TURCAT-MERY    

Dernière mise à jour : 26/05/2010

Les Marseillais

Petit historique

Marque fondée à Marseille en 1899, Turcat-Mery a bénéficié d'une réputation internationale grâce à ses succès en compétition et à la qualité de ses types de tourisme produits avant la Grande Guerre, comme la 18 HP et la 25 HP des années 1910.

Léon Turcat (1874/1965) et Simon Mery (1874/1965)

    

Léon Turcat est né à Marseille, le 7 décembre 1874, au 52 boulevard Lonchamp, dans un quartier ou vivent des cadres supérieurs, des industriels, des rentiers et des membres des professions libérales. Après des études à l'Ecole du Sacré-Coeur, il poursuit des études à l'Ecole Supérieure de Commerce de Marseille. Il travaille d'abord avec son père, négociant en café et en poivre, avant de prendre la direction de Turcat et Gaubert, devenant à son tour négociant. A cette époque, Léon est encore loin de l'industrie automobile. Il apprendra avant à diriger une entreprise qui deviendra prospère. Après un séjour en Angleterre, à Liverpool, pour se perfectionner en anglais, il se découvre une passion pour l'automobile.
Simon, de son côté, Simon est diplômé de l'Ecole d'ingénieurs de Marseille, et hésite encore sur l'orientation à donner à sa future carrière.
Au cours des réunions familiales qui permettent à Léon et Simon de se retrouver, Léon a le tout le temps nécessaire pour découvrir les voitures que s'offren Alphonse, l'un des frères de Simon. La première est une Panhard et Levassor de 1895, la première voiture circulant à Marseille. Ce dernier s'offrira ensuite une Peugeot. Impressionnés par ces machines, Léon et Simon vont les étudier, les examiner et rapidement leur trouver des defauts. Ils décident alors de construire leur propre véhicule. Ils ont déjà quelques idées pour apporter quelques modifications personnelles à ce qu'il viennent de découvrir.

Simon et Léon sur le prototype de 1899
A l'orée du XXe siècle, les deux jeunes Marseillais, passionnés de locomotion nouvelle, vont se lancer dans la construction d'un véhicule automobile totalement original, y compris au niveau du moteur. Celui-ci est déjà un 4 cylindres vertical à soupapes d'admission automatiques et d'échappement latérales, complété d'une boîte à 5 rapports avant.

Naissance d'une marque

En 1896, à 22 ans, Léon et Simon décident de se lancer dans la construction d'un premier prototype, doté d'un moteur 4 cylindres horizontal, malgré l'absence de local adapté, des moyens limités. Ils devront faire appel à quelques sous-traitant pour réaliser leur projet. Les deux constructeurs en herbe réalise donc un premier prototype. Satisfaits des performances de ce premier véhicule, ils décident de construire un deuxième engin. Pour cela, ils vont louer un petit hangar pour mettre en chantier le second prototype. Ce dernier est muni cette fois d'un moteur 4 cylindres vertical et dispose d'une boîte de vitesses à... sept rapports, cinq avant et deux arrière. D'une excellente conception, convaincant, ce deuxième véhicule impressionne et quelques commandes viennent conforter les deux hommes dans leur choix, devenir constructeurs d'automobiles. En trois ans, le rêve est devenu réalité. Afin de poursuivre l'aventure et songer à une production en plus grande série, ils doivent voir désormais plus grand. En mai 1899, Turcat et Méry fondent leur société de construction, les Ateliers de constructions d'automobiles Turcat, Méry et Cie, avec un capital de 350.000 francs, et s'installent sur le boulevard Michelet. Simon Méry engage alors Paul Engelhard pour travailler dans le bureau des études, et dessiner les voitures. Société en commandites par actions, les deux fondateurs ont décidé volontairement qu'aucun actionnaire ne sera majoritaire. Une fois créée, la nouvelle entreprise peut lancer l'étude de la première automobile portant le nom de Turcat-Méry. Ce modèle sera inspiré du précédent, avec des qualités améliorées et des faiblesses corrigées.
En 1901, une fois les questions financières et administratives réglées, ils lancent sur le marché leur Type A 16/20 HP à moteur 4 cylindres de 2,6 litres, pouvant atteindre 80 km/h, fortement inspirée des deux premiers prototypes. Dans le même temps, une bicylindre de 8 HP sera également développée. La voiture possède déjà des améliorations techniques importantes, comme le réglage de l'admission qui permet d'obtenir désormais un meilleur ralenti, et des petites vitesses sans à-coup. L'allumage électrique par magnéto remplace la traditionnelle bobine. Il faut se rappeler que Turcat-Mery fut l'une des premières marques automobiles françaises à proposer ce type d'allumage. Cette dernière innovation résulte d'une coopération entre Léon Turcat et Robert Bosch. Turcat a rencontré ce dernier par l'intermédiaire du comte Henri de Farconnet et d'Emile Jellinek, importateur des véhicules Daimler. Turcat explique à Robert Bosch qu'il vient d'abandonner les brûleurs avec tubes de platine pour obtenir un allumage électrique. N'étant pas satisfait par l'idée de la batterie d'accumulateurs, c'est Jellinek qui le mènera sur une nouvelle voie. Ce dernier lui montre sa dernière innovation, une «boîte cylindrique en bronze d'où sortait d'un côté un axe avec une extrémité conique pour recevoir un organe d'entraînement et de l'autre une borne électrique isolée. Selon Jellinek, cette invention placera les automobiles Daimler à la tête du marché. Intrigué par cet objet, Turcat y décèle cependant une erreur de fonctionnement et en fait part à Jellinek. Ce dernier, n'étant pas mécanicien,se retrouve dépourvu devant cette affirmation. Il se tourne alors vers Robert Bosch, son électricien, pour rectifier l'erreur en suivant les conseils de Turcat. Bosch passe alors un accord avec Turcat et s'engage à fournir autant de magnétos que nécessaires à ce dernier.

