CHENARD & WALCKER    

Dernière mise à jour : 15/05/2010

Ingénieurs-Constructeurs

Petit historique

Ernest Chenard (1861/1922)

1888. Ernest Chenard quitte la Compagnie des chemins de fer pour ouvrir une entreprise de fabrication et de vente de cycles. C'est en 1896 qu'apparaît le premier quadricycles. Installé à Asnières, la petite entreprise prospère rapidement et, en 1899, attire un client qui va proposer à Chenard d'évoluer vers l'automobile. Ce client se nomme Henri Walcker.

Issu d'une famille dont les origines remontent au 17e siècle, Ernest Charles Marie Chenard est né en 1861 à Nanterre. Son père, Charles, employé aux Chemins de fer de l'Ouest, lui trouvera un emploi dans son entreprise comme dessinateur. Mais cette vie ne lui convient pas et il décide de voler de ses propres ailes en travaillant à son compte. En 1887, il se marie et fonde son entreprise. En 1899, il s'associe avec Henri Walcker, ingénieur des mines et client d'Ernest. Le 19 janvier, la "E. Chenard & H. Walcker Ingénieurs-Constructeurs voit le jour à Asnières. Les premières fabrications seront des tricycles à moteur et ce n'est qu'en 1901 qu'ils présentent leur première voiturette, la 12 HP bicylindre, à l'occasion du Salon de Paris. Après le décès de Henry Walcker en 1912 et celui d'Ernest Chenard en 1922, la firme sera dirigée par René Donnay. A signaler qu'à cette époque, Chenard & Walcker est la quatrième marque nationale. Après la Seconde Guerre, la firme connaîtra le succès grâce aux courses avant d'être reprise par Chausson, puis par Peugeot en 1951.

Henry Walcker (1873/1912)

Fils d’Adolphe Guillaume Walcker, qui dirigea le magasin de luxe “Le bazar du voyage”, place de l’Opéra, Henry-Etienne Walcker naît le 7 août 1873 au château d’Argenteuil. Après avoir perdu son père à 15 ans, et de brillantes études aux lycées Condorcet et de Versailles, il entre à l’Ecole des Mines en 1895. En 1898, ses études terminées, il entre à l'Automobile Club en qualité de secrétaire technique adjoint. Au cours de ses trois années d’études au mines, Henry fréquente avec son ami Charles Tissot la maison de cycles E.Chenard. Il apprend alors le maniement de ces engins sur le vélodrome installé à l’intention de sa clientèle. Il sympathise alors avec Ernest Chenard qui va lui proposer de s’associer à lui. Outre ses activités au sein de l'entreprise, Henry Walcker n'hésitera pas à prendre le volant des voitures de la marque pour participer à des concours et compétitions. C'est lui qui obtiendra le premier prix dans un concours de consommation et qui permettra à la marque de sortir de l'anonymat. Devenu administrateur de la nouvelle société en 1905, il s'éteindra trop vite. Une appendicite mal soignée l'emporta en quelques jours et décède le 20 juin 1912. Son nom restera lié pendant de longues années à la marque à laquelle il avait tant apporté.

Chenard s'installe

En 1888, Ernest Chenard, s'établit donc à Asnières, ouvrant un magasin de fabrication, réparation et location de bicyclettes. Ernest, tourné vers les techniques du futur, s'intéresse alors à l'automobile naissante et du deux roues, il passe vite au tricycle, puis imagine un quadricycle qu'il vend, en 1896 à un anglais répondant au nom de Duncan. Totalement convaincu que l'automobile représente l'avenir de l'homme, il décide de franchir le pas et de devenir constructeur d'automobiles. Soucieux de mettre tous les atouts de son côté, il s'associe alors avec un de ses meilleurs clients, ingénieur de l'Ecole des Mines à Paris, Henry Walcker. A deux, la société sera plus facile à gérer.

Fondation

Type A, Type B
Le 19 janvier 1899, Chenard et Walcker s'associe et fonde la Société en Commandite des Etablissements E. Chenard & H. Walcker ingénieurs-constructeurs. Installés à Asnières, les deux hommes construisent des cycles, des motocycles, des tricycles, des quadricycles, des voiturettes, puis des moteurs. La petite entreprise se développe vite, aidée financièrement par la banque Victor. En 1900 apparaît un premier véhicule, le Type A, une voiturette présentée au mines en septembre. Elle est dotée d'un monocylindre ou d'un bicylindre, avec transmission par courroie. La monocylindre est une 4/5 HP, la bicylindres une 8/10 HP. Le système de transmission ne convenant pas à Chenard, il décide d'adopter la transmission par cardan et construit le Type B qui sort en 1901.

