SOCIETE ANONYME DES AUTOMOBILES PEUGEOT    

Dernière mise à jour : 14/05/2010

Naissance d'une dynastie...

Petit historique, suite...

En 1910, l'accord entre la Société Anonyme des Automobiles Peugeot d'Armand et la société Les Fils de Peugeot Frères favorise l'expansion du groupe en d'en faire l'un des premiers constructeurs français. Jusqu'en 1915, les deux marques, "Lion-Peugeot" et "Peugeot", vont cohabiter, la première permettant la promotion de la seconde.
Si la dissociation des deux entreprises dynamise les efforts d'Armand Peugeot, qui s'entoure des meilleurs ingénieurs et qui démontre que la production d'automobiles est une activité rentable, elle a donné naissance à une concurrence inutile entre les deux affaires Peugeot depuis la naissance des Lion-Peugeot. Aussi, et dès 1911, une harmonisation des productions et une réorganisation des usines est en cours. Une seule raison sociale est née, la Société anonyme des Automobiles et Cycles Peugeot. Les fabrications sont dispersés entre les usines de Beaulieu, Audincourt, et Lille. En prévision d'un développement certain, la firme achète quelques terrains du côté de Sochaux et dans un premier temps, servira à construire des utilitaires et des camions.

Les Bébés de Lion-Peugeot

A Beaulieu, les premières Bébé-Peugeot sont en fabrication, tandis qu'Audincourt et Lille produisent les anciens types d'Armand, dont la gamme d'ailleurs commence à être réduite et simplifiée, comme celle du Lion, dont les solutions originales vont peu à peu laisser la place à des solutions plus classiques. On trouve alors au catalogue des 4 cylindres de 3 à 7 litres dotées de boites à 4 rapports et transmission par arbre à cardan. Cette nouvelle politique de production va permettre à Peugeot de livrer pratiquement du sur mesure à l'ensemble du marché. En bas de gamme, la Bébé de Lion-Peugeot démontre toutefois que l'avenir est à l'automobile bon marché.

Il ne faut pas confondre les Bébés Lion-Peugeot avec celles qu'Armand proposa en 1905 et qui furent produite à Audincourt sous la désignation de type 69 et à 400 exemplaires seulement.

"Bébé" 1916
Norev
Depuis de nombreuses années, la firme cherche à affirmer sa présence sur le marché des voitures ultra-légère, les voiturettes, Peugeot était surtout réputée pour ces grosses mécaniques, concurrentes directes des Panhard et Levassor. Le Type 69 de 1905 a déjà remporté un certain succès et ce fut d'ailleurs la première à recevoir le nom de "Bébé Peugeot". L'expérience doit donc se renouveler pour que ce type de voiture devienne un modèle à part entière au sein de la gamme. C'est à cette époque que le jeune Ettore Bugatti, qui dispose de plusieurs études finalisées et sérieuses, démarche quelques constructeurs comme De Dietrich, Mathis ou Deutz. Il lui reste cependant dans ses cartons à dessin le projet d'une voiture ultra-légère que le constructeur allemand Wanderer a refusé. C'est donc vers Peugeot que l'ingénieur se tourne. Bonne idée car la voiture va correspondre parfaitement à ce que cherche la firme du Doubs, la nouvelle Bébé Peugeot est née qui sera produite dès 1913.

Ettore Bugatti

Ingénieur conseil, Ettore Bugatti est l'auteur de l'étude qui donna naissance à la Bébé.
La marque Lion-Peugeot, après le regroupement, sera conservée jusqu'en 1915 et se consacrera aux modèles de grande diffusion. Au cours de cette période, et lors du Salon de 1912, la marque présente la deuxième mouture de la Bébé. Cette dernière est l'oeuvre d'Ettore Bugatti qui, au cours de l'année 1911, à l'âge de 30 ans, réalisa une minuscule voiture dont il présenta les plan détaillées et le prototype au constructeur allemand Wanderer. Le projet ne sera pas retenu mais ne dormira pas longtemps dans le fond d'un tiroir. Contacté par Robert Peugeot, le consultant Ettore Bugatti accepte de signer un contrat d'exploitation de la licence de son innovante voiture qui prend alors le nom de bébé Peugeot Type BP1. Ces "Bébés" dispose d'un moteur 4 cylindres en ligne de 850 cm3, avec distribution à arbre à cames en tête, mais contrairement aux premières automobiles de Bugatti construites à Molsheim, elle conserve des soupapes latérales commandées par deux arbre à cames logées dans le carter moteur. Alimenté par un carburateur Claudel, le moteur développe 10 ch à 2.000 tr/mn, ce qui permet une vitesse de 60 km/h. Pour la suspension arrière, la voiture dispose de ressorts arrière quart-elliptiques inversés. Ce système se retrouvera naturellement sur les premières Bugatti du maître (sauf les modèles de luxe qui bénéficieront d'un système par demi-cantilever inversé) et sur la future Peugeot 201. Pour la transmission, Ettore a opté pour un système à cardan, un progrès notable par rapport aux chaînes, bruyantes et à la fiabilité douteuse. Elle bénéficie aux départ d'un pont à deux rapports (il n'y avait pas de boîte de vitesses sur les premiers modèles), puis d'une boite à 3 rapports sur les modèles livrés à partir de 1913.

