BUGATTI    

Dernière mise à jour : 15/05/2010

Sportives avant tout...

Petit historique

Ettore Arco Isodoro Bugatti (1881/1947)

Bugatti est né le 15 septembre 1881, au Castello Sforzo à Milan, en Italie. Issu d’une famille d’artistes, son père est l’ébéniste designer artiste Carlo Bugatti. Sa mère, Thérésa Lorioli, a également donné naissance à Deanice, sœur aîné d’Ettore, et à son frère cadet le célèbre sculpteur Rembrandt Bugatti, né en 1884. Neveu du peintre Giovanni Segantini, petit-fils de Giovanni Luigi Bugatti, sculpteur et architecte renommé en Italie, Ettore aurait pu suivre cette voie artistique. Ce ne sera pas le cas, ou presque si on considère que ces voitures font partie des plus belles réalisations françaises.
La famille Bugatti s’installe à Milan ou le petit Ettore passera son enfance. Après des études classiques, il fréquente els Beaux-Arts Brera à Milan, étudiant la sculpture avec son frère Rembrandt. En 1895, âgé de 14 ans, on lui offre un tricycle qu’il modifie, se découvrant une passion pour la mécanique. En 1898, il entre en apprentissage dans la fabrique de bicyclette milanaise Prinetti & Stucchi.
Au cours des années suivantes, Ettore fabrique don premier tricycle motorisé, équipé de deux moteurs De Dion destiné à la compétition. En 1899, il monte son premier véhicule à quatre roues, le Type 1, nom qu’on lui donnera plus tard. Ce véhicule est équipé de quatre moteurs implantés de part et d’autres de l’essieu arrière. A 18 ans, il participe à ses premières courses d’automobiles et de motos/tricycles en Italie du nord et se découvre une autre passion, la vitesse. Pilotant son propre véhicule, il finira second de la course Paris-Bordeaux à la vitesse moyenne de 80 km/h. En 1900, avec l’aide du comte Gulinelli, qui l’aide financièrement, une Bugatti Type 2, dotée d’un quatre cylindres de 3.00 cm3, avec boîte de vitesses à 3 rapports et marche arrière, qui affiche 60 km/h en vitesse de pointe. Cette réalisation lui vaudra une médaille lors d’une exposition à Milan et lui sert de carte de visite. C’est au cours de cette manifestation qu’il se fait remarquer par le riche industriel Alsacien Baron de Dietrich.

De Dietrich

Au début su siècle, la firme De Dietrich la firme construisant des voitures sous licence Vivinius. Elle fera également appel à Léon Turcat et Simon Méry pour construire sous licence des Turcat-Mery. Recruté en juin 1902, comme associé, Ettore est chargé de concevoir les premières voitures de la marque, aux côtés d’Amédée Bollée, C’est à l’époque Emile Mathis qui s’occupe de la commercialisation des modèles. La responsabilité technique pour la construction de la production est confiée à Ettore. C’est son père, Carlo, qui signera le 2 juillet 1902 son contrat d’embauche. La société s’installera à Niederbronn, à 50 km de Strasbourg. Bugatti améliore alors sa Bugatti Type 2 puis conçoit et produit les Dietrich Bugatti Type 3, 4, 5, 6 et 7, vendues à environ 100 exemplaires.
Ettore quittera très vite De Dietrich, suite à une dispute (selon les sources). Le sujet de cette discorde viendrait du fait que le baron aurait dit à Bugatti que les voitures qu’Ettore produisait n’avaient pas de bons freins, et que la réponse de ce dernier fut : « mes voitures sont faites pour avancer ». En 1904, De Dietrich abandonnera l’industrie automobile. En 1905, le Baron de Turckheim, impliquée dans la firme depuis le début du siècle, prendra son indépendance et fondera Lorraine-Dietrich à Luneville.
De son côté, Ettore Bugatti s’associe alors avec Emile Mathis, pour poursuivre l’aventure automobile en fondant la marque Mathis à Graffenstaden, à 10 km de Strasbourg. Fabriquée par la SACM d’Illkrich-Graffenstaden, les voitures sont baptisées Hermès, des automobiles qui ressemblent fortement aux de Dietrich-Bugatti. Mais les clients sont assez mécontents des voitures et Bugatti se brouille avec Mathis. En 1906, ils se séparent et Ettore rejoint la firme Deutz de Cologne. Depuis le 1er septembre 1907, Ettore conçoit les Bugatti Type 8 et 9, des véhicules ne connaîtront pas le succès. En s'associant à Deutz, Ettore a cependant conservé la possibilité de poursuivre ses recherches personnelles qui aboutissent, en 1908, à la Type 10.
Type 10
Premier véhicule portant le nom de Bugatti, le Type 10 a été construit à Cologne, ou vit et travaille Ettore. Le jeune ingénieur le baptise le "petit pur sang" et dépose l'appellation. Ce Type 10 sera également surnommé « la baignoire », à cause de se forme, ou le « homard » par la famille Bugatti, en raison de sa couleur rouge orangée. Créée dans le sous-sol de sa maison de Cologne-Mülheim, le pur-sang est destiné à la compétition automobile et doté d’un moteur de 1,2 litre de cylindrée de 12 chevaux. Véhicule léger, Ettore le produira cette fois sous son propre nom.

Premières noces

Il épouse ensuite en 1907 Barbara Maria Guiseppina Mascherpa Bolzoni, qui lui donnera quatre enfants, deux fils et deux filles. Jean est le premier des enfants, né le 15 janvier 1909.

Bugatti, naissance de la marque

En décembre 1909, Ettore fonde sa propre marque, à Molsheim-Dorlisheim, à l'ouest de Strasbourg. Il s'installe alors dans une somptueuse villa. En 1910, Bugatti remporte un vif succès lors du Mondial de l'Automobile à Paris. La voiture impressionne par ses caractéristiques techniques avancées, une haute qualité de finition, un haut niveau esthétique, par son design et son prix. Le Type 10 sera la première d'une grande lignée de voitures sportives, comme les types 28, 35 et 51, sans oublier le célèbre Type 13 qui restera un symbole de la marque de Molsheim. Il donnera également naissance en 1911 à la Bébé Peugeot (Type 19), Bugatti s'associant à la firme française pour ce modèle qui sera vendu à 3.095 exemplaires.
Type 13
Ettore poursuit ses études et sort le Type 13, modèle de course à moteur 4 cylindres 1.327 cm3 contre 1.208 cm3 pour le Type 10. Evolution plus étoffée du "petit pur sang", le Type 13 en conserve les traits principaux, le moteur quatre cylindres en ligne de très petite cylindrée à l'époque, bloc borgne et distribution sophistiquée à un arbre à cames en tête entraîné par un arbre vertical. Il n'y a que deux soupapes par cylindre, mais son rendement est excellent. Monté dans un châssis léger de 200 cm d'empattement, avec boîte à quatre rapports, il permet de frôler les 100 km/h. En 1910, c'est du jamais vu pour un groupe aussi petit.
Descendant directement du Type 10, le "bébé" d'Ettore apparue en 1909, le Type 13 sera produit de 1911 à 1926. Première voiture à porter la marque Bugatti symbolisée par deux fers à cheval, elle rencontre dès l'année 1911 le succès en compétition, un succès qui durera quelques années, même après la Première Guerre. Malgré sa faible cylindrée, elle gagne sur tous les circuits, grâce à son poids plume et sa tenue de route exceptionnelle, grâce aussi à des pilotes privés fortunés qui choisissent ce modèle pour mettre toutes les chances de leur côté.

