
CITROËN

Dernière mise à jour : 15/05/2010
André Citroën, le Henry Ford français...

Petit historique
André Citroën (1878/1935)

Fils d'un diamantaire d'Amsterdam, André Citroën est né le 5 février 1878. Fils d'une famille de diamantaires originaire
de Hollande, son père, se croyant ruiné, se suicide alors qu'André est encore jeune. La famille parvient toutefois à inscrire André au
Lycée Condorcet (comme Louis Renault mais avec des résultats plus brillants). Il entre ensuite, en 1898, à l'Ecole polytechnique
Les débuts avec Mors
Polytechnicien à 27 ans, André Citroën se fait connaître en produisant, dès 1905, des engrenages en chevrons, technique
découverte lors d'une visite à des parents polonais. Il achète la licence de fabrication d'une machine
capable de les réaliser en acier. Installé Quai de Javel, dans le 15e arrondissement de Paris, il commence
la fabrication des engrenages et des machines spéciales pour les produire, des plus petits (comme dans l'horlogerie)
aux plus grands (installations hydroélectriques). Par relations familiales, il est amené en 1908 à prendre la
direction des Automobiles Mors, une affaire en grande difficulté sur le point d'être liquidée. La production
atteint péniblement les 120 voitures par an et les modèles comme les méthodes sont déjà trop archaïques
pour être rentables. Sous l'énergique direction de Citroën, Mors double sa production en 1909 et fait de même
en 1910. Toutefois, Mors reste une affaire fragile qui n'est sauvée en 1912 que par l'intervention d'un
riche diamantaire d'origine arménienne, Eknayan.

Première Guerre mondiale
Mobilisé en 1914, André Citroën, polytechnicien, devient un capitaine d'artillerie qui constate, dès l'automne 1914,
que la guerre risque d'être perdue faute de munitions, notamment d'obus pour les excellents canons de campagne de 75 mm
qui compensent en partie le déficit en mitrailleuses des armées françaises. Mors a obtenu des commandes d'obus, mais la production
est dérisoire, comme celle des arsenaux d'Etat. Par ses relations, Citroën prend contact avec la direction de l'Artillerie et,
en février 1915, grâce au soutien du général Bacquet, obtient une commande pour 1 million d'obus de 75 mm à 24 francs pièce,
avec avance par l'Etat du quart de la somme en vue de créer une usine capable de produire 5.000 obus par jour, une cadence inouïe à
l'époque. Pour ce faire, Citroën doit trouver d'autres commanditaires pou installer, à Paris, en bord de Seine à Javel, une usine
ultramoderne munie des outillages les plus perfectionnés (presses, tours, fonderie, etc...). Dans des délais records,
André Citroën construit son usine.
La production démarre en fait lentement et la première commande est livrée en retard.
Peu à peu, la gigantesque organisation voulue par André se met en place, les méthodes sont définies, les outillages perfectionnés
et l'usine prend même des commandes pour la Russie. Le pourcentage d'obus
défectueux, qui suscite au début de vives critiques envers
Citroën, diminue régulièrement et, à la fin du conflit, Citroën aura fabriqué et vendu 26 millions d'obus, outre des outillages
de production modernes cédés à d'autres entreprises mobilisées. Parallèlement, lorsque la production atteint les cadences prévues.
André Citroën est chargé par le gouvernement d'organiser le ravitaillement des usines puis des populations civiles.
Reconversion
Dès 1916 se pose le problème de la reconversion des usines et des effectifs employés aux fabrications de guerre. Comme quelques
autres, Citroën envisage plusieurs types de productions de biens d'équipement, à conditions que ce soit possible en très grande série,
notion tout à fait neuve à l'époque. Les outillages qui seront disponibles quai de Javel orientent les choix vers les fabrications
mécaniques : bicyclettes, machines à coudre, mobilier métallique et automobiles.
En 1917, quand il envisage la reconversion, il se trouve devant une alternative : automobile de luxe ou automobile populaire ? Il ne songe
pas à redéployer la société Mors, qu'il dirige depuis 1908 et qu'il a sauvé de la faillite. Cette société ne fait que survivre depuis 1907.
Ses produits sont dépassés, trop chers et impossibles à produire en masse. Il rachètera Mors en 1919 pour produire des voitures sous son nom,
créera sa marque et un type original.
Artault et Dufresne
Depuis 1915, deux ingénieurs travaillant à Javel, Artault et Louis Dufresne, transfuge de Panhard. Les deux hommes ont étudié une grosse voiture à moteur
sans soupapes (une technologie qui intéresse particulièrement Citroën) à la demande de Léon Morane, fabricant d'avions avec son frère mais qui songe
aussi à sa reconversion personnelle. Toutefois, Morane renonce au projet. La voiture est donc proposée à André Citroën. Après essais, André Citroën
apprécie sa qualité, mais la juge trop luxueuse, trop coûteuse et inadaptée à la production en grande série. C'est finalement Gabriel Voisin qui la
produira dès 1919. Si Citroën a fini par dire non, c'est qu'il a une autre solution. En effet, il penche plutôt pour le projet de l'ingénieur Jules
Salomon (déjà créateur de la Le Zèbre) concernant une 10 CV économique susceptibles d'être fabriquée à la chaîne.
Jules Salomon
Jules Salomon est le créateur de la Le Zèbre, l'un des premiers types vraiment populaires né dans les années 10. Les idées d'André Citroën et de Salomon
convergent : la voiture doit être simple à construire, à entretenir et à conduire, économique, fiable et robuste, vendue totalement équipée et - qualité
indispensable - produite en très grande série. Courant 1918, la première automobile André Citroën est définie : ce sera le Type A, appelé commercialement
10 HP et taxé pour 8 CV. Pour Citroën, ce Type A sera un modèle unique, vendu à un prix défiant toute concurrence, à l'instar de la Ford Model T.

