DARRACQ    

Dernière mise à jour : 15/05/2010

Multi-marques...

Petit historique

Alexandre Darracq (1885/1931)

Né le 10 novembre 1855 à Bordeaux, Alexandre Darracq a suivi des études générales et techniques, puis entre comme dessinateur-projeteur à l'arsenal de Tarbes. Il fait ensuite un séjour chez Hurtu et Hautin, alors fabricants de machines à coudre. Son parcours le mène par la suite dans différentes entreprises de mécanique, où il acquiert une bonne expérience en matière de production industrielle, avant l'apparition de l'automobile.
Vers 1890, Alexandre Darracq dirige à Bordeaux une entreprise produisant du gros matériel de cave. Il cherche alors à diversifier sa production et sse tourne vers celle de la toute récente bicyclette, alors monopole des industriels anglais. En 1891, il s'associe avec Aucoc pour créer une usine de cycles à paris, au Pré Saint-Gervais, sous la marque Gladiator. Il revend cette entreprise en 1896 à des anglais. S'il ne peut plus fabriquer des machines entières, selon le contrat de vente, rien ne l'empêche de produire des pièces détachées, ni de faire de nouveau fortune avec son usine Perfecta de Suresnes.
Mais Alexandre à d'autres projets. Disposant d'une vaste usine bien équipée, il va se lancer dans l'automobile. Ayant déjà construit des bicyclettes à moteur et des tricycles, pour le compte d'inventeurs, il flaire le potentiel industriel et commercial de la toute jeune automobile. Il se lance alors dans la construction de véhicules électriques en 1897, avec un Coupé (Dogcar inspiré de la Riker américaine) qu'il tente en vain de vendre à un consortium anglais. Ce tricycle est baptisé la "triplette Darracq Gladiator". Pour prouver les qualités de son engin, Alexandre va parcourir une distance de 10 kilomètres en 9 minutes et 45 secondes, à la vitesse stupéfiante de 60 km/h. La publicité autour de cet exploit lui permet d'obtenir une aide financière de quelques entrepreneurs mais le coupé est boudé par les industriels anglais, et Darracq, certain du brillant avenir de l'automobile, revient au moteur à essence. Comme De Dion-Bouton, Clément, Renault, etc., Alexandre Darracq est passé par les stades habituels de la construction pionnière : tricycle, puis quadricycle. Et, comme eux, il adopte le moteur De Dion monocylindrique à admission automatique. Après un essai malheureux avec une voiturette de 4 HP et une tentative de production du quadricycle Léon Bollée (Perfecta), techniquement dépassé, Darracq abandonne le Type Darracq-Bollée pour construire une vrai voiturette, conçue avec la colalboration d'un jeune ingénieur britannique, Owen Clegg, qui deviendra plus tard le grand patron de Talbot-Darracq de Suresnes.

9 HP
Automobiles Darracq S.A. à Suresnes présente son nouveau type au Salon de l'Automobile de 1901 (le premier, tenu en janvier en remplacement du Salon de 1900, annulé pour cause d'Exposition Universelle). Désignée "Voiture légère" malgré ses quatre places, ce type 6 HP 1/2 est l'ancêtre direct du modèle 1902 et ses caractéristiques sont semblables. Cette Voiturette ou Voiture légère dispose d'un châssis tubulaire (cadre rectangulaire en tubes d'acier brasés, héritage de la bicyclette) et des pattes forgées coudées supportent les quatre ressorts semi-elliptiques. Le moteur vertical Perfecta de 6,5 HP, refroidi par eau, est à l'avant : il s'agit d'un monocylindre maison placé derrière le radiateur à serpentin et près du réservoir en charge. Il développe 1/4 de cheval à 200 tr/mn et 9 ch à 1.600 tr/mn, régime. élevé à l'époque. L'allumage est électrique et le régulateur d'admission contrôlé au pied sert d'accélérateur. La boîte à 3 rapports est commandée par un levier au volant et l'embrayage est à cône. Une transmission par arbre à cardans et un pont arrière à différentiel complètent un groupe motopropulseur moderne en son temps. Simple et fiable comme les De Dion et les nouvelles Renault, la voiturette Darracq attire de nombreux candidats à a motorisation au second Salon de fin 1901.
Intelligemment, sur ce petit châssis destiné à une clientèle "populaire", Darracq propose diverses carrosseries tout équipées, à l'exception des éclairages (non obligatoires), des accessoires et des pneus (au choix du client) : une charrette quatre place, un tonneau quatre places et un double phaéton. Si le chroniqueur vante les qualités (réelles) des voiturettes Darracq, il précise naïvement que "leur prix d'achat les met à la portée de chacun". L'ouvrier payé 1 franc de l'heure relativise l'affirmation, d'autant plus que les coûts d'utilisation sont prohibitifs pour la majorité du public. Pourtant, la 9 HP lance définitivement Darracq comme "grand" constructeur, avec une production qui dépasse 2.000 automobiles en 1902. Mais, insatiables, les clients exigent davantage de puissance et la 9 HP est jugée "un peu faible". Darracq comprend vite et propose bientôt des 2 cylindres 9 HP et 12 HP ainsi qu'une 20 HP 4 cylindres. Cette dernière bénéficie des retombées de la compétition, dans laquelle s'engage avec détermination et succès un Alexandre Darracq devenu président de la Chambre syndicale du Cycle et de l'Automobile, alors qu'il ne conduit pourtant jamais !

