GEORGES IRAT    

Dernière mise à jour : 15/05/2010

Pour l'Elite

Petit historique

L'histoire des Automobiles Georges Irat se divise aisément en trois parties : les classiques de 1919 à 1934, les tractions avant sport de 1935 à 1939 et les productions d'après 1945, moteurs et prototypes. La première période est la plus prestigieuse.

Georges Irat (1890/----)

Vers 1910, à l'âge de 20 ans, Georges Irat dirige le service automobile de la Compagnie Générale d'Electricité, avant d'être appelé sous les drapeaux pour servir dans l'aéronautique. En 1914, il est mobilisé dans l'aviation et termine la guerre, blessé, cité et décoré. En 1919, fort de son expérience automobile, et pressentant l'essor de cette industrie, il débute l'importation de véhicules de marques étrangères et rachète la firme Majola. Il réunit ensuite les capitaux nécessaires afin de fonder sa propre société, les Automobiles Georges Irat. Pour débuter, il s'entoure de collaborateurs expérimentés, comme Maurice Gaultier, ancien chef du bureau d'études moteur chez Delage. La Société anonyme des automobiles Georges Irat voit donc le jour en 1921 et s'installe boulevard de la République à Chatou, en Seine-et-Oise.

Premier chef d'oeuvre

Georges Irat sait ce qu'il veut, une automobile moyenne, mais construite avec rigueur, performante et dotée des meilleures solutions techniques du moment. Il confie l'étude de son premier type à l'ingénieur Maurice Gaultier, transfuge de Delage qu'il a du quitter pendant la guerre pour une sombre histoire de malfaçons touchant les lots d'obus refusés par les contrôleurs militaires. Ingénieur-chef de fabrication, ce dernier a "sauté " comme un fusible, mais sa compétence professionnelle est bien connue dans les milieux industriels. Spécialiste des moteurs Chez Delage, il crée pour Georges Irat un beau et bon moteur 2 litres (1.988 cm3 - 69,8 x 130 mm)à soupapes en tête commandées par culbuteurs, donnant 40 ch au régime d'utilisation, soit 2.600 tr/mn (50ch à 3.000 tr/mn avec une petite préparation). C'est à l'époque un rendement convenable et le reste du châssis est de la même qualité.

Baptisé 4E, le premier modèle Georges Irat est présenté au Salon de l'Auto de Paris de 1921. Il suscite de suite l'admiration du public et de la presse. Les commentaires sont élogieux et certains vont jusqu'à affirmer que la voiture est l'une des meilleures, des plus sûres et des plus modernes dans sa catégorie. La voiture bénéficie en effet de toutes les innovations de l'époque et bénéficie de matériaux de première qualité. Etudiée et conçue comme une voiture de luxe, à tendance sportive, elle a été construite autour du moteur, avec allumage par batterie et bobine Delco, graissage sous pression, refroidissement par pompe à eau et carburateur à... triple diffuseur. La boîte de vitesse est à 4 rapports, plus une marche arrière, la transmission étant à cardans. La voiture est dotée également d'un pont arrière porteur banjo à taille silencieuse Gleason, en série de freins, systèmes Perrot, sur les quatre roues (grands tambours) avec servo-frein à masselottes centrifuges Hallot, le must du moment, avec grands tambours sur les quatre roues, d'un démarreur électrique, d'un système d'éclairage, de superbes roues à rayons fils Rudge Whitworth à serrage central, instrument de bord AT et Nivex, exhausteur d'essence Weymann, et d'un tableau de bord complet. Les installations électriques sont signés Delco. Ajoutons que la voiture, un fait inhabituel à cette époque, dispose d'une direction à gauche. Georges Irat entend par là faire opposition à la pseudo dictature des britanniques qui tentent d'imposer à l'Europe leur poste de conduite à droite. Pour parler du châssis, ce dernier est surbaissé, en tôle emboutie en acier et rétréci à l'avant, disponible en version courte de 3 m d'empattement, ou normale de 3,20 m.

Au début des années vingt, on voit apparaître les premiers servofreins, soit sous la forme de système multiplicateurs d'effort, soit par enroulement et autoserrage des garnitures. Entraîné par la boîte de vitesses, le servofrein Hallot comporte des masselottes centrifuges qui serrent d'autant plus fort le tambour amplificateur que la voiture va vite. Si les roues bloquent, l'effet servo s'annule. Ce système préfigure l'antiblocage actuel, mais par des moyens purement mécaniques.