Salon de Paris et De Dietrich

La qualité des voitures Turcat-Méry impressionne le baron Adrien de Turckheim, administrateur de la Société Lorraine de Dietrich et Cie, que Léon et Simon rencontrent lors du Salon de l'Automobile de Paris en 1901. A cette époque, la réputation des voitures Turcat-Méry dépasse les limites du sud de la France. Le baron, souhaitant diversifier ses activités, songe à l'automobile. Séduit, il choisit Turcat-Méry pour débuter et développer cette nouvelle branche. Après des accords entre les deux parties, le baron achète en 1902 la licence de fabrication des Turcat-Mery dans une nouvelle usine qui sera construite à Lunéville. Il s'assure également de la collaboration des deux jeunes ingénieurs. Ce contrat permet à la firme marseillaise de vendre désormais ses voitures dans une autre région française. Léon et Simon s'installent alors à Lunéville, tandis que Louis Méry, frère de Simon, dirige la production des Turcat-Mery à Marseille. Leur qualité leur vaut aussi une bonne clientèle locale.
Pour promouvoir et étendre davantage la notoriété de la marque, De Dietrich engage les automobiles Turcat-Mery en compétition, la publicité la plus efficace à l'époque. Dès 1902, une Turcat-Méry remporte la course de côte des Platrières à Aix-en-Provence. En 1903, Henri Rougier, à bord d'une Turcat-Méry de course 45 HP, réalise le meilleur temps et remporte la course de côte du Mont Ventoux, en dehors de la compétition. L'année suivante, il récidivera et signera une nouvelle fois le meilleur temps officiel. Toujours en 1903, Rougier prit également part à la course Paris-Madrid et termina 11e à Bordeaux (où la course s'acheva en raison de nombreux accident mortels). En 1904, Rougier se classe troisième aux éliminatoires de la Gordon Bennett disputées sur le circuit des Ardennes Françaises et termine 4e de la Coupe courue sur le circuit de Taurus en Allemagne, avec une 12,8 litres de 100 ch surnommée "la Tarasque". Une crevaison et quelques ennuis mécaniques la privent d'un podium. Le dessin, sur l'avant de la carrosserie, d'une gueule ouverte de laquelle jaillissent une série de dents acérées rappelle en effet « La Tarasque », un monstre féroce qui, selon la légende, dévorait les jeunes filles sur les bords du Rhône, dans la région de... Tarascon (Tartarin, où es-tu ?)!