 

Type A et type B
Le Type B apparaît en 1901, une bicylindre 12 HP à châssis en bois renforcé de métal et un radiateur tubulaire à ailettes. Si des solutions archaïques sont bien présentes, d'autres sont totalement nouvelles, comme d'ingénieux dispositifs d'allumage et de carburation qui permettent d'obtenir la combustion complète d'un mélange très pauvre en essence. La voiturette se singularise également par un essieu arrière très original puisque les fonctions porteuse et motrice sont, pour la première fois, séparées. Le châssis disposait de suspension du type De Dion, et les roues étaient entraînées indépendamment d'un essieu fixe par 2 demi-arbres à cardan, un système qui sera utilisé jusque dans les années 20. Chacun des demi-arbres attaquait, par un petit pignon, une couronne à denture intérieure solidaire de la roue, l'ensemble assurant la réduction du mouvement. Ainsi, en évitant de soumettre les transmissions aux efforts de flexion et, en même temps, aux variations de couple moteur, le constructeur élimine le risque de rupture des demi-arbres. Cette voiture sera construite jusqu'en 1905, date à laquelle la marque proposera deux nouveaux modèles à moteur 4 cylindres, une 14/16 HP et une 18/24 HP. Les châssis sont toujours en bois armé de tôle, les boîtes à 3 rapports, mais l'essieu arrière est désormais tubulaire. Son dessin rappelant la forme d'un chapeau de gendarme est assez original. Autre nouveauté, le carburateur est désormais accompagné d'un régulateur qui permet de limiter la quantité de gaz admis.

Débuts en compétition

Très vite, Henri Walcker engage la voiturette en compétition, dans les nombreux concours de consommation et de régularité organisés entre 1901 et 1903. La marque remporte alors un premier prix le 5 février 1902. Organisé par l'Auto-Vélo, le critérium de consommation se court sur une distance de 100 km, entre Suresnes et Corbeil. Avec deux personnes à bord de chaque voiture, dont 1 commissaire, le parcours est un aller-retour entre les deux villes. Henry Walcker remporte l'épreuve, avec une consommation de 6,47 litres d'essence (sa voiture pèse 1 tonne) en 4 heures et 22 minutes. Bien sur, ce succès est contesté par des concurrents jaloux. Henry va alors proposer de refaire la course. Le 5 mars, 20 concurrents ont relevé le défi. Au terme de la course, Henry triomphe une nouvelle fois, avec panache, en faisant mieux que la dernière fois. Il n'a consommé cette fois que 5,5 litres, en 4 heures 27 minutes et 50 secondes. Aucune contestation n'est possible, l'organisateur avait placé un commissaire dans chaque voiture, commissaire désigné cette fois par une maison concurrente. La presse est surprise et les autres constructeurs inquiets. Chenard & Walcker ont frappés un grand coup et ce n'est pas terminé. Le 24 avril 1903, une Chenard & Walcker bat le record de la plus faible consommation dans les Quaterly Trials, épreuve anglaise organisée sur 100 miles par le Royal Automobile Club de Grande-Bretagne. Le 24 mai 1903, une autre voiture participe au terrible et meurtrier Paris-Madrid. Cette voiture n'est pas engagée en catégorie vitesse, mais en catégorie tourisme. Albert Caillet est au volant de cette 14 HP n° 8. La course de vitesse sera arrêtée à Bordeaux par le gouvernement mais autorise les voitures de Tourisme à poursuivre l'épreuve jusqu'à Madrid. La Chenard Walcker y parviendra sans le plus petit arrêt, et Albert Caillet reviendra par la route.
En 1905 la réputation de la marque dépasse très largement nos fondrières. La marque va même participer à une course en Inde, entre Delhi-Bombay. Suite à cela, les Chenard & Walcker auront l'honneur d’être choisies par leurs altesses le prince et la princesse de Galles pour leurs excursions à travers les Indes.
Ces succès permettent à la petite entreprise de sortir de l'ombre et d'attirer des clients qui apprécient très vite un prix de vente particulièrement bas et le soin minutieux apporté dans le montage et la mise au point des moindres détails de la voiturette. L'essor que prend la société fait qu'elle change de raison sociale en 1906 et devient la "Société Anonyme des Anciens Etablissements Chenard & Walcker", suite aux précieux conseils du belge René Donnay, le nouveau fondé de pouvoir. Cet homme avisé suit de près et avec intérêt le développement de la marque de ses amis et les fait profiter de toutes ses connaissances dans les domaines de la gestion et de la finance. Il trouvera de nouveaux capitaux et permettra de développer les ventes. La présidence du conseil d'administration est confiée à un responsable de la banque Victor. L'essor de l'entreprise nécessite alors un déménagement et un terrain de 14.000 m2 est acquis à Gennevilliers, tout près d'Asnières. En restant proche de l'ancien site, Chenard & Walcker peuvent conserver leur personnel, près de 250 personnes. C'est de la nouvelle usine que sortira la nouvelle 8 HP à moteur monocylindre, une réplique des petites Delage. C'est la première voiture de la marque à disposer d'une boite à 4 rapports et une marche arrière.
Pour compléter le palmarès, citons la participation à la fin 1906 d'une Chenard & Walcker au concours des châssis 1907, organisé par l’Automobile club de France. L'épreuve de régularité, de 2.500 Km sur le parcours Paris-Monte-Carlo-Paris va être très sélective et sur 37 voitures au départ, seules 22 parviendront à effecteur la totalité du parcours, dont la Chenard de Laillaut. La voiture recevra une médaille d’or du Sporting club de Nice, terminant sans pénalisation.

