LORRAINE DIETRICH    

Dernière mise à jour : 16/06/2010

L'autre vainqueur des 24 Heures du Mans...

Petit historique

Originaire de l'est de la France, la famille de Dietrich compte parmi ces célèbres "maîtres de forges" qui firent entrer l'Europe occidentale dans la révolution industrielle dès la fin du XIXe siècle. Lorsque la firme De Dietrich décide de passer à la construction d'automobiles, elle débute par la production sous licence de modèles existants. La firme, fondée en 1896 par Adrien de Turckheim et Eugène de Dietrich, respectivement patrons des usines de Niederbronn et de Lunéville, s'illustra d'abord en course, les deux créateurs pilotant eux-mêmes leur voiture. En production, la première auto de la marque fut une voiturette à trois roues Amédée Bollée Jr.

Baron Albert de Dietrich (1802-1888)

Fils de Jean-Albert de Dietrich (1773/1806), Albert de Dietrich, maître des forges, est le fondateur des Etablissements De Dietrich en 1864, Il développa à Niederbronn, dans le Bas-Rhin, des fonderies industrielles et un département voué à la construction de locomotives. Après la guerre de 1870, le département devenant allemand, la firme sera reprise par les descendants et déménagée en France.

Origines

A l'origine de cette marque, il y a, en Alsace, l'un des premiers hauts fourneaux, construit et exploité par les Etablissements de Dietrich. dans la seconde moitié du XIXe siècle, la métallurgie connaît, avec la création des premières lignes de chemin de fer, un essor considérable. de Dietrich, rapidement, se fera une spécialité de la construction de wagons et de rails, dont l'Europe a le plus grand et le plus urgent besoin. Quand, en 1871, par le traité de francfort, l'Alsace-Lorraine rattachée à l'Allemagne, les Etablissements De Dietrich s'implantent en territoire français, à Luneville.

Eugène-Dominique de Dietrich (1844/1918)

Fils d'Albert de Dietrich, Eugène-Dominique décida de transférer l'entreprise Dietrich à Lunéville, tout en gardant la maison-mère en Allemagne. Les usines de Lunéville, en Meurthe et Moselle, seront dédiées à la construction d'automobiles, sous licence Bollée dans un premier temps, puis Vivinius et Turcat-Méry. Les premières De Dietrich apparaîtront en 1902, après l'arrivée d'Ettore Bugatti comme ingénieur.

Premières automobiles

C'est depuis l'usine de Lueville que germe l'idée qu'il n'y a qu'un pas entre le chemin de fer et l'automobile. Un pas que le baron de Dietrich franchit en 1897, en achetant la licence de fabrication des automobiles imaginées par Amédée Bollée fils. Au tout début du 20e siècle, en 1900, la firme de Dietrich commence la construction de la voiture belge de Vivinius. Elle fera appel également, à un créateur de talent pour concevoir ses propres modèles, un certain Ettore Bugatti. Puis, par l'entremise de son directeur Adrien de Turckheim, Eugène Dietrich rencontra deux ingénieurs au Salon de Paris de 1901, Léon Turcat et Simon Méry. Ces deux hommes construisent, avec succès à l'époque, les voitures Turcat-Méry. La firme passe alors des accords en 1902 pour construire ces voitures Turcat-Méry sous licence. En quelques années, le succès est tel qu'il faut construire de nouveaux ateliers, étendre la gamme et créer un réseau commercial digne de ce nom.

Baron Adrien de Turckheim

Les Lorraine-Dietrich

En 1905, le Baron de Turckheim prendra son indépendance et une nouvelle société voit le jour, qui associé les noms de De Dietrich et de la Lorraine (puisque le firme est située à Lunéville). C'est sous ce nouveau nom, Lorraine-Dietrich, que les voitures apparaissent au Salon de 1906. Un an plus tard, la marque adoptera pour sigle la croix de Lorraine.Une volonté d'extension européenne de la firme vers l'Angleterre et vers l'Italie est vite abandonnée au profit d'un recentrage des activités sur le territoire national. C'est ainsi que l'activité des usines de Lunéville est regroupée sur un nouveau site, à Argenteuil, en banlieue parisienne. Léon Turcat y prend en main la fabrication des différents modèles. En 1907, signe du succès, la firme prendra le contrôle de la marque italienne Isotta-Fraschini, une association qui durera jusqu'en 1911.

