PICCARD-PICTET    

Dernière mise à jour : 12/05/2010

Pic-Pic

Petit historique

Autos réputées produites par la firme de Genève Piccard-Pictet & Company, dirigée par deux ingénieurs spécialistes des turbines hydrauliques, les Pic-Pic furent proposées sous cette marque de 1910 à 1924. Cependant, l'histoire de l'entreprise remonte aux années 1880. Comme Hotchkiss en France, la firme de mécanique Piccard-Pictet, de réputation internationale, met d'abord son savoir-faire au service d'autres constructeurs automobiles avant de se lancer, contrainte et forcée, sous sa propre marque en 1910.

Pic-Pic R2 1920

Les débuts

A la fin du XIXe siècle, la société Piccard, Pictet et Cie a pour spécialité la construction de turbines hydrauliques pour la production d'électricité. Elle conçoit, fabrique et installe des centrales hydro-électrique jusqu'en Amérique. Elle possède le meilleur savoir-faire et la maîtrise des technologies de pointe dans les domaines de la métallurgie, de la fonderie, des procédés de soudage et des usinages de précision.

Paul Piccard (1844/1929)

Paul Piccard est né le 9 mai 1844 à Lausanne. Après avoir suivi des études de construction mécanique à l'EPF de Zurich entre 1862 et 1866, et décroché un diplôme d'ingénieur mécanicien, Paul travaille à Berne et à Paris. Puis il enseigne la mécanique à l'école d'ingénieurs de Lausanne entre 1869 et 1881. Il travaille également dans une entreprise suisse qui équipe les premières usines hydroélectriques créées dans différents pays du monde. Devenu directeur, puis associé dans l'affaire, il est titulaire d'importants brevets dans le domaine des turbines. On luit doit entre autre un procédé d'évaporation de l'eau salée, développé et commercialisé par Faesch & Piccard & Cie. Dès 1884, il s'attaqua à la fabrication de turbines (grandes et petites) et il inventa le premier servomoteur à nombre de tours constant pour régulateurs hydrauliques et mécaniques. En 1891, l'entreprise décroche dans un concours le contrat d'équipement de la centrale hydraulique de Niagara Falls (New-York), succès qui lui valut des commandes dans le monde entier. En 1895, il prend comme associé un ingénieur de l'entreprise, Lucien Pictet, et l'entreprise devient Piccard-Pictet. Aux turbines, la firme avait auparavant ajouter les fabrications mécaniques de précision et dès 1906, aborde l'automobile. Lorsque cette société fermera ces portes, en 1921/1922, Paul s'engagera dans la mise sur pied des Ateliers des Charmilles, qui deviendra plus tard, en ..., les ... Docteur "honoris causa" de l'université de Lausanne (1903) et de l'EPF de Zurich (1912), Paul s'éteindra le 17 octobre 1929 à Lausanne.

Lucien Pictet (1864/1928)

Lucien Pictet est né le 23 avril 1864 à Genève. Comme Paul Piccard, Lucien a suivi des études d'ingénieur à l'EPF de Zurich. Après un stage chez Escher, Wyss & Cie, il se spécialise dans l'énergie hydraulique en travaillant aux Ateliers de Constructions Mécaniques de Vevey (ACMV). En 1893, il entre chez Faesch, Piccard & Cie, comme ingénieur. A la mort de Jules Faesch, il s'associe à Paul Piccard et fonde Piccard-Pictet & Cie. En 1906, il participe donc à la mise en place de la branche automobile, en produisant des automobiles SAG, puis Pic-Pic. Après la faillite de l'affaire, en 1921, il fonde en France une fabrique d'instruments d'optique. Président du conseil d'administration de Piccard, Pictet & Cie (1909-1911, 1917-1921), député démocrate au Grand Conseil genevois (1901-1904), conseiller municipal (législatif) du Petit-Saconnex (1900-1914), il s'éteint le 3 décembre 1928 à Paris.

