite par du Férodo). Ainsi définie, la Type GA est une voiture très économique en essence comme en pneus, mais peu performante en charge du fait de son petit moteur. Sa carrière commerciale sera écourtée par la guerre. La voiture ne sera produite que jusqu'au début de 1915 et à très peu d'exemplaires. Les usines de Dion seront bientôt reconverties pour faire face aux commandes de l'armée.

Première Guerre mondiale

Au cours de la Première Guerre mondiale, De Dion-Bouton sera stoppé dans son élan et va se consacrer uniquement à la production d'automobiles blindées pour l'armée, de voitures de liaison, d'automitrailleuses et de camions. La firme va également produire des obus, des culasses de fusils et toutes sortes de produits destinés à l'armée. En parallèle, et sous son nom, elle produira des moteurs d'avions de 80 et 100 ch., tout en construisant sous licence des moteurs d'avions Hispano-Suiza. En 1918, les fondateurs ne sont plus tout jeune, et l'entreprise doit faire face à des constructeurs plus jeunes, plus nombreux. La production d'automobiles va être réduite progressivement, pour donner plus d'importance à la construction d'autobus, d'engins agricoles, de taxis et d'utilitaires. Beaucoup de choses changeront et les catalogues seront considérablement épurés. La demande étant différente, les constructeurs devront se refaire une santé financière. Certains, comme De Dion-Bouton, auront du mal à redémarrer et seul le secteur ferroviaire lui permettra de se refaire une santé. Malgré l'arrivée d'une familiale en 1923, trop archaïque pour rencontrer le succès, la firme est mise en vente. En 1927, Peugeot et Mercedes négocieront le rachat de l'entreprise qui continuera à produire quelques automobiles, jusqu'en 1932.