Le modèle : Henry Ford
En 1919, André décide donc de reconvertir son usine du Quai de Javel pour réaliser son rêve, produire des automobiles.
Après sa visite de l'usine américaine d'Henry Ford, Citroën va appliquer les méthodes de ce dernier et lancer la production
en série de son premier modèle, le Type A, première voiture européenne construite en grande série, économique et livrée
complète. C'est aussi la première voiture française à conduite à gauche.

Conservatoire Citroën
Type A
André Citroën comprend que le marché automobile ne sera plus le même qu'avant-guerre.
Il sait que la production en très grande série, comme pour les obus, d'une automobile populaire est l'avenir. Ce modèle devra être simple,
facile à conduire, avec un prix accessible, vendu complètement équipé.
De plus, cette production lui permettrait de reconvertir en totalité son immense usine.
Il renonce donc au projet de la 18/23 CV, que Gabriel Voisin va récupérer. Citroën va choisir un autre projet, celui de Jules Salomon,
auteur des voitures Le Zèbre. Ce projet concerne une 10 HP qui sera présentée à l'homologation du service des Mines dès novembre 1918.
10 HP est une appellation flatteuse car, en fait, le Type A, avec ses 1.327 cm3, ne sera taxée que pour 8 CV.

Type A 10 HP 1919
Universal Hobbies
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A cette époque folle de belles mécaniques destinées aux élites, la première Citroën ose proposer une somme de banalités exemptes de toute innovation. Jules
Salomon est un adepte de solutions économiques : le châssis est des plus sommaires : un simple cadre de châssis plat, rectangulaire court et rigide, muni à
chaque coin avant d'un ressort quart-elliptiques et à l'arrière de deux quarts-elliptiques superposés. Il n'y a pas d'amortisseurs, ni de freins avant. Le
moteur est un simple 4 cylindres monobloc en fonte sur carter aluminium, à soupapes latérales, mais à culasse détachable. La cylindrée du moteur est de 1.300 cm3,
homologué comme 8 CV, donnant 18 ch réels. La boîte de vitesse, montée en bloc avec le moteur, est des plus simples : 3 rapports, dont une prise directe.
Priorité donc à la simplicité et à la robustesse, au fiable et au pratique. De ce point de vue, le Type A ressemble à la Ford Model T. Tout le monde ou presque
peut en assurer l'entretien. Et Citroën veut que tout le monde, ou presque, puisse l'acheter. Persuadé qu'il possède l'instrument du succès (pas de fortune,
car André Citroën, contrairement à Ford et à Renault, n'aura pas de grande fortune personnelle), son enthousiasme communicatif le pousse à fixer un prix
de lancement très attractif : 7.250 francs, carrossée en Torpédo, soit guère plus qu'une voiturette de 1912. Or, le type A est livré carrossé et équipé, y
compris l'éclairage et le démarrage électriques, et avec cinq roues garnies. Soulignons que le Type A dispose d'une capote prête à l'emploi.
La marque américaine Cadillac avait déjà, en 1912, installé sur ces modèles le tout électrique, démarreur, allumage et éclairage. Tout cela pour dire
qu'André Citroën s'inspirera fortement de ce qui se passe aux Etats-Unis, notamment chez Ford.

Le Type A ne coûte même pas la moitié du prix d'un modèle équivalent chez Renault. Ce dernier ne s'inquiète pas pour autant. S'il a pu évaluer les qualités
de communicateur et de vendeur de son jeune concurrent, il connaît les réalités industrielles après vingt ans d'expérience. Citroën a tablé sur une production
annuelle de 25.000 unités pour commencer. Personne n'y croit, sauf lui. de fait, présenté en avril 1919, le Type A arrive sur le marché à 11.000 francs en juin,
à la fureur des premiers clients qui ont commandé en décembre 1918. De nombreux clients s'estimant bernés, intenteront un procès à Citroën. Certains iront jusqu'à
annuler leur commande. Pourtant, à ce pris, le Type A reste une voiture honnête, exactement définie pour son marché.
Le client a le choix entre deux empattements, mais le court (250 cm) est très peu produit.
La présentation du Type A a été retardé, la reconversion de l'usine étant plus problématique que prévu. Des grèves, des licenciements, une inflation galopante
créent une mini-crise économique. Le Type A sera donc présenté en mai 1919, dans le magasin de la marque Alda, aux Champs-Elysées, une marque créée par Fernand
Charron avant la guerre. Plusieurs carrosseries sont au catalogue dès 1919 : torpédos, conduite intérieures trois et quatre places, coupé de ville et camionnettes.
La première type A est donc livrée en juin 1919. Au fil du temps, André Citroën s'aperçoit que le prix de vente n'est pas rentable. Du coup, les tarifs seront revus
à la hausse, passant à 11.000 puis à 12.500 francs en octobre 1919. A cette époque, la cadence de production s'élève à 30 à 35 véhicules par jour. Le succès immédiat
se confirme, avec 2.500 voitures vendues en 1919 et 20.000 en 1920.
En 1919, la reconversion posait bien des problèmes. Le gouvernement maintint des commandes d'obus pour éviter le chômage. Les machines nouvelles étaient longues
à installer, comme la future chaîne mobile de production. Et le personnel devait être formé à de nouvelles méthodes. Tout cela explique le faible volume de production
du premier exercice.

Le Type A 10 HP sera proposée par la suite avec diverses carrosseries, en limousine six glaces aux finitions luxueuses,
en conduite intérieure trois places, en torpédo trois places, en landaulet (qui servira pour la version taxi) et en Coupé de ville, une version
très recherchée car très rare. En 1921, une version Sport-Luxe sera proposée, ainsi qu'un torpédo Sport-Spécial à moteur de 1.452 cm3 et 22 chevaux.
Ces deux modèles annoncent l'arrivée de la Type B2. Entre-temps, l'usine a augmenté sa cadence de production, avec des méthodes inspirées par Ford.
La production, en 1920, est passée à 100 exemplaires par jour. Cette production inquiète la concurrence puisque Citroën atteint une cadence jamais réalisée
par une usine européenne. C'est ce qui explique le nombre impressionnant de Type A produites en si peu de temps, puisque à la date de sortie de
la B2, en juin 1921, 24.000 exemplaires de la Type A sont sortis des ateliers Citroën.

