
CORD

Dernière mise à jour : 15/05/2010
L'attraction américaine

Petit historique
Errett Loban Cord (1894/1974)

En 1924, un jeune vendeur de voitures est appelé à la direction de la firme Auburn. Cet homme se nomme Erret Loban Cord. La société croule alors sous un stock
de voitures qu'elle n'arrive pas à vendre. Cord va accepter, tout en négociant le rachat de l'entreprise s'il arrive à redresser cette dernière. Sa première
initiative sera de refaire repeindre dans des couleurs variées toutes les Auburn en stock. En un an, il va redresser l'entreprise.
Lorsqu'il fonde Cord, Erret Loban Cord est déjà en possession de plusieurs marques automobiles et autres sociétés. Cord n'est sûrement pas un inventeur-bricoleur
patenté à la manière d'Henry Ford ou de thomas Edison, mais il possède en revanche un sens inné du commerce et de la communication. Cette dernière qualité le mène
donc à la tête du constructeur moribond Auburn qu'il rachète en 1925, puis d'un conglomérat industriel incluant la prestigieuse Duesenberg (rachetée en 1926), le motoriste
Lycoming, Columbia Axle et deux entrreprises de carrosseries, Limousine body et Central Manufacturing, et la Stinston (avions). Il n'est alors âgé que de 32 ans.
L 29, L comme Loban
A la fin des années vingt, l'économie américaine demeure des plus florissantes, et aucun expert n'a prévu un futur jeudi très sombre. Cadillac, Packard, Lincoln
et Pierce-Arrow se disputent alors le marché de l'automobile de luxe américain. Poussé par sa forte personnalité, subtil mélange d'ambition et de mégalomanie,
E. L. Cord pense qu'il est grand temps pour lui de "jouer" dans la cour des anciens en créant sa propre marque, portant son nom. A ce sujet, le golden-boy possède
une formule toute faîte : "un de mes premiers principes est d'être différent, pas spectaculaire ou contraire, mais différent." Il rêve et conçoit sa différence via
une machine basse aux lignes originales, au capot exagérément long, mais sans sacrifier à l'habitabilité. Cord arrive à la conclusion que seule une voiture équipée
du dispositif des roues avant motrices, symbole à cette période de modernité, lui permettra d'atteindre cet objectif.

Cabriolet de présérie, sans pare-choc bilame
Pour son projet, Cord engage les deux meilleurs spécialistes américains de l'automobile "tractée",
Harry Miller, le célèbre ingénieur qui fait courir avec succès
à Indianapolis depuis 1925 des racers traction avant, et Cornelius Willet Van Ranst, qui est nommé ingénieur en chef du programme. Leon Duray, pilote officiel des
machines de course Miller, est quant à lui promu essayeur officiel et consultant. Malgré l'amélioration substantielle de ses ventes, l'Auburn Automobile Company
ne représente que 1 % du marché américain, ce qui explique le fait que le budget consacré à la genèse de la Cord L 29 reste très limitée. La mécanique choisie est
un 8 cylindres en ligne Lycoming, bien sûr, de 4;887 cm3 provenant de la salle des machines de l'Auburn Type 125. Son adaptation aux roues avant motrices nécessite
l'étude de soixante-dix pièces mécaniques spécifiques, mais la nouvelle position "retournée" de la transmission nuit à l'équilibre de la distribution des masses
(47 % à l'avant et 53 % à l'arrière) et par conséquent à la motricité.

Version berline au pavillon simili cuir
Un prototype d'essai utilisant une carrosserie modifiée d'Auburn est finalisé au sein e l'atelier de Miller à Los Angelès. Leo Goosen, un protégé du propriétaire
des lieux, se charge de l'étude du train avant, des suspensions à lames quart-elliptiques à l'arrière ainsi que des freins Lockheed de type "inboard". La boîte
de vitesses retenue comprend 3 rapports, commandées par un levier coudé surgissant du milieu inférieur de la planche de bord, à la manière de la futur Renault 4L.
Cette transmission est usinée par les soins de la Detroit Gear and Machine Co. La Cord n° 1 effectue ses premiers tours de roues à la fin de l'année 1927, sous
l'oeil ému du patron, qui s'est déplacé tout spécialement pour cet évènement historique. Si E. L. Cord semble plutôt satisfait de ce premier contact, Miller et
Van Ranst restent plus circonspects. Bruyant, l'engin est sujet à de sournoises vibrations et manque de rigidité, à tel point que les portières s'ouvrent
spontanément lors des accélérations. L'ingénieur Herb Snow remédie à cette nuisance en concevant un châssis en forme de X, une première dans l'industrie
automobile américaine ! Par ailleurs, les joints universels Rzeppa de la transmission sont d'une fragilité inadmissible pour une automobile de cette catégorie,
destinée à la plus raffinée des clientèles.

