STUDEBAKER    

Dernière mise à jour : 26/05/2010

Le Hollandais roulant...

Petit historique

En 1736, un émigrant hollandais venant de Rotterdam, Clement Studebaker (1700/1762), pose les pieds sur le nouveau continent, dans le port de Philadelphie. Plus tard, son fils Peter Studebaker (1747/1812) s'installa à son compte pour construire des chariots, et ce, dès 1736. En 1799, John Sudebaker naît à Getty's Town, Pennsylvania. Marié à Rebecca Mohler, ce dernier aura 5 fils et 5 filles. Les garçons, Henry, Clement ("Clem"), John Molher ("J.M."), Peter et Jacob seront à l'origine des automobiles portant le nom de la famille. Prenant la relève de leur père dans la fabrication de véhicules hippomobiles, ils fourniront l'armée de l'Union pendant la guerre de Sécession. C'est donc en 1852 que naît véritablement la firme Studebaker.

Peter Studebaker (1747/1812)

John Studebaker (1799/1877)

Henry (1826/1895), Clem (1831/1901), John Molher (1833/1917), Peter Everest (1836/1897) et Jacob Franklin (1844/1887)

De gauche à droite, Peter et Jacob (debout), Clem, Henry et John M. (assis)

Peter Everest

Maréchaux-ferrants

Dans un premier temps, les frères Henry et Clement Studebaker s'installent d'une façon bien modeste comme maréchaux-ferrants dans la commune de South Bend, dans l'Indiana. Ils se lancent bientôt dans l'assemblage de voitures hippomobiles, d'une construction encore fort simple et bon marché à destination des cultivateurs de la région. Leur frère John Mohler ("JM") les rejoint, qui pressent l'opportunité commerciale unique qu'ils peuvent tirer de la "ruée vers l'or", un phénomène un peu fou qui fait alors rage aux Etats-Unis. Tous ces chercheurs assoiffés de pépites vont avoir besoin de moyens de locomotion. Par ailleurs, les demandes militaires générées par la guerre civile américaine, conjuguée au conflit qui met face à face l'armée régulière britannique et les Boers, engraissent copieusement les carnets de commandes de la Studebaker Brothers Manufacturing Company. Dès 1872, cette dernière se proclame premier producteur de voitures hippomobiles au monde. C'est à cette époque que les plus jeunes des frères Studebaker, Peter et Jacob, rejoignent l'entreprise. Cette dernière est alors une organisation prospère, mais l'avènement de la technologie électrique en faveur des automobiles "sans chevaux" qui se développe entre 1896 et les premières années du XXe siècle pose un doute dans l'esprit de la famille de South Bend. Dans un premier temps, l'entreprise livre des carrosseries à quelques firmes qui adoptent cette technologie.

Fred Fish

C'est Fred Fish, gendre de John Studebaker qui va persuader John Studebaker de devenir constructeur à part entière de véhicules motorisés. Il commence par le pousser dans la construction électrique puis, va le convaincre la société de ne pas rater la nouvelle technologie porteuse d'avenir : le moteur à combustion interne. En attendant, c'est en 1902 que commence l'aventure.

Edison

On peut dire aujourd'hui que Studebaker est l'une des plus vieilles entreprises industrielles des Etats-Unis. Implantée à South Bend, Studebaker vient à l'automobile en 1902 sous la pression de Frederick Fish, gendre du président. John Studebaker débute la construction de voitures électriques. Le 12 février 1902, Francis W. Blees, un habitant de Macon, dans l'Etat du Missouri, signe un bon de commande en faveur de la toute première automobile Studebaker. Il semble que le célèbre thomas Alva Edison se porte acquéreur du deuxième exemplaire. Il faut dire que c'est lui le metteur au point final de la voiture, dont on assemble 20 exemplaires au cours de cette saison 1902. L'engin est équipé d'un moteur fabriqué par la société Westinghouse, d'une puissance de 40 V et 24 A, ce qui correspond à une puissance mécanique essence à 1,7 ch. Faite de 24 plaques d'un potentiel de 96 A/h, la batterie autorise une autonomie d'environ 74 km avec deux passagers à bord et une vitesse maximale de 18 km/h. La transmission s'opère par chaînes. Le groupe électrique est utilisable à l'aide de 4 vitesses. On actionne la marche arrière à à l'aide d'une pédale installée au plancher, tout comme les deux dispositifs de freinage. Le premier agit sur les deux roues arrière à l'aide d'un ruban métallique et l'autre directement à la sortie du moteur Westinghouse. Les roues à rayons, d'un diamètre de 76 cm, sont chaussées de pneumatiques, et la voiture repose sur des suspensions à ressorts à lames elliptiques à l'arrière et semi-elliptiques à l'avant.

