LINCOLN    

Dernière mise à jour : 12/05/2010

Encore du luxe à l'américaine...

Petit historique

La marque Lincoln fut fondée en 1917 par Henry M. Leland, le fondateur à Détroit de la marque automobile Cadillac. La Lincoln Motors est destinée à construire des moteurs pour les avions. Après la seconde guerre mondiale, Leland subit quelques déboires financiers et la Lincoln sera rachetée par Henry Ford, en 1922. Elle devient dès lors la division de prestige de Ford.
Né le 16 février 1843, Henry Martin Leland est un pilier de l'automobile américaine. débutant sa carrière pendant la guerre de sécession à l'arsenal de Springfield, il entra ensuite chez Samuel Colt, où il se passionna pour la mécanique de précision, les machines-outils et la production en série avec des tolérances de fabrication inouïes à l'époque. Fondateur de la Leland Faulconer & Norton Company avec Robert C. Faulconer et Charles H. Norton, il va se faire un nom dans l'industrie de la machine-outil. Doucement, il vont se tourner vers l'automobile. Tout commence en 1902 lorsque William Murphy et Lemuel Bowen viennent le voir pour liquider leur société, la Henry Ford Motor Company, une entreprise fondée au départ par Henry Ford avant qu'il ne fonde la Ford Motor Cie. Henry Leland pense alors à poursuivre l'activité de cette entreprise et le 22 août 1902, la Cadillac Automobile Company est officiellement créée. La première voiture est exposée au Salon de New York en janvier 1903 et devra être retirée de l'exposition après que le directeur commercial ait enregistré 2.286 commandes. Le succès est tel que la marque doit refuser près de 1.500 commandes l'année suivante. Henry Martin Leland est nommé directeur général en 1905 lorsque la firme devient la Cadillac Motor Car Company. En désaccord avec William Crapo Durant, big boss de General Motor Company en vue de produire des moteurs d'avion Liberty. mais l'armistice annula les contrats gouvernementaux. Henry Leland et son fils Wilfred se reconvertirent dans l'automobile en janvier 1920, en vue de produire une voiture encore plus exclusive que la Cadillac, la Lincoln V8. Leland ne restera pas longtemps à la tête de Lincoln, marque de prestige. La frime sera rachetée par Ford. N'ayant pas les mêmes idées qu'Henry Ford sur la destiné de l'entreprise, il démissionnera en 1922. Il s'éteindra en 1932.

Pendant la Première Guerre mondiale, le gouvernement américain cherche à placer ses commandes pour l'effort de guerre. De nombreux industriels américains répondent présent et la Général Motor de William Crapo Durant en fait partie. Ce sont les moteurs d'avions "Liberty" que Durant songe construire, en modifiant un peu son moteur V8 qui équipe les Cadillac de l'époque. D'ailleurs, Leland, président de la division, est assez enthousiaste à cette idée. Durant pourtant estime que la division ne doit pas se convertir à cette production. Sur ce, Leland démissionne et décide de monter son entreprise pour produire ces moteurs. Il fonde alors la Lincoln Motor Company le 29 août 1917, choisissant le nom de sa firme en hommage au 16e président des Etats-Unis, premier homme pour qui Leland ait voté. Leland a alors 74 ans.

Ford

A l'orée des années vingt, l'automobile comme l'aviation et les industries mécaniques en général ont fait d'énormes progrès pour répondre aux besoins de la guerre, et Edsel Ford ne voit rien venir pour remplacer la "Tin Lizzie" née en 1908, dont la technique et l'esthétique semblent de plus en plus décalées. Henry Martyn Leland bénéficie d'une immense réputation dans l'industrie automobile américaine quand il crée la Lincoln V8. Mais la production ne peut démarrer qu'en 1921, année où l'économie du pays subit les effets d'une crise monétaire qui freine brusquement la consommation. De son côté, Henry Ford ne sait que faire de l'argent qu'il a en banque. Contrairement aux prévisions d'Edsel Ford, la Model T se vend de plus en plus, et rien n'indique qu'une remplaçante est en préparation, bien qu'Henry Ford fasse étudier quelques formules de moteurs insolites, davantage pour occuper ses ingénieurs et satisfaire son goût de la mécanique que pour proposer une succession à son auto fétiche. Quand il apprend que Leland est en grande difficulté, il se porte acquéreur de la marque Lincoln pour 8 millions de dollars, une misère pour le vieil Henry. Ses raisons sont multiples : la revanche sur Leland, dont les projets avaient été préférés aux siens en 1902, la possibilité de se diversifier à l'autre extrémité du marché (une Lincoln coûte dix fois le prix d'une Model T) sans avoir l'air d'abandonner sa politique de modèle unique, l'opportunité de responsabiliser son fils Edsel et de l'éloigner d'un poste où il n'a pas son mot à dire, et enfin, la certitude d'acquérir un produit de qualité déjà bien au point. En décembre 1922, Edsel est nommé président de Lincoln.
Lincoln L

