ROCHET-SCHNEIDER    

Dernière mise à jour : 12/05/2010

Le chic lyonnais...

Petit historique

Fondée en 1889 à la suite d'une modeste entreprise de cycles, la firme Rochet-Schneider associe le talent de deux jeunes ingénieurs, Edouard Rochet et Théophile Schneider. Au début, le but de l'entreprise consiste à produire des cycles et des machines-outils, mais à cette époque de folie automobile, tout mécanicien dans le vent ne peut céder aux charmes de la locomotion nouvelle.
L'histoire de Rochet-Schneider débute donc à la fin du 19e siècle, à une époque ou le vélocipède s'installe lentement mais sûrement dans les rues des grandes villes, aux côté des calèches et autres voitures hippomobiles. Jean-François Rochet, lyonnais, issu d'une longue lignée de tailleurs de pierres, voit dans cet étrange véhicule le moyen de transport de l'avenir. Il décide alors de réunir ses économies pour ouvrir un petit commerce de cycles, au coeur de Lyon. Il créa, également, un grand Bi et développa les premières roues à rayons en fil de fer. Edouard, le fils de Jean-François, rejoint ce dernier une fois ses études terminées et travaille au sein de l'atelier familial. En quelques années, la petite entreprise déborde le simple cadre de Lyon et vend ses productions dans toute la région lyonnaise. En 1889, séduit par les créations des Cycles Rochet, Théodore Schneider, jeune sportif, propose au père et à son fils de s'associer en commandite, afin de démocratise la bicyclette. Jean-François Rochet refuse l'offre mais Edouard ne reste pas insensible aux arguments de Schneider. Il rejoint alors ce dernier pour fonder la Société de construction vélocipédique du Rhône. Dès lors, le père et le fils vont se faire concurrence. La nouvelle société se développe rapidement et, en 1892, devient la société en nom collectif "Edouard Rochet et Théodore Schneider".

Edouard Rochet (1881/1976)

Théodore Schneider (1881/1976)

Le succès ne suffit pas à satisfaire les ambitions de Rochet et de Schneider. Il est vrai que depuis quelques temps, des engins pétaradants à trois ou quatre roues ont fait leur apparition. S'ils ne roulent guère plus vite qu'un vélocipède, ces drôles d'engins représentent aux yeux des deux entrepreneurs le fameux futur moyen de transport qu'ils ne cessent de rêver. Du coup, Edouard Rochet, plus technicien, se lance à corps perdu dans la réalisation de ce qui sera la première voiture du futur constructeur. Il s'inspire de la Benz pour créer sa première automobile. De son côté, Théodore Schneider se met à la recherche d'un terrain, indispensable selon lui à la construction d'une usine pour produire, en grand nombre, le nouveau véhicule de la marque. Les deux associés voient grand et s'installent rue Paul Bert, à Lyon. C'est de là que sortiront les premiers véhicules de la marque. Le premier véhicule, d'ailleurs, sera une automobile à pétrole, alors que la concurrence opte en majorité pour la vapeur. Au printemps 1895, ce premier véhicule fait ses premiers tours de roues et se montre déjà bien né, s'offrant même des pointes à 30 km/h, une vitesse remarquable pour l'époque pour l'époque. Quelques mois plus tard, un deuxième prototype voit le jour. La nouvelle voiture est plus légère, abandonne les roues charrettes pour des roues plus légères, à roues à rayons fils la façon des bicyclettes, équipées de pneus Dunlop. Ma transmission à 2 rapports est à courroies. Le véhicule s'allège considérablement grâce à l'emploi de matériaux de meilleure qualité qui permettent de diminuer la taille des pièces, tandis que sa fiabilité augmente. Rochet et Schneider en commencent la commercialisation. La demande qui se renforce exige une recapitalisation de la petite société. Avant la fin de l'année, un troisième modèle fera son apparition, doté d'un système d'éclairage constitué de deux lanternes à bougies, qui roule à une vitesse de 35 km/h.