Dès la première année, 75 exemplaires sont vendus. Ettore Bugatti, considérant les courses et les circuits comme le meilleur des bancs d’essais, décide d’y engager ses voitures. Grâce à ces succès, le Type 13 fut très prisé, et aujourd'hui, de nombreux exemplaires sont encore en état, exposés  ou la propriété d'amoureux de la marque. Aux célèbre rendez-vous des Remparts d'Angoulême 2006, 15 de ces célèbres voitures étaient présentes.

Cette gravure représente les quatre  Type 13 victorieuse au Grand Prix d'Italie à Brescia en 1921.

Type 15 et type 17
Après le succès du Type 13, Ettore en dérive deux variantes plus longues, les Types 15 et 17, souvent confondus ave le Type 13, dont ils ne diffèrent vraiment que par l'empattement. En 1913, Bugatti introduit sur les châssis longs les ressorts arrière quart-elliptiques inversés qui équiperont toutes les Bugatti ultérieures, et le fera l'année suivante sur le châssis court, ainsi que le radiateur "en poire". Avec le Type 13, Bugatti s'affirme comme constructeur et ses voitures commencent à signer d'étonnants succès en course, comme en 1911 au Grand Prix de France, où la minuscule Bugatti de Friderich prend la deuxième place derrière une énorme Fiat et remporte la Coupe des Voitures légères.

Première Guerre mondiale

Sur du potentiel de son moteur, Bugatti prépare pour le Grand Prix des voitures légères de 1914 quelques groupes dérivés à seize soupapes de 1.368 cm3 poussés à 30/35 chevaux (appelés Type 27). Mais la Grande Guerre éclate. Ettore sera contraint de les abandonner avant même de les avoir utilisés.
Entre 1914 et 1918, Bugatti quitte l’Alsace pour s’exiler à Milan, puis rentre à Paris pour concevoir des moteurs d’avion, des 16 cylindres en deux rangées de 8. L’aviation américaine achètera la licence de ce moteur pour en fabriquer 5.000. Elle n’en fabriquera que 50 en raison du conflit. A l’issue de la guerre, en 1919, Ettore retourne en Alsace, redevenue française, ou il retrouve ses moteur 16 soupapes. Il ouvre alors une fabrique sur l’ancien site de Molsheim. Il monte ses moteurs sur les voitures qu'il engage au grand Prix des Voiturettes, au Mans en 1920. Friderich remporte l'épreuve à 92 km/h de moyenne, ce qui permet de relancer les ventes des Bugatti et permet à son créateur de céder des licences de fabrication à Crossley en Grande-Bretagne et Rabag en Allemagne.
Type 13 Brescia
Brescia, Brooklands, Indy, Le Mans, Nürbrug, Daytona... tous les grands circuits ont prêté leur nom à de prestigieux modèles, plus ou moins sportifs, à la suite d'un succès mémorable. C'est ainsi que la Bugatti Type 13 est surnommée Brescia, après une grande victoire au GP d'Italie en 1921.

Friderich remporte le grand Prix des Voiturettes le 29 août 1920 sur le circuit de la Sarthe au volant de la Type 13
Tout commence en 1921, quand le moteur à seize soupapes est porté à 1.453 cm3 et 40 chevaux en série. Les groupes préparés pour la course doivent frôler les 50 chevaux, ce qui, compte tenu du faible poids des voiturettes, permet de dépasser 140 km/h. C'est alors le succès historique de Brescia, où quatre Bugatti Type 13 à moteur 16 soupapes prennent les quatre premières places, pilotées, dans l'ordre d'arrivée, par Friderich (118 km/h de moyenne), de Vizcaya, Baccoli et Marco.
Les Types 13, en hommage à cette victoire, porteront dès lors le nom de ""type Brescia". Cette appellation s'étendra aux Types 22 et 23 à empattements longs (240 et 255 cm), qui reçoivent aussi ce magnifique moteur un peu simplifié, porté à 1.469 cm3 et 42 chevaux (en série) sur les versions dites officiellement "Brescia modifié", leur permettant d'atteindre plus de 110 km/h avec une carrosserie légère. Le Type 13 remportera plus de 40 courses en quatre ans et Ettore en vendra 5 exemplaires. Cette voiture va lui offrir les portes du succès.