Piccard-Pictet

Sollicitée par les pionniers de l'automobile dès la fin du 19e siècle pour la fabrication de pièces spéciales de haute qualité, la société Piccard-Pictet fut fondée en 1895. D'abord société en nom collectif Piccard et Pictet, puis Piccard-Pictet & Cie en 1898, elle devient société anonyme des Ateliers Piccard-Pictet & Cie en 1906, année ou la firme aborde l'automobile pour le compte d'un groupe d'investisseurs suisses. Ce groupe a fondé la SAG (Société d'Automobiles de Genève) en 1904. Conscients du faible développement automobile de leur pays, ils ont décidé de fonder à Zürich cette entreprise pour combler ce vide. Ils ont acheté un projet tout fait sous la forme d'une licence de production de types d'autos et de moteurs conçus par un ingénieur suisse expatrié en Espagne, Mark Birkigt, cofondateur d'Hispano-Suiza à Barcelone. Au départ, la SAG n'assure en fait que la commercialisation des voitures. Sans moyens propres de production, la SAG doit sous-traiter ses fabrications à une firme compétente et bien équipée. Elle choisit Piccard, Pictet et Cie, qui a déjà travaillé pour d'autres constructeurs automobiles. Bientôt, la société Piccard et Pictet entre au capital de la SAG et crée un département automobile.
En 1904, Piccard-Pictet a construit une voiture de course pour la Coupe Gordon Bennett, un véhicule étudié par les frères Charles et Frédéric Dufaux. Cette 8 cylindres en ligne d'une cylindrée de 13 litres est engagé sous le nom de Dufaux-Pictet.

PIC-PIC

La gamme est présentée fin 1906 et les premières voitures SAG sortent à la fin de cette même année. Cette gamme 1906 est composée de trois modèles : une 12/16 HP, une 20/24 HP et une 40/50 HP, toutes des 4 cylindres. Les véhicules sont livrés en châssis nus, le client ayant le choix de la carrosserie et du carrossier. Cette production reste cependant très marginale dans le cadre des activités de Piccard et Pictet, car le volume s'élève à 165 châssis en trois ans, de 1907 à 1909, alors que le marché européen connaît une crise de mévente. En 1907, la SAG expose une 6 cylindres au Salon de Paris. Il s'agit d'une automobile luxueuse et chère, à la production limitée. La non-rentabilité de l'activité automobile pour la SAG, devenue fortement débitrice de Piccard et Pictet, mènera à sa dissolution au début de 1910 et à sa reprise par la société créancière, qui ira désormais produire et vendre des autos de nouvelle génération sous sa propre marque, Pic-Pic.

En 1910, Piccard-Pictet construit trois types à 4 cylindres, une 14/16 HP, une 18/24 HP et une 20/24 HP, cette dernière à moteur bibloc. Mais la marque adopte le système Burt McCollum à unique fourreau louvoyant sur ses grosses cylindrées, en conservant les moteurs à soupapes pour les petites cylindrées. Bientôt, les grosses Pic-Pic, puissantes et silencieuses, acquièrent une excellente réputation, servie par des succès en courses de côtes où le couple élevé du moteur sans soupapes se révèle très efficace. Ces voitures ont une réputation de qualité qui les fait comparer aux Rolls-Royce, et leur prix est en rapport, étant donné les très faibles cadences de production. Mais le département automobile de Piccard-Pictet n'est pas tenu d'être rentable, car l'activité de la firme concerne essentiellement les turbines hydrauliques et la mécanique générale.
F2

Pic-Pic Type F2 1912
Jusque-là, les moteurs licence Birkigt datant de 1904 étaient des biblocs à soupapes bilatérales (en T), solution désormais dépassée, outre le fait qu'il faut s'affranchir des redevances versées à Birkigt. Les nouveaux moteurs graissés sous pression sont donc des monoblocs à soupapes monolatérales, refroidis par thermo-siphon avec ventilateur, allumés par magnéto et alimentés par un carburateur Pic-Pic placé contre le bloc-cylindres pour le réchauffage des gaz. Celui-ci, en fonte, est boulonné sur un carter de vilebrequin coulé en aluminium, qui intègre les quatre pattes d'attache sur le châssis. La boite de vitesse est à 4 rapports bien adaptés au profil des routes suisses. Le freinage est dans la norme de l'époque, avec le frein à pied agissant sur un grand tambour en sortie de boîte et le frein à main sur des tambours solidaires des roues arrière. Les suspensions avant sont ressorts semi-elliptiques et à l'arrière à ressorts trois-quarts elliptiques donnant beaucoup de confort avec un certain degré d'auto-amortissement. A l'époque, les appareils amortisseurs sont toujours montés en option. Si les Pic-Pic sont tout à fait dans la norme technique de leur temps dans le domaine des puissances moyennes, l'ingénieur en chef de la marque, qui recherche puissance et silence, étudie un moteur sans soupapes qui ne sera pas mis en production. Pic-Pic adopte sur son haut de gamme le système Burt-McCollum à unique fourreau louvoyant. Toutefois, si le volume de production s'élève, il n'atteint encore que 200 voitures par an.