Studebaker modèle n° 1357 et n° 1358, carrossés en Runabout.
Cinq versions sont disponibles, toutes en configuration découverte, mise à part la Studebaker Stanhope, qui abrite ses passagers sous une hautaine capote à compas, dégageant une silhouette encore très "calèche". Les voitures quittent l'usine en teinte nore, rouge ou vert foncé. Elles sont dotées d'une trousse à outils incluant un câble de charge d'une longueur de 150 cm terminé de prises, des démonte-pneumatiques et un gonfleur à pied. Les propositions utilitaires sont livrables en carrosseries fermées sans portières et bénéficient, comte tenu de leurs missions professionnelles, d'une double motorisation. La charge utile varie de 454 à 3.405 kg. Un plateau à ridelles est ajoutée au catalogue 1906. En outre, les entreprises peuvent faire exécuter des caisses spécifiques à leurs activités au sein des ateliers sur mesure des Studebaker.

Studebaker Corporation

La Studebaker Brothers Manufacturing Company, qui devient en 1910-11 la Studebaker Corporation, produisit entre 1902 et 1912 une gamme complète de véhicules de tourisme et utilitaires à propulsion électrique. La production de ces Studebaker demeura néanmoins modeste, puisque seulement 1.481 exemplaires sortirent des ateliers de South Bend durant cette longue période. Selon la légende, il semble que le patriarche et président de l'entreprise, John M. Studebaker, fut le moins enthousiaste de la famille en faveur du passage au moteur à pétrole, bien trop bruyant et sentant fort mauvais !
C'est en 1904 que la firme proposa des véhicules dotés de moteurs monocylindriques à essence. Avec l'aide de la société Garford, qui fournit le châssis, et grâce à une mécanique bicylindre horizontale développant 8 ch, la première Studebaker à essence et transmission par chaînes, parfois connue sous le nom de Model A, fut vendue le 22 juillet 1904. La production restera cependant très limitée.
L'entreprise fonde son bureau d'études au sein de la compagnie le 1er janvier 1911. Dès lors, une vraie gamme Studebaker va faire son apparition sur le marché. L'expérience industrielle, à l'exemple de Ford, parle : Studebaker sit déjà produire ses chariots en grande série avec un contrôle efficace de ses coûts de production et les mêmes méthodes sont appliquées à l'automobile. Rationalisation d'abord par l'adoption de côtes communes aux moteurs 4 et 6 cylindres, ces derniers étant considérés comme les premiers 6 cylindres monoblocs américains. Rationalisation toujours avec la mise en commun des carburateurs, des roues, des ressorts, des freins, des boîtes et des ponts. Rationalisation enfin en matière de carrosserie avec, par exemple, l'utilisation des mêmes portes et des mêmes ailes embouties. Studebaker se permet ainsi de proposer pour la première fois une 6 cylindres presque luxueuse à moins de 2.000 $ en 1914, quand une Ford Model T conduite intérieure en coûte 750. les douze premiers mois de fabrication des premières vraies Studebaker Four et Six se soldent par une production de 35.400 véhicules, prouvant la justesse des vues du président Fish.

Publicité 1905
4-40
Dès 1913, Studebaker se classe au quatrième rang des constructeurs américains. En 1914, la ligne s'affine par l'allongement des empattements et une meilleure intégration de l'auvent, sous lequel se loge le réservoir d'essence en charge. La direction passe à gauche pour améliorer la vision du conducteur, alors que la densité de la circulation automobile augmente sans cesse, Ford atteignant déjà des cadences inouïes. Les modèles 1915 sont très semblables à ceux de 1914, à l'exception de détails d'équipements et d'une amélioration de l'efficacité des freins et de la précision de la direction rendues nécessaires pour une conduite plus facile et plus sûre dans le trafic intense des vilels. Cette-année-là, le vice-président Albert Erskine, vendeur-né, devient président exécutif. Il occupera ce poste jusqu'en 1933, année de son suicide suite à l'échec d'une petite voiture, la Rockne, et à l'achat en 1928 de Pierce Arrow, qui s'est révélé catastrophique.

