Entre 1890 et 1899, la firme De Dion-Bouton va prendre
une grande place dans l'industrie automobile française. Avec son moteur
monocylindre à pétrole, son fameux pont De Dion, la marque va marquer de son
empreinte ces dix dernières années du siècle et permettrent à de nombreux petits
constructeurs de se lancer dans l'aventure.
Depuis la création de l'entreprise, les modèles se succèdent, De Dion
désirant régner sur l'automobile française. En 1899, le Type D, ou "vis-à-vis", préfigure la voiture moderne.
Dotée d'un châssis en tube d'acier, d'une transmission par cardans et de suspensions modernes, indépendantes
à l'avant, elle est dotée d'un monocylindre de 400 cm3 refroidi par eau. Elle dispose également d'une invention
majeure pour l'automobile, le fameux pont De Dion, breveté en 1893. 2970 "vis-à-vis seront vendus entre 1900
et 1902, un véritable succès pour la marque.
En 1890, dans ses ateliers, la firme produit toujours ses tricycles et quadricycles
au rythme des commandes, cette activité restant sa priorité. Les modèles sont assez divers et on ne parle pas encore
de production en série d'un type particulier.
Pendant ce temps, De Dion travaille sur
un autre projet, devant révolutionner le monde de l'automobile.
Une fois ces études terminer, en 1892, De Dion-Bouton va produire un puissant
tracteur capable de tirer des remorques de transport de passager ou de
marchandises. Cet engin possède une chaudière verticale et une puissante machine
à deux cylindres montés sous la plate forme arrière. La transmission finale est
confiée à des demi-arbres non porteurs et munis de joints universels à chaque
extrémité. L'essieu arrière, qui n'est pas moteur, ne supporte que le poids du
véhicule. Ce principe réduit la masse non suspendue et l'utilisation de quatre
rayons d'acier pour transmettre le couple moteur délivre ainsi les rayons
ordinaires en bois des contraintes de la traction. Grâce à cela, les tracteurs
sont plus puissants que les petits tricycles ou quadricycles. Ce type de
transmission portera le nom d'essieu ou "pont De Dion". Ce système va connaître un succès universel en automobile
et servir pendant de très nombreuses années, consolidant les revenus de la marque et
sa notoriété. L'essieu donne
une excellente tenue de route à la voiture qu'il équipe et sera très vite apprécié
par les créateurs de voitures de course et de sport. Il est d'ailleurs encore
utilisé. Le brevet de cette invention est déposé en 1893.
En parallèle à sa production d'automobiles, la marque s'est lancée dans la production de camions et d'autobus. Ces
derniers rencontreront eux aussi un beau succès.
Ci-dessus, un modèle à la forme très particulière, datant
de 1890
Le fameux "pont de Dion", encore d'usage
aujourd'hui, fait figure de réalisation géniale en matière d'essieu arrière.
Constitué de deux demi-essieux oscillants, il apporte les avantages que
constitueraient des suspensions à roues indépendantes tout en s'apparentant en
fait à un pont rigide.
1894 - De Dion-Bouton sans Trépardoux.

