ROLLAND PILAIN    

Dernière mise à jour : 26/05/2010

Une référence

Petit historique

Fondée à Tours en 1905 et fidèle à sa ville natale jusqu'en 1927, la marque Rolland Pilain, aux productions de qualité, sinon d'avant-garde, a créé la 10 CV moderne et s'est aussi offert le luxe de courir en Grand Prix, au point de s'y ruiner.

François Rolland et Emile Pilain

    

La firme Rolland Pilain est née en 1905, le 4 novembre, et est enregistrée sous la dénomination "Etablissements Rolland Pilain", enregistrée chez Maîtres Lainé et Vassor à Tours. Ses fondateurs sont François Rolland et Emile Pilain. Emile Pilain est un jeune mécanicien-garagiste, technicien de 25 ans, originaire de Lyon, ayant déjà une expérience de construction automobile. Il a déjà travaillé chez Vermorel, à Villefranche sur Saone. Son frère Léon contribuera à la naissance de l'entreprise en apportant son expérience acquise chez Delahaye à Paris. François Rolland, lui, est un riche négociant en vins tourangeau, riche propriétaire, qui fut consul d'Espagne, puis des Pays-Bas. Passionné d'automobiles, et satisfait des services de son garagiste, avec lequel il partage la passion de la mécanique et de l'automobile, il apporte les fonds pour la création de la nouvelle entreprise qui s'installe au 95 rue Victor Hugo, à Tours.

   

Débuts

Depuis 1903, le secteur industriel de l'automobile connaît un boom grâce à la création de modèles plus fiables et plus abordables. Il est donc tout naturel que des gens compétents et entreprenants créent des affaires de négoce ou, pour les plus audacieux, de construction. Rolland et Pilain unissent donc leurs compétences dans une société en nom collectif.

  

Dès 1906, Emile Pilain, directeur technique de la nouvelle société, commence à concevoir et dessiner les premiers modèles de la marque, une 20 HP Type A à moteur 4 cylindres de 4.250 cm3 (105 x 130 mm), boîte 4 vitesses, transmission par chaînes, carburateur automatique et châssis en tôle emboutie avec un avant rétréci pour faciliter le braquage. Une particularité empruntée aux autos Vermorel. La seconde est une 40 HP Type B, qui développe 35 ou 45 chevaux avec son moteur bi-bloc de 6.872 cm3 (125 x 140 mm) et la transmission peut se faire indifféremment par chaînes ou cardans. Ces deux types sont tout sauf de petites voitures. La 40 HP, une ambitieuse machine dont le châssis seul pèse 1.350 kg, est même engagée en course en 1907 au meeting de Provence, où elle gagne sa catégorie à 106 km/h de moyenne. Cette même année, Rolland Pilain crée une 12/16 HP plus modeste, avec moteur 4 cylindres monobloc de 2.211 cm3 (80 x 100 mm) et transmission par cardans et boîte à 3 rapports. Ces trois modèles sont exposés sur le stand de la marque au très intéressant Salon de l'Auto de 1907. Au cours de l'année suivante, la jeune firme vend localement quelques gros modèles, produits pratiquement sur commande, et commence à diffuser la 12/16 HP au delà de la région d'origine. Au Salon de l'Auto, elle ajoute un quatrième modèle de 8/10 HP, le Type D, dont le marché potentiel est encore supérieur. Toutes ces voitures sont techniquement avancées, avec des moteurs monobloc (sauf la grosse 35/45 HP qui est bibloc), des soupapes commandées monolatérales, une boîte à 4 rapport (sauf la 12/16, pour en réduire le coût), une transmission à chaîne sur la type A (la plus ancienne) et à cardans sur les autres types.

Compétition

A l'époque, aucune entreprise ne peut se développer sans participer à des compétitions. La qualité de construction des Rolland Pilain est vite reconnue et la marque engage même trois voitures - qui terminent toutes - au Grand Prix des Voiturettes 1908 couru à Dieppe le 6 juillet. Les Rolland Pilain terminent 16e, 23e et 25e sur 48 engagés. Ce petit exploit encourage les fondateurs et permet à la marque de mettre au catalogue un type course qui en fait une bonne voiture de sport avant la lettre. Le 6 septembre 1909, une Rolland Pilain décrochera la seconde place dans sa catégorie lors de la course de côte du Mont Ventoux, confirmant le choix de Rolland et Pilain. Rolland Pilain annonce également sa participation au Grand Prix de l'ACF de 1909, mais les grandes marques françaises renoncent à s'engager et l'ACF annule son épreuve annuelle.