Studebaker 4-40 de 1916
En 1916, Studebaker est le troisième constructeur automobile américain. La gamme comprend alors deux types de base : la 4 cylindres type SF 4-40 et la 6 cylindres type ED-6. Les lignes des carrosseries deviennent plus fluides tout en restant très fonctionnelles, la notion de style étant encore lointaine. Toutefois, Studebaker n'impose pas le noir comme ford, mais le bleu foncé avec filets blancs, tandis que les ailes, le capot et les marchepieds continuent d'être en noir. Détail astucieux : les strapontins des grandes torpédos se replient dans le plancher, qu'ils dégagent totalement, comme dans nos modernes monospaces. La réputation de solidité des Studebaker est telle que les volumes exportés augmentent significativement vers l'Asie et l'Amérique du Sud. Les 4-40 reçoivent quelques améliorations en cours d'année 1916 : réservoir déplacé à l'arrière du châssis ave exhausteur à dépression, tablier de protection sous le radiateur et deux coussins séparés remplaçant la banquette à l'avant des modèles de tourisme. Les prix n'augmentent pas et baissent même de 10 $ sur la torpédo de base. Le succès de la 4-40, produite à 80.800 exemplaires de juin 1915 à avril 1918, place la marque au quatrième rang des constructeurs après cinq ans d'activité seulement, preuve de la justesse des choix d'Albert Erskine en fonction d'un marché au potentiel limité par la guerre dans laquelle l'Amérique s'engage au printemps 1917.

    

Faillite

Sous l'impulsion de l'ingénieur Fred M. Zelder et le président A.R. Erskine, la gamme est renouvelée en 1918. La firme poursuit son envolée jusque dans les années vingt, battant même des records de production en 1925 avec 107.732 véhicules, sans compter les camions. Mais la crise frappe aussi cette grande entreprise. En 1933, elle dépose le bilan. Déclarée en faillite, elle sera gérée par P.G. Hoffman et H.S. Vance qui vont imposer des directives strictes et surtout, des restrictions budgétaires. Cela n'empêche pas l'embauche en 1936 d'un conseiller technique pour le style, Raymond Loewy. Ce dernier va imposer sa marque et créer les modèles des années 40, comme la Champion de 1939. Après la Seconde Guerre, de nouveaux modèles apparaissent, d'une conception très en avance sur la concurrence.

President
Au début des années trente, comme tous ses confrères, la Studebaker Corporation subit les conséquences de la grande crise économique. Cela ne l'empêche nullement de conserver à son catalogue des machines dispendieuses, à l'instar de la President. Studebaker, à cette époque, fait le principal de son chiffre d'affaires avec des gammes populaires, comme la série Six 53/54 ou Dictator FC/61. La première offre une pléiade de configurations de carrosseries ouvertes ou fermées, à des tarifs s'étalant de 845 $ à 995 $. La voiture est animée d'un 6 cylindres en ligne de 70 ch et représente un volume de ventes de 46.288 unités. Vient ensuite la gamme Dictator FC, propulsée d'un 8 cylindres en ligne latéral de 3.624 cm3 délivrant 81 ch. 30.500 modèles vendus entre 1.195 $ et 1.415 $ sont livrés en 1931. Figure ensuite l'offre Commander (de 1.585 $ à 1.685 $), également équipée d'un 8 cylindres en ligne, mais d'une cylindrée de 4.107 cm3. 101 ch sont alors disponibles. Enfin, pour compléter le haut de son catalogue, Studebaker propose à sa clientèle la série Président, déclinable en deux versions, Model 80 et Model 90, correspondant ç deux dimensions d'empattement : 310 cm (pour la 80) et 346 cm (pour la 90). Sur ces voitures, compte tenu de leur statut élitiste, la mécanique choisie est bien entendu le 8 cylindres en ligne aux soupapes latérales déjà évoqué, mais d'un potentiel porté à 5.527 cm3, ce qui autorise l'épanouissement de 122 ch. Afin d'améliorer l'équilibre de l'ensemble, cet impressionnant groupe propulseur, qui fait son apparition sur les modèles President lors du Salon Automobile de New York en janvier 1928, intègre un vilebrequin à neuf paliers au lieu de cinq sur le millésime 1930.

Châssis de la President Model 80, présenté au Brésil par le directeur de la concession de Buenos Aires, en février 1931.
La transmission comporte, comme c'est alors l'habitude, 3 rapports commandés par un levier au plancher. Le dispositif dit "roue libre" est livrable en option (sauf sur la gamme President) et le freinage s'opère par un réseau de câbles en acier de marque Bendix. Les roues à bâtons en bois verni ou peint avec filets crème sont élaborées par la firme Kelsey-Hayes et montées sur toutes les séries, sauf sur les Studebaker President State Sedan et State Limousine de la série 80 ou 90, qui sont quant à elles dotées de très précieuses roues fils en teinte contrastées avec celle de la caisse. Les machines de la firme abandonnent la calandre plate de la saison 1930 en faveur d'un dessin légèrement cintré, séparé au milieu par un jonc chromé. Autres nouveautés esthétiques : les pare-chocs monolames et les curieuses optiques de forme ovalisée. Les studebaker President quittent les chaînes d'assemblage très correctement dotées, si l'on en juge par l'inventaire des équipements standard, avec par exemple un silencieux installé sur le collecteur d'admission au niveau du carburateur, un allume-cigare, une montre, des vitrages sécurité, deux essuie-glaces, un éclairage complet à l'arrière et des amortisseurs Houdaille. En revanche, les roues de secours dans les ailes et leurs protection, les rétroviseurs extérieurs, les gardes de pare-chocs, le râtelier à bagages pliable arrière ou la malle proéminente sont facturés en supplément.