Première crise

Malgré des soucis financiers importants, Lorraine-Dietrich fabrique, de 1909 à 1912, des Lorraine qui sont des modèles de la firme Turcat-Méry, adaptés. On peut d'ailleurs lire sur ce catalogue Lorraine-Dietrich la mention Licence Turcat-Méry. Au Salon de l'Automobile de 1910, Lorraine propose sur son stand cinq modèles, tous des 4 cylindres, avec des puissances allant de 12 à 28 HP. C'est à cette époque que la firme se lance dans la conception de voitures plus modernes et plus volumineuses. Sur les cinq nouveaux types, on trouve la 12 HP 4 cylindres monobloc, à 3 vitesses en embrayage à cône cuir. La 28 HP est à deux blocs de 2 cylindres jumelés. En haut de gamme, on trouve une 45 chevaux possédant une caractéristique intéressante : un réservoir d'eau destiné au refroidissement de deux freins disposés sur le différentiel. En effet, le frein à pied (actionné par une pédale), agit sur la transmission, alors que le frein à main agît sur les roues.
12 HP
Le modèle LF-SLF 12 HP correspond bien à la voiture moyenne du début des années 1910. A cette époque, l'automobile est arrivé à un stade qui n'évoluera pas jusqu'à la Grande Guerre. Il n'existe plus de voitures entièrement découverte sans capote. Les autos sont fiables, et le moteur à essence s'est généralisé. La 12 HP fait partie de ces voitures que les gens "biens" peuvent acheter sans pour autant s'assimiler à des aventuriers. La préhistoire de l'automobile est terminée. L'une des particularité de cette voiture est son radiateur à 'tubes à ailettes", une invention déposée par Turcat-Méry en 1903 qui sera longtemps le concurrent du radiateur dit en "nid d'abeilles", cher à Bugatti et Mercedes.

En ce qui concerne la carrosserie, les Lorraine-Dietrich peuvent être commandées soit en châssis nu, sit avec une carrosserie d'usine. Dans ce dernier cas, deux modèles sont prévus : un coupé de ville et un torpédo. Le premier, comme son nom ne l'indique pas, possède une cabine du genre fiacre, laissant le conducteur - souvent un chauffeur - en proie aux intempéries, alors que les passagers sont douillettement installés à l'arrière du véhicule dans un habitacle fermé. Le torpédo, quant à lui, laisse tout le monde à l'air libre, mais propose une capote en cas de pluie.
Jusqu'en 1914, la firme déploie une intense activité sportive. Au moment de la guerre, Lorraine-Dietrich produit du matériel lourd et des moteurs d'avion de forte puissance.
16 HP
Après la 1ère Guerre mondiale, la 16 HP apparaît, une voiture conçue par Marius Barbarou. Bon marché, de ligne américaine, elle attirera une clientèle de classe moyenne. Cette 6 cylindre va être la vitrine de la marque à l'aube des années vingt. C'est un dérivé de ce modèle qui remportera, en 1925, les 24 Heures du Mans, pilotée par Courcelles et Rossignol.

Marius Barbarou (1873/....)

Né à Moissac, Marius Barbarou travaillera pour Adolphe Clément puis pour la Benz et Cie, comme ingénieur en chef. Pour Benz, il concevra la Parsifal de 1903. Ensuite, il rejoindra dans un premier temps la firme Delaunay-Belleville, pour y concevoir des moteurs, puis la Société Lorraine-Dietrich. Il y restera jusqu'en 1935.

Années 20

B3-6
Au Salon de Paris de 1919, la marque présente trois 6 cylindres : une 15 CV, une 20 CV et une 30 CV, ces deux dernières ayant des cotes moteur, voire des architectures remontant à 1910. La 15 CV, au contraire, révèle une technique moderne avec des soupapes en tête de grand diamètre, un moteur monobloc à quatre paliers à course plus courte et un châssis rigide et relativement léger, malgré une suspension arrière à grands ressorts cantilever obliques. Une direction très bien étudiée, à la fois douce et précise (ce qui n'est pas courant à l'époque), rend la conduite de la 15 CV Lorraine agréable. L'auto fait preuve d'une grande souplesse, qui permet de rouler presque constamment en 3e, c'est-à-dire en prise directe, qualité très appréciée à l'époque. Son moteur à culbuteurs offre de brillantes reprises, consomme relativement peu et ne vibre pas, grâce à un amortisseur de vibrations. Particularités teintées d'archaïsme : les tiges de culbuteurs et les guides des poussoirs sont extérieurs au bloc-cylindre et la culasse n'est pas détachable. L'A.1-6 (première désignation de la 15 CV, sur empattement de 285 cm) devient dès 1921 la B2-6 (290 cm), qui se montre assez performante sur les mauvaises routes de l'époque, et elle acquiert vite une réputation de "bonne grimpeuse", ce qui signifie en 1920 que l'on peut monter presque toute les côtes "een prise" (sous entendu "directe"). En berline et coupé-chauffeur, le tableau est moins brillant, mais c'est al règle pour toutes les marques.
En 1923, la 15 CV, devenue B3-6, reçoit des freins avant avec de grands tambours du système Perrot-Piganeau, les meilleurs sur le marché à l'époque. Si la vitesse de pointe reste modeste (un petit 100 km/h pour les versions de série les plus légères), l'endurance et la fiabilité du moteur deviennent proverbiales et l'usine décide d'engager trois torpédos (conformes au catalogue) au premières 24 Heures du Mans en 1923, où deux voitures terminent en 8e et 19e positions. Au vu de ce résultat, la direction de la firme accepte que Barbarou prépare un modèle sport doté de grandes soupapes, de deux carburateurs et d'un double allumage. L'absence de servofrein s'étant faite cruellement sentirdans le mollet droit du conducteur, l'appareil sera expérimenté au 24 Heures du Mans 1924 avant d'être monté en production. La 15 CV Lorraine devient ainsi une des meilleures "freineuses" de son temps. Le châssis est ramené à 289 cm d'empattement. Ces voitures dites 15 Sport terminent 2e et 3e derrière la Bentley 3 litres. Cette performance ranime les ventes d'une voiture coûteuse car construite avec les mêmes matériaux et les mêmes machines de précision que les moteurs d'avion Lorraine.