La carrosserie à deux places de la Bébé repose sur un châssis en tôle d'acier emboutie, rétrécie à l'avant et relevé à l'arrière, ce qui lui donne une allure assez étrange. Les proportions de la Bébé sont inhabituelles et dégage une allure pataude. Avec son long capot bas,et plongeant, prolongeant une caisse en forme de baignoire, la voiture n'est pas la plus élégante du marché de l'époque. Cette impression est accentuée lorsque la capote est relevée. Cette dernière n'aide pas à l'équilibre des formes de la Bébé BP1. Il faut rappeler toutefois que l'élégance n'est pas, à l'époque, la priorité de Peugeot. Dans l'habitacle, la colonne de direction est très en arrière, pratiquement au niveau du pont et de l'unique banquette. Cette disposition améliore cependant très fortement la répartition des poids et la stabilité de la voiture, toujours très délicate sur de type de voiture très légère.

La Bébé ne sera disponible que dans une seule configuration, celle d'un torpédo deux places. Quelques très rares exemplaires reçoivent une carrosserie conduite intérieure. Pour la couleur, les Bébé reçoivent une robe "grise bronze d'arme". Ce choix restreint est compensé par un prix de vente très bas et très attractif de 4.000 francs. Pour ce prix, le client dispose d'un équipement complet avec quatre pneumatiques Michelin 500 x 65, un pare-brise, une capote, deux phares acétylène avec générateur séparé, une lanterne arrière et une trompe d'appel. Elles sont payables un tiers à la commande, le reste à la livraison. La durée de garantie, contre tout vice de construction résultant d'un défaut de matière ou de fabrication, est de six mois. Assemblée à Beaulieu, les Bébé Peugeot seront produites de 1913 à 1916 sous trois types différents, les BP1, les B3P1 et les B4P1. 3.095 exemplaires sortiront des ateliers pour être livrées.

La Bébé Peugeot ne fut pas conçue pour une vocation sportive. Pourtant, elle participa à quelques épreuves routières, comme la Coupe internationale des Cyclecars disputée sur le Circuit de la Sarthe en 1913. A la grande surprise des spectateurs, la voiture se classe 2e, 4e et 5e de l'épreuve. Dans la Course de côte du mont Ventoux, la Bébé arrive première de sa catégorie.

La Bébé sera également exportés vers la Grande-Bretagne. Elles prendront alors tout simplement l'appellation "Baby".

Dans la cour de l'usine de Beaulieu, les châssis, à droite, attendent de recevoir une carrosserie pour rejoindre les voitures prêtes à être livrées, sur la gauche.
En 1911, Robert Peugeot contacta Ettore pour une autre étude, celle d'une voiture de Grand Prix. Ce projet ne sera pas retenu car dans le même temps, un autre projet sera proposé à Robert Peugeot, celui des "charlatans", autrement dit "les techniciens de Paris", comme les surnommeront les techniciens de Beaulieu.

Les Charlatans

Après les victoires des voiturettes en 1908, 1909 et 1910, la firme Peugeot a bien l'intention de poursuivre dans cette voie et de remporter d'autres épreuves. Il ne faudra pas attendre longtemps. Le rapprochement entre Armand et ses cousins a des conséquences sur la nouvelle politique de la marque. En effet, le développement de la production semble dépendre à l'époque des résultats en course. Ce secteur ne doit donc pas être sous-estimé si Peugeot veut bénéficier des retombées sur la gamme de tourisme. C'est Jules Goux et Georges Boillot qui les premiers approche Robert Peugeot. Ces deux pilotes, avec l'aide de techniciens encore extérieurs à la firme (et qu'on appellera "les charlatans"), ont le projet de construire une voiture de Grand Prix moderne en vue de la reprise du Grand Prix de l'ACF programmé en 1912, après trois ans d'interruption. Robert a déjà lancé une étude, celle d'Ettore Bugatti. Après réflexion, il décide d'abandonner cette dernière et donner son accord pour le projet de Goux et Boillot, de Zuccarelli et du suisse Ernest Henry. Ettore Bugatti, très sportivement, acceptera de conseiller cette équipe.