Darracq Type 9 HP Double phaéton
Darracq rencontre donc cette fois le succès commercial et va vendre la licence en Allemagne à Opel et en Grande-Bretagne à Weird. Le succès le pousse à fonder des filiales à l'étranger, en Grande-Bretagne avec la A. Darracq and Co, une firme qui donnera naissance au Groupe Sunbeam-Talbot-Darracq. Il fonde également une filiale en Italie, la Société Anonyma Italiana Darracq. Fondée en 1906, la SAID de Naples déménagera à Milan, dans une usine ultra moderne et produira des petites bicylindres, puis quatre cylindres, légères et peu puissantes. Inadaptées à l'état des routes italiennes, les voitures ne se vendront pas et Darracq, suite à cet échec, revendra ses installations à des industriels Lombards. Ces derniers, avec l'aide de la Banca Agricola Milanese qui devient majoritaire dans l'entreprise. En 1909, elle deviendra l'Anonyma Lombarda de fabrica di Automobili, autrement dit ALFA.

     

Darracq Type 9 HP Tonneau

Gros succès commercial

L'entreprise Darracq va connaître une croissance supérieure à Renault et à Peugeot, parvenant à se hisser en tête le premier constructeur français. Alexandre observe le marché et la concurrence, sans négliger la compétition. Il s'engage dans 52 épreuves en 1901, et récolte une bonne publicité tout en testant ses nouveaux moteurs, des 2 cylindres de 12 HP. Sa réputation est faite et sa renommée est reconnue. Il devient même Président de la Chambre Syndicale du Cycle et de l'Automobile. Ses bicylindres courent en 1902 dans le Paris-Vienne, le Circuit des Ardennes, le Circuit du Nord où, dans leur catégorie, elles obtiennent de brillants résultats. Parallèlement, Darracq étend sa gamme qui va désormais d'une monocylindre de 8 HP à une 4 cylindres de 20 HP en passant par une 9 HP monocylindre, une 10 HP et une 12 HP bicylindre. la plupart de ces voitures légères sont carrossées en tonneau à deux ou quatre places, et les prix vont de 5.000 francs à 16.000 francs. Darracq adopte également sur ses véhicules la commande des vitesses au volant, anticipant de fait une pratique qui s'imposera à la fin des années 1940.

Darracq 1904
Inconnu
En 1904, Darracq est devenu un constructeur reconnu, produisant 10% de la production française. Dans le même temps, il développe sa gamme; avec deux nouvelles 4 cylindres, une 15 HP à châssis en bois armé (brevet Darracq) et une 24 HP à châssis en tôle d'acier et moteur à culbuteurs. Le châssis en une seule plaque d'acier sera adapté à tous les véhicules de la marque en 1905. Il prévoit également des 6 cylindres de 30 HP. Pour la Coupe Gordon Bennett, Darracq prépare des 100 HP, qu'il fait aussi construire par ses licenciés anglais et allemands (Opel), pour multiplier ses chances. Malheureusement, c'est un échec total, si l'on excepte la quatrième place d'Arthur Duray à la Targa Florio.

Darracq Type H bicylindre 1904

Gros succès en compétition

A l'époque, les Darracq ont une bonne réputation en petites et moyennes voitures, mais l'affirmation dans les grandes épreuves se fait attendre jusqu'en 1905, année où Darracq triomphe au Circuit des Ardennes en catégorie grosses voitures, voitures légères et voiturettes, ainsi qu'à la première Coupe Vanderbilt disputées aux Etats-Unis. En 1905, Darracq est un constructeur majeur en Europe qui s'intégrera plus tard à la multinationale Sunbeam-Talbot-Darracq.
La participation à des compétitions et tentatives de record à but publicitaire parmi lesquels des records absolus de vitesse entre 1904 et 1906 ainsi que la victoire de la Coupe Vanderbilt aux États-Unis en 1905 et 1906, apporteront une grande renommée à l'entreprise qui, peu après, aura une grande expansion, en s'associant à des entreprises comme Talbot au Royaume-Uni, Opel en Allemagne, Alfa Romeo en Italie ou la société Vitoria au pays basque espagnol en 1907.

Darracq 1905
C'est depuis 1904 que Darracq s'attaque aux records de vitesse, alors très médiatisés. Le 21 juillet 1904, à Ostende en Belgique, Paul Baras sur une Darrracq V8 atteint 163,636 km/h, sur 1 mile, puis les 168,224 km/h le 13 novembre, toujours à Ostende, sur la Darracq Gordon Bennett. En 1905, le 30 décembre, entre Salon-de-Provence et Arles, c'est Victor Hémery qui atteint les 174.757 km/h sur Darracq V8 Special de 200 chevaux. Le 23 janvier 1906, Victor Hémery est chronométré à 185.567 km/h. Fin janvier, au Meeting de Floride, la voiture atteint les 197 km/h, battue de peu, sur 1 mile, par une Stanley à vapeur au bord de l'explosion !