Catalogue 1906

Première usine

La nouvelle usine est située sur un terrain entouré par l'avenue Chandon, la rue Henri Barbusse, la rue des Ecoles et la rue Paul Vaillant-Couturier. Elle sera destinée à monter et assembler les châssis et à fabriquer des pièces automobiles. Mise en service au cours de l'été 1907, sa production est beaucoup plus élevée que dans l'ancienne usine, avec 250 châssis par mois. Les commandes ont doublé de volume alors que la concurrence est pénalisée par les commissions élevées des revendeurs, qui freinent les ventes et augmentent les prix des véhicules.
En 1908, la marque sort un nouveau modèle, le Type 8, une monocylindre de 9 HP à boîte à 4 rapports. Ce modèle est carrossé en Phaéton deux places, en double phaéton, Landaulet-limousine et Coupé. Une version course sera également prévue. Le modèle sera un beau succès auprès des particuliers mais également auprès des compagnies de taxis.

Jean Retel et Henri Toutée

C'est en 1909 qu'arrive Jean Retel, un jeune ingénieur qui va devenir le bras droit d'henry Walcker et qui devra réorganiser administrativement la société. En ce qui concerne les études de nouveaux modèles, la firme fait appel à un autre ingénieur, de l'Ecole des mines, Henri Toutée, ami de Walcker. Il va s'occuper de concevoir de nouvelles voitures pour la marque. En 1911, grâce à Toutée, Chenard & Walcker sera la première marque automobile à monter en série des pistons en aluminium au lieu de la fonte et à prévoir le graissage forcé des paliers de vilebrequin. Ce procédé inédit demande cependant une mise au point fastidieuse. Pour l'anecdote, il convient de signaler que Chenard & Walcker propose également à ses clients plusieurs châssis nus ou carrossés, avec indifféremment conduite à gauche ou à droite. Dans ce cas l'accélérateur est disposé à gauche du frein. Une répartition des commandes pour le moins curieuse, mais grâce aux perfectionnements incessants qu'elle apporte à ses différents modèles, Chenard & Walcker se hisse progressivement aux premières places de l'industrie française.

Les ateliers de Gennevilliers
Profitant de la vague du succès, la firme s'implante à l'étranger, des agents exclusifs s'installant dans les grandes capitales, à Londres, Vienne, Amsterdam, Moscou, Barcelone, Porto et Calcutta.

Salon 1910

Comment la firme résista à la crise ?