Les débuts

Convaincus par les performances et les essais grandeur nature de leurs prototypes, les deux associés peuvent donc songer à voir plus grand. Grâce à des capitaux marseillais, la Société Lyonnaise de Construction Vélocipédique et Automobiles Rochet-Schneider est fondée en 1896. Les premiers succès commerciaux ont attiré l'attention de 99 investisseurs. Ces derniers permettent à Rochet-Schneider de passer du stade artisanal au stade industriel.
Edouard et Théodore s'empressent de poursuivre le développement de leurs prototypes et deux autres voitures sont construites en 1896. Les premières productions sont de modestes monocylindres dont la qualité de construction retient l'attention des amateurs locaux. Pour promouvoir leurs automobiles, Rochet et Schneider envisagent alors de participer aux premières courses qui commencent à voir le jour et opposent les premiers fous roulant dans leurs drôles de machines. Et ils n'ont pas eu tort. Un exploit marque les débuts de la jeune marque lorsqu'un vis-à-vis Rochet-Schneider gravit le col du Galibier en 1896, exploit d'autant plus frappant que la route n'est à l'époque qu'un chemin de montagne. A l'époque, aucune voiture sans chevaux n'avait jamais réussi cette ascension. En effet, la faible puissance des moteurs, la mauvaise carburation et les mauvais remplissages limitent les performances en altitude. Rares sont les automobiles capables de grimper aussi haut à l'époque. La Rochet-Schneider, qui atteint 2.645 m au rythme lent de son monocylindre, prouve que ses constructeurs maîtrisent la "bonne carburation" et qu'ils ont bien choisi la démultiplication de la transmission. Dans la foulée, ils s'inscrivent dans la course Paris-Marseille-Paris, une épreuve de plus de 1.700 km, la première course automobile à étapes. Le départ est donné le 24 septembre à Versailles. Malgré une mauvaise météo, la Rochet-Schneider 5 HP, pilotée par Ferradje, se comporte bien et tient dragée haute aux Panhard-et-Levassor, Bollée, Peugeot et De Dion Bouton qui lui font face. Mais à l'abord de Lyon, dans l'étape Dijon-Lyon, sa course se termina prématurément après une rencontre inattendue avec une vache. Malgré cet accident, la Rochet-Schneider à démontré ses qualités et de nombreuses commandes affluent. Ces dernières sont si nombreuses que l'entreprise est condamnée à stopper la fabrication des bicyclettes pour se consacrer uniquement à la nouvelle activité. Deux voitures seront même vendues aux Etats-Unis l'année suivante.

     

Rochet-Schneider Vis-à-vis 1896 et un exemplaire exposé au Musée Malartre de la Rochetaillé

Succès rapide

Tout va s'enchaîner très vite. En 1897, la marque sort un nouveau modèle, baptisé B 42, un véhicule de 8 chevaux qui rencontre un accueil enthousiaste, convaincant par la simplicité des sa conception, sa robustesse et l'incroyable silence de son moteur. Des qualités qui feront la réputation de la marque lyonnaise. Cette année-là, les 22 et 23 août, trois Rochet-Schneider se placent 2e, 3e et 4e dans la course Lyon-Uriage-Lyon, derrière une Panhard pilotée par Étienne Giraud. L'année suivante, deux voitures sont engagées dans le Marseille-Nice. Elles terminent respectivement seconde et cinquième. Impressionnantes par leurs performances, elles doivent cependant beaucoup à leurs pilotes, Rochet et Schneider, qui n'ont pourtant pas leur permis de conduire.