Trésorerie délicate
L'investissement de Citroën coûte cher.
Dès 1918, André Citroën chercha des partenaires, allant jusqu'à négocier avec les dirigeants de la General Motors une
cession de son affaire, mais ces derniers résonnent à une autre échelle et ne donnent pas suite. Citroën fera appel à son principal commanditaire et créancier
qui acceptera un étalement de la dette jusqu'en 1925 et un remboursement indexé sur la production. Or, les problèmes de la reconversion des usines et les grèves
réduisent cette production à 10 % du volume prévu. Au printemps 1919, Citroën augmente prix de sa Type A, ce qui engendra des procès. Heureusement, le modèle
s'impose sur le marché. Augmenté à nouveau en 1919, la Type A se vend bien et la cadence de production s'accélère. Une dépression en 1921 oblige toutefois André
Citroën à accepter un montage financier proposé par Lucien Rosengart pour dégager de la trésorerie. Les années vingt seront enfin meilleure et Citroën pourra
respirer un peu.
Un réseau très moderne
Si le premier modèle d'André a été présentée dans le magasin de la marque Alda, André Citroën va vite se constituer un réseau moderne.
Ce réseau de vente, constitué de vendeurs formés par la marque, inaugure les réparations forfaitaires et les échanges standard. Il exploite
également toutes les formes de publicités existantes. Les concurrents, comme Renault, devront dès lors s'aligner et implanter, à leur tour,
la production "à la chaîne" pour pouvoir rivaliser avec Citroën, ce qui causera de nombreux conflits internes sur le plan social.
Pub, succursales et garages
Dans l'immédiat après-guerre, de 1919 à 1922, se mêlent le soulagement général, l'appétit de vie
et des bouleversements sociaux sans précédents. Il est difficile d'imaginer aujourd'hui l'impact de la nouvelle 10 HP Citroën sur le public et sur l'industrie.
Le 4 octobre 1922, la publicité aérienne pour Citroën fut une première en France. L'avion devait évoluer à haute altitude, dans une atmosphère
calme et par temps très clair pour que le message reste longtemps lisible.

Outre les qualités réelles du produit et son prix d'attaque, c'est l'ampleur des moyens
publicitaires de tous ordres mis en ouvre par le constructeur qui frappera le public pendant quinze ans. C'est
tout l'art du publicitaire : imposer
le message efficace sans saturer la cible au point de la détourner du produit. André Citroën n'agit ni en inventeur, ni en ingénieur, mais en communicateur
et en orchestrateur. Son arsenal publicitaire ira donc bien au-delà des armes classiques de la réclame dont se contentent ses contemporains. Il va mettre
au point un système de communication et de relations tous azimuts allant de l'annonce des produits à celle des services après-vente dans le cadre d'une politique
commerciale totale, sinon totalitaire, dans la mesure ou il élabore une véritable culture citroënniste inculquée à l'enfant, qui doit commencer par
savoir dire "Papa, Maman, Citroën". On peut dès alors se poser la question : n'allait-il pas trop loin ?

Dès le début, Citroën institua un réseau de distribution sans précédent.
Fin 1918, Citroën charge l'agence Wallace et Draeger de sa communication pour le lancement de la nouvelle Citroën. Pour sa présentation effective de la 10 HP,
en janvier 1919, Citroën annonce par une pleine page dans le quotidien Excelsior le produit et ses objectifs : voiture 10 HP livrée complète au rythme de 100
voitures par jour et à partir de 7.250 francs. Ces annonces font sourire ses concurrents : c'est pour eux une utopie dont ils n'ont rien à craindre. Le
public y croit davantage et les commandes affluent. La crise de 1920, accompagnée d'une terrible inflation des coûts, oblige Citroën à réviser son prix,
qui passe à 12.500 francs. Les messages évoluent vers l'affirmation des cadences de production et le rapport qualité/prix de la voiture. Puis, les produits
étant reconnus, la publicité vante la puissance de l'usine et du réseau, les cadences (inédites), les techniques de production en grande série, la sécurité
(caisses tout acier, servofrein, glaces de sécurité, etc.), l'économie et la robustesse (résultats des concours de consommation, records du monde de distance,
etc.). Essentiellement, des données concrètes et vérifiables.
Citroën propose au public un service complet en mettant sur pied un réseau de concessionnaires et d'agents sans équivalent en France. Rapprocher l'usine
et ses clients est une notion nouvelle, qui rompt avec l'élitisme pratiqué jusque-là par les constructeurs. Dès 1920, des centaines de distributeurs
sont recrutés, formés à la vente, à l'après-vente, aux réparations standard à prix fixes, à l'art de la reprise (peu développé à l'époque), etc. Toute
cette approche est décrite et soutenue par les messages presse et sur les lieux de vente tenus d'afficher bien en vue ces multiples services. Ce réseau
atteint 295 concessionnaires et 1.100 agents et stockistes dès 1922. Cette floraison de 'garages Citroën" suscite la verve des humoristes et autres chansonniers,
ce qui ravit André Citroën, soucieux avant tout de faire parler de sa marque. Les fleurons de ces lieux de vente seront les prestigieux magasins des Champs-Elysées
(1927), de l'Opéra (1928) et le grand Palais des Expositions Citroën de la Place de l'Europe (1931). Une fois équipée d'une Citroën, l'automobiliste est
également guidée par Citroën, qui, dès 1920, demande à ses agents de lui indiquer les endroits où des plaques directionnelles seraient utiles pour la traversée des
villes. Ce service connaît un développement prodigieux : en 1924, plus de 65.000 plaques ont été fournies et installées en accord avec les municipalités,
qui prennent à leur charge les frais de pose.