Production

Pour produire cette voiture, Georges Irat sous-traite avec plusieurs firmes de constructions mécaniques la fourniture des principaux organes et assure le montage et la mise au point dans l'usine toute neuve de Chatou. Comme il est d'usage à l'époque, les carrosseries sont exécutées à la demande du client et confiées à des firmes connues pour la qualité de leur travail et spécialistes des caisses légères, Labourdette, Pourtout, Kelsh, pour citer les principaux. On trouve alors de nombreuses configurations, berline, coupé chauffeur, torpédo ou torpédo sport. Cette dernière version est la plus rapide, la voiture dépassant facilement les 100 km/h.
La clientèle de Georges Irat est jeune et dynamique et la majorité des voitures est habillée sportivement, gage de performance. Moderne, rapide (quand elle n'est pas trop lourde), freinant bien, stable (grâce à un bon centrage des masses), construite avec soin, elle est désignée par la publicité comme "La voiture de l'Elite". Il est vrai que sur la route; la voiture tient ses promesses, se révélant à la fois performante et agréable à conduire.

La concurrence est rude sur le segment des 2 litres au cours de ce début de décennie. Entre 1923 et 1926, on trouve les marques réputées comme Delage, Bignan, Chenard et Walcker, Rolland Pilain, Cottin-Desgouttes, etc. A 32.000 francs en 1923, le châssis nu vaut deux fois le prix d'une torpédo Citroën complète, et une Georges Irat carrossée vaut trois Citroën. La clientèle est donc restreinte et la production de la 2 litres ne dépasse pas les 1.200 exemplaires jusqu'en 1927.

Compétition

Pour soutenir son modèle, Georges Irat l'engage dans différentes compétitions sportives. Lui aussi, il sait que les retombées commerciales en cas de succès ne sont pas négligeables. En 1923, deux voitures, préparées spécialement pour les premiers 24 Heures du Mans. Les voitures se classent au terme de l'épreuve aux 15e et 29e places, pilotées respectivement par Cappe et Douarinou, Milhau et Malleveau. Au cours des années suivantes, d'autres voitures participeront à cette épreuve mancelle, mais sans pouvoir terminer la course. Entre-temps, sur le circuit des Routes Pavées, une 2 litres de la marque dame le pion à tous ses adversaires, en 1923, 1925 et 1926. A ces victoires s'ajoutent celles acquises dans la course Paris-Nice et au Mont Ventoux en 1925, aux 24 heures de Belgique et à la course de côtes de Château-Thierry en 1926, pour ne citer que les épreuves les plus réputées. Ce joli palmarès est du, principalement, au talent du pilote Roost.
C'est au cours de ces années 1924-1926 que Georges Irat, pour satisfaire à la demande de clients fortunés, propose une 2 Litres Compétition, avec moteur à culasse spéciale, culbuteurs allégés, arbre à cames spécial, châssis raccourci à 2,80 m et caisse surbaissée et profilée. Cette version est mise au point à Montlhéry et certifiée bonne pour 140 km/h, en toute sécurité. Bizarrement, la garantie est de six mois, alors qu'elle est de deux ans sur la version standard. Mais les carrosseries de plus en plus confortable et lourdes ruinent souvent l'espérance de résultat. La voiture sera produite en quantité limitée, contrairement au modèle de série qui sera produit jusqu'en 1929 à environ 200 exemplaires par mois.
Pour rester dans la course, et toujours en cédant aux exigences du public, Georges Irat propose en 1927 une 6 cylindres aux cotes moteur identiques à la version 2 litres. Il a seulement ajouté deux cylindres à son moteur dont la cylindrée est désormais passée à 2.985 cm3. Ce qui en fait une 3 litres de 15 CV, référencée au catalogue sous l'appellation Type 6 A. Le vilebrequin est monté sur sept paliers et la puissance atteint les 85 ch. à 3.750 tr/mn. Le graissage est assuré par deux pompes à huiles, les freins sont maintenus de série sur les quatre roues, assistés désormais par des servo-freins Devandre. Les carrosseries sont toujours très agréables et réussies, conservant une touche sportive. Bien sur, la souplesse et la puissance étaient les objectifs recherchés par Georges Irat. Malheureusement, le coût de fabrication du modèle est prohibitif. Une unique version course du Type 6A (qui développe 125 ch.) est conçue et confiée à Roost. Il n'aura cependant pas l'occasion de s'illustrer à son volant. Prêtée momentanément à un amateur sur le redoutable circuit des Routes Pavées, elle sera totalement détruite dans un accident. Sa reconstruction ne sera jamais envisagée.