Rochet-Schneider 1898

Toujours en 1898, le principal commanditaire de la firme, le banquier marseillais Demetrius Zafiropoulos, qui, avec son jeune frère, relie Lyon à Constantinople au guidon d'une Rochet-Schneider, défraye la chronique. La nouvelle 8 HP fonctionne bien et, si elle n'est pas très rapide, elle monte bien les côtes et sa conception simple réduit les risques de panne. De 1896 à 1897, la firme livra 55 voitures. Plus de 100 jusqu'en 1899.
Une nouvelle crise financière causée par une expansion trop rapide va mener à une nouvelle recapitalisation, d'autant plus nécessaire que la technique évolue vite et que le type monocylindre est dépassé. En 1899, une nouvelle usine voit le jour, plus moderne, plus spacieuse, située Chemin du Feuillet. Cette nouvelle usine inaugurée le 29 mai 1900. La marque y développera ses 2 et 4 cylindres. La première nouvelle voiture issue de cet établissement sera aussi la première voiture de la marque à moteur à l'avant, protégé par un carénage. Le premier moteur 4 cylindres sera mis au point en 1901. Cette année-là, Rochet-Schneider sortira son 400e véhicule.
5 et 6 HP

De 1895 à 1900, la société Rochet-Schneider a cultivé avec sagesse le type unique apparu en 1895 et constamment perfectionné. Le châssis était construit en tubes d'acier à raccords brasés. La suspension comportait quatre ressorts à lames semi-elliptiques (sans amortisseurs). Les roues étaient montées sur des fusées lisses à bain d'huile. La direction à essieu brisé comprenait une chaîne entre le bas de la colonne du guidon et la roue qui commandait la barre de direction. A l'évidence, les constructeurs se méfiaient des (coûteux) engrenages, car leur transmission était à deux courroies croisées donnant 2 rapports de transmission plus un original système d'inversion de marche par un galet de friction entraîné par un système épicyclique qui inversait sa rotation. Bien entendu, les courroies qui passaient chacune d'une poulie folle à une poulie fixe éliminaient l'embrayage. Le moteur monocylindre de 3,6 litres tournait entre 200 et 700 tr/mn allumé par un système électrique basse tension à rupture. Le carburateur était un système à léchage. Le refroidissement par eau comprenait un réservoir de 35 litres placé au-dessus du moteur, une pompe centrifuge entraînée par friction et un serpentin à ailettes de 14 m placé à l'avant. Une Rochet ne chauffait pas en montagne. Mais malgré ses qualités de simplicité, ou à cause d'elles, la première Rochet-Schneider était limitée en puissance et en performances. En 1900, il était grand temps de passer au moteur bicylindre, voire au "4".

   

Embellie

L'embellie se poursuit au cours des premières années du nouveau siècle, un embellie soutenue par les bons résultats des nouveaux modèles dans des compétitions de plus en plus relevées. D'ailleurs, pour la compétition, Rochet-Schneider développe une huit cylindres de 10 litres de cylindrées, avec transmission par cardan et qui comporte un équipement insolite : à droite de la colonne de direction se trouve un petit réservoir qui, dans une longue descente, laisse tomber goutte à goutte de l'eau à l'intérieur du frein à pied, l'empêchant ainsi de brûler !

Export

Rochet-Schneider exporte bientôt en Grande-Bretagne. Le marché américain n'est pas oublié et vingt voitures traversent l'Atlantique. Une licence est également accordée à la firme Alden Sampson qui fabriquera des voitures Moyéa sous licence Rochet-Schneider. D'autres licence sont également accordées à la firme suisse Martini, ainsi qu'à des sociétés anglaises, italiennes et belges. Du coup, les voitures Rochet-Schneider sont connues et reconnues dans le monde entier, ou presque !