        

B3-6 S Le Mans
Au tout début des 24 Heures du Mans, il n'y avait pas de classement officiel à la distance comme on en connaît de nos jours. Cette épreuve ne représentait qu'une "qualification" pour une Coupe Triénale, selon un règlement discutable et compliqué. Il n'en demeure pas moins que chaque année, de 1923 à 1927, il y eut une voiture qui franchit la ligne d'arrivée avant les autres. Par deux fois, en 1925 et 1926, une Lorraine-Dietrich fut cette auto. Comme les Chenard et Bentley qui furent dans le même cas, Lorraine fut donc bel et bien vainqueur aux 24 heures du Mans.
Un peu lourdes, peu rapides, mais homogènes et fiables, les Lorraine-Dietrich étaient bien adaptées pour inquiéter la concurrence dans les épreuves d'endurance. Pour le confirmer, elles remporteront les éditions 1925 et 1926 des 24 Heures du Mans. Elles réalisent d'ailleurs le premier triplé victorieux dans cette épreuve devenue célèbre. Petit rappel. Après une petite déception en 1923, première année de l'épreuve mancelle, les Lorraine-Dietrich B3/6 et B3/6 S ratent une nouvelle fois le coche en 1924. La marque ne renonce pas et en 1925, elle aligne à nouveau ses voitures. Cette fois, De Courcelles et Rossignol s'emparent de la victoire. Une version Sport-Le Mans sera proposée suite à cette victoire. Voiture la plus populaire de la marque, elle sera remplacée en 1933 par la 20 HP 6 cylindres. A cette époque, les voitures n'étaient désignées que sous le nom de Lorraine.

1926 : La marque signe un triplé au 24 Heures du Mans. La B3/6/S n°6, pilotée par Brisson et Stalter termine à la troisième place. Devant, on trouve celle de Bloch et Rossignol, première, et celle de De Courcelles et Mongin, seconde.
En 1926, la marque récidive, mais cette fois, on passe du mémorable au Triomphal. Les B3 Sport franchissent la ligne en prenant les trois premières places. Dans l'ordre, celle de Bloch et Rossignol, puis celle de De Courcelles et Mongin, et enfin, celle de Stalter et Brisson. Pour couronner le tout, signalons que la Lorraine-Dietrich signe, cette année là, une moyenne supérieure à 100 km/h et un nouveau record du monde de distance. Malgré ce succès, la firme décide toutefois de se retirer de la compétition dès la fin de l'année. Les futures Lorraine-Dietrich engagées seront des voitures privées.

     

B3-6 S 1ere Le Mans 1926 Robert Bloch/André Rossignol
Ixo

Les victoires absolues au Mans en 1925 et 1926 consacrent la qualité des B3-6, désormais équipées en série de roues fils à serrage central et d'amortisseurs efficaces. Dès lors, Lorraine-Dietrich ne va plus produire que ce seul type sur des châssis de divers empattements selon les intentions du client : routières légères carrossées chez Kelsh, torpédos plus cossues de chez Grummer et Henri Labourdette, berlines et limousines d'autres grands faiseurs sur châssis extra-longs mais aux performances très limitées par leur poids. L'usine produira la B3-6 jusqu'en 1932 sans grands changements et sans en attendre une quelconque rentabilité, celle-ci étant théoriquement le fait des fabrications aéronautiques. Intégrée au Groupe SGA (Société Générale Aéronautique) en 1930, la Lorraine (sans Dietrich depuis 1928) remplace fin 1930 la B3-6 par une luxueuse 20 CV dotée d'un moteur à soupapes latérales taxé pour 23 CV. Produite confidentiellement, la 20 CV s'efface en 1935, quand La Lorraine se consacre aux matériels militaire et ferroviaire.
10 HP
Comme presque tous les constructeurs frappés par la mévente de 1921 touchant les modèles de grand luxe ou les antiquités reprises de 1914, Lorraine-Dietrich étudia une 10 HP (taxée en fait pour 12 HP), en prenant une version 4 cylindres de son 15 CV et en la montant sur un châssis presque identique. Lourde et peu puissante, la 10 HP Lorraine se révéla trop chère pour sa catégorie et elle fut très vite abandonnée - tout comme la 30 HP, à la technique trop ancienne. Les louanges de la presse à son égard ne la sauvèrent pas.