CROSSLEY    

Dernière mise à jour : 15/05/2010

Pionnier anglais...

                  

Petit historique

Francis (1839/1897) et William Crossley (1844/1911)

La firme Crossley fut d'abord connue pour avoir été la première marque à construire des moteurs à combustion interne à 4 temps selon le principe de l'allemand Otto. C'est en 1904, après avoir fabriqué sous licence des moteurs Daimler, que la firme lance ses premières automobiles.
Très chrétiens, ennemis jurés des fabricants d'alcool et de bière auxquels ils refusaient de vendre leurs moteurs, les frères Crossley adoptèrent comme marque de fabrique la crois des chevaliers de Malte (parfois appelée croix coptique) sur fond vert.

Crossley Brothers a été fondée en 1867 par Francis Crossley (1839/1897) qui racheta à Manchester une firme de John Dunlop qui fabriquait des pompes, des presses hydrauliques et des machines à vapeur d'atelier. Son frère, William Crossley (1844/1911), le rejoint alors. Comme Francis, il possède une formation d'ingénieur mécanicien acquise dans des firmes construisant du matériel ferroviaire ou de l'armement. Baptisée Crossley Brothers and Dunlop, l'entreprise prospère et en 1869, elle acquiert pour la Grande-Bretagne la licence des moteurs allemands Otto et Langen. Ils disposent ainsi des droits de fabrication des moteur atmosphérique à combustion interne. En 1876, il récidive et achètent cette fois les droits du premier moteur Otto à quatre temps. Du deux temps au quatre temps, les moteurs Crossley deviennent des références et seront distribués à de nombreux constructeurs. En 1896, ils obtiennent les droits du système de Rudolf Diesel, offrant alors un catalogue très complet. Ces derniers seront d'ailleurs utilisés sur les autobus Leyland. Crossley adopte alors des méthodes de production en série, inventant la chaîne de montage, invention régulièrement accordée par erreur à Ford. On dit d'ailleurs que Ford se serait inspiré des méthodes Crossley pour les appliquer à Détroit. En 1904, William Crossley, seul et déjà âgé, aborde la construction automobile et fonde en 1906 la Crossley Motors Ltd, le 11 avril pour être précis. Si la première automobile Crossley date de 1904, l'entreprise Crossley Frères ne croyait pas vraiment, à cette époque, en ces nouvelles machines. C'est pourquoi elle préféra dissocier ce secteur du reste de l'entreprise en fondant une entité séparée. La production régulière débuta en 1907. Spécialiste des moteurs, la société Crossley achète ses autres composants chez des fournisseurs extérieurs, comme ses cadres chez Arbel en France, firme spécialisée dans l'emboutissage.

Premières autos

Les frères Crossley sont donc les premiers Britanniques à avoir la licence du moteur Otto, lui-même dérivé du moteur à gaz Lenoir. Nous sommes alors en 1866 et il s'agit encore d'un moteur à gaz à deux temps sans compression ni soupapes. Le rendement est dérisoire, à peine meilleur que celui d'une machine à vapeur. Leur coup de génie est d'abandonner la distribution par tiroir en faveur des soupapes et le remplissage du cylindre par tranches ou par charge stratifiée, qui n'offre aucun intérêt à l'époque, sinon de garantir une meilleur combustion. ces perfectionnements mènent au moteur à quatre temps, que Nikolaus Otto propose en 1877. Avec la technique des soupapes, les moteurs Crossley sont les meilleurs sur le marché et la firme de Manchester en inonde l'empire britannique. On estime à plusieurs centaines de milliers les moteurs exportés par Crossley. Avec une telle expérience, il est étonnant que la firme n'aborde l'automobile qu'en 1903, mais l'activité de la firme dans le domaine des moteurs industriels est très importante et la diversification n'offre jusque-là, en présence d'un marché automobile théorique, que peu d'intérêt. Pourtant, sous la pression des agences de vente, les industriels anglais sont sollicités en vue de produire des routières de la classe des PAnhard, Mors et, surtout, des nouvelles Mercedes. C'est ainsi que Crossley produit une première automobile, une 22/28 HP à 4 cylindres, dont le cadre de châssis est importé de Belgique, le moteur étant bien entendu un Crossley.