Une ambiance beaucoup plus sereine règne à Indianapolis, où la nouvelle venue doit être assemblée. Alan H. Leamy, le talentueux chef styliste d'Auburn, assisté
de John Oswald, ingénieur en carrosserie (mais qui semble avoir participé à l'étude purement esthétique de la voiture), reçoit comme mission de définir les lignes
et les courbes de la prochaine Cord L 29. Le travail de Leamy est remarquable par sa justesse des équilibres et des formes, reposant sur la dualité faible garde-au-sol
et long capot, une formule désormais classique, mais toujours d'une rare efficacité. Tout est bien pensé, à l'instar du dessin en cercle du cache en tôle, peint aux
couleurs de la voiture, dissimulant le différentiel au bas de la calandre. Cette pièce décorative est sertie d'un délicat jonc chromé et décoré du blason de la
marque. Le châssis abaissé ainsi que le statut très "tendance" de la Cord L 29 inspirent de nombreux carrossiers extérieurs de renom tels que Walter M. Murphy,
Le Baron, Weymann, ou Derham. L'élégante réputation de la Cord L 29 ne tarde pas à traverser l'Atlantique. Les établissements de carrosserie Castagna en Italie,
Franay ou Saoutchik de Paris réalisent dessins et aquarelles en vue d'habiller la belle américaine. Lors du Salon de paris 1930, la maison française Proux expose
sur le stand de la marque un intimidant coupé de ville laqué gris perle qui séduira un riche connaisseur.
Alan H. Leamy (1904/1990)

Alan H Leamy, le créateur des lignes de la gamme Auburn et de la Cord L 29, fut atteint de la polio dans sa prime jeunesse. La maladie l'obligea à une certaine
sédentarité. Il se passionna alors rapidement pour le dessin et plus particulièrement la cration de carrosseries automobiles. Il présenta son dossier à Van Ranst,
qui, impressionné par la qualité de son travail, organisa un rendez-vous avec E. L. Cord. Ce dernier nomma immédiatement l'artiste, âgé de 26 ans, chef du bureau
de style du groupe Auburn-Duesenberg-Cord. Alan Leamy quitta ce monde précipitamment en 1935 à la suite d'un cancer du sang, à l'âge de 33 ans. Son assistant,
John Oswald, rejoignit plus tard la General Motors comme responsable du département carrosserie de la division Oldsmobile, puis brièvement, en 1946, le
centre du style de la Ford Motor Co.

Version torpédo

Surce modèle, les roues fils sont de la marque Lacy Dayton.
Malgré les recommandations de Van Ranst et Miller, qui préconisent une mise au point plus complète et sérieuse, E. L. Cord, excité à l'idée de dévoiler sa
dernière carte maîtresse, décide d'organiser la présentation officielle de sa voiture au mois d'août 1929. La gamme L 29 est constituée de quatre modèles :
une berline, une berline Brougham, un cabriolet et un torpédo. Les tarifs s'étalent de 3.095 $ à 3.295 $ selon les configurations de caisse. Quelques
mauvaises rumeurs (pour la plupart justifiées) commencent à circuler concernant la fiabilité douteuse des joints de cardans, l'usure excessive des pneumatiques
avant et la nervosité que certains jugent inférieure à celle d'une modeste Ford A ! Heureusement, par son allure inimitable, la Cord L 29 séduit
immédiatement une clientèle élitiste, snob et avide d'originalité, pour laquelle elle a été conçue en priorité. Mais le voile noir de la grande dépression
économique, conjugué à la fragilité mécanique originelle de la voiture, font que la Cord L 29 ne rencontre qu'un succès d'estime. Entre 1932, 5.010 exemplaires
sont assemblés (certaines sources indiquent un chiffre de 4.429), un bilan commercial bien modeste si l'on observe qu'à la même période, Packard honore
55.000 commandes, Cadillac 35.000 et Pierce-Arrow 14.000. Fascinante, élégante, différente sont des adjectifs qui conviennent parfaitement à la L 29
voulue par Errett Lobban Cord, mais son radicalisme (sans parler de ses approximations techniques) effraye une frange de clientèle certes aisée, mais par
essence trop conservatrice.


L 29 Berline 1929 et L 29 Coupé 1931
Solido
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La Cord L29 sera, bien avant la Citroën, la première voiture de série à adopter ce mode de transmission. En France, d'ailleurs, une Cord L 29 se commande
auprès des établissements Motor De Luxe, fondés et dirigés par le charismatique Edmond Z. Sadovich, un entrepreneur infatigable originaire d'une région
déshérité d'Autriche-Hongrie. Les ateliers sont aménagés au n° 12 de la rue de Sablonville, dans le 17e arrondissement de Paris. Le magasin d'exposition
est également situé dans la capitale, mais au 12 rue de Berri, à deux pas des Champs-Elysées. On commande de la même manière les Auburn et les Duesenberg.