     

Au départ de la Coupe des Voiturettes et le traîneau automobile de René Legrain
Le virus de la compétition a frappé et s'empare d'Emile Pilain qui engage ses autos dans diverses épreuves sportives ou assimilées. Ainsi, René Legrain Eiffel remporte en février 1910 le concours de traîneaux automobiles de Gerardmer, patronné par le Touring Club et l'ACF. Une course qui se déroule sur neige, la voiture étant équipée d'énormes chaînes sur les roues AR motrices.

Rayonnement

Progressivement, la renommée de la marque tourangelle s'étend. Jusqu'au salon de Paris de décembre 1910. Là, parmi les modèles exposés sur le stand Rolland Pilain, on retrouve un Type C12 (une évolution du Type C de 1908), un Type C14, plusieurs Types F. En 1910, l'évolution du marché montre que els gros modèles se vendent peu marqué une baisse des prix, et la plus grosse part du chiffre d'affaires est assurée par la CS 12/16 HP, vendue 7.500 francs en châssis avec pneus. C'est cette voiture moyenne qui est déclinée en deux modèles : la 12/16 HP, qui conserve un grand châssis et la 14 HP, de cylindrée un peu supérieure par augmentation de l'alésage, et qui reçoit un châssis plus petit afin d'obtenir un modèle plus performant. A ces modèles de base s'ajoutent les 20 HP, les 24 HP, 30 HP, 40 HP et même une formidable 60 HP. Ces gros modèles disposent de 4 cylindres absolument monstrueux, la 60 HP a plus de 14 litres de cylindrée, avec une course de 270 mm digne d'une machine à vapeur.

Type CR 14 HP

Procès

Au cours de ce même Salon, une 18 HP 6 cylindres, animé par un moteur sans soupapes dont Emile Pilain a déposé le brevet en cours d'année, va créer l'évènement mais également la polémique. A cette époque, Rolland Pilain dépose deux importantes demandes de brevet : l'une pour un moteur sans soupapes, l'autre pour une commande de freins hydrauliques. Celui concernant le moteur sans soupapes va créer quelques soucis à la marque. En plein Salon, la voiture sans soupapes est saisie, à la demande des détenteurs du brevet Knight, pour contrefaçon. La société américaine Knight accuse Rolland Pilain de plagiat, et cette attitude déplaît fortement au public. La presse s'empare alors de l'affaire et prend fait et cause pour la marque française, qui bénéficie dans un premier temps d'un coup de pub inattendu.
Malheureusement, cette affaire coûtera cher à Rolland Pilain. Si le brevet des freins hydrauliques est accordé en août 1911, il faut attendre encore pour celui du moteur. Le verdict tombera en 1912. Si la firme est blanchie et rétablie dans ses droits, il sera trop tard pour diffuser le moteur sans soupapes. Malgré le mouvement de sympathie né de cette affaire, la société commença à éprouver des difficultés financières en 1911. La production reste symbolique et les énormes investissements consentis ont lourdement endetté l'entreprise qui doit chercher de nouveaux capitaux. En mars, les deux fondateurs font alors appel à 142 souscripteurs, dont beaucoup sont des notables de Touraine : le Comte de Courcelle, les Auray, Bernin, Duthoo, Les docteurs Doutrebende, Barnsby, Gaudeau, Guillaume, etc. Le 21 mars 1911, Rolland-Pilain devient donc une société anonyme (La Société des Etablissements Rolland-Pilain) au capital de 1.150.000 francs. Elle déménage au 44 place Rabelais et rue Giraudeau, toujours à Tours. La firme dispose désormais d'un important atelier avec de l'outillage moderne. Dans le même temps, un magasin de vente avec hall d'exposition est ouvert à Paris, au 71 avenue des Ternes. L'apport d'argent frais, via la vente d'actions, permet ainsi à l'entreprise de poursuivre sa marche en avant. La même année, trois Rolland Pilain sont engagées au Grand Prix de France, couru au Mans. Avant de casser leur essieu avant (pièce sous-traité), les Rolland Pilain se sont révélées rapides, avec leur 4 cylindres de 6 litres à un arbre à cames en tête donnant 110 ch.