Darracq V8

Rigal sur Darracq, Grand Prix de l'ACF 1907

Darracq se retire

Sortie d'usine chez Darracq
En 1910, Darracq sera le troisième constructeur national, derrière Renault et Peugeot. Mais la crise de 1909 a mis un frein à la production et la société sera vendue aux anglais en 1912 à la filiale anglaise A. Darracq & Co Ltd qui continuera la production. Cette société anglaise, fondée avec les actifs de Darracq, rachètera en 1919 la Clément Talbot Ltd avant de s'associer à Sunbeam en 1920, dans le consortium STD. Comme il existe déjà une Talbot anglaise distincte, les Talbot françaises porteront la marque Darracq sur les marchés britanniques jusqu'en 1939.
En 1913, Alexandre Darracq se retira à Monte-Carlo. A la tête d'une grosse fortune, il va s'établir avec sa fille adoptive, qui avait été trouvée abandonnée bébé, quelques années plus tôt, à la porte de son hôtel particulier à Paris. Il se consacrera alors à l'immobilier et à la gestion de l'Hôtel Negresco de Nice. Il s'éteindra en 1931. Il repose à côté de sa femme Louise, née en 1850 et décédée en 1920, dans le mausolée familial au Père-Lachaise à Paris.
Alexandre Darracq est devenu un grand nom de l'histoire de l'automobile. Pourtant, il n'aimait pas les automobiles, ne voulant pas les conduire et dédaignant même se faire conduire. L'automobile n'était pour lui qu'un agréable sujet d'activité et surtout d'affaires. Elles feront sa fortune

Un nom dans l'histoire

Darracq aura été assurément un personnage très important dans l'histoire de l'automobile. Il a été l'initiateur de l'utilisation de tôle emboutie pour le châssis et ses filiales étrangères ont donné naissance à des entreprises automobiles de renommée internationale encore actives aujourd'hui comme Alfa Romeo et Opel. L'un de ses employés à Suresnes, fut un certain mécanicien suisse nommé Louis Chevrolet.

Louis Chevrolet (1878/1941)

Après avoir quitté la Suisse avec sa famille, et avant de partir pour les Etats-Unis, Louis Chevrolet apprit la mécanique. Il décrocha un emploi chez Roblin, effectuant des réparation sur des voitures et des bicyclettes. Installé à Beaune, il se découvrit également une passion pour le cyclisme et s'acheta un vélo Gladiator. Il partit ensuite à Paris et se vit offrir un emploi dans l'atelier du constructeur d'automobiles Darracq, qui fabriquait à l'époque les vélos Gladiator. C'est dans les ateliers de cette société qu'il apprend les secrets du moteur à combustion. Il mettra ses acquis en pratique en construisant ses propres voitures aux Etats-Unis. Avant cela, il passa par le Canada, travailla comme chauffeur, puis s'installa à New York. Il travailla alors pour la filiale De Dion-Bouton. C'est en battant un record de vitesse en 1905 qu'il se fit un nom aux Etats-Unis. En 1906, il rejoignit Walter Christie et l'aida à concevoir une nouvelle voiture de course dotée d'une traction avant et d'un moteur Darracq V8. Il battra alors un nouveau record du monde de vitesse.
C'est un peu grâce à Alexandre Darracq que Louis Chevrolet a fondé sa société. Il fit sa culture automobile, en particulier les moteurs à combustion interne, au sein des ateliers Darracq. Louis Chevrolet émigre ensuite au Canada puis à New York et fondera en 1911 Chevrolet Motor Car Company avec William Durant fondateur de General Motors.

Reprise

Owen Clegg (1885/1931)

Après le départ d'Alexandre Darracq, c'est Owen Clegg qui est nommé directeur de l'entreprise Darracq. Clegg, ingénieur chez Rover, va apporter quelques adaptations aux Darracq qui deviennent de fait des imitations des Rover Twelve. En 1920, les firmes Talbot et Sunbeam se rapprochent de Darracq pour former un groupe baptisé STD. De fait, les Darracq deviennent des Talbot-Darracq. Chose étrange, les voitures prendront ensuite les dénominations Darracq en Angleterre, et Talbot en France. Talbot Suresnes sera ensuite racheté par Antony Lago, mais c'est une autre histoire. Rappelons toutefois que Talbot Lago sera racheté par Simca en 1958.

Opel-Darracq

C'est en 1899 que les frères Opel se lancent dans l'automobile en achetant l'usine de Friedrich Lutzmann. En 1901, ils se séparent de ce dernier et se mettent en relation avec Darracq. Ils achètent alors la licence de fabrication de la voiture française et commercialise la première Opel-Darracq en 1902.