Au début des années 10, la marque consolide sa position après quelques turbulences dues à la crise de mévente de la fin de la dernière décennie. L'offre de modèles très étendue fut néfaste à la rentabilité. Sur un marché encore très limité, la marque proposait encore des monocylindres, des bicylindres et des 4 cylindres, en châssis long et court, tous ces types étant susceptibles de recevoir de nombreuses carrosseries différentes. C'est l'époque où la clientèle des pionniers sportifs cède le pas à celle d'une bourgeoisie active qui veut d'abord des autos pratique, confortables et économiques. Depuis 1909, de nouveaux administrateurs ont été nommés. la mévente a entraîné la constitution d'une filiale spécialisée qui achète les voitures à Chenard & Walcker pour les louer soit à des sociétés de taxis, soit à des entreprises dans le cas de véhicules commerciaux. Payé par effets de commerce, la firme remet ces derniers à l'escompte pour soutenir sa trésorerie. Par ailleurs, en conséquence des demandes plus diversifiées émanant de clients plus exigeants; la firme change de carrossier et prend le contrôle de la Société Parisienne de Carrosserie Automobile pour être sûre d'honorer les commandes dans les délais convenus. Chenard & Walcker emploie déjà 500 ouvriers et l'effectif croît sans cesse. L'Etat-major technique, essentiellement limité aux fondateurs, ayant besoin de sang neuf, a donc recruté, comme nous l'avons dit, Henri Toutée, ingénieur des mines né en 1884 pour épauler Ernest Chenard. Son talent ne va pas tarder à se manifester sous la forme de types plus modernes, d'abord dans l'ombre de Chenard, puis seul, au début des années vingt, avec des réalisations qui vont marquer l'histoire, comme la voiture ayant parcouru la plus grande distance aux premières 24 Heures du Mans, les brillantes 2 litres sport, puis les célèbres "tanks" de 1925. Nous y reviendrons plus tard. En attendant, Henri Touté va faire évoluer la gamme vers davantage de modernité sans bouleverser les choix des fondateurs.

Décès d'Henry Walcker

En 1911 apparaît une 12 HP à 4 cylindres monobloc et, en 1912, une 3 litres à 4 cylindres et une 10 HP à 4 cylindres bibloc et soupapes latérales, à laquelle une boite à 4 vitesses donne un agrément de conduite encore rare dans cette catégorie. Cette dernière deviendra le Type TT en 1913.
L'euphorie qui a gagné l'entreprise est stoppée nette le 20 juin 1912. Quelques jours avant, Henry est entré en clinique pour une crise d'appendicite. On pense alors qu'il va être absent que quelques jours, voir quelques semaines. Le 20 juin, il décède des suites de l'opération, il n'avait que 39 ans. En fait, son appendicite a été découverte trop tard. Le jour des obsèques, Ernest Chenard, trop ému, laissera à Eugène Henry le soin de rendre un dernier hommage à son associé. C'est René Donnay qui prend désormais en main toutes les fonctions commerciales de la marque, le côté technique étant toujours assuré par Ernest Chenard, secondé par Henri Toutée.
Type U - 3 Litres
Malgré le décès de Walcker, la firme va continuer de prospérer sous l'impulsion de René Donnay. Cinq modèles sont livrables en 1912. En 1913, Au Salon de Paris, deux nouvelles voitures arrivent, une 7 HP et une 15 HP, toutes les deux avec moteur 4 cylindres sans palier central. La 15 HP est dotée d'une magnéto à double allumage. C'est ce modèle qui va acquérir, sur le front, une réputation de vitesse et de robustesse qui ne se démentira jamais. C'est fin novembre 1911 que Chenard & Walcker présenta à l'examen du service des Mines la 4 cylindres 3 litres de nouvelle facture désignée Type U. Cette voiture est réceptionnée comme une 14 CV fiscaux selon la formule de calcul en vigueur à l'époque, formule qui tient compte du régime maximal théorique que l'ingénieur responsable admet ou pas. Ainsi, cette 3.003 cm3 taxée pour 14 CV et appelée plus flatteusement 15 HP par le constructeur sera plus tard considérée comme une 17 CV quand les régimes angulaires seront réévalués à la hausse. Ce type nouveau bénéficie des premiers pistons en aluminium montés en production et du premier bloc-cylindres monopièce à soupapes regroupées du même côté produit par Chenard & Walcker. L'influence du jeune Henri Toutée, qui n'a cependant pas pu imposer un vilebrequin à trois paliers, s'étend aussi au système de graissage, désormais sous pression. Les deux paliers sont encore admissibles compte tenu des régimes peu élevés atteints par ce groupe. Mais dans la production de la marque, la Type U ou 15 HP de 1912 est un type charnière qui annonce les 3 litres des années vingt aux cotes identiques, 80 x 150 mm.