1912

C'est dans le secret, et à Paris, que fut étudier le projet de l'équipe des "Charlatans". L'étude s'est concrétisée par la construction d'un moteur moderne à deux arbres à cames en tête (commandés par arbre), encore à longue course (200 mm), mais à quatre soupapes par cylindre et commande desmodromique. Par contre, et par rapport aux autres moteurs de l'époque, la cylindrée de 7,6 litres est plutôt modeste. Ce moteur délivre toutefois 148 ch à 2.200 tr/mn. Des chiffres prometteurs pour le projet en cours. Toute cette étude à pour origine la victoire de Georges Boillot à Dieppe. Ce jour là, il fut démontré que les gros moteurs massifs ne sont plus dans le coup et que la puissance doit être recherchée grâce à des études mécaniques poussées et dans les hauts régimes. En partant de ce principe, Peugeot donnera naissance aux premières vraies voitures de courses modernes. Ces Peugeot de Grand Prix de 1912 feront les gros titres des journaux. N'oublions pas qu'en 1912, remporter le Grand Prix de l'ACF équivaut aujourd'hui à remporter le Championnat du Monde.

Suprématie

Peugeot se présente dès le mois de juin 1912 au départ de la Coupe du Journal L'Auto. Sur la ligne de départ, la nouvelle voiture baptisée L3 dispose d'un moteur d'une cylindrée de 3 litres, un 4 cylindres en ligne à deux arbre à cames en tête commandés par un renvoi d'angle à l'aide d'un arbre vertical placé à l'avant. Cette belle pièce de mécanique de 3 litres de cylindrée est également pourvue d'une culasse hémisphérique qui accueille 4 soupapes inclinées par cylindre. Le 26 juin 1912, c'est le Type L76 qui se présente au grand Prix de l'ACF. La cylindrée du moteur est de 7,6 litres et le dispositif de distribution est pratiquement semblable à celui de la L3 sauf que la commande des soupapes est à système desmodromique. Georges Boillot remporte l'épreuve et confirmera son excellent pilotage en remportant trois autres épreuves lors du Meeting de la Sarthe en mai 1913. C'est au cours de ces épreuves que la L76 est dotée d'un carénage de radiateur afin d'améliorer sa pénétration dans l'air.

Signalons qu'auparavant, en septembre 1912, un autre pilote de Peugeot se fit remarquer. Pilotant un Type L3, Paolo Zuccarelli remporte sa première victoire au Grand Prix de France. Cette supériorité de la marque sera confirmée en 1913. Mais c'est un autre chapitre.

Les Lion-Peugeot VA, VC, V2 et V4C

Parallèlement aux voitures de compétition, Peugeot poursuit sa production de modèles très conventionnels dotés de moteurs monocylindre, les types VA et VC, ainsi que des voitures dotées de moteurs bicylindrique, les types V2. Ces moteurs, aux performances modestes, de 35 à 60 km/h, sont souvent lourdement carrossés. En 1912, Peugeot conforte sa gamme avec l'arrivée d'un 4 cylindres en V de 1.888 cm3, le premier de la marque. Ces moteurs, qui équipent les V4C3, développent une vingtaine de chevaux. Le Type V4C3 sera d'ailleurs le plus produit avec 653 exemplaires entre 1912 et 1913. Ce sont les Types VD, V4D et VD2 qui seront proposés entre 1913 et 1915, après 2.000 exemplaires. Le 4 cylindres sera abandonné après 1915. Disponibles en version tonneau, phaéton avec ou sans spider et en double phaéton. Les modèles seront très bien vendus en raison d'un coût d'utilisation modéré mais également grâce aux victoires en course qui consolident la réputation de la marque Lion-Peugeot, malgré le manque de performances de ces types de production.

4 cylindres en V (à gauche), le modèle VC2 de 1919 (à droite) dispose du monocylindre en V 110 x 110 mm de 10 ch.