En achetant Lincoln dès février 1922, Ford trouve un haut de gamme prestigieux, conçu par un ténor de l'automobile. La Lincoln L, L comme Leland, est la première voiture de la Lincoln Motor Company of Delaware, et la dernière. Les retards de livraison, le prix de la voiture, les nouveaux prêts contractés pour cette voiture ont causés la perte de la firme. Les actionnaires, Fred Murphy en tête, demanderont la liquidation de l'entreprise. Ce qui fait le malheur de Leland fait le bonheur de Ford. La pièce maîtresse du châssis de la Lincoln Model L est un V8 à 60° de 5,9 litres de cylindrée donnant initialement 81 ch à 2.600 tr/mn. Un embiellage à fourche a permis de placer les axes des cylindres opposés dans le même plan. Robustesse et précision caractérisent ce moteur silencieux et doux, qui offre un couple phénoménale permettant de jouer très peu de la boîte à 3 rapports. Le circuit de refroidissement est scellé avec un vase d'expansion et le radiateur possède des volets thermostatiques. La poussée se fait par un tube et les ressorts n'assurent que la suspension. Le châssis, classique, possède un système de graissage centralisé. L'embrayage est à disques multiples à sec et seules les roues arrière sont freinées. Après la reprise par Ford, quelques améliorations sont introduites par Edsel : nouvelles culasses en aluminium mieux refroidies, pistons en aluminium, puis amortisseurs hydrauliques en 1923, nouvel arbre à cames en 1924 et nouveau radiateur plus haut permettant de moderniser le style avec une ligne de capot horizontale. Toutefois, globalement, la Lincoln évolue peu et son succès croissant est accéléré dès 1922 par une baisse du prix de 1.000 $ en moyenne sur tous les modèles.

      

La plupart des Lincoln sont habillées par les meilleurs carrossiers et, pour les caisses fournies par l'usine, Edsel Ford peut exercer ses préférences esthétiques, très influencées par les créations européennes. En 1923, la police choisit la Lincoln comme véhicule d'intervention et de poursuite et fait installer des freins avant, qui ne deviendront standard que sur les modèles 1927. A la fin de cette année, le moteur est porté à 6,3 litres et 90 ch à 2.800 tr/mn et le vilebrequin est mieux équilibré dynamiquement. La production de Lincoln sous l'ère Ford frôle les 8.000 exemplaires en 1925, les 9.000 en 1926, avant d'accuser une baisse sensible à partir de 1927 sous la pression de la concurrence mieux armée et de la vogue des 12 cylindres. La Model L s'essouffle au bout de 10 ans de carrière : 3.515 ventes en 1930, première année de crise. mais Edsel Ford, qui s'est inspiré du style Lincoln pour la nouvelle Ford A de 1928, a prévu la relève, avec une évolution du châssis pour 1931 et, surtout, la 12 cylindres KB de 1932.

Type L 1928
Matchbox
C'est en 1925 que le lévrier, le "greyhound", mascotte des Lincoln, jusque-là proposé en option, devint standard sur toutes les versions.

KA - KB
Les Lincoln KB de 1932-1933 représentent l'époque "classique" de la filiale grand luxe de la Ford Motor et une sorte de sommet artistique de la carrosserie américaine. Pourtant, peut-on imaginer une période plus néfaste pour ce type de machines ?
Alors que la grande crise économique atteint en 1932 son sommet, entraînant les Etats-Unis et le monde dans une tourmente de misères humaines et de graves contraintes industrielles, la plupart des constructeurs haut de gamme présentent des automobiles extravagantes aux moteurs multicylindres. Tout a commencé en 1930 avc la division Cadillac et sa prestigieuse gamme V16. Marmon dévoile une mécanique similaire en 1931 et, l'année suivante, Packard, Pierce-Arrow, Auburn, Franklin et Cadillac ajoutent à leur catalogue un groupe à 12 cylindres en V. Bien entendu, Lincoln ne peut manquer cette course magnifique mais quelque peu suicidaire. Signe des temps difficiles, la Ford Motor Company, propriétaire de Lincoln depuis 1922, fait un profit de 44 millions de dollars en 1930 mais en perd 53 millions en 1931. Malgré ces contraintes majeures, les évènements se bousculent. Le premier V12 de la marque, destiné à la nouvelle KB et étudié par l'ingénieur maison Franck Johnson et ses assistants Jack Wharam et Fred Welborn, tourne au banc, puis un châssis est longuement testé sur route. Enfin, une magnifique Lincoln KB v12 est exposée au salon Automobile de New York de 1932. Ce nouveau 12 cylindres ouvert à 65°, au vilebrequin à sept paliers, est directement dérivé du V8 Lincoln, une impressionnante pièce de fonderie qui pèse 486 kg et développe la puissance - formidable pour l'époque - de 150 ch. Le châssis demeure le classique mais solide dessin de la série K de 1931.