Fin du premier acte

En 1928, Georges Irat développera son moteur 6 cylindres, portant sa cylindrée à 3,6 litres. La crise va ruiner ses espérances. Comme tant d'autres constructeurs marginaux, Georges Irat devra se tourner vers les moteurs américains à 6 et 8 cylindres, que la crise de 1929 rend encore meilleur marché, malgré les taxes douanières. La fin de la première période est proche

Second acte

Georges Irat se lance dans la course à la puissance, comme d'autres constructeurs. La marque propose une une nouvelle six cylindres, le Type 6B, d'une cylindrée de 3,6 litres. Cette 17 CV, seul l'alésage du type 6A a été augmenté à 76 mm, la course restant identique. Le succès n'est pas au rendez-vous, et moins d'une dizaine d'exemplaires des deux modèles seront vendus. Cet échec à des conséquences sur une trésorerie déjà précaire. Toutefois, Georges Irat va persister. Après le rachat de la firme Chaigneau-Brasier, Georges Irat poursuivra la production sous licence des modèles Chaigneau-Brasier. cependant, il confie la direction et la vente des derniers modèles à son fils Michel. Les petites 5 et 6 CV seront vendues sous el nom de Michel Irat. On reconnaît les modèles à leur calandre spécifique ornée d'une gazelle. Georges quitte également Chatou et s'installe à Neuilly-sur-Seine, boulevard de Levallois. Il compte bien repartir sur de nouvelles bases.
En 1927, Maurice Gaultier, principal artisan du succès de la 2 litres, est retourné chez Delage. Georges Irat se retrouve sans son ingénieur et ne dispose pas d'une trésorerie suffisante pour entreprendre l'étude d'un nouveau moteur. Il décide donc d'équiper sa nouvelle voiture de grand luxe, qu'il destine à une clientèle d'élite, par un 8 cylindres Lycoming américain. Cette solution, en période de crise, a été adoptée par d'autres constructeurs. Pour se démarquer de la concurrence, ou donner l'illusion qu'il s'agit d'une de ses réalisations, Georges Irat appose, sur le moteur américain, le signe Irat-Huit. Cependant, personne n'est dupe. Du coup, les nouvelles voitures de la gamme Irat sont les 8A4 de 1930 et les 8A5 de 1932, une 20 CV dotée d'un 4 litres Lycoming et une 28 CV équipée d'un 5 litres. Ces deux voitures disposent d'une suspension avant à roues indépendantes et bénéficieront de carrosseries signées Saoutchik. La finition est parfaite et le prix est à la hauteur. A cette époque, c'est encore une erreur. En effet, la France n'a pas été épargnée par la crise économique qui, au début des années trente, fait encore des siennes. Les marques de prestige sont particulièrement touchées et Georges Irat n'échappe pas à la règle. L'Elite recherchée n'est pas au rendez-vous. Du coup, les prestigieuses 8 cylindres Georges Irat ne seront jamais produite. Un nouvel échec pour la marque. Cette dernière se fera alors discrète au cours des années à venir.

Après la crise

La crise a fait des ravages et de nombreux petits constructeurs ont mis la clef sous la porte. Seuls les plus importants sont parvenus à maintenir une production, avec toutefois beaucoup de sacrifices pour certains. Le retour de Georges Irat aurait pu passer inaperçu, mais en 1935, ce dernier fusionne avec les Etablissements Godefroy et Lévèque, constructeurs du célèbre moteur Ruby. Ce moteur, qui a glané de nombreuses victoires en compétition dans les années 20, a laissé de bons souvenirs dans les mémoires. L'alliance pousse cependant Georges Irat à s'installer dans les locaux de ses nouveaux associés, boulevard Raspail à Levallois. C'est dans ces locaux que la nouvelle Georges Irat sera construite, dans le plus grand secret. Ce n'est qu'au Salon de Paris de 1935 qu'elle sera dévoilée.

L'effet de surprise passée, la nouvelle Georges Irat est totalement à l'opposé des voitures produites antérieurement par la marque. On est loin des imposantes 2 et 3 litres des années 20. La voiture se présente sous la forme d'un petit roadster doté d'un moteur 5 CV Ruby. Le but évident de Georges Irat est de concurrencer les MG et les autres petites voitures sportives anglaises qui plaisent beaucoup à une clientèle éprise de grand air et de sensations fortes. La nouvelle voiture est, selon son créateur, toujours destinée à une élite, mais cette fois à l'élite des sportifs. C'est une traction avant, avec utilisation du joint homocinétique Tracta, avec les quatre roues à suspension indépendante, suspension avant assurée par de gros ressorts à boudin, à l'arrière par des leviers articulés associés à des ressorts semi-cantilever. Le moteur 4 cylindres Ruby 954 cm3 est à soupapes en tête commandées par culbuteurs. La culasse est non détachable. La boîte de vitesse est à trois rapports et placée en avant du moteur, faisant bloc avec lui. Cette mécanique est monté sur un châssis de forme classique en U, réputé indéformable. Ce dernier est référence sous le code "MM".
La nouvelle Georges Irat ne laisse pas indifférent, mais ne suscite pas non plus les éloges de la presse. Le roadster ne manque pas d'attraits, sa ligne est agréable, sa tenue de route exceptionnelle, son freinage efficace, mais le confort est spartiate et les performances sont loin d'être à la hauteur des attentes de la clientèle visée. La vitesse maximale est de 90/100 km/h, et de 110/120 sur le version disposant du Ruby 6 CV 1.097 cm3 (MDS). La déception est plus grande lorsqu'on ouvre le capot. La place disponible aurait largement accepté un 12 cylindres. Il semble que Georges Irat avait prévu de développer un 6 cylindres mais que le projet a avorté, faute à une trésorerie trop faible.