Puritanisme

Le puritanisme n'exclue pas toujours le sens des affaires, mais les frères Crossley, très religieux, refusèrent de vendre leurs moteurs industriels aux brasseurs et autres marchands d'alcool.
Les premières Crossley sont de grosses voitures voitures inspirées par les Mercedes. Les 22 HP et 40 HP respectivement de 5 et 7 litres de cylindrée, sont chères et, si Crossley Motors ne cherche pas les grands volumes (tels qu'on les conçoit à l'époque, soit entre 500 et 1.000 châssis par an), il apparaît que le marché doit être plus vaste pour des types plus petits. Un changement d'ingénieur en chef fin 1907 va précipiter ce changement de politique.
12-14 et 20 HP
Assistés par un ancien pilote-essayeur venu de chez Wolseley, Cecil Bianchi, MM. Woods et Reeves présentent en 1909 les nouvelles Crossley : une 2-14 HP (2,4 litres) et une 20 HP (4,5 litres). Ces voitures affichent une technologie à la fois classique et moderne à l'époque : moteurs à 4 cylindres coulés en bloc (pour la 12-14 HP), soupapes monolatérales, allumage par magnéto haute tension, refroidissement par thermosiphon et ventilateur, embrayage à cone inverse, boite à 4 rapports et transmission par arbre à cardan avec tube de poussée et réaction. Mais s'y ajoutent des solutions novatrices, comme le montage en bloc de la boîte et du moteur, les roues (à rayons fils ou en bois) amovibles et le freinage sur les quatre roues, fin 1910, quand la 12-14 HP devient la 15 HP avec augmentation de la cylindrée à 2,6 litres pour compenser un peu le poids du châssis, surtout le type long.
15 HP

15 HP Crossley en version torpédo à double pare-brise de 1914
Sans communiquer sur sa décision, Crossley abandonne les freins avant dès 1912 et augmente la dimension des freins arrière. Ces voitures sont fabriquées avec soin et des matériaux de qualité en très petites séries : la production annuelle de Crossley, tous types confondus, se situe entre 600 et 700 voitures. Leur fonctionnement est excellent et en 1913, une version sportive est proposée, tandis que tous les modèles reçoivent en série un démarreur électrique.

    

Crossley fut une pionnière du freinage intégral. En 1910, elle proposait sur la 15 HP des freins avant commandés par une pédale, et des freins arrière commandés par un levier à main. Le système était défectueux, car les conducteurs avaient tendance à ne freiner qu'au pied et trop brutalement. Il en résultait des bris de ressorts et des déformations d'essieux et des leviers de direction, mal calculés pour encaisser ces efforts. Ce progrès fut abandonné fin 1912.
15 HP Shelsley
Sur le châssis court, le type "Shelsley" (du nom de la célèbre course de côte du Worcestershire), au moteur légèrement poussé, peut atteindre 100 km/h en roadster deux places ou torpédo légère. C'est sue la Shelsley qu'apparaît l'original radiateur Crossley en "nez de truite". cette voiture va afficher un petit palmarès en course de côte, pilotée par les ingénieurs de la maison. Une version spéciale à moteur porté à 3,2 litres est engagée au Tourist Trophy 1914, où Bianchi, 13e et dernier à l'issue de la première journée, doit abandonner le lendemain. Quoi qu'il en soit, la Crossley Shelsley a une réputation de routière rapide à l'égale des Vauxhall (de cylindrée supérieure).

Freinage sur quatre roues

En 1910, Crossley proposa ce qui passait pour une dangereuse hérésie : le freinage sur les quatre roues. Mais le système Crossley n'était pas intégral : la pédale agissait sur les tambours avant, le levier sur les tambours arrière. Casses et accidents condamnèrent le système.

Première Guerre mondiale

Jusqu'en 1914, Crossley a développé ses fabrications vers le haut et a proposé des types plus petits à partir de 1909, avec freinage sur les quatre roues en option. En 1913, Croosley catalogua sa 15 HP dont la variante "Shelsley" offrait des performances de sportive en atteignant 100 km/h habillée de belles caisse roadster ou torpedo. C'est d'ailleurs sur cette série qu'apparaît le radiateur en V à "nez de truite" ou à visière typique de la marque jusqu'au début des années 20. La grande Crossley est alors une 25-30 HP (ex 20 HP) de 4,5 litres de cylindrée, très fiable, commandée massivement par l'armée dès 1913 et plus encore au début de la guerre de 1914. Une guerre qui met d'ailleurs un terme à la production de la 15 HP début 1915,.