Un des trois roadster KB V12 construits par Murphy, Pace Car lors des 500 Miles d'Indianapolis en 1932.
Edsel Ford, qui s'occupe personnellement de l'avenir de la division, tente d'imposer un système de freinage hydraulique, mais son père s'y oppose formellement, même en faveur d'une Lincoln. Avec l'apparition de la série KB, l'ancienne appellation K devient KA et se présente sur un empattement réduit à 345 cm. Sept carrosseries fournies par Murray figurent au catalogue KA. Désormais, les carrosseries réalisées sur mesure par les grands ateliers américains sont exclusivement réservées au type KB. En toute logique, les tarifs demeurent conséquents : ils démarrent à 4.300 $ pour finir à 7.000 $, ce qui est malgré tout beaucoup moins onéreux qu'une Duesenberg ou qu'une exotique importation européenne comme une Hispano-Suiza. Dans un premier temps, les ventes des Lincoln KB semblent moins souffrir des rigueurs du temps que celles de ses principales compétitrices Cadillac ou packard. Les 3.600 employés de l'usine de Detroit assemblent quotidiennement 50 voitures, soit un total de 1.641 KB et 1.765 KA pour la saison 1932. Sur une décision d'Edsel Ford, Lincoln abandonne la motorisation à 8 cylindres en V dès le millésime 1933 afin de se consacrer uniquement aux 12 cylindres. En conséquence, afin de remplacer le V8 des Lincoln KA, l'héritier réclame à l'ingénieur Franck Johnson un V12 d'une fabrication simplifiée et donc moins coûteuse. Ce groupe ouvert à 67°, d'une cylindrée fixée à 6.265 cm3, développe 125 ch. Symbole de cette économie, le vilebrequin n'est doté que de quatre paliers.

Phaéton signé Brunn
En 1933, la production de Lincoln se résumait à seulement 1.647 automobiles, 1.114 modèles KA et 533 modèles KB. Compte tenu de cette situation, henry Ford ordonna à l'ingénieur Franck Johnson de remanier en conséquence les bureaux d'études de la marque. Seuls Jack Wharam et Fred Welborn furent maintenus en place. 50 personnes perdirent alors leur emploi.

Conduite intérieure KB 240 Sport berline 1932, carrosserie Dietrich
En 1934, toutes les KB sont animées par un unique V12 de 6.790 cm3 délivrant la même puissance que son prédécesseur, soit 150 ch. Les dénominations demeurent identiques : KA pour les châssis courts et KB pour les châssis longs. A partir de 1935, les "grandes" Lincoln répondent à l'appellation K, Edsel Ford ayant décidé de supprimer de l'offre les modèles bâtis sur le châssis court de 345 cm d'empattement. Deux des plus fameuses et ultimes Lincoln K sont assemblées en 1939. La première machine de parade véhicule le couple souverain de Grande-Bretagne, George VI et Elisabeth, lors de leur visite aux Etats-Unis et au Canada, au cours de l'été 1939. La seconde, baptisée Sunshine Special, est commandée par le président Franklin Roosevelt, qui cherche à s'attirer les bonnes grâces de henry Ford afin que ce dernier s'investisse davantage dans l'effort industriel de guerre. En effet, à cette période, la "flotte" de la Maison Blanche est plutôt constituée de Pierce-Arrow ou de Packard. La Sunshine Special est une Lincoln K millésime 1939 en configuration phaéton issue des ateliers Brunn, louée au gouvernement fédéral pour la somme annuelle symbolique de 1 $. La voiture sera modernisée par une greffe de face avant complète de Lincoln 1942 durant la guerre et restera au service de l'Etat américain durant 11 années.
Zéphyr et Continental

Zéphyr 1938
Matchbox
Ce n'est qu'en 1936, avec la Zéphyr que la marque concrétise sa volonté d'être une référence dans la construction de voitures de prestige. C'est le premier succès commercial de la marque qui précède l'arrivée de l'incontournable Continental, saluée comme la plus belle voiture du monde par l'architecte Franck Lloyd Wright. Ce modèle va permettre à la marque de décrocher ses lettres de noblesse. La Lincoln Continental sera le modèle le plus symbolique de la marque, elle sera construite dès 1939, jusqu'en 2002.