Type 13 Brescia Tourer 1921
Type 13 Brescia Tourer 40 HP 1921 Ecurie France
Type 13 Brescia Tourer  1922
Brumm
L'appellation officielle "Brescia" ne devrait désigner en fait que les châssis de 200 cm d'empattement à moteur seize soupapes (les types course ont un double allumage et un embiellage sur rouleaux), alors que l'appellation "Brescia modifié" s'applique aux châssis longs types 22 et 23 après 1923 (bielles sur coussinets lisses). Dans les deux cas, le vilebrequin est sur rouleaux à l'arrière et au centre.
Cette brillante série de voitures légères aura été produite de 1914 à 1926, ne recevant des freins avant qu'en 1925, à près de 2.500 exemplaires dont 2.000 "seize soupapes. La Brescia, très regrettée par les "bugattistes", de la première heure, fera place au Type 37, présenté fin 1925, avec un moteur aux cotes identiques (69 x 100 mm, 1.469 cm3) qui se présentera en fait comme un demi Type 35, installé dans le châssis de cette dernière.
Type 28
Champion du 8 cylindres en ligne, Ettore Bugatti considère cette configuration comme la solution idéale. Revenons en arrière. Avec la Type 13, dont les performances égalent celles de voitures de cylindrées bien supérieures (sans parler du comportement routier), Ettore avait simplement utilisé son excellent 4 cylindres de 1.500 cm3. En accouplant deux de ces moteurs en tandem, il avait créer un 3 litres qui devait s'avérer performant. Il avait ensuite créé la monoplace légère Type 14, engagée discrètement dans quelques épreuves qui révélèrent des problèmes de transmission. Au début de la guerre, Bugatti dessina un moteur d'avion à 8 cylindres en ligne et 32 soupapes, à carter unique, dont il vendit la licence à Diatto. C'est la formule qu'il envisagea pour sa future automobile de luxe. En 1919, il fait réaliser le Type 28, une 8 cylindres de 3 litres, dont le moteur révèle un dessin très pur avec un long bloc parallélépipédique (en fait deux blocs de 4 cylindres séparés par l'arbre vertical de distribution), surmonté d'une "boîte à cames" en aluminium à faces planes (un aspect qu'on retrouvera sur les moteurs ultérieurs de la maison). Présentée en châssis aux Salons de Paris et de Londres de 1921, on ignore si cette voiture a été vraiment achevée, mais ses blocs-cylindres, embiellage et soupapes ont été repris sur les Types 37 et 40, tandis que sa configuration générale inspirera le Type 44 de 1927.
Type 30
les Grands Prix de l'année 1922 étant réservés aux voitures de moins de 2 litres, Bugatti abandonne la 3 Litres, comme bon nombre d'autres constructeurs, pour créer une 2 Litres, toujours à 8 cylindres, mais plus sportive, provisoirement référencée Type 29/30.Que ce soit par sa cylindrée ou par son architecture générale, le moteur du type 30 (le Type 29 est abandonné, mais cette dernière finira toutefois deuxième au Grand Prix de l'ACF 1922) diffère de celui du Type 28 de 1920. Ainsi, le vilebrequin repose sur trois paliers seulement et l'arbre vertical de commande de l'arbre à cames en tête est à l'avant et non plus au centre entre les deux blocs-cylindres. Les 3 soupapes par cylindre sont conservées avec deux admissions et un échappement. La boîte-pont du Type 28 est abandonnée au profit d'une boîte séparée à 4 rapports, empruntée d'abord à la Brescia, puis renforcée (carter et pignonnerie).Entre 1922 et 1926, environ 600 exemplaires du Type 30 verront le jour.
C'est au Grand Prix de l'ACF de 1922, à Strasbourg, que les Types 30 apparaissent habillés d'une curieuse carrosserie profilée, avec un carénage hémisphérique de radiateur et une pointe tronconique entourant la sortie d'échappement. La voiture est construite sue un châssis spécial de 240 cm d'empattement, cote du futur Type 35 de 1924. L'essieu avant est encore du type forgé à section en H. Le moteur a déjà l'architecture classique à deux blocs en fonte montés sur un carter unique et sous une culasse unique, elle-même surmontée de la "boîte à cames". L'allumage est double, avec deux magnétos et seize bougies. La boite de vitesses est celle de la Brescia, avec des rapports plus rapprochés permis par le couple supérieur du moteur. Les cotes donnent une cylindrée de 1.991 cm3. Deux carburateurs horizontaux Zénith alimentent ce 2 litres, qui donnent environ 85/90 chevaux en version Grand Prix. Refusant de payer la licence des freins avant Perrot et celle du système Lockheed-Duesenberg (attaqué en contrefaçon par Rolland-Pilain l'année précédente), Bugatti a conçu son propre système de freins avant à commande hydraulique. A cette époque, il n'a pas encore mis au point son essieu rond forgé en chapeau de gendarme (creux ou plein), avec son propre système de freins avant comportant une molette de guidage du câble placée sur l'axe du pivot pour éliminer l'effet du braquage.

Le type 30 inaugure un système de commande de freins hydrauliques spécifiques à Bugatti. Seuls les freins avant de la Bugatti sont hydrauliques, car la commande, qui comporte des canalisations flexibles, n'est pas soumise de ce fait aux mouvements induits par la suspension et la direction. Défectueux, ces freins seront très tôt remplacés par une commande par câbles, avec poulie de renvoi dans l'axe du pivot, comme les Bugatti ultérieures (sauf les Types 57, après 1937). Le système étudié par Bugatti utilisait un cylindre récepteur et un piston par roue, avec une seule mâchoire souple à enroulement (le système ne fonctionnait pas en arrière). Faisant preuve d'esprit innovateur, Bugatti adopta en même temps deux principes : la commande hydraulique (équilibrage) et l'autoserrage (renforcement). Malheureusement, les joints et les canalisations (trop souples) n'étaient pas étanches et le liquide (eau et glycérine) bouillait et s'évaporait vite. Les pilotes devaient pomper sans cesse pour freiner, avant de se contenter du frein à main sur les roues arrière. Les freins hydrauliques ne réapparurent sur les voitures de Molsheim qu'en 1939.

Mones-Maury, pilote officiel Bugatti, au volant de la Type 30 à Strasbourg, au pesage avant l'épreuve
Les voitures sont carrossées spécialement peu de temps avant l'épreuve, qui a lieu le 15 juillet 1922 sur 800 km. La nouvelle caisse est plus profilée et l'échappement débouche dans la longue pointe arrière. L'opposition est forte : Sunbeam, Ballot, Aston-Martin alignent des voitures à 4 cylindres à 2 ACT et 16 soupapes. Fiat des 6 cylindres, Rolland-Pilain une 8 cylindres en ligne à 2 ACT. Longtemps, les Bugatti ferment la marche et, grâce aux abandons successifs de ceux qui essaient de suivre les Fiat. Trois des quatre voitures engagées terminent 2e, 3e et 4e, mais à 1 heure et plus du vainqueur. Signalons que la Fiat elle-même a failli ne pas terminer la course. Le moteur apparaît viable, mais encore limité en régime. Il a prouvé son endurance et, dans une version moins poussée, il va équiper un type de tourisme très apprécié jusqu'en 1925.

Carrossée en torpédo léger, le Type 30 peut soutenir le 100 km/h sans problème.
Les versions de tourisme du Type 30 connaîtront un succès certain. Les premières voitures conservait les freins hydrauliques mais furent remplacés très vite. La plupart des voitures furent rééquipées de freins à câbles. Elles évolueront en recevant le radiateur en fer à cheval et un allumage Delco. Leur production est estimée à environ 200 exemplaires.