Henri Rougier (1876/1956)

Inséparable du nom de Turcat-Méry, celui d'Henri Rougier, l'un de ses pilotes. Marseillais comme les fondateurs de la marque, Henri est avant tout un ami de Léon et Simon. Lorsque ces derniers s'installent comme constructeurs, Rougier, déjà motocycliste expérimenté, après avoir été un grand cycliste, devient vite leur pilote-essayeur. En 1904, il finit 3e de l'épreuve éliminatoire française de la Coupe Gordon Bennett et de la Coupe elle-même. Il fait le meilleur temps au mont Ventoux la même année. Pilotant pour De Dietrich, il termine 3e au Circuit des Ardennes 1906. Il remportera également la première édition du Rallye Monte-Carlo en 1911 sur une Turcat-Méry 18 HP. Breveté pilote aviateur (brevet n° 11 de l'AéroClub de France), il devient le collaborateur de Gabriel Voisin, participe à tous les grands meetings d'aviation richement rémunérés. En 1921, il abandonne l'agence parisienne de Turcat-Méry pour représenter Voisin et prendre la direction du service courses de la marque. Il court pour elle et gagne plusieurs épreuves, dont le GP de Tourisme de l'ACF à Strasbourg en 1922 dans la catégorie Tourisme et le GP de Tours en 1923. Il fait partie des pilotes des Voisin "laboratoire" du GP de l'ACF 1923. Il abandonne la compétition après 1924 pour se consacrer à ses affaires et s'éteindra à Marseille en 1956.

Henri Rougier sur Turcat-Méry, au mont Ventoux en 1904

Henri Rougier lors du Paris-Madrid 1903

Montée en gamme

Avec le succès, l'impact sur les ventes est direct, et ces dernières s'envolent. Mery se rendra d'ailleurs à Lunéville pour superviser l'usine et la fabrication des bicylindres 10 HP. Une agence De Dietrich-Turcat-Méry est ouverte à Paris, où Simon et Léon s'installent, faisant la navette entre Lunéville et Marseille. Lorsque le baron de Turckheim se séparera de la maison mère De Dietrich pour fonder à Argenteuil, route de Bezons, sa propre société, Lorraine-Dietrich (Société Anonyme Lorraine des Anciens Etablissements de Dietrich de Lunéville), en poursuivant la construction automobile en exploitant la licence Turcat-Méry, la société marseillaise s'affirmera de plus en plus comme une référence.

Turcat-Méry 1912
Parallèlement, la marque produit des 4 cylindres de tourisme d'une puissance nominale de 14 à 25 HP, dont les cylindrées s'échelonnent de 2,4 à 6,3 litres. En 1907, Turcat-Méry propose, comme le veut la mode du moment, une 6 cylindres à moteur super carré de 8,1 litres (120 x 120 mm), cylindrée jumelés et soupapes monolatérales. Mais elle n'est produite que très brièvement en raison des problèmes vibratoires posés par un vilebrequin trop long et trop fragile. La marque revient aux 4 cylindres classiques, dont les moteurs ont la même course (130 mm), mais des alésages différents (80, 90 ou 100 mm).
18 HP
En 1909, la marque adopte la transmission par arbre à cardans et, en 1912, les moteurs à bloc-cylindre. Mais la marque limite sa production à une 18 HP et une 25 HP, identiques à l'alésage près, en ajoutant brièvement une 35 HP en 1913. La victoire d'une KH 18 HP dans le Rallye de Monte-Carlo de 1911 apporte une bonne publicité à l'entreprise. La 3,3 litres 90 x 130 mm 18 HP est le cheval de bataille de Turcat-Méry jusqu'en 1914. Son châssis de 309 cm d'empattement accepte les grandes carrosseries à conduite intérieure comme les torpédos sport plus légers. La production ne dépasse pas quelques centaines de châssis par an.

Autre succès

Un des succès marquant de la société sera la victoire de Rougier dans la première édition du Rallye de Monte-Carlo en 1911, financé par la Société des Bains de Mer et présidé par le baron Van Zuylen, président de l'Automobile Club de France. Vainqueur à bord d'une 75 HP carrossée par Labourdette, à une moyenne de 13,8 km/h, il est pourtant arrivé troisième. Après délibération du jury, il est jugé vainqueur étant donné que les critères de victoire prennent en compte la régularité, le confort, la vitesse ou encore la distance parcourue.