Compétition et première crise

En 1903, la marque collectionne une nouvelle fois les succès et les places d'honneur en compétition et augmente les cadences de production. De 100 voitures en 1901, la marque passe à 215 voitures en 1903. Chaque nouveau modèle est salué par la presse qui souligne la qualité des voitures. Un journaliste écrira un jour : "les voitures de la marque sont monotones... car elles ne tombent jamais en panne !". Cette suite de succès monte à la tête d'Edouard Rochet qui, contre l'avis de Théodore Schneider, transfère le siège social de l'entreprise à Londres. Passée sous le contrôle d'un groupe financier britannique, la firme devient Rochet-Schneider Ltd. Il s'agit avant tout de réaliser une opération de capitalisation juteuse par l'émission massive d'actions, alors très en vogue. Et Londres est, à ce moment précis, l'endroit où il faut être pour valoriser son image. Entre les deux associés de la première heure, le désaccord est si profond que Schneider, même s'il conserve sa place au Conseil d'administration, est écarté du pouvoir et ne sera même plus consulté lorsque des décisions importantes devront être prises. Même si les ventes se poursuivent sur un rythme soutenu, et même si de nombreuses personnalités françaises et étrangères continuent à acheter les voitures de la marque, l'ambiance est à la révolte. Le transfert des capitaux à Londres, la nouvelle politique d'un conseil d'administration plus préoccupé à encaisser des royalties qu'à poursuivre une collaboration fructueuse avec les entreprises qui ont toujours soutenu la marque, tout ceci décourage certains constructeurs sous licence qui rendent leur tablier. Ajoutons que la mise en vente des actions ne rencontre qu'une indifférence polie. Du coup, Toutes les erreurs stratégiques (avec en plus la création de trop coûteuses 6 cylindres) conduisent à la liquidation de la société à la fin de l'année 1907, à peine deux ans après sa création. Au final, la firme n'a rien gagné. Au contraire, elle a perdu son image de marque sérieuse, qui lui permettait de tenir la dragée haute à ses concurrents. La gamme comprenait alors une 70 chevaux, fleuron de la marque, une 20 chevaux, une 30 chevaux, une 40 chevaux et une 50/55 chevaux. Les nouvelles 30 et 45 chevaux 6 cylindres étaient venues s'y greffer. Tous ces modèles obéissaient à un cahier des charges strict qui en faisait des voitures increvables. Au cours de cette période de crise, et après la liquidation de la Rochet-Schneider Ltd, l'entreprise est redevenue française. Mais l'aventure anglaise a laissé de profondes traces et, en 1908, seuls 140 châssis sont construits. Cette situation oblige la marque à faire appel au crédit bancaire. Ce crédit est accordé au vu des bénéfices réalisés grâce au contrat d'exclusivité pour l'exploitation des carburateurs Zénith. Pour la nouvelle "Société Anonyme des Etablissements Lyonnais Rochet-Schneider, revenue à Lyon, c'est un retour à la case départ. Mais désormais, plus rien ne sera comme avant.

Changement de direction et départ de Schneider

La crise que vient de vivre Rochet-Schneider a également profondément marqué les esprits et la production est au plus bas. Malgré l'apport de crédit banciares, l'entreprise fait une nouvelle fois appel à de nouveaux investisseurs, quitte à perdre encore une fois de cette indépendance si chère à Edouard Rochet. Bien sur, encore une fois, Théodore Schneider s'y oppose et se retrouve écarté, encore et toujours. C'est à cette époque qu'entre en scène Démétrius et Georges Zafiropulo. Ces deux hommes ne sont pas des inconnus. En 1898, ils avaient rallié Marseille à Constantinople au volant d'une voiture de la marque, sans le moindre incident mécanique, aucune des pièces de rechange emportées n'ayant été utilisées. L'exploit avait alors enthousiasmé les richissimes aventuriers. Ils avaient acquis 11 % du capital de la société dès cette époque. C'est vers eux qu'Edouard Rochet a décidé de se tourner pour recapitaliser sa société au bord de l'asphyxie. Les Zafiropulo acceptèrent sans hésiter. Cependant, ils exigent que Démétrius soit nommé président du conseil d'administration pour veiller sur leurs biens. Théodore tentera de s'y opposer, refusant l'association qu'il juge peu conforme aux intérêts de l'entreprise. Edouard Rochet, lui, accepte toutes les conditions. Démétrius Zafiropulo est donc nommé à la tête du conseil en 1909, alors que les ventes sont au plus ba. A peine trois châssis sortent de l'usine chaque mois et, en septembre, aucune commande n'est enregistrée. Un nouveau directeur commercial est engagé, ce qui provoque, dans un premier temps, le retrait de Théodore Schneider qui perd ses dernières responsabilités et ses dernières illusions. Il démissionne finalement en avril 1910.