La firme De Dion-Bouton-Trépardoux propose cette année
le premier embrayage à disque et poursuit sa production d'autobus et de camions
à vapeur. Une production qui durera jusqu'en 1904. Les travaux de Georges Bouton
sur les petits moteurs à essence à régime rapide engagent la firme dans une
autre direction. Les allemands Otto et Daimler ont ouvert un nouveau
marché. Mais l'arrivée des moteurs à pétrole, qui équipent déjà les voitures de
Panhard et Levassor et celles d'Armand Peugeot, n'a pas été une surprise pour De
Dion. Ce dernier avait anticipé cette nouveauté en demandant à Bouton de
travailler sur un petit moteur utilisant ce type de carburant.
Mais cette nouvelle orientation prise par l'entreprise va être à l'origine du départ d'Albert Trépardoux
qui ne croit qu'en la vapeur. Si les machines vapeur continuent de sortie à un
rythme régulier des ateliers, Bouton est depuis de longs mois totalement absorbé par la
mise au point d'un moteur essence qui voit d'ailleurs le jour cette année et qui
a demandé six années de travail. Trépardoux
estimant qu'il n'a plus rien à faire dans l'entreprise, et que cette nouvelle
orientation est contraire aux intérêts de la société, finit par démissionner,
ce qui d'ailleurs provoqua la fureur du comte qui entra dans une colère
mémorable. Après son départ, la société De Dion-Bouton-Trépardoux sera close pour mieux
renaître en 1898 sous le nom de De Dion-Bouton, la moitié du nouveau capital sera alors apportée par le baron
de Zuylen.
Ce premier moteur à essence de la marque sera très vite adopté
par de nombreuses marques de voiturettes. Ce fameux monocylindre, de 185 cm3, et plus connu
sous le nom de "mono", est à refroidissement par air et d'une puissance d'un demi-cheval.
Très léger (carter en aluminium), plus puissant que les concurrents et plus
régulier (il tourne aux environs de 1.500 tr/min, soit deux fois plus vite que
les autres), il bénéficie d'un nouvel allumage (piles, bobine et rupteur
mécanique), qui fait également objet d'un brevet. Ce moteur est à l'origine du
formidable développement de la firme de Puteaux et de son succès. L'expansion
est telle que la firme doit une nouvelle fois déménager, toujours à Puteaux,
mais au 12 rue Ernest. C'est là que le moteur sera produit à des milliers
d'exemplaires et fournit à d'autres constructeurs comme Delage, Chenard et Wacker, Latil, Terrot, etc., ainsi qu'à l'étranger.
On dénombrera au moins 150 constructeurs qui ont fait appel à la marque.
Moteur à tout faire, le mono de Dion sera souvent copié. La marque d'ailleurs en fera l'un de
ses slogans publicitaire en écrivant plus tard : "Un
moteur produit à 50.000 exemplaires, toujours copié, jamais égalé".
1894 - Paris-Rouen

Le véhicule De Dion-Bouton du Paris-Rouen 1894
Pour le Paris-Rouen, la firme a préparée un véhicule à vapeur qui va se
distinguer particulièrement en terminant premier de cette épreuve, la première course
officielle disputée à l'initiative du Petit Journal.
Malheureusement pour le comte, il sera déclassé, sa voiture ne répondant pas au critères
imposés par le règlement. Les qualités d'économie et de sécurité du véhicule
sont jugées insuffisantes par le jury du concours. Le comte perd donc son premier prix qui se retrouve partagé
entre Peugeot et Panhard & Levassor, déclaré ex-eaquo.
1895 - ACF
Après le Paris-Rouen de
1894 ou il fut déclassé, le comte De Dion compte bien prendre sa revanche. Il songe alors à organiser une vraie
course. Ce sera le Paris-Bordeaux-Paris, épreuve prévue pour cette année et
dotée de 69.100 francs-or de prix. Le comte va tout mettre en oeuvre pour faire
aboutir son projet. D'abord, il va créer un comité réunissant de fortes
personnalités, comme le baron de Zuylen, rencontré lors du Paris-Rouen, James
Gordon Bennett, propriétaire du New York Herald, Marcel Deprez et un certain
nombre d'ingénieurs dont Levassor, Mors, et Jantaud. Contrairement à l'épreuve
de 1894, Pierre Giffard ne cautionne pas cette épreuve, sous prétexte d'un trop
grand risque d'accidents, les voitures pouvant atteindre et même dépasser les 20
km/h de moyenne. L'épreuve doit se dérouler les 11, 12 et 13 juin. C'est une
Panhard & Levassor à essence qui remporte l'épreuve au bout de 1.175 km,
condamnant de ce fait définitivement la propulsion à vapeur. Malgré sa défaite
sportive, le comte a remporté son pari. La course est un succès et il a très
bien compris l'intérêt de la compétition et de ses retombées sur le plan
technique. Convaincu que cette activité technico-sportive ne peut être que
bénéfique au développement de la nouvelle locomotion, il décide de lui apporter
une organisation susceptible de la promouvoir efficacement. Il songe aussitôt à
transformer le comité d'organisation en une société d'encouragement permanente,
dotée de la personne morale, comme il en existe une pour les épreuves hippiques
ou dans le cyclisme. Une fois les bases posées, il ne reste plus qu'à bâtir les
murs et le toit. Après de multiples réunions de travail, dont le fameux déjeuner chez le comte
entre le Comte De Dion, le Baron de Zuylen de Nyevelt et Paul Meyan, l'Automobile Club de
France, l'ACF, voit le jour le 12 novembre.
Mondain invétéré, De Dion fondera également l'Aéro Club de France, le journal "L'auto-vélo",
qui deviendra "L'Auto". Il sera également l'initiateur en 1897 de la
Chambre Syndicale de l'Automobile et des Industries, occupant le poste de
président jusqu'en 1926. Il se lancera également dans la politique, bonapartiste
convaincu, et farouchement opposé à la République. Député, puis sénateur entre
1902 et 1940, il s'opposa et refusa la politique du maréchal Pétain. décédé le
19 août 1946, il sera enterré au cimetière de Montparnasse, huit ans après le
décès de Georges Bouton, décédé lui le 21 octobre 1938.