   

15 HP Sport 1912 au Musée de Vendée

   

15 HP Sport 1912 au Musée de Vendée
Au Salon de 1912, la 15 HP Chenard & Walcker coûtait sans pneus 6.500 francs en châssis court, 6.750 francs en châssis long. C'était la moins chère de sa catégorie, le châssis 15 HP de brasier valait 8.500 francs, le Delahaye 9.700 francs et le Renault 12.000 francs. A ces prix, il fallait ajouter celui de la carrosserie, celui des pneus et celui des accessoires choisis par le client.

Première Guerre

Pendant le conflit, les usines sont réquisitionnées pour la fabrication d'obus de 75 et 2.200 exemplaires seront produits par jour en 1918.
Pendant la guerre, les usines sont évidemment réquisitionnées pour la fabrication d'obus de 75 dont 2.200 exemplaires seront produits par jour en 1918. Mais cette activité permet à la marque de se développer considérablement puisque la surface de l'usine est quadruplée et le nombre de machines outils décuplé. Parallèlement à la fabrication d'obus, Chenard & Walcker entreprend, à partir de 1916, la fabrication de moteurs d'avion Hispano sous la direction de Paul Clouet, gendre d'Ernest Chenard. Environ 50 moteurs sortiront chaque mois à la fin de la guerre.

Années 20

TT
A l'Armistice, la firme reprend doucement la construction d'automobiles. Comme toute l'industrie mécanique, elle a contribué à l'effort de guerre et sa situation financière est excellente. Au catalogue, on trouve une 12 HP et une 15 HP, toutes les deux dérivés de la 15 HP de 1913, avec un certain nombre d'améliorations. En effet, l'évolution technique des modèles se poursuit avec l'adoption de freins sur les roues avant et le remplacement des soupapes latérales par des soupapes en tête. La 12 HP est la nouvelle 10/12 HP d'avant-guerre, devenue Type TT au moteur de 2.000 cm3 (alésage et course de 70 x130 au lieu de 65 x 120). Comme la 3 litres, elle adopte désormais un pont arrière classique, à la fois porteur et moteur, qui permet de réduire les masses non suspendues en améliorant la tenue de route et la durée des pneumatiques.

   

Type TT 1913
En 1920, la firme se diversifie avec la création de la F.A.R., une société des trains Chenard & Walcker pour l'exploitation des brevets Lagache concernant l'application de l'automobile au transport de marchandises. Les passants peuvent alors découvrir des voitures tirant une remorque. Le tracteur est construit par la firme, les remorques par la Société Lagache et Glazsmann, deux anciens pilotes de Chenard & Walcker.

Second coup dur

En 1922, le sort s'acharne une seconde fois sur l'entreprise. Ernest Chenard est victime d'une crise cardiaque et décède, une crise certainement favorisée par le lourd chagrin qu'il a éprouvé depuis la mort de son fils cadet Maurice, tombé sur le front de Verdun en septembre 1918. Lucien, son second fils, prendra sa succession mais, plus technicien que gestionnaire, ne s'imposera jamais tout à fait dans un conseil d'administration en permanence en butte à de nombreuses querelles internes.

Le Mans

Pendant ce temps, dans le bureau d'études, Toutée et ses ingénieurs poursuivent leurs travaux et cette même année, ils produisent une version Sport de la 3 litres 80 x 150, avec moteur à arbre à cames en tête donnant 80 chevaux avec un couple très puissant. Cette voiture va redonner de l'élan à la marque. Cette voiture va s'illustrer aux premières 24 Heures du Mans André Lagache et René Léonard, en effectuant la plus grande distance, 2.209 km, à une vitesse de plus de 92 km/h de moyenne. Version poussée de la 15 HP, sous une pluie discontinue qui s'abat sur la route en terre, la voiture s'impose. Cette n° 9 est aujourd'hui exposée au Musée du Mans. La marque s'adjuge en même temps la 2e avec Raoul Bachmann et Christian Dauvergne, offrant un beau doublé à la marque. A la 4e place, on trouve la voiture n° 11, celle de Fernand Bachman et Raymond Glazsmann, 7e au générale et 4e en catégorie. Les Chenard s'imposeront également à Boulogne-sur-Mer, en décrochant la Coupe Georges Boillot. André Pisart, son pilote, la donne pour 145 km/h. Autre innovation sur les voitures rapides, le soin apporté au freinage. La marque adopte très vite les freins avant, avec un servo mécanique type Hallot, à effet autorégulateur, empêchant le blocage des roues pour conserver la maîtrise de la direction. Cet ancêtre de l'ABS est si efficace que les freins arrière sont supprimés.

