Durant les années vingt et trente, nombre de constructeurs, comme Packard, Chrysler ou Checker, ont expérimenté le dispositif des roues avant motrices sur des prototypes. Mais seulement deux marques ont porté le concept sur le marché : Cord et Ruxton.

Le prototype devant mener à la future Ruxton est finalisé au sein des ateliers expérimentaux du carrossier Budd, à Philadelphie, sous la direction de l'ingénieur William J. Muller. Ce dernier se passionne pour la technique des roues avant motrices depuis le début du siècle, et dès 1926, son employeur débloque un budget de 15.000 $ afin de finaliser une machine incorporant cette technologie révolutionnaire.

Archie Andrews et Hugh Adams, tous deux membres de la direction de la Budd Co., testent la voiture dans les rues de New York en février 1929. Il sont conquis par son potentiel et décident de reprendre le dossier pour leur propre compte, ce qui leur vaut en toute logique un licenciement brutal de chez Budd. William Ruxton finance le projet et donne son nom à la nouvelle venue. A cette même époque, Andrews cherche une marque existante afin d'industrialiser le projet Ruxton. Il approche ainsi la Hupp Motor Company, qui se déclare nullement intéressée. En août 1929, des exemplaires de présérie sont finalisés, utilisant une technique très proche de celle de la Cord L 29 et équipés d'un 8 cylindres en ligne Continental accouplé à une transmission Borg Warner. Les joints universels de transmission Weiss, fragiles, sont remplacés par des Spicer. 53,13 % du poids de l'auto est réparti sur le train avant et 46,87 % à l'arrière. Toujours à la recherche d'un partenaire industriel, Andrews tente de séduire sans enthousiasme la Gardner Motor Car Co., installée à Saint-Louis, également constructeur d'un modèle très confidentiel équipé du principe de la traction avant en 1930. Il fonde finalement la société New Era Motors, prend le contrôle du capital de la firme Moon, fondée en 1905, mais les ateliers de cette dernière ne pouvant suffire, Andrews passe un accord supplémentaire de production avec la marque Kissel de Hartford, dans le Wisconsin. La fabrication de la Ruxton sera donc réalisée dans ces deux usines, une solution coûteuse et irrationnelle.

Disponible à partir de l'été 1930, la gamme Ruxton semble (trop) ambitieuse; eN BAS? POUR 3.195 £, on trouve une berline cinq places, puis un roadster quatre places tarifée 3.195 $. Vient ensuite une gamme de carrosseries livrables uniquement sur commande, comme un phaéton découvrable, un cabriolet spécial, une limousine et un coupé de ville. Les conduites intérieures sont l'oeuvre des ateliers Budd, les roadsters sont finalisés par la maison Baker-Raulang, les phaétons par la marque Kissel et les autres demandes particulières grâce aux experts des sociétés Baker-Raulang, Holbrook ou Locke. La Ruxton reçoit de la part des amateurs éclairés un excellent accueil. En mai 1930, le premier vainqueur des 500 Miles d'Indianapolis en 1911, Rya Harroun, atteint à son volant 165 km/h sur le célèbre anneau. En revanche, la grande crise économique toute proche et les chiffres de production délirants, estimés à 12.000 exemplaires lors de la première année d'existence, qui dénotent une pensée très approximative du placement du produit, n'aident pas ce dernier à trouver les courageux clients potentiels décidés à prendre le risque de signer un bon de commande.

Quoi qu'il en soit, les premières Ruxton sont fabriquées au côté des Moon Windsor au sein de l'usine Moon de Saint Louis, et son directeur , J. E. Roberts, affirme que la demande est assez forte pour conserver la ligne d'assemblage active pour encore un moment. Cet optimisme est mis à mal : après le démarrage des fabrications en juin 1930, la firme Kissel est en cessation de paiements en septembre, suivie de Moon le 10 novembre, un enchaînement fatal qui entraîne dans sa chute la maison mère New Era Motors. La Ruxton est née dans un mauvais contexte, mais son échec ne remet pas en cause ses qualités originelles.

Le nombre de Ruxton construites demeure encore de nos jours assez imprécis. Il oscille entre 298 et 300 exemplaires suivant les archives au moment de la faillite de la société New Era Motors. Précisons que la voiture a été assemblée entre les mois de juin et novembre 1930.

Curieusement, Cord et Ruxton se proclamaient tous deux les premiers constructeurs américains d'une automobile à traction avant. Cord annonçait sa machine dans les pages de Motor en juillet 1929, alors que la Ruxton, par l'intermédiaire de la New Era Motors, faisait parler d'elle dès le mois d'avril de la même année. Il s'agit dans ce dernier cas d'une flagrante publicité mensongère, car à cette époque, aucune Ruxton de production n'était encore livrable, tandis que l'assemblage de la Cord L 29 était déjà une réalité.