RP
Les modèles déjà distribués sont améliorés et deux nouvelles voitures sont présentées en 1912, le Type CS, 12 HP 3 vitesses, et une imposante 40 HP, le Type K. 1913 est une année importante pour la firme qui présente son fameux modèle RP, nouveau cheval de bataille de la marque, et ce jusqu'en 1927. Ce modèle, une sorte de Ford T Française, est disponible en deux versions, la 9 HP à moteur 4 cylindres de 1.593 cm3 (65 x 120 mm) et la 10 HP à moteur 4 cylindres de 1.847 cm3 (70 x 120 mm). En dehors de l'alésage, ces deux voitures sont identiques et embarquent un moteur monobloc, un allumage par magnéto blindée, un carburateur automatique, un graissage sous pression et un changement de vitesses formant bloc avec le moteur. Les deux autos bénéficient également d'une boîte à 4 rapports, d'une transmission aux roues arrière par cardan enfermé dans un carter à bain d'huile et les freins sont sur le différentiel et sur les roues arrière. Le succès de la RP est immédiat, mais uniquement pour le modèle 10 HP, sa petite sœur disparaissant du catalogue dès 1914.

 

Type RP Torpédo sport avec spider et coupé de ville (ou coupé docteur)

Type RP Torpédo polyvalente
En 1912, Rolland Pilain participe au Grand Prix de l'ACF, enfin réorganisé, qui se dispute à Dieppe les 24 et 25 juin, avec des modèles évolués des types de 1911. Confrontée à des firmes comme Peugeot, Sunbeam ou Fiat, la modeste entreprise tourangelle tient son rang. Si l'un des deux pilotes, Guyot, abandonne au premier tour à cause d'une bielle coulée, Anford se classe septième à l'issue de la première journée. Le lendemain, à la suite de difficultés au démarrage, Emile Pilain s'emporte, prend le volant, embarque Guyot comme mécanicien et termine finalement huitième de l'épreuve. Un semi-succès qui contraint cependant la firme à arrêter la compétition, l'investissement financier étant trop lourd à supporter.

Type RP 1913
En 1914, la Grande Guerre ne stoppe pas l'élan de l'entreprise. Bien que ses ouviriers soient appelés à rejoindre le front, l'usine continue de tourner à fond, grâce aux femmes. La firme produit donc des véhicules, des obus et des pièces pour assembler des moteurs d'avion de la firme Gnome et Rhône. Cette dernière, qui a besoin d'augmenter son potentiel de production, va prendre le contrôle de Rolland Pilain afin de disposer de l'usine de Tours. En 1919, à l'inverse, Gnome et Rhône produira des voitures pour Rolland Pilain.
A l'armistice, la firme peut redémarrer en douceur et seuls les Types CR et RP d'avant-guerre sont remis en production. En 1920, Sadi Lecointe, aviateur passionné d'automobiles, se distingue au volant d'une Rolland-Pilain, s'imposant à l'épreuve de démarrage des "Journées Léon Bollée" qui ont lieu les 30 et 31 octobre. Le pilote récidive le mois suivant, lors d'un mémorable duel cheval-auto dans les allées du Bois de Boulogne. Pour la première fois, une voiture bat un cheval lancé au galop sur un kilomètre.

Déclin

Au début des années vingt, les finances de l'entreprise sont toujours au plus bas, et le motoriste Gnome-et-Rhône, l'un des principaux actionnaires, se retire. De plus, Renault, Citroën et Peugeot prennent de l'envergure et l'automobile se démocratise, l'avenir étant aux petits modèles produits en grande série. Si le Type RP correspond parfaitement à ce crénau, la production reste faible et le montage se fait encore à la main.