    

Henri Rougier sur la Turcat-Méry 3,3 litres victorieuse au Rallye de Monte-Carlo en 1911
Cette victoire provoqua le courroux du capitaine Von Esmach, qui partant de Berlin arriva le premier à Monaco, avec la meilleure moyenne de 22,655 km/h. L'incident fit grand bruit et fit craindre à l'organisation la mort du Rallye. Il n'en fut rien.
En 1911, un autre évènement marque l'histoire de la marque. De Dietrich décide de se séparer des automobiles Turcat-Méry. Les types KG, KH et KI seront les dernières voitures construites à Argenteuil par Lorraine-Dietrich sous licence Turcat-Méry. Dès lors, le baron n'exploite plus la licence marseillaise mais sa propre licence. Il semble que l'augmentation de la production des automobiles à Marsseille, à près de 300 automobiles par an, soit à l'origine de la séparation entre les deux entreprises.
Dans la foulée, la marque réalise son premier moteur monobloc inauguré avec le type LH de 18 HP. Et, à la veille de la Grande guerre, la gamme s'articule autour de cinq modèles dont la puissance s'échelonne de 14 HP pour le type LG, à 35 HP pour le type MJ de 6,3 litres de cylindrée. Un modèle qui s'offre, à l'occasion, quelques succès en compétition, principalement en course de côte comme au Mont-Ventoux ou à Limonest, dans la banlieue lyonnaise. L'ensemble des voitures phocéennes est toujours d'une qualité irréprochable, chaque exemplaire étant encore assemblé méticuleusement et de façon très artisanale. Voire trop artisanale, ce qui se traduit par un prix de revient, et donc un prix de vente, souvent plus élevé que la concurrence. Mais Léon Turcat et Simon Méry semblent avoir relégué au second plan toute considération économique, privilégiant la satisfaction du client et le développement de certaines innovations. C'est ainsi que, pour s'ouvrir vers les pays tropicaux, Turcat-Méry développe des châssis qui peuvent être livrés rehaussés de plusieurs centimètres afin de pouvoir circuler indifféremment sur routes ou sur pistes. Dans un autre registre, Turcat-Méry propose la première voiture ayant les phares incorporés aux ailes, le Squale. Un exercice de style discutable d'un point de vue esthétique mais qui témoigne de le volonté des deux constructeurs de vouloir explorer toutes les possibilités qu'offre l'automobile. Parfois au-delà du raisonnable, puisque Léon Turcat n'hésite pas à construire un châssis animé par un moteur d'avion d'une cylindrée de 12 ou 17 litres.

Squale

En mars 1913, Turcat-Méry présente à la presse une curieuse voiture dotée d'une carrosserie type torpédo innovante à plus d'un titre. Outre une silhouette générale terminée par un arrière en pointe ovoïde, elle exhibe des formes lisses et tendues très rares à l'époque. Les ailes avant sont soudées à la caisse et intègrent les phares. La roue de secours est dissimulée dans la pointe arrière. Des coffres à bagages étanches à la poussière occupent le volume entre les ailes avant et arrière et les marchepieds sont supprimés. Enfin, la capote repliée est totalement dissimulée. Il faudra des années pour que ces solutions soient adoptées peu à peu par les autres constructeurs. A l'époque, la dissimulation des organes mécaniques sous la carrosserie et l'intégration des volumes accessoires paraissent très dérangeantes.

Première guerre

En 1914, lorsque la guerre éclate, l'incroyable élan de l'entreprise est stoppé net. L'usine tourne au ralenti. Comme beaucoup d'entreprises, les usines stoppent la production d'automobiles. L'usine Turcat-Méry est réorganisée pour la production de munitions et de quelques petits camions, les types MH et NH de 18 et 30 HP. Les ateliers ont été entièrement réaménagés, agrandis, et une grande partie de l'outillage a dû être remplacée. Turcat-Méry fera, à cette époque, travailler plusieurs milliers de personnes.

