LEON PAULET
Dernière mise à jour : 12/05/2010
La Marseillaise
Petit historique
La firme de Léon Paulet, la Société des Etablissement Léon
Paulet, est fondée en 1913, et est installée au 4 bd Michelet à Marseille. La marque se consacre principalement
à la fabrication de machines-outils de précision et d'armements et, loin du front, elle fournira l'armée en munitions et
en moteurs. Fournisseur de la Marine avant 1914, la firme jouit alors d'une excellente réputation dans la belle mécanique.
Elle dispose durant le conflit d'un carnet de commandes de guerre assez bien rempli et a fournit des moteurs
et de l'armement durant le conflit. A la fin du conflit, les commandes sont du fait réduites et la firme, comme beaucoup
d'autres, cherche à s'étendre en diversifiant ses activités. Comme beaucoup d'industriels, Paulet décide de se tourner
vers l'automobile naissante.
Léon Paulet
L'autre marque marseillaise...
A cette époque, la réputation et le savoir-faire des entreprises comme Léon Paulet permet cette reconversion
vers l'automobile, les entreprises disposant généralement de machines de précision permettant de concevoir des pièces finement travaillées.
Cette production pour l'industrie automobile va doucement pousser Léon Paulet à concevoir ses propres châssis dans son usine du boulevard
Michelet.
1921
Au début des années vingt, les constructeurs proposent
principalement des châssis nus à la clientèle, laissant cette dernière choisir son carrossier pour son habillage.
Les châssis, pour être vendus, doivent donc être de véritable oeuvres de précision, de véritables pièces d'orfèvre.
Sur les Salons, le fabricant expose encore des châssis émaillés ou polis qui dévoilent sans retenue tous leurs
organes mécaniques aux finitions parfaites. C'est d'ailleurs sur l'un de ces Salons, à Paris en 1921, que Léon Paulet
dévoilera sa future voiture.
TYPE 6 AB
Pour la conception de ce modèle, la firme Léon Paulet
va bénéficier d'une belle opportunité. En effet, elle intègre au sein de ses services l'un des meilleurs
ingénieurs de l'époque, Arthur "Léon" Michelat. Ce dernier, en désaccord avec Louis Delage sur les choix des
futurs types de production de la marque, décida en 1918 de quitter l'entreprise, sans oublier d'emmener, avec lui,
ses plans d'un modèles étudié entre 1915 et 1916. Cette étude concerne une voiture motorisée par un 6 cylindres
de 3,5 litres, ce moteur découlant des anciennes créations de Michelat pour Delage et s'inspirant du nouveau moteur V8
d'aviation de la firme Hispano-Suiza. Préférant des mécaniques simples, Louis Delage avait refusé ce projet et avait
demandé à un autre ingénieur de concevoir une 20 CV moins coûteuse que celle réalisée par Arthur. Cette voiture avait fait
l'objet d'une fabrication à 100 exemplaires pour l'armée en 1917. Michelat s'en
va donc en 1919 avec ses plans qu'il a pu conserver en compensation de son licenciement.
En 1920, Michelat intègre la société de Léon Paulet, futur Société Méridionale d'Industrie à Marseille, avec ses plans.
Léon Paulet lui demanda alors de concevoir une voiture de grande qualité, lui laissant carte blanche pour cette création.
Michelat va donc se lancer dans la réalisation de la voiture qui devait être une Delage et qui deviendra donc une Léon Paulet.
Elle sera prête en 1921 pour le Salon de Paris en octobre. La voiture est alors fort appréciée par les visiteurs et les journalistes.
l'un deux, d'ailleurs, journaliste à "la Vie Automobile" écrira : "La voiture Paulet a groupé autour d'elle, pendant tout la durée du Salon,
un grand nombre d'admirateurs". Il faut dire que Michelat a mis tout son talent dans cette réalisation. Sous le capot, tout est net.
Carters, moteur, cache arbre à cames en tête, et boite de vitesses bouchonnés, les accessoires comme la dynamo et le démarreur occultés,
tout est travaillé avec soin. Le moteur est d'un dessin net et précis, et la technique utilisée par Michelat est le
nec plus ultra à l'époque, comme l'arbre à cames en tête (entraîné par un arbre vertical à l'avant) et le vilebrequin sur 7 paliers. Le châssis est doté de quatre gros freins
avec servo-assistance (commandés par une pédale), alors même qu'à l'époque, les simples freins avant n'étaient pas fréquents. La puissance et le couple du moteur
n'ont pas nécessité une boîte de vitesses avec plus de 3 rapports et une marche arrière (transmission par levier). Cette boite est d'ailleurs accolée au moteur, là
aussi, ce n'était pas la majorité des voitures. Le moteur, justement, est un 6 cylindres de
3.445 cm3, à culasse détachable. Il dispose d'un carburateur Weber double corps, d'un double allumage Delco (batterie et allumeur) et
d'un refroidissement par pompe et ventilateur. Pour compléter la description, on note une suspension par ressorts semi-elliptiques
avec amortisseurs en option. La voiture, dont le châssis est plutôt de type classique en tôle emboutie rivetée, est disponible en
deux empattement, 325 et 350 cm. Pour terminer, la direction est à vis et secteur, les roues sont de type Rudge, l'éclairage et le démarrage sont électrique,
le graissage est sous pression. la 6AB est aussi belle qu'une Hispano-Suiza ou une Isotta Fraschini.
Roadster 2 places
Manque de puissance
La Type 6 AB n'est pas ce qu'on appelle
une voiture sportive, mais plutôt une routière assez lourde qui dispose d'un moteur
qui développe 85 ch. à 2.500 tr/mn, avec un alésage de 75 x 130 mm. Pour le Salon
1922, le moteur 3,5 litres est modifié pour gagner un peu plus de puissance.