Succession

Lucien Rolland, fils de François, succède à son père. Il ne peut alors que constater l'ampleur du défi qui s'annonce pour relever l'entreprise. Il lui faut trouver de l'argent pour moderniser l'usine, augmenter les cadences, et surtout gagner de l'argent pour pouvoir continuer. En 1921, tous les espoirs se fondent sur la nouvelle 12 HP présentée au Salon de Paris. Cette dernière, le Type R à moteur 2.297 cm3. Ce dernier vient compléter la gamme qui conprend toujours le type RP et la "nouvelle" 18 HP CRK, une évolution du type CR. Pour prouver à sa clientèle que ces autos sont robustes, Rolland Pilain organise deux raids, sur la nationale 10. Une 18 HP, avec quatre personnes à bord, va alors effectuer un Paris-Bordeaux-Paris, soit 1.100 km, et une 10 HP, qui part de Paris, va rejoindre Biarritz. Ces raids doivent se passer sans incident, ce qui fut le cas. Au cours de la même année, la firme fait cependant une nouvelle fois la une des journaux, et encore une fois pour une histoire de brevet. Mais cette fois, c'est Emile Pilain qui attaque un concurrent. Emile avait protégé, depuis 1910, un certain nombre de brevets pour protéger un système de freinage hydraulique. La nouvelle Duesenberg, victorieuse au Grand Prix de l'ACF, était justement équipéé de freins hydrauliques dont le principe est manifestement très inspiré de celui développé par Rolland-Pilain. Pour la marque française, l'affaire est d'autant plus importante qu'Emile Pilain a axé toute sa campagne de promotion sur l'adoption de ce nouveau système de freinage. Pour l'entreprise, cette nouvelle bataille juridique est une nouvelle perte d'énergie.

GP ACF

L'ambiance au sein de l'entreprise est morose et pour tenter de changer cette atmosphère pesante, Rolland Pilain décide de se relancer dans la compétition, histoire de s'offrir une publicité plus valorisante. De fait, trois Rolland Pilain sont engagées au Grand Prix de l'ACF à Strasbourg, l'épreuve se déroulant le 15 juillet 1922. Parmi ces trois voitures se trouve la 2 litres 8 cylindres en ligne conçue par l'ingénieur Grillot et dotée d'une commande desmodromique des soupapes, de freins hydrauliques sur les quatre roues (ou sur les roues avant, mécaniques à l'arrière sur certaines) et utilisant largement des alliages légers.

Louis Wagner, dans la A22 engagée dans le GP de l'ACF 1922

Albert Guyot dans la n° 3 et Victor Hemery dans la n° 13, au Grand Prix de Tours en 1923
La A22 de Grand Prix ne sera construite qu'à six exemplaires. Elle participera à deux saisons, 1922 et 1923. Son moteur est un superbe 8 cylindres en ligne de deux litres, double arbre, conçu par l'ingénieur Henri Grillot. De nos jours, il reste un exemplaire de cette automobile Rolland Pilain, visible au célèbre musée de Rochetaillée.

     

La A22 de Grand Prix
Malheureusement, l'aventure du Grand Prix de l'ACF se termine rapidement, les trois voitures abandonnant sur incidents mécaniques, les soupapes et vilebrequins n'ayant pas tenu la distance. malgré tous ces déboires accumulés, Rolland Pilain ouvre une hall d'exposition sur les Champs-Elysées en 1923. Pour la marque, s'ensuit une période faste avec de nombreux prix dans divers concours d'élégance avec la 18 HP. Une 10 HP remportera également le Jeu de l'oie, un périple à travers la France organisé par le Petit Parisien. Ces différents succès pousse la marque à engager quatre voitures pour la première édition des 24 Heures du Mans, en 1923. L'épreuve se déroule les 26 et 27 juillet. Les Rolland Pilain engagées sont proches des voitures de série. Elles ne peuvent donc rivaliser avec les concurrents en piste. Cependant, grâce à l'endurance des voitures, la marque parvient à terminer la course, figurant au palmarès aux 17e, 21e et 23e ex-aequo.
La suite des Grand Prix est une série de bonnes et mauvaises surprises. Si la voiture signe un doublé victorieux au Grand Prix de San-Sébastien, le 27 juillet, c'est sans doute grâce à une concurrence absente, seules 5 voitures étant au départ de l'épreuve. Le 9 septembre marque la fin de l'épopée des Rolland-Pilain en compétition, avec une honorable septième place à Monza, pour le Grand Prix d'Europe. La A22 continuera de se produire aux mains de particuliers, établissant quelques jolis records comme celui des 24 heures parcourues à la moyenne de 104 km/h sur le circuit de Montlhéry, en 1924. Une version plus simplifiée, le Type A22 Grand Sport sera présenté en 1926.
C 23