Dernières cartouches

Le montage artisanal et méticuleux des voitures, ainsi que le souci d'incorporer toujours le dernier cri des innovations sur les modèles, fait toujours des Turcat-Méry un produit de luxe destiné à la seule clientèle fortunée. Au cours du conflit, Léon Turcat a découvert le travail à la chaîne et envisage déjà des jours meilleurs avec la production en série de 1.000 châssis par an d'une voiture de tourisme moderne. Au cours de cette même période, la société a déjà déménagé dans de nouveaux bâtiments plus grands et mieux équipés, au 17 boulevard Michelet. Les anciens ateliers sont revendus à une société de mécanique générale. la marque a également ouvert son propre magasin sur les Champs Elysées, à Paris. Malheureusement, en 1919,le marché automobile n'est plus le même. Les français boudent les produits de luxe, et de fait, les luxueuses Turcat-Méry. En 1920, un nouveau modèle est proposé, une 15 CV à soupapes de 3 litres, disponible en torpédo et en conduite intérieure. La pénurie des matières premières, poussent les prix des automobiles vers le haut, et les finances de l'entreprise sont de plus en plus fragilisées. La firme à des dettes et malgré le fait que Turcat ait investit de l'argent de sa fortune personnelle dans la société pour renflouer cette dernière, les banques sont de plus en plus nerveuses. Le temps passe et les commandes se font de plus en plus désirer. Le modèle de tourisme relancé est trop archaïque pour donner le coup de fouet nécessaire à la relance de la marque. En 1921, SMC en tête (Société marseillaise de crédit), les banques qui soutenaient l'entreprise presque depuis ses débuts rachètent la société. Elle devient alors une Société Anonyme. Henri Estier, l'ancien président, est maintenu à son poste mais sans véritable pouvoir décisionnel. Léon Turcat et Simon Méry, eux, sont réduits au rang de simples employés et seront finalement remerciés, ou plutôt congédiés. L'ambiance à Marseille est très morose, et la seconde place de Rougier dans le Grand Prix de Corse, puis les deux premières places dans leur catégorie des voitures Turcat-Méry dans la course de côte du Mont-Ventoux en 1921 ne semblent pas apaiser l'atmosphère.
PJ 4
En 1919, la firme tente de reprendre la production d'automobiles après avoir fabriqué des camions pendant la guerre. La technique de la PJ 4, une 40 HP de 110 x 160 mm, dérive de celle des types de 1914 : un gros 4 cylindres à soupapes latérales et à régime lent qui semble provenir tout droit des monstres de Grand Prix des années dix, mais dépassé par les nouvelles réalisations apparues au salon de Paris de 1919. La présentation d'une nouvelle 3 litres plus raisonnable semble coïncider avec une relance de la production sur de nouvelles bases, mais en dépit de sa grande qualité de construction, sa technique est trop archaïque pour intéresser le marché. Comme d'autres constructeurs, la firme serait-elle tenter par une super-voiture ?
PJ 6
La PJ 6 n'est pas dans la nomenclature des types catalogués de la firme Turcat-Méry. Construite sur commende, elle resta cachée de 1921 à 1995. Cet unique exemplaire ést une monstre solitaire.
La fin des combats de la Grande Guerre donne le signal d'une période de déraison et de surconsommation après des années de restrictions. Les constructeurs automobiles bien établis, profitant des progrès techniques accomplis par une industrie totalement mobilisée, rêvent presque tous de produire des types de grand luxe et des mécaniques à haut rendement destinés à une clientèle d'élite bien souvent constituée des célèbres "nouveaux riches" nés de la guerre.