Torpédo State tourer sept places 1931
Malgré ces temps difficiles, le choix des configurations de carrosserie demeure fort varié. Les Studebaker President Model 80 1931 possèdent un modèle spécifique, le roadster deux/quatre places, tandis que la proposition President Model 90 offre, grâce à son empattement optimisé, trois berlines pouvant accueillir sept passagers, et une conduite intérieure d'une contenance identique mais plus onéreuse, baptisée State Limousine. On découvre aussi deux autres appellations réservées au catalogue 90 : la berline deux portes quatre places State Victoria et une machine également à deux portières mais capable de transporter cinq passagers, la State Brougham. Seulement deux propositions de torpédo existent au sein de la série90, les berlines décapotables President Tourer (sept places) et¨president State Tourer, d'une capacité de logement similaire mais d'une finition et d'un prix supérieurs.

Roadster President Model 80

Rockne

En septembre 1931, Studebaker lance sur le marché une nouvelle marque, baptisée Rockne, avec des voitures animées d'un 6 cylindres en ligne de 65 à 70 ch. Cette marque, destinée à une clientèle populaire, ne connut pas la diffusion escomptée et cessa d'exister en 1933. Le 3 novembre 1931, une Studebaker President Model 80 s'attaqua avec succès à des records de vitesse. La première de ces épreuves eut lieu sur le lac salé de Muroc, dans l'Etat de californie.
Champion

Champion 1950
Road Signature
Hawk
Lorsque Ford et la GM débutèrent une guerre des prix, peu d'indépendants purent se défendre. Studebacker en fit les frais et fut rachetée par Packard qui va rajeunir la gamme en adoptant un style plus carré, et plus rigoureux. Le modèle sportif, la Hawk, sera toutefois peu produite mais ne laissera pas indifférente la clientèle, particulièrement la Silver et la Golden.
En 1957, Studebaker retouche ses Coupé de 1953, dont les célèbres Starliner et Strarlight . Avec des lignes qui étonnent, les voitures sont issues des bureaux de style d'un designer célèbre, Raymond Loewy. Le style Loewy n'est pas du goût des automobilistes qui en font un demi-désastre, mais il faut reconnaître que ce dernier est réellement nouveau, peut-être trop.
Voiture novatrice, racée, voir aérienne, avec son long capot, son habitacle lumineux, et son toit fuyant, elle adopte la désignation Hawk en 1956, et subit de légères modifications afin de reconquérir la clientèle. A cette époque, et après son rachat par Packard, la firme ne roule pas sur l'or et toute modification radicale est à proscrire. Les Flight Hawk, Power Hawk, Sky Hawk et Golden Hawk apparaissent, avec un nouveau capot, une nouvelle calandre et des ailerons comme la mode l'exige à l'époque. En 1957, les séries Flignt et la Power disparaissent, alors que la série Silver s'ajoute au catalogue, disponible en version coupé ou coupé hard-top, avec un 6 cylindres dans la gamme Champion et un V8 dans la gamme Commander et President.

Silver Hawk 1957 et Golden Hawk 1958
Solido et Road Signature
En 1958, la série Golden Hawk, uniquement des coupés, se différencie des autres modèles en adoptant un nouveau V8, l'un des plus modernes conçus par la marque. Dans sa version suralimentée avec compresseur Paxton, il s'avère plus efficace que le V8 de Packard utilisé sur les modèles précédents, ceux de 1956. Malheureusement, la Golden Hawk aura une courte carrière, et, sans laisser un souvenir impérissable, s'efface en 1959, un an avant la Silver. La Golden s'efface en 1959, un an avant la Silver. Chez Studebaker, c'est la fin des ailerons avec l'apparition des nouveaux modèles Gran Turismo Hawk qui rencontrera un plus grand succès.
C'est la Lark qui sauva la marque en 1959. Cette voiture va connaître un beau succès mais ce ne sera pas suffisant toutefois pour durer. Lorsqu'une nouvelle fois les trois grands que sont Ford, la GM et Chrysler proposent leur compacte en 1960, la situation est une nouvelle fois délicate. Malgré l'arrivée d'un nouveau styliste en 1961, Brook Stevens, qui fit une refonte des modèles et permit aux ventes d'augmenter, la situation trop fragile de l'entreprise mènera à la fermeture de la branche auto, en 1966. Même l'Avanti de Loewy n'a pas pu sauver Studebaker.