Au Salon de Paris 1923, l'entreprise présente la C 23, une automobile qui sera la plus belles des 2 litres françaises des années 20, une référence à l'époque, et carrossée par les plus grands faiseurs du moment. A cette époque, Rolland Pilain produit sa 10 CV, une voiture qui plaît toujours mais qui rencontre une concurrence redoutable. Gnome-et-Rhône s'étant désengagé, Rolland Pilain contracte un gros emprunt et lance de nouvelles études, qui débouchent sur la 2 Litres Grand Prix à 8 cylindres et la 2 Litres C 23, présentée au Salon. Cette dernière, à la pointe du progrès, franchement sportive, conçue et construite avec une rigueur exceptionnelle, est un classique du genre. La pièce maîtresse de ce type, le plus célèbre de la marque, est un 4 cylindres à arbre à cames en tête et vilebrequin à trois paliers. LA cylindrée dépasse les 2 litres avec 2.008 cm3. Afin de lui permettre de courir dans la limite de catégorie, l'alésage sera légèrement diminué pour obtenir une cylindrée de 1.992 cm3. Sur le châssis à longerons, très classique mais assez rigide pour l'époque, le tablier est une superbe pièce en aluminium coulé de forme complexe, car il comprend les logements de la batterie, de l'exhausteur d'essence, les ampoules électriques et les bougies de réserve, les éclairages de capot et les canalisations électriques. La voiture est dotée d'une boîte à 4 rapports, d'un pont arrière à tube de poussée et de freins mécaniques sur les quatre roues. Les 50 ch du moteur l'emmènent à 120 km/h, vitesse respectable à l'époque. De quoi consolider la réputation de la marque de luxe sportive dont juoit Rolland Pilain. Une clientèle de connaisseurs fréquente le magasin parisien de l'avenue Montaigne, tandis que les meilleurs carrossiers sont sollicités pour habiller ce beau châssis, soit en torpédos sport, soit en berline confortables, voire en luxueux coupés-chauffeurs. La marque tourangelle est alors à son apogée, mais sa situation financière reste précaire, malgré le succès commercial persistant de la 10 HP Type RP. Sous-capitalisée, l'entreprise manque de moyens et d'équipements modernes et la production reste limitée en volume.

     

Châssis et moteur de la C 23

Déclin

Malgré un succès d'estime, la marque est toujours difficulté, les finances au plus bas. Elle est obligée d'abandonner l'étude des freins hydrauliques, étude jugée trop coûteuse. En fait, dès 1911, Rolland Pilain avait annoncé sur son catalogue que ses voitures étaient munies d'un système de frainage hydraulique agissant sur les quatre roues. Pourtant, le système n'est pas encore au point. Quatre autres brevets furent déposés en 1921 et les premières voitures équipées de ce système ne sortiront qu'au Salon de 1921. En raison de problèmes posés par le fluide hydraulique et les joints en cuir, ses freins ne seront montés en option qu'à l'avant sur les modèles 1923. Comme il est dit plus haut, ce principe sera discrètement abandonnés courant 1924.
Les conseils d'administration vont se succéder pour tenter de trouver des solutions miracles face à la crise qui couve. Rolland Pilain se lance alors dans la course aux records, lors de grands raids à travers le monde. Une petite RP 10 CV va partir de Konakry, en novembre 1924, pour rallier Djibouti en avril 1925, un raid de 9.000 km de pistes défoncées. Duverne et Tranin, les pilotes de la RP, enregistrent, en tout et pour tout, que quelques incidents mineurs : rupture d'essieu arrière, courroie de ventilateur distendue, moteur noyé en traversant les rivières, fuite au carburateur, embrayage ensablé et crevaisons. Le premier incident ne se produisant que le 20 janvier 1925. Deux Suisses, Borzle et Vallonton-Warnery, tenteront de suivre les français, à leurs frais, eux aussi à bord d'une RP achetée peu avant le raid. Ils seront malheureusement contraints à l'abandon, au Tchad, faute de pouvoir trouver de l'essence pour se ravitailler.

     

Le peu de publicité faite au sujet du raid ne permet pas à la marque de bénéficier des retombées du son succès, et ne peut envisager de relancer un nouveau modèle. Les comptes de la firme plongent désespérément dans le rouge. Le 21 décembre 1925, Lucien Rolland et Emile Pilain sont mis en minorité et se trouvent contraints de revendre leurs actions. Un nouveau groupe de dirigeants prend alors le contrôle de la société. Jean Ribes, industriel bordelais, Kelsh, carrossier parisien et Gustave Duverne, héros de la traversée africaine et propriétaire d'un garage à Tours, deviennent les maîtres de l'entreprise. Les usines quittent Tours pour Courbevoie, et le magasin des Champs-Elysées est revendu. Tous les anciens modèles de la marque sont supprimés du catalogue, y compris le Type CRF de 18 CV, présentée lors du dernier salon. Il faut attendre le Salon de 1927 pour découvrir les nouveaux modèles de la marque, les Types D26 et F28. La D26 remplace la RP, la F28 est la première 6 cylindres réellement commercialisée par la firme. Malgré cette politique du renouveau, la firme est moribonde. Les dirigeants doivent se rendre à l'évidence et le dépôt de bilan est inévitable.