    

Un exemplaire unique datant de 1912, à carrosserie signée Gangloff de Genève
De nos jours, le Musée de la Fondation Gianadda, de Martigny, a la chance d'exposer deux Pic-Pic, un double phaéton 20/24 HP de 1906 de la période SAG et un runabout type F2 fabriqué en 1912. Cette jolie voiture à tendance sportive a été découverte en France en Lozère au début des années soixante-dix en fort mauvais état et incomplète. L'intérêt de cette découverte est évident pour un musée automobile suisse et cette Pic-Pic a fait l'objet d'un important chantier de restauration. La F2 retrouvée était équipée d'un pont arrière non conforme à l'origine et sa boîte de vitesses avait été "bricolée", mais un heureux concours de circonstances a permis de récupérer un pont et une boîte correspondants au type F2. Après plus de 1.600 heures de travail, sans compter les recherches, mécanique, carrosserie et sellerie totalement rénovés, la Pic-Pic F2 peut témoigner de la qualité de la construction automobile suisse.

D2
Si la réputation internationale de la marque se fonde sur les types à moteur sans soupapes, le gros des ventes est dû, comme ailleurs, aux modèles de petites et moyennes cylindrées, comme le type D2 de 1911, évolution du Type C2 de 1910. les cotes de son 4 cylindres sont des plus classiques de 1910 à 1930, car elles permettent d'obtenir une puissance suffisante pour propulser un modèle moyen sans entraîner des coûts d'utilisation importants. l'ensemble du châssis est lui aussi classique, avec des ressorts semi-elliptiques à l'avant et des trois-quarts elliptiques à l'arrière pour donner un meilleur confort. Toutefois, la Pic-Pic possède une boîte à 4 rapports bien utile dans un pays montagneux. Autre progrès; son moteur est graissé sous pression. Les châssis sont vendus nus et les carrosseries réalisées selon les desiderata des acquéreurs par des firmes indépendantes, en majorité par Gangloff de Genève.

  

Type D2 carrossée luxueusement en Coupé-chauffeur par Gangloff

Le 4 cylindres monobloc à soupapes latérale fait vraiment petit par rapport au reste de la voiture

Grand Prix

La course rapportant aux firmes qui s'engageaient en compétition une publicité considérable. Piccard-Pictet construisit en 1914 trois châssis destinés à disputer le grand Prix de l'ACF, pour lequel la cylindrée était limitée à 4,5 litres. Pic-Pic prépara des moteurs sans soupapes délivrant 107 chevaux à 2.600 tr/mn. Les deux voitures qualifiées atteignaient 145 km/h et étaient équipés de freins avant. Elles disparurent toutes les deux, l'une à mi-course, l'autre près de l'arrivée, sur casse mécanique. L'une d'elles fut créditée du meilleur tour.

1914-1918

Bien que la Suisse soit neutre lors du premier conflit mondial, son industrie souffrit de l'état de guerre, impliquant la raréfaction des grands chantiers d'installations hydrauliques. Cette baisse d'activité fut en partie compensée par des commandes de fabrications mécaniques en provenance des Etats en guerre ainsi que par celles de l'Etat fédéral suisse portant sur des véhicules et des munitions. La firme Piccard-Pictet travailla donc pour tous les belligérants et fournit des automobiles à l'armée suisse, et des munitions pour les Alliés, ce qui va lui permettre de financer une ambitieuse politique d'acquisitions. Toutefois, après la guerre, la firme ne fait pas assez de profits. Il s'avère alors impossible de relancer la vente des automobiles Pic-Pic, trop coûteuses. La fin du conflit entraîne l'annulation de nombreuses commandes et la crise monétaire de 1919 mène au dépôt de bilan dès février 1920. Les fondateurs créent alors en 1921 les Ateliers des Charmilles SA, qui deviendront Charmilles technologie dès 1983. Lucien Pictet fondera une entreprise en France et s'éteindra à Paris en 1928, un an avant Paul Piccard.

Pic-Pic 1919
Admise au règlement judiciaire, la firme Piccard-pictet fur reprise par une autre société, la Société des Moteurs Gnome et Rhône qui poursuivit les activités de mécanique générale et de construction de turbines. Elle tenta de relancer séparément la marque automobile Pic-Pic. Un prototype 3 litres à moteur sans soupapes fut présentée en 1922, mais les coûts de fabrication en trop petite série empêchèrent sa mise en production. Quelques Pic-Pic furent fabriquées par la Société des Moteurs Gnome et Rhône. La dernière fut présentée au Salon des Moteurs de Genève en 1924.