   

Le Mans, un gros succès
La victoire au Mans poussera Chenard & Walcker à poursuivre dans cette voie de la compétition. La firme présenta au Salon de Paris de 1923, un châssis qui étonna les visiteurs. Ce magnifique châssis à moteur 8 cylindres en ligne de 4 litres à 1 arbre à cames en tête, issu du 2 litres Sport a été conçu par Lucien Chenard. Puissante, rapide, mais lourde, elle ne tiendra pas ses promesses. Faute de mise au point, la voiture ne s'imposera pas au Mans en 1924, malgré une brillante performance en début de course, interrompue par un incendie.

3 Litres 1re au Mans en 1923
Ixo
Coté catalogue, la marque propose une 2 litres dotée d'un moteur très moderne à un arbre à cames en tête et graissage par carter sec, ainsi qu'un châssis de production 11 HP dont le moteur aux cotes identiques, celle du Type TT de 1913 auquel il succède, est à soupapes latérales inclinées.
La marque connaît désormais plus de succès qu'auparavant, grâce aux réalisations de Toutée. Ce dernier sera o l'origine des tanks à moteurs 2 litres de 1924 qui remportent la Coupe Boillot, puis les tanks de 1.000 cm. de 1925, profilés et surbaissés, qui joueront les épouvantails dans leur catégorie, surtout dans leur version avec compresseur. Un tank surbaissé "client" sera également proposé fin 1927, avec un moteur de 1.500 cm3, d'un style avant-gardiste inspiré d'une aile d'avion, qui ne s'imposera que vingt ans plus tard.

  

16/18 HP 1924
Les retombées commerciales sont énormes et, en 1925, Chenard & Walcker emploie près de 4.500 personnes. L'année suivante, deux voitures sont engagées au Grand Prix de Tourisme de San Sébastien, une course d'une durée de 12h. Malgré une cylindrée inférieure à d'autres concurrents, principalement les Mercedes, la Chenard & Walcker pulvérise tous les records et remporte une magistrale victoire, toutes cylindrées confondues. Cette victoire est attribuée en grande partie à la légèreté des voitures, moins confrontées que leurs rivales aux changements de pneus, à un échappement à fond de course des moteurs favorisant le refroidissement des soupapes et à des carrosseries surbaissées qui ont tracé la voie des carrosseries actuelles.

Crise et regroupement

La seconde partie des années vingt est sans aucun doute la plus belle période de l'histoire de la marque. De nombreuses succursales et agences sont ouvertes, tant en France qu'à l'étranger. Parallèlement à ce développement, la firme va effectuer plusieurs investissements dans des machines-outils. Cela permet la création en 1927 de la S.A.E.G., société qui réalisera désormais les équipements électriques des voitures, limitant ainsi la contribution de sous-traitants. La production se chiffre alors à environ 300 voitures par mois.
Au cours de cette même période, la concurrence ne reste pas inactive et la marque va se retrouver de plus en plus confronté à la montée en puissance de la concurrence américaine et surtout française. Parmi ces derniers, ils sont désormais plusieurs à produire environ une centaine de véhicules par jour, un chiffre qui permet des prix de revient inférieurs à ceux de Chenard & Walcker. Le principal concurrent est naturellement Citroën, qui applique avec succès les méthodes Taylor, depuis sa visite chez Ford. Du coup, ses prix de revient sont beaucoup plus attractifs que ceux de la marque et les prix de vente suivent le mouvement.
AD 8 CV
La concurrence est donc forte, et les trois "grands", Citroën, Renault et Peugeot, s'imposent sur le marché. La marque revoit donc son offre en proposant des types moyens de 8 à 11 CV, pour lesquels elle espère des volumes de vente profitables, précisément sur le segment le plus concurrentiel, celui des modèles familiaux. Elle propose donc fin 1925 une vraie 8 CV de 1.300 cm3 (69 x86 mm), tarifée à environ 19.000 francs, quand une Citroën B12 équivalente en coûte 16.000. Ce type modeste vient recentrer vers le bas une gamme encore encombrée de types conçus avant 1918. En 1925, la faiblesse du franc laisse présager une nouvelle menace sur l'activité industrielle, avec renchérissement des matières premières et, surtout, du pétrole, totalement importé. Les succès sportifs de la marque entretiennent un climat d'euphorie, mais les gestionnaires de la firme sont conscients de leur vulnérabilité. Le marché est certes en expansion, mais il exige des automobiles au rapport qualité-prix favorable et facile à entretenir. Pour s'y maintenir, il faut étudier des types simples et aisés à construire, réduire la marge unitaire, investir dans des installations modernes et augmenter les cadences, comme l'a amplement démontré Citroën dès 1920.