Dans sa version Grand Tourisme "deux litres", la Type 30 est plus rapide que ses rivales, Ballot, Chenard et Walcker ou Georges Irat
Peu après Strasbourg, un Type 30 est engagé à Monza, où il est handicapé par un mauvais rapport de transmission, mais il se révèle presque aussi rapide que ses rivales. Cinq voitures seront ensuite préparées pour les 500 Miles d'Indianapolis 1923, avec embiellages sur rouleaux. Ces voitures sont également habillées d'une caisse spécifique, monoplace décalée à direction à droite. Cette carrosserie, en forme de fuselage d'avion est une création de l'ingénieur Béchereau, créateur des chasseurs SPAD de la Grande Guerre. Engagées à titre privé, le rythme de cette course et le désamorçage de la pompe à huile dans les virages (tous dans le même sens) est cause de quatre ruptures d'embiellage. Une seule termine, passant à travers ces graves problèmes de graissage en raison des hauts régimes soutenus. Elle parviendra à l'arrivée à la neuvième place.
Type 32
En 1923, pour courir le Grand Prix de l'ACF à Tours, Bugatti dérive le Type 32, au châssis très court et étroit et dont le moteur a reçu un embiellage sur billes. Cette fois, les voitures étonnent par leur carrosserie en forme de section d'aile d'avion, baptisée "tank". Mais cette forme génère une portance qui déstabilise les voitures à grande vitesse. Leur échec conduira Bugatti à privilégier la réduction du maître-couple, démarche qui débouchera l'année suivante sur la silhouette ovoïde et allongée de la Type 35, qui profite ainsi de l'expérience acquise avec les Types 30 et 32.
En attendant, ce Grand Prix de l'ACF 1923 vit s'affronter les deux grands constructeurs français Ettore Bugatti et Gabriel Voisin, soucieux de contrer la domination outrancière de Sunbeam. Le 2 juillet, les spectateurs sont massés sur le parcours du Grand Prix, et assistent à l'affrontement de deux des cerveaux les plus géniaux de l'époque, Voisin, l'avionneur reconverti à l'automobile et Ettore Bugatti de longue date dans cette industrie. En face, il faudra compter sur la soif de vaincre et la compétitivité de Sunbeam. A l'arrivée du GP, long de 800 km, dans les cinq premiers, on compte en effet pas moins de trois Sunbeam, celle de Segrave, le vainqueur, celle de Divo, remarquable deuxième, et celle pilotée par Lee Guiness à la quatrième place. Entre les deux, à la troisième place, vient s'intercaler le Tank Bugatti de Friderich. Enfin, le 5e Lefebvre, sur Voisin.. Peu importe la domination des Sunbeam, Bugatti est parvenu à monter sur le podium malgré les idée très novatrices, voire un peu dérangeantes. Ettore Bugatti à l'idée du "Tank" afin de profiler les roues, lesquelles contribuent en temps ordinaire au ralentissement en course. La carrosserie permet également une plus grande rigidité du châssis. En fait, Bugatti a interprété au plus près le règlement. Avec so Tank, il a joué à fond la carte de l'aérodynamisme (comme voisin d'ailleurs) et a aligné une voiture très basse, alors que, à l'époque, l'un des critères pour aller vite semble être au contraire de "se détacher du sol le plus possible". Il n'est pas étonnant que le très anticonformiste Bugatti ait bouleversé les idées toutes faites de l'époque en présentant une voiture de petites dimensions. En 1922, sur le circuit de Strasbourg, pour le grand Prix de l'ACF, Bugatti avait déjà étonné en présentant des voitures toutes rondes ! Avec Bugatti, on est jamais à l'abri d'une surprise !

Dernière des "vraies" Bugatti Type 32 au Musée de Mulhouse.
c'est en voyant pour la première fois la Bugatti Type 32 que les journalistes l'auraient comparé à un tank. N'oublions pas que nous sommes en 1923 et que la Première Guerre est encore dans toutes les mémoires. C'est lors de ce conflit que le tank, ou char d'assaut, fut imaginé. Ce nom, qui signifie "réservoir" en anglais, avait été employé par les services secrets britanniques. Les espions croyaient ainsi que l'on construisait des réservoirs en tôle un peu forte! le nom est resté.

Pour cette fois, c'est une aile d'avion qui a inspiré le grand maître. La construction du type 32 est à la fois géniale et élémentaire : des tôles d'aluminium pliées à 90°, des flancs et un fond plat, un empattement et des voies réduites à leurs plus petites dimensions, et le tour est joué ! Le tout est assemblé par un simple rivetage apparent sur un châssis en acier. Les suspensions avant sont à essieu rigide et possèdent des ressorts quarts elliptiques inversés et des jambes de force. A l'arrière, on trouve le même genre de suspensions avec des ressorts à lames quart elliptiques inversés. Mais il reste à animer cet ensemble ne dépassant pas 751 kg sur la balance à l'époque. Pour cela, Ettore Bugatti a puisé dans ses réserves. La mécanique choisie est en effet dérivée de celle du Type 30, à bielles montées sur roulement à billes. Il s'agit d'un 8 cylindres en ligne de 2 litres, à 3 soupapes par cylindre, 2 soupapes d'admission et 1 d'échappement. Le vilebrequin est à trois paliers et le graissage sous pression est assuré par une pompe centrifuge à engrenages. La boîte de vitesses faisant pont arrière est, quant à elle, dérivée de celle du Type 28.
Préparées à la hâte, quatre Bugatti Type 32 Tank sont au départ du Grand Prix, aux mains de Friederich (n°6), de Viscaya (n° 11), de Marco (n° 16) et de De Cystria (n° 18). La n° 11 est la première à abandonner, après une sortie de route qui blesse plusieurs spectateurs. Ensuite, c'est au tour de Marco de renoncer, puis de De Cystria. Laroute est longue pour Friederich, qui dépasse la Sunbeam de Lee Guinness en difficulté dans le dernier tour, empêchant de ce fait un triplé probable des sunbeam. La course s'avéra longue et pénible, autant pour les mécaniques que pour les pilotes. Au final, que Bugatti ait gagné ou non n'est pas le plus important. Ce qui l'est, en revanche, c'est que le constructeur inspiré ait bouleversé encore une fois les critères établis, pour montrer sa conception de l'automobile de course. Et, dans ce domaine, l'avenir prouvera que ses idées étaient les bonnes.

    

Sur les quatre Bugatti construites pour le grand Prix de l'ACF 1923, une seule existe encore. Elle est visible dans le somptueux Musée de l'Automobile de Mulhouse, collection Schlumpf dont la visite vaut le détour, ne serait-ce que pour aller admirer cette voiture de petites dimensions, témoignage de la vivacité d'esprit de Bugatti. Une autre Type 32 existe, mais il s'agit d'une reconstitution à partir de pièce diverses, certaines d'époques et d'autres refaites.
Type 35