Concessionnaire parisien de Turcat-Méry, Henri Rougier demande à la firme de construire, sur devis, et pour un client fortuné, une voiture unique dotée d'un moteur d'avion Lorraine. Turcat-Méry construit donc, en 1920, une très grande automobile dotée d'un moteur AML (Lorraine-Dietrich) 6 cylindres d'avion donnant une grosse centaine de chevaux, donc de la classe du nouveau moteur 6 cylindres Hispano-Suiza. Cette PJ 6, jamais cataloguée, va rester unique. Doit-elle être considérée comme un prototype expérimental, une tête d'une nouvelle série, ou bien d'une commande particulière ? Le fait qu'elle soit désignée PJ 6, sur le modèle des PJ 4, donne à penser que cette nouvelle auto est présentée au service des Mines et qu'en cas de réussite le type pourra être lancé en production. La firme peut très certainement disposer de moteur AML (désormais dépassés pour les utilisations aéronautiques) en provenance des surplus militaires, donc à des prix abordables. Mais l'histoire veut que cette voiture ne soit construite que sur commande pour un client particulier, sans doute très proche de la firme Turcat-Méry. Elle est livrée par la route dans le centre de la France en 1921 par Henri Rougier, après être passée dans les ateliers du carrossier Million-Guiet (devenue plus tard Tubauto), qui réalise une impressionnante torpédo d'allure très sportive. En raison de ses performances, elle reçoit des freins avant, encore rares à l'époque. Dépourvue de capote, taillée pour la performance pure, la PJ 6 ne figurera jamais au catalogue de la marque et personne n'en parlera plus jusqu'à sa redécouverte en 1995.

   

The end

Turcat-Méry PG 1922
La gamme Turcat-Méry évolue peu à partir de 1921. Même la version sportive de la 15 HP, apparue en 1923 sous le nom de Type RGH ne redonnera pas l'enthousiasme d'antan. Il s'agit sans doute de la plus belle réussite de la marque, une quatre cylindres de 3 litres de cylindrée, simple arbre à cames en tête et chambres hémisphériques, double allumage, freins de série sur les quatre roues, 120 km/h, qui s'avère aussi belle que performante. Son seul défaut est, encore une fois, un prix de vente excessif par rapport à la concurrence, justifié d'après la direction de l'entreprise par l'installation en série de nombreux accessoires de qualité. Un argument qui ne séduit pas la clientèle, qui boude cette voiture, tout de même maintenue trois ans au catalogue. Les ventes restent donc toujours aussi faibles. De plus, les nouveaux dirigeants s'avèreront incapables de mettre en place le système Taylor pour une production à la chaîne, ce qui aurait réduit les coûts de fabrication et les prix des automobiles.

Arthur Provenzal

La Société Marseillaise de Crédit décide alors de vendre et c'est Arthur Provenzal, agent et concessionnaire automobile qui rachète la majorité des parts de la société, devenant le nouveau détenteur de la Société Anonyme des ateliers de construction automobiles Turcat-Méry. Il accorde alors à Louis Mouren le poste de directeur de l'entreprise. Les deux hommes parviennent alors, en peu de temps, à redresser la situation et à proposer de nouveaux modèles. L'activité reprend comme aux plus belles années de l'entreprise, et le type UG, une 12 CV de 2,4 litres de cylindrée, déclinée en version tourisme ou sport, devient le nouveau cheval de bataille de la marque. Les voitures adoptent désormais un bouchon de radiateur avec une cigale. Cette cigale doit donner des ailes à l'entreprise puisque 17 victoires s'ajoutent au palmarès de la marque pour la seule année 1925. Des premières places acquises, pour la plupart, dans des courses de côte, La Faucille, le Mont-Ventoux ou encore Limonest.
En 1927 apparaît le Type VD, une 7/8 CV de 1,2 litres de cylindrée, la première Turcat-Méry dans le segment des voitures populaires. Séduisants, ses modèles ne parviendront pas à stopper la fonte des finances, la voiture étant encore handicapée par un prix de vente élevé. Le Type VF de 10 CV ne s'en tire pas mieux. Afin d'éviter le dépôt de bilan, Arthur Provenzal décide de présenter des véhicules remaniés, diminuant ainsi les prix, au Salon de Paris de 1927. Les voitures adoptent désormais des moteurs CIME et SCAP. On découvre alors le type VD6, une six cylindres à moteur CIME de 9 CV à culbuteurs, ou 11 CV à soupapes latérales. On trouve aussi la WG8, une huit cylindres de 14 CV à moteur SCAP à soupapes en tête. Esseulé, découragé, confronté à trop de problèmes financiers, trop éloigné de la capitale où sont prises la majorité des décisions par les instances automobiles, Arthur Provenzal préfère jeter l'éponge et l'usine est placée en liquidation judiciaire en 1929. La marque fermera ses portes et l'usine sera détruite quelques temps plus tard.

Turcat-Méry 7 CV 1927