Localement, en appui des distributeurs, Citroën organise sans cesse des caravanes de voitures neuves, qui sillonnent la France de concession en
concession accompagnées d'animations diverses pour attirer les foules, avec souvent une participation aux fêtes locales. Des encarts dans la presse
locale annoncent les dates de passage. En même temps, la région concernée se couvre d'affiches Citroën, conçues par Pierre Louÿs, mais la firme emploie peu ce
média réputé fragile et éphémère, auquel elle préfère les publicités peintes sur les murs. Ces dernières comprennent souvent des informations sur
le concessionnaire local et des indications d'itinéraires. La plupart des affiches, traitées de façon réaliste, sont destinées à paraître à
l'intérieur des garages.
Pierre Louÿs (1894/1976)
Jeune dessinateur dilettante et fortuné, formé aux beaux-Arts de Paris, Pierre Louÿs fut chargé dès 1920 de diriger les services artistiques et photographiques
de l'usine, il n'a alors que 26 ans. Il eut la haute main sur la conception des affiches, des annonces presse, dès calendriers... Il dessina lui-même
beaucoup et fit travailler d'autres graphistes de talent, comme Mich, Georges Lepape ou A. Magi. Il quitta la firme en 1934.

Type C 5 HP
Après la Type A 10 HP, première voiture française à être construite en grande série, André
Citroën reste avant tout visionnaire et un constructeur à l'écoute
de son temps. Ainsi, il comprend très vite qu'il existe une importante clientèle potentielle pour un modèle populaire. Les femmes en pleine révolution témoignent
de l'intérêt pour les voitures, fantastique instrument d'une certaine liberté. Et il y a tous ceux pour qui l'achat d'une voiture neuve fait encore partie du
rêve. Pour tous ceux-là, André Citroën veut créer un modèle peu cher, mais doté d'une vraie mécanique. Il ne s'agit pas de construire une voiturette au rabais,
un quelconque cyclecar, mais d'offrir des solutions intéressantes dans une carrosserie confortable.

Le prototype n° 14 et la version présentée au Salon de Paris en octobre 1921
A cette époque, le gouvernement français encourage, par des avantages fiscaux, les constructeurs automobiles à s'investir dans les Cyclecars. André Citroën
préfère se tourner vers les petites voitures. La 5 HP est donc la première Citroën a faire son entrée sur ce segment des petites voitures, alors monopolisé
par Peugeot et Renault.
Présentée au Salon de Paris de 1921, la 5 HP ne sera commercialisée qu'en 1922, sa production débutant officiellement qu'en mars 1922, à Levallois. Il est
également très probable que quelques véhicules soient produits dans l'usine principale au Quai de Javel.

La Citroën 5 HP, ou Type C, se présente en fait comme une réduction de la prochaine B2. Il s'agit d'une torpédo à deux places au capot plat orné latéralement
de trois fentes verticales pour le refroidissement. L'arrière est très particulier, avec une ligne en pointe, également baptisée "cul de poule". Lors de son
lancement, ce second modèle de Citroën n'est disponible qu'en jaune, d'où son surnom en forme de clin d'oeil "la petite citron".
Elle est la première petite voiture populaire française qui va séduire un très large public et permettre à beaucoup de français d'accéder à l'automobile.
Petite, fiable, économique, elle sait aussi être maniable, vive et endurante.
Le moteur de la Type C est un 4 cylindres disposant d'une cylindrée de 856 cm3, revendiquant une puissance de 11 ch à 2.100 tr/mn. A l'arrière, les suspensions
adoptent des ressorts simples avec des tubes de poussée, alors que sur la B2, ils étaient doubles. L'allumage sur les premières séries fait appel à une batterie,
une bobine et un distributeur, puis à une magnéto, comme il était de règle sur les 10 HP. Les dépliants publicitaires de l'époque insistent sur son prix peu élevé,
"qui la met à la portée de tous". Sa mécanique est également vantée ainsi que "son entretien modique, qui en fait un véhicule utilitaire par excellence". Au fil des
années, elle va effectivement devenir pour beaucoup LA première voiture, et c'est à son volant que le plus grand nombre apprendra à conduire. Son succès est tel
qu'elle représente en 1922, près de la moitié des ventes de Citroën.
Le torpédo 5 HP est constitué d'une carrosserie en tôle montée sur une structure de bois. L'arrière de la voiture, en pointe, lui donne une allure sportive.
Elle ne possède qu'une seule porte, côté passager, et, comble de raffinement, les charnières de cette dernière sont invisibles. La roue de secours était disposée
côté conducteur.
Type C2
La série des 5 HP se déclinera jusqu'en 1926. Aux côtés de la torpédo vient très vite s'ajouter un cabriolet, lui aussi disponible uniquement en deux places.
En octobre 1923, le châssis est renforcé par une traverse arrière reliant à leurs extrémités les longerons. Autre modification : le capot moteur arbore dorénavant
16 ailettes de refroidissement au lieu des 3 originelles. La désignation est alors le Type C2, livré dans deux nouvelles couleurs, havane et bleu. Dans le même
temps, la gamme s'étoffe avec un modèle à trois places, 2 à l'avant et une à l'arrière.

Type 5 HP C2 T2 Torpédo 1925
Norev
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Type C3
En 1923, le châssis du Type 5 HP C2 est rallongé de 10 cm (235 cm contre 225) et cette version C3 offre deux configurations. Dans un premier temps, un strapontin
est disposé à côté du siège conducteur et l'unique siège arrière prend place derrière ce strapontin. Derrière le siège conducteur, on découvre un coffre de petites
dimensions. Cette formule a déjà été utilisée sur la B2 sortie en juin 1921. En octobre 1924 est adoptée la seconde configuration, dite "en trèfle". Le siège
arrière se trouve en position centrale, encadré par deux coffres, d'où le dessin des trois sièges écartés à la manière d'un trèfle. Pour ce modèle, la roue de
secours est embarquée à l'arrière. Les C3 présentent un arrière original, arrondi à la place de la pointe qui caratérise les torpédos et cabriolets deux places.
l'année suivante, la torpédo deux places est supprimée des catalogues. Bien que ce modèle soit un succès, il n'est pas rentable. André Citroën décide de mettre
un terme à sa production en mai 1926, les dernières voitures sortiront au cours de l'été.