Raid amer

A bord d'une F28, carrossée en conduite intérieure 4 places, Gustave Duverne tente un nouvel exploit. Il va tenter de rallier Paris à Hanoï en passant par l'Afrique du Nord. Au départ du raid, l'entreprise n'a pas les moyens de financer l'expédition, mais Duverne parvient à obtenir des subsides du ministère des Colonies et du ministère des Affaires étrangères. Seule condition, établir, tout au long du parcours, des plans permettant de réaliser plus tard une véritable liaison terrestre permanente. Parti de la place de la Concorde le 28 septembre 1927, accompagné par Jean Lannes, Duverne arrive à Saïgon le 10 avril 1928, après un passage à Hanoï. Cette croisière est un exploit, réalisé cinq ans avant la célèbre Croisière Jaune de Citroën, et sans les moyens engagés par la firme de Javel. Lorsque les deux hommes rentrent à paris, et fiers d'avoir réussi l'impossible, ils s'attendent à être accueillis en héros. Ce n'est pas vraiment le cas. Lorsqu'ils arrivent, c'est pour apprendre que l'entreprise a déposé le bilan. Duverne est alors furieux et bien décidé à se battre pour relancer l'entreprise. Aidé par les anciens propriétaires, Lucien Rolland et Emile Pilain, il va tenter de sauver ce qui peut encore l'être. Un concordat est accordé le 2 juillet 1929, au terme duquel Rolland-Pilain s'installe dans un tout petit atelier à Levallois-Perret. les trois hommes relancent la construction de la F28, mais toujours à la main.

Derniers records

Dès la fin de 1924, l'anneau de vitesse de Montlhéry est utilisable et plusieurs tentatives de record y sont effectuées, dont une par une Rolland Pilain, le 30septembre 1924. Avec 104 km/h de moyenne, le record du monde n'est pas battu. La firme récidive en octobre 1925 avec une conduite intérieure profilée à caisse entoilée construite par Kelsch, spécialiste des carrosseries légères. La C 23, dotée d'une nouvelle culasse, bat les records du monde des 4.000 et 5.000 km, à plus de 102 km/h, et les records internationaux (en 2 litres) des 50 et 100 km et des 50 et 100 miles, à 126 et 128 km/h.

Fin

En 1930, la société, pour faire face à ses dettes, cède l'exclusivité et la fabrication des automobiles Rolland-Pilain, se contentant de vendre son stock de pièces détachées. Duverne, toujours convaincu de pouvoir sauver la marque, a tout risqué pour la voir disparaître. Le 15 octobre 1930, il parvient à fonder la Société Anonyme d'Approvisionnement des Etablissements Rolland-Pilain, avec l'aide d'anciens actionnaires. Cette entreprise avortera l'année suivante. A sa place naît la Société de Construction et de Vente des Automobiles Rolland-Pilain, officiellement enregistrée le 6 janvier 1932. Charles de Ricou, dirigeant de BNC, Lombard et AER, prend la tête de Rolland Pilain. C'est à Rueil-Malmaison que va donc se poursuivre la construction des nouvelles Rolland-Pilain, des 6 cylindres 3,6 litres 17 CV et des 8 cylindres 4 litres 23 CV. Ces voitures, luxueuses, adoptent le moteur américain Lycoming. Ces deux modèles sont des évolutions des Type F28 et D32 et utilisent l'ancien châssis du Type C23. Cette nouvelle entreprise tombe une nouvelle fois à l'eau et le 19 avril 1932, le jugement de faillite tombe. Lorsque le verdict tombe, Emile Pilain a déjà, depuis longtemps, jeté l'éponge. Il déposera encore quelques brevets, dont celui d'un petit appareil qui permet aux automobilistes de calculer leur consommation d'huile et d'essence. Il abandonnera ensuite le monde de l'auto pour se consacrer aux bicyclettes, aux fers à repasser ou aux pistolets à peinture. Il s'éteindra à 78 ans, le 18 décembre 1958. Lucien Rolland deviendra, de son côté, agent Citroën et décèdera le 9 octobre 1957.

La C23 de 1926