Contrairement aux tanks, les Chenard & Walcker de 1926 sont encore dessinées comme en 1921
Chenard présente au service des Mines six types nouveaux ou modifiés, dont quatre de 8, 9 et 10 CV et deux types de luxe, une 12 et une 16 CV dont les moteurs à longue course trahissent l'âge. En fait, cette pléthore de types (dont la plupart sur deux empattements), qui s'ajoutent aux modèles antérieurs construits sur commande ou livrés sur stocks, traduit une grande incertitude face aux évolutions probables du marché. En octobre 1925, paris n'organise pas de salon automobile, car l'exposition des Arts décoratifs accapare le Grand Palais, et la nouvelle petite Chenard 8 CV Type G est lancée à Londres. Peu après, elle devient le type AD, avec un alésage porté à 69,5 mm, comme les 2 litres. Son moteur de 86 mm de course à soupapes latérales et culasse Ricardo à turbulence, copié sur le 10 CV de 1923, est accouplé à une boite à 3 rapports seulement (4 pour la 10 CV modernisée) et son châssis est pratiquement identique. Il s'agit de proposer un modèle d'appel à un prix inférieur à celui de la 10 CV. L'intention est louable. Malheureusement, trop peu rentable, car elle coûte aussi cher à fabriquer que la 10 CV, la Chenard 8 CV Type G/AD ne vit que deux ans. En 1926, la marque en extrapole un type Z2, accepté pour 7 CV et doté du même moteur ramené à 69 mm d'alésage et étranglé par une admission réduite, avec un châssis moins lourd, mais équipé de grands freins et d'une boite à 4 vitesses qui compense son manque de puissance. Et pour simplifier le catalogue, la 8 CV est quand même conservée pour 1927.

Carrossée en torpédo, la 8 CV de 1926 (à gauche) ressemble fortement à la 10 CV (à droite).
Les variations erratiques, qui mènent à de trop petites séries, sont en total contraste avec la politique de Citroën, qui lance la B14 au Salon de 1926 sous la forme d'un type de base unique qu'il décline avec différentes carrosseries tout-acier, dont des commerciales. La situation inquiète les dirigeants de Chenard & Walcker, qui effectuent un voyage d'études en Amérique, pour analyser le système de production en vigueur aux Etats-Unis. Ils y vérifient ce que tout le monde sait : l'automobile sera de moins en moins un produit de grand luxe ; la survie passe par la production en masse et la simplification des gammes ; les coûts doivent être comprimés et un réseau de vente dynamique est indispensable. Armés de ces bons principes, les patrons de Chenard & Walcker abandonnent la compétition et se rapprochent d'autres constructeurs pour mieux résister à la concurrence et améliorer leur rentabilité. Mr Henry, Président du conseil d'administration, va donc contacter plusieurs usines françaises et en 1928, un accord est signé avec Delahaye.

Des chiffres

En 1927, sur une production française totale de 190.000 voitures, Citroën en assurait 75.000, Renault 50.000 et Cheanrd & Walcker seulement 3.000. La cause semblait entendue, deux ans avant le déclenchement de la grande crise.

L'Adieu aux armes

Chenard & Walcker se lança en compétition en 1921 au Tour de Corse, avec une 3 litres, accomplit la plus grande distance aux 24 heures du Mans 1923, brilla dans les épreuves sport-tourisme avec les 2 litres, rata une superbe 8 cylindres trop coûteuse à mettre au point, mais, surtout, créa les imbattables "tanks", qui décourageaient l'opposition. A la fin de l'année 1926, Chenard abandonna cette coûteuse activité : il fallait investir pour produire, ou disparaître.
Y7 Torpille
A la fin de l'année 1927, Chenard et Walcker lance des voitures aux formes futuristes, la Tank et la torpille, à moteur 1.500 cm3, chargées de soutenir la réputation sportive de la marque. A côté des conduites intérieures sévèrement carrées qui peuplent les stands du Salon de Paris 1927, démontrant la montée en puissance des types fermés, Chenard et Walcker expose deux voitures sportives dont les formes originales pour des types de série traduisent la prise en compte de l'aérodynamique. L'une, à châssis surbaissée, reçoit une carrosserie d'avant-garde profilée semi-ponton dite tank. L'autre est à châssis normal. En version torpédo trois places, elle est désignée "torpille".