Type 35 1926
Matchbox
Lorsqu'elle apparaît, en août 1924, au Grand Prix de l'ACF et d'Europe à Lyon, la nouvelle Bugatti Grand Prix se distingue par son élégance et l'équilibre de ses formes. Bugatti a perfectionné et raffiné des solutions qui lui sont chères, unissant beauté et fonctionnalité. Le châssis épouse la forme fuselée de la carrosserie et ses dimensions évolutives tiennent compte des contraintes : la carrosserie lisse, aux courbes homogènes, qui cache au maximum les éléments du châssis, le centrage correct place les masses principales dans l'empattement, le souci esthétique et la recherche de la légèreté ont présidé au dessin des pièces mécaniques (essieu avant creux dans sa section centrale, roues en alliage léger avec tambour de frein intégré, carter du moteur et de la transmission en aluminium), le moteur est à huit cylindres en ligne à un arbre à cames en tête et à trois soupapes par cylindre. Capable de supporter 5.000 tr/min en surrégime, le 2 litre, qui dérive du type 30 précédent, donne jusqu'à 90 chevaux sans compresseur. Moins puissante que ses rivales, la Bugatti type 35 est moins lourde, plus équilibrée et plus facile à contrôler.
Si la première participation est peu glorieuse (les concurrentes s'appelaient Alfa Romeo P2 et Delage 2LCV), le Type 35 va néanmoins démontrer de grandes qualités malgré le fait qu'elle soit mal chaussée, et accumuler par la suite les victoires pendant dix ans, grâce au nombre de machines produites, car elle est judicieusement commercialisée dès 1925 et vendue, contrairement aux autres voitures de Grand Prix, à qui peut payer les 100.000 francs demandés. Ainsi, Bugatti peut compter sur ces modèles vendus à des clients sportifs et fortunés pour cumuler les podiums. La Type 35 séduit donc beaucoup de pilotes amateurs français et étrangers, qui signeront des milliers de victoires sur circuits, sur route et en course de côte, victoires qui s'ajoutent à celles de l'usine. On peut citer les 5 victoires à la Targa Florio entre 1925 et 1929, et le titre de Champion du monde en 1926. Même après la fin de sa production, la Type 35 fera le bonheur de pilotes comme Amédée Gordini, Maurice Trintignant ou Raymond Sommer. La qualité globale du concept est telle que Bugatti déclinera le Type 35 en plusieurs versions plus ou moins puissantes, avec ou sans compresseur, et s'en servira comme base des Types 37, 39 et 51 de grand Prix jusqu'en 1930.

Le Type 35 donnera naissance à différents modèles. Le 35 A, apparu en mai 1925 et baptisé "Course imitation 35A”, et surnommée “Tecla” par le public, est un Type 35 bon marché pour les amateurs. Le Type 35 C, Type 35 avec compresseur Roots, dessiné par l’ingénieur Moglia qu’Ettore avait engagé, dérogeant ainsi à son habitude de tout concevoir lui-même. On peut considérer aujourd'hui que ce fut la la meilleure des Type 35. Le type 35 T de 1926 est celui de la Targa Florio, d'ou le "T". Peu d'exemplaires de ce type seront construits du fait de la limitation de cylindrée à 2 litres dans les épreuves de Grand Prix. Le Type 35 B apparaît en 1927. Cette voiture, baptisée dans un premier temps 35 TC, est dérivée du Type 35 T et reçoit le compresseur de la Type C. Au total, ce sont environ 343 Bugatti Type 35 qui seront construites. Beaucoup d'entre elles ont subit les ravages du temps, victimes d'accidents en compétition ou bricolées par des générations de pilotes ou de mécaniciens, prenant des pièces sur une pour en réparer une autre. Aujourd'hui, il est très difficile de trouver une Type 35 100% d'origine.

Type 35 Grand Prix Sport 1928 Louis Chiron
Ixo
Avec les modèles Brescia, Type 30 et ensuite Type 35 et 35B, Louis Chiron remporte ses premières courses, soutenu financièrement par Hoffmann, l'époux naïf de sa maîtresse, Alice “Baby” Hoffmann. En 1926, il remporte le Grand Prix de Comminges et le grand Prix de France en 1927. Il rejoint l'écurie Bugatti en 1928 et avec la Type 35 remporte à nouveaux de nombreuses victoires, à Rome, Reims, Saint-Sébastian et au Grand Prix européen de Monza. Il court presque tous les week-ends et accumule les victoires. Son palmarès s'étoffera ensuite avec la type 51, avec laquelle il gagne des courses à Monaco. Il restera fidèle à Bugatti jusqu’en 1932, et pilotera pour d'autres marques, sans toutefois connaître le prestige de l'époque Bugatti.

Femmes pilotes chez Bugatti

Elisabeth Junek (Eliska Junkowa-Khasova) (1900/1994)

Elisabeth Junek, Tchécoslovaque, ou Eliska Junkowa, remporta à 26 ans la course internationale Zbraslav-Jiloviste dans une Bugatti. Elle gagne l'année suivante la première place au Grand Prix d'Allemagne, remporte la Coupe des Dames et le Grand Prix des Dames à Montlhéry. Elle manque de peu de remporter la terrible Targa Florio en 1928 à bord d'une Bugatti Grand Prix. Elle ne finit que 5eme mais en peu de temps, elle est parvenue à s'inscrire sur la liste des grands coureurs automobiles. C'est d'ailleurs la seule femme admise au club des anciens coureurs automobiles de Grand Prix.

Héllé Nice (Hélène Delangle) (1900/1984)

Renée Friderich, fille d'un proche collaborateur de Bugatti, pilotera des voitures sport de la marque en rallye. Elle se tuera au volant d'une Delage D8 S en 1932 lors du Paris-St Raphaël.

Anne-Cécile Itier (1895/?)

Anne-Cécile Itier débutera en rallyes en 1926 et participera au Grands Prix de vitesse en 1929 au volant de Bugatti, battant beaucoup de ses collègues masculins. Elle participera cinq fois aux 24 Heures du Mans, sur MG, Fiat, Adler et Simca.

Grand Sport

Type 43
Issue du mariage d'un moteur de Grand Prix et d'un châssis Grand tourisme, la Bugatti Type 43 de 1927 mérite amplement le titre de Grand Sport pour ses performances, son style et, plus encore, son caractère de machine sans concession.
Résultat d'une évolution raisonnée conduite par un ingénieur en pleine possession de ses moyens, la Bugatti Type 35 Grand Prix de 1924 est à son tour la source de variantes subtilement déclinées entre 1925 et 1932. Si cette famille réputée de modèles sportifs ne regroupe pas que des chefs-d'oeuvre, elle est aussi exempte de "loups" avérés. Sans doute Bugatti a-t-il désiré profiter de la jeune réputation d'excellence de la Type 35 pour en extrapoler le Type 38, une version franchement routière sur châssis allongé afin d'offrir éventuellement des carrosseries à quatre places qu'interdisait l'empattement de 240 cm de la 35. Et puis, il fallait bien remplacer un modèle plus vif et plus facile à conduire. Malgré une production non négligeable de 375 exemplaires en deux ans, le type 38 se montre trop peu performant pour convaincre les vrais sportifs, qui préfèrent à l'occasion "civiliser" leur 35 en lui greffant ailes et phares, voire capote, porte-bagages et pare-brise. Ettore Bugatti veut créer une véritable grand Tourisme Sport, entendant par cette notion nouvelle une voiture qui doit allier des performances extrême à un niveau de confort permettant de voyager. Appliquant sa conception évolutive de l'automobile et en puisant dans son magasin d'organes existants, il va donc combiner le moteur éprouvé du Type 35B Grand Prix et le châssis du Type 38, plus généreux en voie, mais en le raccourcissant de 15 cm (297 cm contre 312). Moins flexible et moins lourd, ce dernier autorise des caisses élargies et offre un comportement dynamique plus sain, plus proche du Type Grand Prix. De ce mariage de raison naît le Type 43, l'une des meilleures Bugatti tous types confondus au dire des grands prophètes de la marque.