L'alésage est porté à 80 mm et gagne 20 ch. supplémentaires. La cylindrée est désormais de 3.920 cm3.
Dans tout les cas, la vitesse maximale n'excède pas les 130 km/h.
Les années de production
On ne connaît pas trop les chiffres de production
de la Léon Paulet Type 6 AB, les archives ayant complètement disparues, mais,
d'après le type de voiture, châssis de qualité pour clientèle restreinte, tout
laisse à penser que la production fut assez confidentielle.
Au cours de son existence, la Léon Paulet évolua très peu. Souvent carrossées lourdement et luxueusement,
quelques 6 AB recevront une boite à 4 rapports, ce qui permettra d'augmenter les performances sur route, et un peu plus
de facilité à la conduite. Elles recevront aussi un servofrein à dépression.
Fin de carrière
Après 5 ans d'existence, la Léon Paulet tire sa révérence. En 1927, l'aventure s'arrête. Sans
soutien commercial, cette voiture était destinée à sombrer dans l'oubli...
Aujourd'hui, on recense trois survivantes, trois Léon Paulet de 1927 carrossée en faux cabriolet.
Petites précisions d'Olivier Paulet
Un grand merci à Olivier Paulet, apparenté, comme son nom l'indique, au constructeur marseillais. Merci
d'avoir eu la gentillesse de lire cette page et de m'avoir apporter quelques précisions supplémentaires
que je m'empresse de vous dévoiler...
Sur les survivantes...
De nos jours, il resterait donc trois exemplaires roulants. Voyons cela en détail.
La première Léon Paulet roulante est un faux cabriolet jaune et noir, qui appartient à la petite fille du constructeur.
Il fut découvert, après la Seconde Guerre, dans l'usine Paulet située boulevard Michelet à Marseille. Cet
exemplaire fut emmuré pour être caché pendant les hostilités. Il s'agirait de la voiture personnelle de Léon Paulet.
La seconde fut carrossée quelques années après sa fabrication en cabriolet, couleur alu et rouge. Ce modèle fut vendu
il y a quelques années lors d'une grande vente sur Paris.
La troisième (celle figurant en photo sur cette page), fut la propriété d'un dénommé Baxter en 1922.
Il s'agirait d'un châssis nu "usine"
1919, non carrossé à l'origine. Il sera, plus tard, doté d'une
poupe un peu particulière, style roadster, pour pouvoir circuler. Il fut
revendu, lui aussi, à la fin
des années 80.
Enfin, pour finir, il semblerait qu'un exemplaire soit en reconstruction dans le sud de la France.
Il resterait encore quelques châssis et moteurs Léon Paulet, malheureusement en mauvais état. Souhaitons qu'un jour,
quelques collectionneurs, amateurs de belles mécaniques, prennent le temps de faire revivre ce
trésor du patrimoine automobile français.
Sur l'affaire Hispano vs Paulet...
Le moteur 6 cylindres de la Léon Paulet est assez proche du modèle phare de l'époque, l'Hispano-Suiza H6B, ce
qui expliquerait l'appellation 6AB de la Léon Paulet. Le dessin du moteur est très similaire, comme celui d'ailleurs
du radiateur, des encrages châssis et du tableau de bord. Il faut rappeler que Léon Paulet, dès 1913, et au cours de
la Première Guerre mondiale, fabriquait des pièces à usage militaire, des pièces qui demandaient une grande maîtrise
d'un matériel de précision qui sera, après l'armistice et dès 1919, reconverti pour la fabrication d'organe mécaniques
destinés aux constructeurs automobiles, et Hispano-Suiza en particulier. Avec l'expérience acquise, Léon Paulet peut se
lancer dans l'aventure automobile avec de sérieux atouts. Cependant, concepteur de pièces mécaniques pour Hispano, on
peut penser que Michelat, ingénieur en place chez Paulet à l'époque, s'inspira grandement des pièces de l'Hispano H6B
pour composer celles qui serviront à la conception de la 6AB. Le doute persiste mais
ce "plagiat" entraîna, à l'époque, l'ouverture d'une procédure judiciaire. A la suite de ce procès, Léon Paulet devra cesser
sa production, mettant un terme prématuré à la vie de la 6AB. Les châssis produits seront alors mis au rebut ou
transformer en camions ou tracteurs. Triste épilogue quand on sait que Léon Paulet développait déjà un moteur 8 cylindres
extrapolé du 6 Cylindres de la 6 AB.
Arthur "Léon" Michelat
Ingénieur des Arts et Métiers, c'est avec Louis Delage qu'Arthur "Léon" Michelat s'est fait connaître. Entré en 1910
chez le constructeur, on lui doit notamment de belles voitures de tourisme comme la 6 cylindres de luxe CO de l'immédiat après-guerre, qui remporta
un beau succès commercial, mais également les célèbres Delage de course,
comme le Type X 3 litres victorieux lors de la Coupe de l'Auto à Boulogne en 1911, puis le Type Y 6,2 litres victorieux au Grand Prix de l'ACF à Amiens,
du Grand Prix de France au Mans en 1913 et surtout, des 500 Miles d'Indianapolis de 1914 (avec boîte 5 vitesses réalisée par ses soins).
Enfin, parlons encore du Type S 4,5 litres du Grand Prix de l'ACF de 1914. Après l'aventure Léon Paulet,
Arthur Michelat reviendra chez Delage en 1933 pour construire les moteurs qui équiperont les
Delage jusqu'en 1954.