Outre le roadster, Georges Irat à prévu également un cabriolet, plus confortable, mais moins rapide car plus lourd. Avec deux moteurs, la gamme propose donc quatre possibilités. Ce cabriolet, agréable à conduire, séduit d'entrée les jeunes, vite grisés par l'impression de vitesse dégagée par ce véritable kart carrossé. Cette engouement permet à la marque de se refaire une santé, le prix de vente raisonnable du véhicule et son entretien très économique étant une clef du succès du modèle. Le roadster, comme le cabriolet, trouvent leur public, mais les vrais sportifs ne sont pas convaincus, qualifiant ces modèles de "voitures de frimeurs". Le compresseur Cozette, un temps prévu, est abandonné, ce qui n'arrange rien. Au fil du temps, le moteur Ruby va accuser le poids des ans et nécessitera d'être manié avec douceur, sous peine de rendre l'âme. La qualité de finition n'est plus comparable à celle des productions antérieures, et certains éléments de la carrosserie ont la fâcheuse tendance à se désolidariser. Autre défaut, non négligeable, concerne l'orifice du réservoir d'essence. Ce dernier est placé juste au-dessus des carburateurs. Quelques voitures prendront feu incidemment, ce qui ne rassure pas la clientèle.

Georges Irat revoit sa copie, et le moteur Ruby 5 CV est purement et simplement supprimé. Au Salon de Paris en 1937, la marque présente la 6 CV DU, qui remplace la DS. Elle est dotée d'un moteur 6 CV 1.078 cm3 et certains défauts sont corrigés. L'esthétique de la voiture est améliorée. Au Salon de 1937, une intéressante évolution apparaît. Pour donner de la puissance au cabriolet, Georges Irat adopte le moteur 11 CV Citroën de la Traction avant. Développant au départ 46 ch, puis 56 ch, le nouveau type OLC devient une véritable modèle sportif en atteignant les 135/140 km/h. A l'avant, il reçoit une nouvelle suspension à anneaux Neiman, ce qui implique une légère modification du châssis. Cette suspension s'avère toutefois moins fiable que la précédente. Au niveau de la carrosserie, la ligne est modifiée, avec des ailes plus allongées et un avant plus rondouillard. Pour les fidèles, la voiture perd de son charme. Cependant, la voiture possède des performances honorables, une tenue de route irréprochable, une finition soignée et surtout, un prix de vente bien étudié. De quoi satisfaire une clientèle large et exigeante. De plus, quelques exemplaires bénéficient d'une boîte de vitesses, de cardans et d'une direction Citroën auxquels s'ajoutent des freins hydrauliques. Malheureusement, la guerre vient mettre un terme à sa production. Au cours du conflit, Georges Irat commercialise quelques voitures électriques inspirées des anciennes 2 litres. La 6 CV n'est pas reprise.
Après la guerre, Georges Irat se trouve à la tête d'une nouvelle entreprise, la société Irat & Cie. Il présente un prototype de roadster à trois places frontales au Salon de Paris de 1946. C'est une traction avant dotée d'un moteur flat-twin quatre cylindres de 6 CV et 1.100 cm3. Cette motorisation permet une vitesse de 125 km/h. Grâce à un châssis-coque et une armature en magnésium indéformable, la voiture est légère. Cependant, ce projet demande un investissement conséquent et Georges Irat ne peut pas se lancer dans cette aventure seul. Deux autres prototypes sont également présentés, aux Salons de 1947 et 1949. Le succès ne sera pas au rendez-vous. Georges Irat fait ensuite appel à Emile Petit pour développer un véhicule tout-terrain avec moteur arrière en porte-à-faux Dyna-Panhard destiné au marché nord-africain. Une vingtaine d'exemplaires seront réalisés en 1950 par la Société Chérifienne d'Etudes des Automobiles Georges Irat, située à Casablanca. Ce sera également un échec. Entre-temps, les Etablissements Irat & Cie se sont lancés dans la fabrication de moteurs industriels diesel sous la marque Dog qui, eux, connaîtront un certain succès. L'aventure automobile de Georges Irat s'achève alors.