Afin d'adapter le moteur 35B suralimenté aux exigences de la route, Bugatti abaisse le rapport volumétrique à 4,5 et la pression du compresseur Roots à 400g/cm2, dans une recherche de fiabilité et de souplesse qui se traduit aussi par une appréciable économie de carburant. C'est ce que constatent les essayeurs contemporains qui font table rase de l'idée préconçue qu'un compresseur est synonyme de forte consommation. Avec une voiture d'usine, sur le même itinéraire, le champion Meo Costantini enregistre des consommations de 16 litres aux 100 km avec le compresseur et de 24 litres aux 100 km sans compresseur. Quant à la souplesse et à la vigueur des reprises, pour une vitesse moyenne identique, la comparaison est en faveur du compresseur, qui exige cinq fois moins de changements de rapport. L'explication donnée par Bugatti est tout à fait plausible : meilleur remplissage à tous les régimes et meilleur brassage du mélange, pas de stratification de la charge, peu ou pas du tout d'essence imbrûlée, possibilité d'utiliser une avance maximale sans détonation et parfaite distribution des gaz dans tous les cylindres. Sans employer de forme de culasse à turbulence, Bugatti obtient donc d'excellents résultats grâce à son expérience en compétition. Cependant, quelques clients ne sont pas de cet avis, car la 43 reste une voiture de course qui n'aime pas les bas régimes.

Une voiture de course avec une caisse de tourisme, ainsi apparaît la Bugatti 43 à ses contemporains. Pour la première fois, la carrosserie est conçue, dessinée et construite à Molsheim, sur les lignes générales du type 35 modérément allongées. La 43 standard est une torpédo à quatre places avec pointe arrière formant coffre, pare-brise intégral, capote prémontée et roue de secours. Pour obtenir une casse légère, mais rigide, elle n(offre que deux portes, voire une seule (côté gauche). Sa ressemblance avec les types grand Prix est accentuée par les belles roues en aluminium maison, et son style sportif souligné par ses ailes "vélo" très proches des roues. Avec une bonne réserve de puissance, de bons freins, une direction précise, une souplesse qui permet d'ignorer la boîte, le type 43 est capable de croiser à 120 km/h et de frôler 175 km/h. Fin 1929 apparaît la 43A, une variante biplace sous la forme d'un roadster d'allure très américaine que l'on doit à jean Bugatti. L'option confort est privilégié, le style course abandonné.

Engagée au Tourist Trophy et aux Mille Milles; les 43 abandonnèrent ou furent surclassées par els Alfa Romeo, plus maniables. En rallye, la 43 se montrait trop "pointue" à piloter sur les routes hivernales. Une seule victoire notable : celle de la 43A pilotée par Jean Trévoux au Paris-Nice de 1932.

Moteur Miller

En 1929, le coureur professionnel américain Léon Duray était venu en Europe avec deux Miller 1500 Indianapolis mal adaptées aux circuits européens. Il battit quelques records de vitesse pure et échangea ses deux Miller contre trois Bugatti Type 43. Bugatti père et fils passèrent au crible le moteur Miller et, au banc, constatèrent qu'il délivrait aisément 30 chevaux de plus que leur propre 1500 8 cylindres. Ce constat aurait été à l'origine de l'adoption d'une distribution à deux arbres à cames en tête, d'abord sur le moteur 5 litres du Type 46 de mars 1930, puis sur le bas moteur type 35 B pour donner le type 51.
Type 51
Présentée comme un vulgaire type de tourisme au Salon de Paris 1930, la Bugatti Type 51 Grand Prix représente l'ultime aboutissement du Type 35 apparu en 1924. C'est également la dernière Bugatti Grand Prix cataloguée.
Sans rechercher les solutions les plus compliquées, mais en cultivant la légèreté et le rendement plus par des intuitions que par de savants calculs, Bugatti a su décliner son Type 35 pendant plusieurs années et selon différentes formules pour en faire la voiture de course la plus vendue de tous les temps. Et la plus titrée. Pendant sept ans, les succès du châssis Type 35, piloté par des amateurs ou des professionnels, n'incitent guère Bugatti à s'écarter de sa formule de base : un cadre et des essieux très bien conçus pour éliminer des kilos superflus, une carrosserie aussi simple que raffinée dans ses proportions, un moteur moins complexes que ceux de ses concurrents lui permettent de produire suffisamment de voitures pour signer des centaines de victoires en 2 litres puis en 1500. L'avènement de la formule à la cylindrée libre et l'anarchie technique qui en résulte, loin de les reléguer au fond des classements, mettent en valeur les qualités propres aux Bugatti : excellente tenue de route, précision de direction, freinage, brillantes accélérations et robustesse. Issue d'un type destiné aux grandes épreuves de vitesse sur route, la 35 B de 1927 peut encore se battre contre des voitures supérieures en cylindrée, mais plus lourdes et moins maniables. De 1928 à 1930, les 35, 35 B, 35 C, 39 et 39 A en 8 cylindres, les 37 et 37 A en 4 cylindres sont encore très efficaces. Pour la saison 1931, après trois ans de formule stérile, les autorités internationales n'imposent plus que des grands Prix d'une durée de 10 heures. Cette solution à priori peu convaincante a au moins le mérite d'attirer de nouveau des constructeurs comme Maserati, Alfa Romeo et MErcedes. Sans réinventer l'eau chaude, Bugatti va puiser dans son stock son arme nouvelle.

Du Type 35 2 litres, Bugatti a déjà extrapolé une 2,3 litres simple arbre en augmentant simplement la course du moteur de 88 à 100 mm, valeur modeste à l'époque. Cette voiture s'est affirmée dès 1926 à la Targa Florio, démontrant une fois de plus la polyvalence et la robustesse du châssis Grand Prix, même sur les pires routes. Sur la base de ce moteur éprouvé depuis quatre années, Bugatti va créer le type 51 en lui greffant une culasse à deux arbres à cames en tête attaquant deux grandes soupapes par cylindre au lieu de trois sur les "simple arbre". La puissance passe de 150 à 180 chevaux environ. Le châssis reste identique au Type 35. Les tambours de frein agrandis du Type 35 B sont toujours intégrés aux roues en aluminium, mais celles-ci sont d'une seule pièce (la jante n'est plus démontable). Au tableau de bord, la magnéto est décalée vers la gauche, dans le prolongement de de l'arbre à cames d'échappement, qui l'entraîne directement. Le trou du clapet de décharge du compresseur percé dans le capot est plus bas que sur la 35 B et le radiateur est emprunté à ce dernier type. La pointe arrière porte deux grands bouchons de remplissage d'essence.