Type C3 1925
Universal Hobbies
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Type B2
En 1921, afin de pouvoir s'agrandir, et promouvoir le type B, puis la fameuse 5 CV Type C "trèfle", André Citroën rachète les locaux de Clément-Bayard à Levallois.
Sur le fronton de l'usine, les initiales AC ne sont donc pas celles d'André Citroën, mais celles d'Adolphe Clément. C'est dans ses locaux qu'il construira les
fameuses Autochenilles-Kégresse, qui porteront son nom en Afrique et en Asie. Le Type B2 est l'évolution du Type A, dont les ventes piétinent. Toujours désignée
10 HP, la B2 dispose désormais d'un moteur de 1.425 cm3 et 9 CV, d'une ligne générale modernisée et de finitions de meilleure qualité. Le type unique ayant vécu,
la gamme propose 13 modèles, ouverts, fermés et commerciaux, allant de 14.000 à 22.000 francs. La production atteint son rythme de croisière et, en 1922, la
concurrence doit l'admettre : Citroën a gagné son pari. De 1924 à 1925, près de 90.000 Type B2 ont succédé au Type A (24.000 exemplaires). Ce succès pousse Citroën
a multiplier ses centres de productions à Paris et en banlieue, à lancer un type plus petit, la 5 HP ou Type C, et, surtout, à chercher tous les moyens de produire
davantage. Si les fabrications mécaniques peuvent être accélérées, la carrosserie pose deux problèmes : la construction bois et tôle est trop "manuelle" et la
peinture à la brosse trop longue à sécher. Les solutions vont s'appeler caisse tout acier et peinture cellulosique au pistolet.

B2 Caddy Sport 1923 au Rétromobile 2007

Type B2 1925 ET Type B2 Torpédo 1925
Minialuxe et Universal Hobbies
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Le Type B2 reçoit, en série, l'équipement très complet de la Type A.
Son moteur est cependant plus puissant avec une cylindrée de 1.452 cm3 et 20 Ch. à 2.100 tr/min. Dotée d'une boîte
3 vitesses, Cette B2 pouvait atteindre une vitesse de 72 km/h. Le succès sera quasi immédiat, grâce à ses qualités de robustesse et d'économie.
De mai 1921 à juillet 1926, Citroën fabriquera 89.841 exemplaires de la B2, les
ateliers du quai de Javel, de nos jours Quai André Citroën, en produira jusqu'à
200 modèles par jour en 1925, et ce dans pas moins de 25 carrosseries
différentes.

B2 Coupé de ville, très connu dans sa version taxi.
Dans la série des B2, le torpédo Tourisme Luxe est, avec la conduite intérieure, l'un des modèles les plus vendus
de la gamme. Ce succès se reportera bien évidement sur la B12 présentée en 1926. Chronologiquement, on distingue
deux versions de la B2, celle de 1921 à 1923, puis celle de 1924-1925 dénommée Type 2B. Cette dernière est équipée
d'une nouvelle calandre et d'un radiateur plus haut. Elle subira aussi de nombreuses modifications au niveau des
pièces mécaniques.

Conservatoire Citroën
Taxis Citroën
La "Belle Epoque" est souvent, dans le milieu automobile, liée aux petits taxis parisiens Renault. La décennie suivante, les "années folles" sont
souvent liées aux taxis citroën. Les deux rivaux se sont affronter pendant ces deux périodes sur le pavé de la ville lumière, Citroën prenant
l'avantage jusqu'en 1934.
Tout le monde connaît l'épisode des taxis de la Marne, qui a valu aux "deux pattes" Renault d'entrer dans la grande histoire (alors qu'ils
n'étaient pas les seuls, les taxis Unic participant également à ce conflit en grand nombre). Pendant la guerre, Paris conserva la plupart de ses
taxis et, en 1919, le parc est usé jusqu'à la corde. Citroën va alors changer le paysage urbain, un peu à son corps défendant. tout débuta après
la guerre. Citroën a lancé le Type A mais son prix fixé trop bas a du être relevé. de nombreuses commandes furent annulées et les banques s'inquiètent.
L'inflation freine également les ventes et les châssis invendus s'accumulent. Citroën
révise alors le Type A pour proposer, en juin 1921, la B2, un peu
plus puissante, en utilisant le même châssis et en diversifiant les carrosseries. Parallèlement, Citroën à recours à la Société
Auxiliaire pour le
développement de l'Industrie française, la SADIF, organisme de financement monté par Lucien Rosengart, qui sert de relais entre le constructeur
et les banques en renforçant artificiellement, par le biais de l'escompte, une trésorerie mise à mal par la mévente. C'est d'ailleurs Lucien
Rosengart qui suggère d'utiliser une partie des châssis Type A pour en faire des taxis. la caisse sera celle du Coupé de Ville et, afin d'agrandir
le compartiment arrière, la place du chauffeur est avancée et la direction légèrement relevée. Ces voitures sont vendues à une nouvelle société créée
pour la circonstance, la Compagnie des Taxis et transports Citroën, qui émet elle-même des traites que la SADIF remet à l'escompte. Le succès
de ces taxis tout neufs, vert foncé à bande latérale ivoire, face aux vieux Renault est immédiat et les recettes des courses, assurent à la CTTC
une trésorerie saine tout en faisant aux nouvelles Citroën une bonne publicité.