Depuis 1895, De Dion-Bouton est le principal constructeur de petits moteurs au
monde et exporte ces derniers en Europe comme en Amérique. Parallèlement, la firme développe
ses propres véhicules mais aussi des motos, des tricycles et des quadricycles, tout en produisant
des engins à vapeur de forte puissance, comme des tracteurs routiers, des camions, des omnibus,
des rouleaux et des véhicules industriels spéciaux. A l'écoute du marché, le comte prend
conscience que les motocycles, tricycles et quadricycles, à une ou à deux places, ne
peuvent avoir qu'un succès limité. Aussi, pour élargir le marché de l'automobile, il
va vite lancer avec Bouton l'étude d'un petit véhicule qui passera à la prospérité, le Vis-à-vis.
Une page spéciale est consacrée à l'ACF. Vous la
trouverez dans le Menu Encyclo, Sports ou en cliquant à droite.

1897
Depuis quelques années, De
Dion-Bouton-Trépardoux proposait un tricycle à pétrole. Si ce dernier ne
réussit pas à convaincre à ses débuts, sa participation à de nombreuses courses
va lui redonner quelques couleurs. En participant au Bordeaux-Agen-Bordeaux, ou
à la première course de côte de la Turbie de 1897, quelques clients vont être
charmés par ce tricycle et l'adopter. C'est ce succès qui décida la marque à
lancer une production sur plusieurs années.

1899
Vis-à-vis
En 1899 apparaît le célèbre Vis-à-vis. Grâce au succès de ce type, qui deviendra très à la mode
et permettra à un grand nombre d'accéder à l'automobile, la marque va connaître
des années de prospérité. On peut le considérer comme l'ancêtre
de toutes les voitures dites "populaires". Avec la production de ces moteurs, De
Dion-Bouton devra une nouvelle fois déménager. En acquérant des terrains, elle
ira s'installer Quai national à Puteaux. Inspiré de la technique du "cycle", ancêtre de la "vrai" voiturette, le
Vis-à-vis ou Type D se compose d'un châssis en tubes d'acier, de suspensions à
ressorts semi-elliptiques, et d'un pont arrière de Dion suspendu à cardans
latéraux et demi-arbres découverts. Bien sûr, le modèle est doté
du monocylindre maison, couplé à un embrayage et à une boîte de vitesses en un
seul bloc, sans pignons baladeurs, accrocheurs et bruyants. Il dispose également de deux freins
indépendants à collier. Il dispose également d'une colonne de direction
regroupant toutes les commandes, une direction à crémaillère avec pivot central. Côté configuration, le
Type D se présente sous la forme d'un véhicule à quatre places, pourvue de deux
sièges recouverts de cuir et placés face à face, d'ou son nom. Le succès sera
immédiat et différentes carrosseries seront disponibles, le tout sur un
rectangle de 180 par 140 cm. Entre 1900 et 1902, la
firme en produira près de 3.000 exemplaires, ce qui démontre sa grande notoriété.

Le Type D de 1899