La carrière du Type 51 est courte, mais brillante. Non prêt pour le GP de l'ACF 1930, le Type 51 est présenté au Salon d'octobre à Paris. La première preuve, le Grand Prix de Tunisie du 29 mars, est remporté par Achille Varzi face d'autres Bugatti simple arbre et à deux Maserati également très rapide. Le GP de Monaco du 19 avril confirme les qualités de la 51 : Louis Chiron remporte l'épreuve devant la Maserati 8C 2,8 litres de Fagioli. Sur quatre Type 51 au départ, seule l'auto de Divo a cassé, les trois autres prenant les première, troisième et quatrième places. La 51 gagne à Alessandria (Italie), échoue à la Targa Florio (3e avec Varzi), se fait battre au GP d'Italie (sur 10 heures) par les nouvelles Alfa Romeo 8C, gagne à Casablanca et, surtout, triomphe au GP de l'ACF le 21 juin 1931 à Montlhéry devant une Alfa Romeo et une Maserati. La Type 51 gagne encore au GP de la Marne et au GP de Belgique, pour céder à la Mercedes SSKL de Caracciola au GP d'Allemagne, Chiron revenant trop tard sur l'homme de tête. La saison s'achève au GP de Tchécoslovaquie par une victoire sur les Alfa, les Maserati et les Mercedes officielles.

Malgré l'apparition de nouvelles voitures de cylindrée supérieure, les 51 officielles et privées figurèrent encore bien en 1932, en gagnant le grand Prix de Tchécoslovaquie après avoir obtenu de bons classements dans les autres épreuves majeures de la saison. Mais l'usine, qui engagea le Type 54, commença à vendre une partie de ses types 51 officiels.
Type 53
Avec son esprit curieux, anticonformiste et toujours en éveil, Ettore Bugatti a été le premier constructeur à produire une voiture de course à quatre roues motrices. Si la première voiture à quatre roues motrices de l'histoire de la course automobile porte les couleurs Bugatti, c'est dans l'esprit d'un autre Italien qu'elle a tout d'abord germé. Cet Italien s'appelle Antonio Pichetto. Il n'est d'ailleurs pas certain que cette idée lumineuse lui soit venue spontanément, ce dernier l'ayant sans doute tenue d'un autre ingénieur turinois, un certain G. L. Cappa. Quoi qu'il en soit, tout ceci vient aux oreilles d'Ettore, qui s'empresse d'engager Pichetto afin de réaliser son projet.

La Bugatti Type 53 est mue par un 8 cylindres en ligne de 5 litres de cylindrée à deux arbres à cames en tête. Cette mécanique est celle du Type 50. Les suspensions avant sont à roues indépendantes, avec deux fois deux séries de ressorts à lames transversaux. A l'arrière, des demi-cantilevers classiques classiques sont installés. Mais c'est la transmission qui retient l'attention. Elle est composée d'une boîte de vitesses à 4 rapports, d'où partent deux arbres transmettant le mouvement aux roues, via trois différentiels. Pour la carrosserie, Ettore Bugatti change ses habitudes : à l'avant, le radiateur est caréné avec une tôle et du grillage assez disgracieux ; à l'arrière, aucune carrosserie ne vient cacher l'énorme réservoir de carburant. Malgré tout, cette voiture assez "bestiale" ne manque pas d'allure. Elle sera discrète en compétition. D'abord parce qu'il n'en est construit, semble-t-il, que trois exemplaires. Ensuite, parce qu'elle est difficile à conduire. Une seule fois, un Type 53 prend part au Grand Prix de Monaco. C'est en 1932, et le grand Albert Divo ne participe qu'aux essais. Exténué, il doit renoncer et reprendre sa voiture de secours, une Type 51, avec laquelle il se classe 9e.

Les Bugatti Type 53 ont surtout participé à des courses de côte. On a pu voir Chiron dépasser les 100 km/h de moyenne dans la course de côte de La Turbie grâce à l'une d'elles. Peu de temps après, Jean Bugatti, le fils du "patron", pulvérisa une type 53 dans la course de côte britannique de Shelsey-Walsh.
Il semble que la Bugatti Type 53 ait été retirée de la scène à cause de la brutalité de ses réactions. Pourtant, un début de solution existait à cette époque, le joint homocinétique, inventé par l'ingénieur Grégoire et Pierre Fenaille quelques années plus tôt. Bizarrement, Ettore resta sourd à cette solution...
Type 59
Dans une période fortement perturbée par une crise économique sans précédent, Bugatti maintient la présence française dans les Grands Prix avec le type 59. Une preuve de son génie et de la faiblesse de ses ressources.
En 1932, Ettore Bugatti doit faire face à une situation angoissante issue d'une double nécessité : renouveler ses types de tourisme et de sport et perpétuer sa présence sur les circuits de vitesse, où il est le seul représentant français. De 1931 à 1932, le Type 51 à moteur double arbre signe de nombreux succès. Cette voiture est issue du Type 35B, lui-même héritier du Type 35 de 1924. La formule "Type 35" à huit ans et les Types 51 officiels doivent céder la place. La nouvelle réglementation sportive très libérale permet à Bugatti de loger dans un châssis existant son plus gros moteur, le 4,9 litres du Type 50, mais le Type 54 qui en résulte est une brute de 950 kg peu fiable, dont le châssis ne permet pas l'exploitation des 300 ch. Malgré la crise économique qui entame sérieusement les ventes, Bugatti met à l'étude, avec son fils Jean et l'ingénieur Viel, une nouvelle machine de Grand Prix, cousine de sa grande routière moderne, le Type 57, chargée de succéder au Type 49. Les coûts de ces études conjointes ponctionnent terriblement la trésorerie de l'affaire, qui va s'en tirer grâce aux subventions versées pour l'études d'autorails rapides et au succès de ces derniers. C'est dans ce contexte, et en fonction du règlement sportif élaboré en octobre 1932 et applicable en 1934, que Bugatti père et fils définissent le Type 59.