Ce Speedster signé Phil Wright, un
exemplaire unique, a accompagné l'actrice Jean Harlow en France

Franck Lloyd Wright, le célèbre architecte visionnaire, est immédiatement séduit par les volumes de la Cord L 29 et se porte acquéreur d'une des
premières construites. Il la conservera jusqu'à la date de son décès, en 1959.
Les ateliers californiens de carrosserie Walter M. Murphy élaborèrent deux majestueux coupés de ville, le premier pour la ténébreuse actrice Dolores Del Rio,
le second en faveur de son confrère John Barrymore.
Ronald Colman, Ann Harding, Mary Pickford, Jeannette Mac Donald et les frères
Marx, eux aussi membres de la communauté hollywoodienne, signèrent également,
avec enthousiasme, un bon de commande.

L 29 Berline 1937 Voiture d'Al Capone
Solido
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Surnommé "Scarface", Al Capone est le plus célèbre des gangsters des Etats-Unis. Cet italo-américain est une figure emblématique
de l'Amérique des années 20 et 30, dans l'essor du crime organisé à l'époque de la Prohibition. Il donna à la ville de Chicago
la triste réputation de ville sans foi ni loi. Condamné pour fraude fiscale et infraction aux lois de la Prohibition à 11 ans
de prison, emprisonné à Atlanta et à Alcatraz, il sera relaxé et libéré en 1939. Malade, il meurt d'une crise cardiaque en 1947
suite à une pneumonie. Au cours de sa vie de gangster, Capone utilisa plusieurs voitures de marques Chrysler, Cadillac, mais
aussi Cord.
Alphonse Gabriel Capone dit Al Capone ou Scarface (1899/1947)

Alexis de Sakhnoffsky (1901/1964)


Le Coupé d'Alexis de Sakhnoffsky.
Le Comte Alexis de Sakhnoffsky, dandy-designer de son état et directeur artistique de la
Hayes Body Co., a conçu sur le châssis de la L 29 un époustouflant
coupé aux portes échancrées sans marchepied, un exercice de style unique qui remporte, au Concours d'Elégance de Monte-Carlo en 1930, la récompense
suprême, le 1er Prix. Considérée comme l'une des plus jolies Cord L 29 jamais construite, cette machine unique fait partie aujourd'hui de la collection
privée du Brooks Stevens Automotive Museum.

Deux cabriolets L 29, parfaitement restaurés
Beaucoup de constructeurs américains de renom tels que Packard, Chrysler et Checker flirtèrent avec la technique de la traction avant au cours des années vingt
et trente. D'autres beaucoup moins connus tentèrent également l'aventure. La Ruxton (19219-1930, 8 cylindres en ligne, 100 ch.), issue des travaux de l'ingénieur
William J. Muller, possédait une silhouette abaissée à la manière de la Cord. Les carrosseries étaient embouties par la Budd Co. ou la Baker & Raulang Co. En
1930, la firme Gardner Motor Co. de Saint-louis assembla une berline animée d'un 6 cylindres en ligne donnant 80 ch., qui elle aussi ne fut produite qu'en quelques
prototypes.
812
Cord, comme Duesenberg, est une marque mythique, au même titre qu'Auburn. Dans les années trente, Erret Loban Cord
offre à l'Amérique des modèles révolutionnaires, au style moderne et aux solutions techniques innovantes. Malheureusement,
mauvais gestionnaire, Cord, poursuivit par le fisc, prendra la fuite, abandonnant ses entreprises qui ne survivront
pas... Les 810/812 de 1936 et 1937 seront les dernières Cord.

812 Phaéton Cabriolet Supercharged 1937
Ixo et Matchbox
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La Cord 810/812 fera un malheur au Salon automobile de New York. Malheureusement, sa production n'est pas au point et
il faudra attendre 6 mois pour les premières livraisons. Ce retard sera la raison de plusieurs annulations de commandes
qui plongera plus rapidement la marque dans des difficultés financières. En 1937, la production s'arrêtera et le groupe
Cord sera vendu. Près de 2.000 Cord 810/812 furent produites. On estime que la moitié d'entre elles sont encore en vie,
très recherchées par les collectionneurs.
Gordon Miller Buehrig (1904/1990)

Gordon Buehrig est à l'origine des formes si particulières de la Cord 810/812 de 1935. Avant d'entrer au
service de Cord, Buerhig avait occupé le poste de styliste dans les studios de la General Motors, chez Stutz, chez Packard
et De Dietrich. Ses débuts avec Errett
Loban Cord datent de 1929 lorsque ce dernier l'engage pour la réalisation des carrosseries de la Duesenberg Type J.
Buehrig travaillera également sur l'impressionnante Auburn 851 de 1935.
L'aventure Cord se termine en 1938 lorsque Erret Loban Cord revend toutes ses actions de la Cord Corporation. Après la guerre, seules des répliques seront
produites par des carrossiers indépendants.