Relance

Le changement de direction et le départ de Théophile Schneider marque une nouvelle ère pour l'entreprise Rochet-Schneider. La firme, après le rachat de la société des carburateurs Zénith, en pleine expansion, va se redresser. Ce rachat judicieuse, une bonne décision pour une fois, va contribuer à l'équilibre financier du groupe et permettre de relancer l'entreprise. Les gammes sont redéfinies sur des bases saines et, au Salon de Paris de 1910, la firme met l'accent sur des quatre cylindres de 12 à 18 CV à moteur monobloc, soupapes monolatérales, allumage à haute tension, boîtes de vitesses à 4 rapports et transmission à cardans. Une gamme plus modeste. Les solutions techniques retenues n'ont rien de révolutionnaires, mais elles sont parfaitement dans la norme de l'époque. Comme auparavant, les Rochet-Schneider sont réputées pour leur fiabilité et leur qualité de fabrication, qui vaut à la marque une clientèle largement étrangère à la région lyonnaise. Le redressement attendu a finalement lieu dès le début de 1910, avec un rythme mensuel de 45 châssis produits, mais la situation financière de la société es chaotique et les séances du conseil d'administration ne sont qu'une suite de désaccords, de prises de becs, de démissions et d'élections de nouveaux présidents éphémères. Edouard Rochet, à son tour, présentera sa démission. Elle sera refusée.

Départ de Schneider

Si la gamme s'étoffe, sans subir de grandes modifications, Rochet Schneider parvient à sortir, pendant cette période troublée, l'une de ses plus belles voitures jamais réalisée. Une conduite à gauche avec leviers de commande au milieu et apparition, bien sur du nouveau moteur monobloc. La Série 10200, taxée pour 12 Cv, équipée d'un moteur aux cotes classiques, est une voiture de bas de gamme. Elle est aussi une voiture de luxe, du fait de sa taille et de ses finitions. Seul son moteur la distingue des 18 et 25 CV. Trop souvent généreusement carrossée en vaste torpédo ou en limousine "très comme il faut", la 12 CV séduit une clientèle sérieuse, qui recherche avant tout le confort, la fiabilité et l'économie de consommation et d'utilisation, mais surtout pas la vitesse. Les 55 ou 60 km/h (selon la carrosserie) que la 12 CV atteint lui suffisent. alimenté par un petit carburateur qu'une forte dépression fait facilement givrer, le 4 cylindres monte lentement en régime en délivrant les 600 tr/mn pour plafonner à 1800 tours. Le relief de la région lyonnaise et des contrées limitrophes justifie le choix d'une boîte à 4 rapports pour une voiture aussi lourde, qui aurait mérité des freins plus puissants. Silencieuse, la Rochet est très confortable, avec sa suspension arrière trois-quarts elliptiques trop souple et sans amortisseurs, qui met à mal les pneumatiques. Heureusement, le pont est bien guidé par des bielles de poussée qui assistent les ressorts très étroits.
10200

La 10200 deviendra la série 11000 en 1912, avec une course portée à 130 mm et un petit gain en couple et en vitesse, puis la série 15000 en 1913, type qui survécut à la guerre et, légèrement modernisé, fut l'objet d'un acharnement thérapeutique jusqu'en 1929. Son moteur équipa alors des véhicules utilitaires et commerciaux. Les constructeurs qui disposaient d'un bon modèle en 1914 crurent pouvoir se contenter d'une légère modernisation en 1919 pour repartir, sans se rendre compte que la clientèle avait changé. Rochet-Schneider commit la même erreur, mais depuis la guerre, la marque avait un atout : les véhicules commerciaux et les poids lourds.