RFC

La Crossley dite type RFC à roues arrière jumelées équipa le Royal Flying Corps, ancêtre de la RAF, comme voiture de liaison et camionnette de ravitaillement. Mais Crossley en livra des quantités à d'autres corps de troupe, notamment des ambulances au Service de Santé britannique. Grâce à cette production, la firme put reprendre pied sur le marché civil dès le début de 1919 sans se reconvertir, bien que les surplus militaires limitèrent les ventes. Les voitures de surplus firent le plus souvent office de taxis ou de petits bus ruraux.

Diversité

Outre les automobiles, Crossley est aussi un constructeur d'autobus, de camions et de véhicules militaires. Parmi ces véhicules, on trouve donc la 20/25 HP en 1912, et c'est à partir de cette dernière que furent construits les véhicules militaires, comme le "Tender". La production des Crossley civiles restera très limitée, la production pour l'armée restant la plus importante au cours de cette période de conflit, c'est à dire entre 6.000 et 10.000 exemplaires pour seulement 2.100 civiles.

20/25 HP Tender RAF 1918
Matchbox
La plus connue des automobiles Crossley est sans doute la 20 CV 4 litres, très populaire, et qui eut son heure de gloire au cours de la première guerre mondiale comme voiture de liaison de l'état-major, comme ambulance ou comme camionnette. Après la grande Guerre, l'entreprise disparaît. A cette époque, un jeune anglais faisait son apprentissage au sein de cette entreprise : William Lyons, futur créateur de la marque Jaguar.

14 HP
Après le conflit mondial, la marché a changé et l'automobile doit être simplifiée pour se vendre en nombre. En 1921, Crossley propose une 19,6 HP, c'est-à-dire une 25-30 modernisée, d'une cylindrée réduite à 3,8 litres, et prépare un type plus modeste, une voiture moyenne de 14 HP (puissance anglaise) à moteur 4 cylindres de 2,4 litres correspondant à la 12 CV Hotchkiss en France. cette voiture destinée à connaître une plus grande diffusion réintroduit le radiateur plat en 1923. Elle offre un corcuit électrique en 12 V, un embrayage à disque unique, mais des freins arrière seulement et un graissage du moteur par barbotage avec pompe. Cette "petite" Crossley doit concurrencer les américaines bon marché comme les Ford, les Chevrolet et les Dodge. Toutefois, tarifée à 475 £, la 14 HP n'est pas une voiture populaire : une Morris coûte 260 £ en 1925. Cette année-là, la petite Crossley reçoit des freins avant en option, et en série l'année suivante. Parallèlement, la marque tente de lancer une vraie populaire de 8 HP, sans freins avant, mais sans succès.

    

Des coups d'épée dans l'eau

Malgré une gamme de puissances intéressantes et l'apparition de 6 cylindres moyennes, les Crossley vieillissent à partir de 1925. La firme produit des bus et des cars réputés, essaie de construire la Bugatti Brescia sous licence en 1922, mais y renonce très vite, monte des voitures Overland et Willys-Knight, prend la licence des chenilles Citroën-Kégresse et finit par proposer trop de modèles qui, malgré leur qualité de fabrication, ne sont que des développements de types anciens. Une Ten (10 HP) à moteur Coventry Climax doit relancer les affaires, mais malgré une pléthore de modèles divers et même une voiture d'avant-garde à moteur arrière. Crossley ne survit que grâce aux productions d'autobus et d'engins militaires. Les types de tourisme sont abandonnés en 1937. La marque sera absorbée en 1951 par le groupe ACV, lui-même repris par British Leyland. Les usines Crossley de Manchester ferment leurs portes en 1958.
Depuis la Première Guerre mondiale, la firme a donc changé plusieurs fois de propriétaires. En 1988, elle devient une division de Rolls-Royce, fabriquant des pièces de moteurs qui ne portent plus le nom de Crossley. En 50 ans, en tant que société indépendante, Crossley s'associera à plusieurs sociétés, comme Willys Overland, Avro, SJA, Burney, et même Bugatti. Une vingtaine d'exemplaires d'une Bugatti Crossley Type 23 furent construites.