Continental 1940 et 1941
Ixo et Del Prado
Lorsqu'elle apparaît, la Continental se démarque de suite des productions courantes. Plus large, plus basse que les concurrentes, elle disposent de lignes fluides qui l'a feront d'ailleurs entrer au "Museum of Modern Art" de New York en 1951. Le V12, sous le capot, n'est pas un monstre de puissance mais il assure un confort de conduite très appréciable. Au début des années cinquante, la Continental change de look, adoptant les lignes des Ford. A partir de 1961, elle deviendra la principale production de Lincoln, avec souvent des carrosseries peu communes.

Kennedy

On se souviendra également de la Continental à bord de laquelle le Président Kennedy sera assassiné à Dallas en 1961.
La Lincoln Continental Limousine est, dans une version "Président" Convertible, la célèbre voiture dans laquelle voyageait Kennedy, celle du Gouverneur Connelly. A Dallas, lors de l'assassinat en 1963 de J.F.K., elle n'avait pas sa capote escamotable et n'avait pas de blindage particulier. Ces deux détails eurent des conséquences tragiques. Au vu des faiblesses de sécurité de la voiture, Ford va remodeler les limousines Lincoln dès 1964. Le blindage de la carrosserie est revu, le réservoir est modifié pour ne pas exploser, les roues sont à l'épreuve des balles, et la puissance est augmentée de 17 %. Pour marquer la différence avec les modèles antérieurs, Ford apportera quelques retouches à la ligne générale de la voiture qui prend le nom de X100. Cette dernière n'a plus de capote escamotable.

Limousines de prestige

Chez Lincoln, les limousines sont au catalogue depuis les années trente. Ses limousines étaient destinées à servir de voitures officielles aux Présidents américains. Roosevelt, Truman et Eisenhower en disposeront, ainsi que quelques hauts dignitaires du pays. Capable d'accueillir 8 personnes, la limousine offre luxe et confort. Au début des années 60, Lincoln est devenue la marque de voiture de grand luxe et sa destination couvre une plus large clientèle, notamment les sociétés de location.

Continental Limousine 1964 Los Angeles
Ixo
A Los Angeles, les limousines ne sont pas les taxis par excellence, mais sont utilisées comme tels...
En ce qui concerne nos limousines "taxi", on les retrouve plutôt dans les quartiers les plus riches, à la sortie des théâtres et cinémas, dans l'attente d'une clientèle composée de vedettes de cinéma, chefs d'entreprises, hommes d'affaires, ou toute personne fortunée à la recherche d'un moyen de locomotion à la hauteur de ses moyens. Les tarifs pratiqués sont loin de ceux des taxis communs de la ville. Le tarif de base de ces taxis "limousine" n'est jamais inférieur à 40 dollars de l'heure, avec un minimum de trois heures de course imposé. Le client dispose, pour ce prix, d'un bar, d'un téléphone, d'une télévision, de la vidéo, de l'air conditionné, de l'aromathérapie etc... sans oublier le chauffeur en uniforme.

Leland et Ford

Leland et Ford se connaissent depuis longtemps. En 1901, Leland fournissait déjà des moteurs aux constructeurs, Ford mais aussi Oldsmobile, lorsqu'il gérait la société Détroit. Cette société, qui avait du mal à se développer, avait été confiée au jeune Henry Ford pour le développement d'une automobile. La firme Détroit était alors devenue la Henry Ford Company. Plus tard, suite à des divergences, Ford démissionna pour fonder la Ford Motor Company. La Henry Ford Company, elle, sera liquidée, réorganisée, pour devenir Cadillac. Lorsqu'il rachète Lincoln le 4 février 1922, Ford le fait parce qu'il se laissera convaincre par son épouse Clara et son fils Edsel. Leland restera président de la société, Edsel en sera le vice-président. Les méthodes de Ford n'étant pas compatibles avec les idées de Leland, ce dernier démissionne le 13 juin 1922 pour prendre enfin sa retraite. Il décède en 1932, à l'âge de 89 ans.