Ce qui aurait pu n'être qu'un expédient va devenir une activité à part entière et Citroën poursuit la production de taxis sur le châssis Type B2
catalogué fin 1923 et donc disponible pour d'autres compagnies de louage et de rares artisans. Le prix du Coupé de ville est alors fixé à 25.700 francs,
quand la Torpédo en vaut 15.000. Le surcoût est donc essentiellement dû à la carrosserie, très confortable avec ses garnitures en drap et tapis
de qualité. L'adoption en 1924 d'amortisseurs à l'arrière et de pneus ballons vient
conforter le succès des taxis Citroën. Les versions taxi vont
donc suivre les types de base et Citroën lance en 1926 le taxi B12 à caisse tout acier et freins avant, puis en 1927 le taxi B14, encore plus apprécié.
Publicité
Si Citroën "installa" en France la production en série à une époque ou les autos étaient fabriquées en très petit nombre, si ce n'est à l'unité,
il innova également en proposant la première voiture populaire vendue complète, en mettant en place un service marketing, un service publicité.
Pour l'exposition des Arts décoratifs de 1925 à Paris, assortie d'une suppression du Salon de l'Auto, il est prévu d'illuminer la Tour Eiffel, mais
le devis de Fernando Jacopozzi, réalisateur de publicités lumineuses pour les grands magasins
et à l'origine de cette idée d'illuminer la Tour Eiffel, dépasse le budget de la société gestionnaire
de la tour. Jacopozzi décide alors de faire appel à un grand industriel pour
réaliser sa lumineuse idée. Après le refus de plusieurs annonceurs, dont Louis Renault, Citroën accepte de financer l'installation (et les taxe qu'elle entraîne.
Citroën comprend qu'associer son nom à ce symbole dans le cadre d'une
manifestation aussi gigantesque que l'Exposition des arts déco serait un coup
publicitaire indéniable pour sa marque. Il ne s'agit pas seulement d'inscrire
son nom sur trois étages de la Tour. Jacopozzi propose un vrai spectacle de
lumière. L'exposition débute le 5 mai 1925 mais Jocopozzi n'a pu démarrer ses
travaux que le 27. En quarante jours, il installe les structures de bois sur
lesquelles sont fixées les douilles des ampoules.

Le 4 juillet à 22 heures, le
spectacle commence devant les yeux ébahis de milliers de curieux venus pour
l'occasion. Grâce à 250.000 ampoules électriques de couleurs, des cascades de
lumières, des motifs en forme de flammes, des lettres lumineuses géantes, des
arabesques de couleurs se succèdent à travers neuf tableaux qui s'enchaînent en
un pharamineux ballet de 40 secondes. A la fin du "show", les sept lettres du
nom de Citroën apparaissent. Visible jusqu'à 40 kilomètres, cette efficace
publicité restera en place jusqu'en 1936. Charles Lindbergh avouera s'être servi
de cette enseigne insolite comme point de repère au terme de son héroïque
traversée de l'Atlantique, en mai 1927. En 1933, on ajoute une horloge au milieu
des lettres du nom du constructeur. Son cadran fait, cette fois, 15 m de
diamètre et ses aiguilles sont constituées de rayons colorés qui s'allument
successivement. Le nom de Citroën va briller jusqu'au milieu des années trente, tandis que le décor lumineux et changeant est renouvelé chaque année pour le plus grand plaisir des Parisiens ou
des visiteurs. Citroën a aussi le génie de créer des évènements à l'échelle mondiale (il exporte beaucoup) afin de faire parler de sa marque dans la
grande presse sans avoir à payer des pages d'annonces. C'est ainsi que les raids transcontinentaux effectués par ses autochenilles (traversée du Sahara, du
continent africain et du continent asiatique) vont promouvoir en même temps ces types spécifiques et l'ensemble d'articles parus dans le monde entier
traitant de ces expéditions est énorme, mais gratuite pour l'usine.
L'illumination de la Tour Eiffel en 1925 est le premier coup d'éclat d'André Citroën.

Fernand Jacopozzi
Surnommé "le magicien de l'électricité", Fernand Jacopozzi était un émigré florentin spécialisé dans l'éclairage spectaculaire.
Il décorait chaque année les façades des grands magasins parisiens d'ampoules multicolores et organisait de véritables spectacles
lumineux. Son chef-d'oeuvre fut cependant l'éclairage de la Tour Eiffel.
Succursales et garages
Très rapidement, dès 1924, c'est à dire quelques années après l'évènement Type A, qui est produit à environ 100 exemplaires par jour dès 1920,
André Citroën pense à instituer un réseau international en englobant des succursales en Belgique, en Suisse, en Allemagne... petit à petit, une
véritable organisation commerciale va se mettre en place.
Au cours de ces mêmes années 20, Citroën va prendre une autre initiative étonnante, sur le thème "si vous ne pouvez pas venir à nous, nous viendrons
à vous". En effet, si les Parisiens ont jusqu'alors tout le loisir d'admirer les autos frappées du double chevrons grâce aux succursales qui s'ouvrent
régulièrement dans la capitale, il n'en va pas de même des Provinciaux. Pour permettre à ces derniers de prendre connaissance des autos, le
constructeur
a l'idée de mettre sur pied une caravane itinérante qui se déplacera à travers la France, puis par la suite dans les pays frontaliers. Toute la gamme est
représentée, de la Torpédo au cabriolet 5 HP en passant par la camionnette boulangère, sans oublier l'autochenille. Cette visite est annoncée par voie de
presse et d'affichage et on imagine l'effervescence doublée d'une grande curiosité qui à l'époque doit régner dans les villes et villages recevant cette
"exposition automobiles mobile", comme elle s'intitule elle-même. Par ailleurs, dans les grandes ville vont bientôt fleurir des centres d'exposition
flanqués du nom Citroën. Rien n'est trop beau pour mettre en valeur les fleurons du constructeurs. Les bâtiments sont particulièrement vastes, clairs. Les
voitures neuves et les nouveautés sont bien sur "bichonnées", mais les véhicules d'occasion ne sont pas oubliés et bénéficient également d'un hall.

Concession Dammonville au 53 rue Sainte-Blaise à Alençon
Extérieurement, les succursales doivent être vues de loin, attirer l'oeil. Les architectures laissent le beau rôle au verre afin d'aligner
des vitrines sur plusieurs dizaines de mètres. Certaines sont restées fameuses, comme la succursale de Lyon, devenue par la suite monument
historique. Citons également le garage de la rue Marboeuf, déployant ses voitures sur plusieurs étages, ou encore le magasin d'exposition
sur les Champs-Elysées. Tous ces bâtiments, qu'ils se situent à PAris, en province ou à l'étranger, reprennent la même marque d'identité :
les lettres écrites en majuscules et visibles de loin. Ceci est bien sûr vrai pour la capitale et les grandes villes de province. Pour les
concessions plus modestes, les photos couleurs sépia de l'époque nous restituent une certaine ambiance bon enfant, avec une modeste agence
coincée entre deux petits immeubles ou encore occupant le rez-de-chaussée d'une maison d'habitations à étages. L'agent ou le garagiste
Citroën y fait également office de vendeur de carburant, comme l'atteste bien souvent la présence de pompes à bijaugeur.