Type 59 230 HP Single Seat 1933
Brumm
Lorsque le Type 59 apparaît pour la première fois, aux essais du GP de Belgique 1933, où Varzi renonce à piloter l'unique voiture terminée, celles de Dreyfus et de Williams étant encore en chantier, sa filiation avec les Types 35/51 et 54 est évidente. Pourtant, si le châssis à longerons en U, la boîte séparée du moteur avec levier extérieur, les essieux rigides, les freins à câbles compensés relèvent du "déjà vu", un examen plus sérieux montre que les longerons très hauts et à profil variable apportent une rigidité maximale pour une masse minimale, que la boîte centrale rigidifie le cadre et répartit mieux les masses non suspendues, que le levier extérieur auquel les pilotes sont habitués garantit des passages rapides et précis, que les essieux sont très bien guidés, que les ressorts sont bien amortis et que les freins sont puissants. Innovation qui fait date : des roues-tambours mixtes en aluminium et rayons fils à la géométrie complexe, légères, mais d'un prix de revient astronomique, qu'on ne verra nulle par ailleurs. Sous une silhouette classique, Bugatti a adopté des raffinements qui font de la 59 une machine à la tenue de route excellente et saine, sans recourir à des essieux à roues indépendantes géométriquement incorrects et générateurs de variations de carrossage et de voie comme l'époque en produit tant.

Robert Benoist est 4e au GP de l'ACF 1934
Le pouvoir sportif international a naïvement limité en 1934 le poids des voitures pour contenir la taille, donc la puissance des moteurs. On s'apercevra bien vite que les motoristes, surtout allemands, sauront contourner l'obstacle. Pour l'heure, Bugatti se limite à un moteur de 2,865 litres, un 8 cylindres en ligne proche cousin du nouveau 3 litres Type 57. Alimenté par un compresseur Roots, il délivre 220 ch à 5.500 tr/mn, avant d'être porté à 3,3 litres et 250 ch pour le GP de l'ACF 1934. Pour gagner en poids et en rigidité, le vilebrequin est porté sur 6 paliers régulés au lieu de roulements à billes, solution permise par les progrès des alliages antifriction et des lubrifiants. Les bielles sont aussi sur coussinets lisses. Ainsi armée, La Bugatti débute en course au GP d'Espagne en septembre 1933. Mais face aux Maserati et aux Alfa Romeo (Louis Chiron sera victorieux), la Bugatti ne peut lutter. Varzi termine cependant 4e derrière un Type 51, Dreyfus a abandonné, et Williams a accidenté sa voiture aux essais. La tâche sera encore plus difficile avec l'arrivée des machines allemandes, Mercedes et Auto Union.

René Dreyfus, également au GP de l'ACF 1934, sur la Type 59 à moteur 3,3 litres
Malgré une augmentation de puissance l'année suivante, qui s'ouvre avec le Grand Prix de Monaco, les résultats ne sont pas au rendez-vous et c'est encore Alfa qui va s'imposer. La Type 59 est arrivée avec un châssis allégé, mais toujours le moteur 2,8 litres. Dreyfus termine 3e et Nuvolari 5e, handicapés par des freins trop peu endurants sur ce circuit difficile. A Montlhéry, les Types 59 de Nuvolari, Benoist et Dreyfus ont des moteurs 3,3 litres face aux nouvelles Mercedes, Auto-Union et aux Alfa Romeo fortes de 300 ch. Benoist termine 4e derrière trois Alfa, les voitures allemandes et les Maserati ayant abandonné. Au GP de Belgique, toutes les Alfa cassent et la Bugatti 59 de Dreyfus l'emporte. Au GP de Berne, Dreyfus finit 3e, derrière deux Auto Union, et bat les Alfa sous la pluie. Au Grand Prix d'Espagne, Wimille termine derrière deux Mercedes. Pendant toute cette saison, les Types 59 sauront faire face, malgré une différence énorme de moyens avec les écuries étrangères.

Robert Benoist, au GP de l'ACF 1935, abandonnera au 16e tour
En 1934, en formule 70 kg, l'opposition s'appelait Mercedes, Auto Union et Alfa Romeo. Fortement aidées par leur gouvernement respectif, ces écuries porte-drapeau allaient bientôt tout rafler, malgré une résistance héroïque de Bugatti.

Les Bugatti étaient de belles machines de course. La preuve en est qu'elle battront plusieurs records du monde, dont celui de l'heure signé par le Comte Czaïkowki en mai 1933 sur le Circuit de l'Avus. Mais la carrière des Bugatti connut également quelques déceptions. En 1935, la situation financière de Bugatti l'obligea à vendre quatre voitures pour n'en garder que deux, pour Wimille et Benoist, qui ne remportèrent que des places d'honneur ou des épreuves secondaires. Bugatti se tourna alors vers la Formule Sport, avec les 57 S et dérivés, mais s'obstina avec une 59 à moteur 50B 4,7 litres qui, faute de ressources, n'allait obtenir aucun résultat probant. La carrière de la 59 s'achèvera en 1936, une année également sans succès.
Type 57
En 1936, l'ACF modifie le règlement des 24 Heures du Mans et ouvre l'épreuve aux voitures de sport. Absent depuis six ans, Ettore Bugatti va se donner les moyens pour revenir avec succès dans cette prestigieuse course d'endurance.

Type 57G "Tank" Le Mans 1re en 1937 - Wimille/Benoist
Ixo
Pour l'édition de 1937, il engage trois Type 57G, ces dernières s'étaient auparavant imposer lors du Grand Prix de l'ACF 1936 avec Wimille et Sommer, et au Grand Prix de la Marne avec Wimille et Benoist. Ces voitures, carénées et puissantes, avaient toutes les chances de battre les Delahaye 135S de conception plus ancienne. Et ce fut le cas, à moitié seulement. Des deux 57G engagées, celle de Veyron et Labric devra abandonner. Par contre, celle de Wimille et Benoist prend le large et s'impose devant la Delahaye de Paul et Mongin.

L'édition des 24 Heures du Mans de 1937 fut le théâtre d'un accident spectaculaire. Au cours de la première heure, au 8e tour, la Bugatti T44 de Kippeurt part en tonneau à Maison-Blanche. Derrière s'annonce la Frazer-Nash BMW 328 de Pat Fairfield qui ne peut éviter la collision. Cet accident éliminera également la BMW 328 de Roth et la Riley TT Sprite de Forestier, puis celle de la la Delahaye 135CS de Trémoulet et la Talbot T150C de "Raph". Dans la collision, Kippeurt décède sur le coup, Pat Fairfield, pilote de la Frazer-Nash, décèdera à l'hôpital.

Type 57G "Tank" Le Mans 1re en 1939 - Wimille/Veyron
Ixo
Non inscrit en 1938, Bugatti s'imposera une nouvelle fois au cours de l'édition 1939 avec, cette fois, une 57C Carénée. C'est l'équipage Wimille/Veyron qui remporte l'épreuve devant une Delage 31 et une Lagonda V12.