Chant du Cygne

                  

Mais revenons en 1912. L'activité automobile va lentement mais sûrement laisser sa place aux camions et on ne verra plus Rochet-Schneider dans les compétitions. Jusqu'en 1914, la qualité des fabrications est en baisse et la marque devra installer un double contrôle pour vérifier la qualité des pièces fabriquées et contrôler le niveau de finition. En 1914, aucun nouveau modèle ne sera réalisé, mais les voitures de la gamme adoptent timidement les premiers capots en coupe-vent. Lorsque la guerre éclate, la firme n'a plus l'entrain d'autrefois. Les ventes automobiles sont stoppées, bien que quelques châssis soient encore construits. Grâce à sa situation géographique, et à ses équipements, la marque lyonnaise va produire des camions pour l'armée (1.363 pendant la durée du conflit). Elle hébergera également des ateliers Renault, la marque parisienne s'étant retirée d'un Paris menacé. Renault, parachuté par l'administration militaire va monopoliser les chaînes de montage pour produire des moteurs d'avion. Seuls réconforts pour Rochet-Schneider, la commande, par l'armée, de 120 voitures de 18 ch dont une vingtaine participera à la conquête du Sahara.
La Première Guerre achevée, l'usine Rochet-Schneider est désorganisée et le matériel fatigué par le rythme soutenu imposé pour la fabrication du matériel militaire. La production de voitures redémarre doucement avec trois modèles, une 12, une 18 et une 30 chevaux, en six cylindres. Cette gamme n'est que l'évolution de celle d'avant-guerre même si apparaissent un démarreur et l'éclairage électrique. Malgré tout, le marasme des années précédente fait place à un certain optimisme puisque les commandes dépassent les quantités fabriquées. Mais l'euphorie est de courte durée, car un an plus tard, des difficultés de vente surviennent à nouveau. Les modèles Rochet-Schneider sont chers, trop chers. A cause de cette qualité Rochet-Schneider devenue proverbiale, l'entreprise ne s'adressant qu'aux meilleurs fournisseurs, assemblant ses véhicules avec un soin et une minutie extrême. Ce qui se répercute par une flambée des tarifs.

The end

A la fin de l'année 1921, trois nouveaux châssis sont proposés, ainsi qu'un nouveau moteur de 18 chevaux destiné à un camion de 3 tonnes mis à l'étude. En 1922, une nouvelle voiture de 18 ch fait son apparition, suivie, l'année suivante, d'une 20 ch avec un moteur comportant pour la première fois des soupapes en tête. Les qualités de la voiture sont exceptionnelles, mais une fois encore, le prix de vente est excessivement élevé et la publicité faite autour de ce nouveau fleuron de la marque, passablement bâclée ! Les exportations et les ventes en métropole retrouvent néanmoins un niveau convenable, jusqu'au brutal arrêt des commandes vers la fin de 1927, en raison de l'importante crise économique qui secoue la France. Cela n'empêche pas la marque d'élargir sa gamme avec une nouvelle 20 ch qui avait été précédée, en 1924, d'une 14 ch. Une attitude suicidaire qui conduit finalement à une première implosion, en 1929, avec le recentrage de l'activité sur un seul modèle 26 ch, voiture de luxe destinée à un public fortuné qui a, alors, d'autres chats à fouetter avec le crack boursier. En 1930, deux modèles figurent au catalogue, la 26 ch et la 20 ch. Et, finalement, en 1931, c'est l'arrêt total de la fabrication de voitures de tourisme. Victime à la fois de son prix (6 à 8 fois plus cher qu'une voiture moyenne) et d'une politique incohérente, Edouard Rochet, seul face à un conseil d'administration d'où son ami de toujours Théodore Schneider avait depuis longtemps disparu, n'a plus, dès lors, l'envie de se battre. Il quittera ses fonctions en 1936, alors que l'entreprise qu'il avait fondée quarante ans plus tôt s'était reconvertie dans la fabrication d'autobus et de poids lourds. Avec, pour seul satisfaction, la certitude d'avoir construit des voitures exceptionnelles qui n'auront eu qu'un seul défaut : celui de ne pas avoir trouvé leur public, tant leur prix était élevé. Rochet-Schneider disparaîtra définitivement en 1960, après son rachat par le voisin Berliet, en décembre 1959.