Garage de Louis Brencklé, au 18 avenue de la Boule d'Or à Romilly-sur-Seine
Par la suite, les concessions permettront non seulement d'admirer les véhicules mais également de les essayer. Rien de tel pour emporter la décision.
En 1919, 200 agents étaient répertoriés en France. Cinq ans après, il s'étaient essaimés dans tout l'Hexagone et avaient passé les
frontières, atteignant
le nombre de 5.000.

Les concessionnaires étaient en général abreuvés de brochures et de guides destinés à les conseiller et à leur offrir la meilleure méthode de travail. Ainsi,
durant ces années vingt, on trouvait le guide du vendeur, ou encore un fascicule spécifique à la revente des occasions, bref, un résumé de toutes les ficelles
du métier ! D'autres encore se révélaient de véritables livres de recettes pour réussir une exposition et présenter la nouvelle auto sous son meilleur
jour. Des dessins accompagnaient ces divers conseils.
Architecture
Les garages Citroën étaient codifiés (douleurs et graphismes) de façon à créer visuellement une image de marque. Mais il fallait aussi tenir compte
des conditions locales et de l'architecture régionale. L'usine donna l'exemple en créant un service architecture chargé de concevoir et de faire
bâtir les succursales et les agences gérées directement en fonction d'un style ultra moderne et fonctionnel, mais aussi de conseiller les distributeurs
indépendants sur l'aménagement de la façade du garage, l'organisation des ateliers et, surtout, sur le hall d'exposition. L'inauguration d'une
succursale ou d'un garage important se faisait souvent en présence d'André Citroën, ce qui attirait naturellement la presse locale.
Jouets Citroën
Reproductions fidèles au 1/10e des vraies voitures qu'il commercialisait par son réseau et quelques grands magasins, les jouets Citroën étaient
fabriqués par la CIJ de Briare à partir de 1923. Leur succès fut considérable. Les Citroënnette 5 HP à pédales et C4/C6 électriques, produites de 1924 à 1933,
beaucoup plus chères, concouraient aussi à la promotion de la marque.

Pub
Le Bulletin Citroën était publié à l'intention des concessionnaires et agents à partir de janvier 1924. En plus
de 100 numéros, il donnait conseils et informations au plus important réseau de vente en France. Le 1er janvier 1928 apparut le
premier numéro du "Citroën", qui occupait chaque mois la dernière page de plusieurs grands quotidiens nationaux.
Ces pages, publiées à des millions d'exemplaires et destinées au grand public, étaient lues avec autant d'intérêt que toutes les autres.

Type B 10/B 12
Au Salon de 1924, la conduite intérieure B10 inaugure la technique de la carrosserie tout acier, malgré quelques problèmes de mise au point.
Les équipements nouveaux ont coûté cher, mais Citroën est sûr d'avoir fait le bon choix. Quand la B10 deviendra B12, en octobre 1925, avec
des ressorts entiers et des freins à l'avant, ce sera encore le bon modèle au bon moment.
Après la B10 adaptée à la hâte sur le châssis léger de la B2, Citroën va lancer
la B12 et désormais, disposer d'un véhicule repensé, plus costaud, et surtout, plus rigide. Pour lancer
cette B12, André Citroën fit stopper la production de la célèbre 5 HP, en pleine gloire. Le pari était osé mais il sera gagnant. Onze variantes
de la B12 furent proposées, à des prix jamais vus. Grâce à ce succès, Citroën devient vite la première marque sur le marché
français, mais également en Europe avec ses usines en Grande-Bretagne, en Belgique, en Allemagne et en Italie.

Type B12 "Normande" 1926
Universal Hobbies
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Pour distinguer la "Boulangère" de la "Normande", ce n'est pas compliqué. La première dispose d'un toit métallique,
la seconde adopte une capote aux côtés et à l'arrière relevables.
La B12 est la dernière évolution de la B2. Elle fut proposée en octobre 1926 et c'est la première Citroën a disposer
de freins sur les quatre roues. En plus des carrosseries traditionnelles, un torpédo commercial "tout-acier" fut
proposé à la clientèle, ce qui élargit la gamme utilitaire de la marque. Cette version vient s'ajouter aux deux
propositions déjà existantes, la "Boulangère" et la "Normande".



Montée en puissance
Les premières B10 (des B2 tout acier) avaient révélé que la trop grande flexibilité de leur châssis déchirait les tôles
des carrosseries. En hâte, l'ingénieur Kégresse renforce les longerons en attendant que le châssis de la B12 soit introduit. Ce
sera chose faite en octobre 1925. Avec son châssis classique et ses freins avant, la B12 n'a rien de révolutionnaire, mais
elle est robuste, fiable et on la trouve partout. Une gamme de modèles sans précédent est proposée, mais certains d'entre eux, produits
en trop petit nombre, reçoivent encore une carrosserie mixte bois et tôle. Mais la B12 n'est que l'aboutissement du Type A. En 1926,
une Citroën de deuxième génération est présentée : la B14 (9 CV), vraiment prévue pour être produite en masse et vendue à des prix réellement
inquiétants pour les concurrents.

En 1921, la construction manuelle de caisses en bois et tôle freine la production
Type B14
Au Salon de Paris d’octobre 1926, Citroën dévoile sa petite dernière, la B 14, héritière de la série B10/B12. Sa carrosserie est celle de ces derniers modèles,
légèrement modifiée, et plus basse. Elle fait partie d'une gamme qui sera donc composée d'une conduite intérieure, d'un torpédo, d'un coupé, d'une familiale,
d'un faux-cabriolet et d'un cabriolet. Robustes, fiables, elles séduiront un large public, aussi bien masculin que féminin. Sa mécanique est un 4 cylindres en
ligne de 1.539 cm3 qui développe 22 chevaux, soit 2 de plus que les B2, B0 et B12. A cette époque, la France compte déjà 40.000 km de nationales et un million
de voitures, particulières ou utilitaires. L’utilisation d’un véhicule est donc devenu une fonction normale de la vie quotidienne. La B 14 n’apporte aucune
révolution dans l’industrie automobile. C’est une voiture simple, fiable, et qui se targuera plus tard d’une réputation d’indestructible. Par rapport aux modèles
précédents, la B 14 gagne en confort, et en élégance. La planche de bord est plus complète, un fait à souligner pour une voiture populaire. Les sièges avant son
réglables. Coté utilitaire, on trouve les camionnettes, les Boulangère et les Normande, des autos proposées à des prix défiants toutes concurrences. En 1927, elle
devient B 14 F, avec des freins assistés par un servo Westinghouse. Au Salon d’octobre, les voitures présentées abandonnent le pavillon plat en faveur d’un toit
arrondi et adoptent une moulure au niveau de la ceinture de caisse. Elle est désormais référencée sous le nom de B 14 G. deux modèles sont disponibles, en caisse
tout-acier, la berline quatre places quatre portes, avec malle métallique et une six places dont la carrosserie est fixée sur un châssis long. Au total, 118.000
exemplaires de la B 14 furent assemblés en octobre 1928. A cette date, Citroën libère la place pour produire ses nouvelles voitures, les AC 4 et AC 6.
En 1926, Citroën compte déjà des usines de montage en Belgique,
en Grande-Bretagne et en Allemagne. En 1928, il a déjà produit, depuis 1919, près de 400.000
véhicules. Toutes ces voitures sont distribuées par un réseau qui compte environ 5000 agents.

Type B14 G Cabriolet 1928
Universal Hobbies
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B14 Conduite intérieure
Le nouveau châssis de la B14 est plus léger que celui des modèles précédents. La suspension est plus douce (4 ressorts
entiers et amortisseurs),
le moteur plus gros (1.5639 cm3 et 22 ch) et plus souple, la boite plus maniable, les freins plus puissants. Les équipements et finitions
sont de qualité et le prix (28.000 puis 23.000 francs) représente les 2/3 de celui des 10 HP dites "de luxe" produites en trop petit
nombre. La B14, au radiateur plat de style moderne, est responsable de la première vague de disparitions de marques marginales, avant même
la crise de 1930. Le succès de la B14 permet d'en proposer une version F en mars 1927 avec un servofrein à dépression Westinghouse,
perfectionnement que n'offrent pas des voitures bien plus chères. Fin 1927, la B14 devient G avec de nouvelles caisses aux lignes plus arrondies d'allure
moderne et des pneus ballon. La production de la B14/B14 F s'élève à plus de 60.000 unités en 14 mois, celle de la B14 g à 59.300 unités
en 12 mois. Les cadences atteignent 400 véhicules par jour. Le tiers du parc automobile français sort de javel. La gamme des carrosseries
"usine" atteint 18 versions de base, autochenilles comprises. Une version B15 (utilitaire d'une tonne de charge utile) inaugure la production de véhicules
industriels chez Citroën. Plus de 12.000 B15 sont vendues en deux ans. La marque développe ses exportations en Europe, mais ne parvient pas
à s'imposer en Asie, où règnent les constructeurs américains. En huit ans, la France s'est "Citroënisée" avec une rapidité surprenante. Le succès de
la B14 permet à Citroën de lancer l'étude d'un modèle plus étoffé, que la conjoncture meilleure depuis 1926, semble autoriser et que le marché, demandeur
de confort et de vitesse, doit accueillir sans problème.
Taxis Citroën
En 1927, le taxi B14 succède au B12. Doté d'un moteur plus généreux, il dispose de carrosseries encore mieux traitées. Le châssis B14 "taxi" peut en effet
recevoir trois types de caisse : la conduite intérieure, en fait une limousine six glaces à séparation, vaste et confortable même pour le chauffeur, mal
protégé jusqu'-là, la conduite intérieure landaulet (décapotable à l'arrière) et le landaulet à l'ancienne, dans lequel le chauffeur n'est protégé que par
un tendelet en toile. Paris compte alors plus de 25.000 taxis, dont une bonne moitié de Citroën, malgré la réplique de Renault avec ses 10 et 6 CV. La décoration
de ces voitures, marron et orange, jaune et noir ou à caisse cannée, comporte un grand écusson Citroën sur les portes.

11 novembre 1928, Paris observe une minute de silence. Ici, un taxi Citroën dans sa version limousine à séparation
intérieure.
Publicité
André Citroën a de nouveau une idée géniale pour promouvoir ses produits. Cette idée consiste à récupérer des
évènements symboles de modernité non financés directement, mais dont la presse parlera. En 1927, au lendemain de l'arrivée de
Charles Lindbergh à Paris, Citroën organise en 24 heures une énorme réception à l'usine, avec visite des ateliers, discours, livre d'or,
buffet, etc.

André Citroën et Charles Lindbergh
Cette grande réception a lieu devant les ouvriers, autorisés à "débrayer". Les actualités cinématographiques tournent,
la presse a été a été dûment convoquée et les journaux du lendemain ne parle que de Citroën. Devant le succès de cette idée, Citroën
accueille plus tard Coste et Le Brix après leur tour du monde de 1928, puis Assolant, Lefèvre et Loti après leur traversée transatlantique
de 1929 et, enfin, organise le tour de France de Coste et Bellonte, auteurs du raid direct Paris-New York de 1930. L'usine les fait parader
dans les principales villes de France à bord d'un torpédo C6 rouge vif orné d'un "?" comme leur avion. Plusieurs voitures sont préparées
par les principaux concessionnaires et cette tournée aura un immense retentissement dans tous les médias.