Depuis 1923, le pilote-constructeur Robert Sénéchal fait fabriquer sous son nom par la Société Industrielle et Commerciale de Genevilliers, branche du groupe Chenard et Walcker, des voiturettes sportives issues du concept cyclecar, qui connaissent un bon succès commercial. Sénéchal est en même temps pilote officiel de Chenard et Walcker, marque qui brille en compétition de 1923 à 1926 avec différents modèles comme les 3 litres, les 2 litres, les 4 litres sport et, surtout, les redoutables "Tanks" 1.100 cm3 surbaissés. Capitalisant sur ces succès au Mans, à Boulogne, à Saint-Sébastien et à Spa, et sur le palmarès et la réputation sportive des Sénéchal, Chenard et Walcker crée une gamme sport, parallèlement à la gamme tourisme. En 1927, la torpille 1500 Special est donc présentée sous al marque Chenard-Senechal. Version semi-surbaissée du Tank, son châssis passe classiquement au-dessus du pont arrière et de l'essieu avant. Les autres organes mécaniques sont identiques. Comme le Tank T8, cette torpille Type Y7 reçoit le moteur à soupapes d'admission en tête et d'échappement latérales dessiné par Henri Toutée, ingénieur en chef des études et auteur des premiers tanks. Ce moteur de 1.500 cm3, à culasse à turbulence licence Ricardo, ne mesure que 36 cm de long. Sa course relativement courte et son graissage sous pression lui permettent de prendre 4.000 tr/mn sans casser, avec l'aide d'un radiateur d'huile. Si le Tank profilé choque les visiteurs du Salon, le style de la torpille, comme prévu, plaît davantage.
Le type sport Y7 est proposé en deux versions, un coach et une torpédo. Le premier, qui offre deux places (avec deux portes et quatre glaces), très court et très léger, est dessiné dans le style des Voisin Lumineuse et doté d'une caisse semi-tôlée ou totalement habillée de simili-cuir. Cette voiture de sport fermée anticipe les berlinettes modernes. La Torpédo, dite Torpille (appellation déjà utilisée par Sénéchal), présente des formes fuselées plus classiques, une calandre légèrement inclinée et des ailes détachées type "vélo" pivotant avec les roues avant. Du fait de l'étroitesse de la caisse, les deux places avant sont décalées, et la troisième place est dans la pointe arrière, qui loge aussi la roue de secours. Si, en concours d'élégance, le Tank est souvent distingué pour son style d'avant-garde, c'est la Torpille qui se vend le mieux, en raison de ses formes plus orthodoxes et malgré une tenue de route et des performances inférieures à celles du Tank. On voit pourtant des Torpilles engagées dans des épreuves routières et des courses de côte, où elles gagnent souvent leur catégorie. Mais la production reste marginale, car la le succès commercial de la Torpille ne sera jamais celui que la firme escomptait. Les deux types sport n'apparaissent plus sur le catalogue 1932 et l'appellation Torpille sera transférée sur un éphémère et rare roadster Aigle Six 1932-1933.

La comtesse de Lesguern à Vienne en février 1931 lors du Paris-Saint-Raphaël féminin
Fin 1926, Chenard et Walcker dissout son service Courses. La torpille et le Tank sont engagés par des amateurs, que la firme soutient discrètement. Ainsi, la comtesse de Lesguern participe-t-elle au rallye féminin Paris-Saint-Raphaël en 1929 et 1931 et au Paris-Nice en 1931. Les meilleurs résultats seront signés par Michel Doré et Marc Chauvierre au volant de types Y8 Tank.

Consortium

En janvier 1927, pour contrer une éventuelle menace de Ford sur le marché européen et mieux lutter contre Citroën, Renault, Peugeot et Mathis, les marques Delahaye, Unic et Chenard forment une "entente", ou consortium, dans le louable but de rationaliser leurs productions par la mise en commun de certains modèles pour obtenir de meilleurs prix auprès de leurs fournisseurs. Ces projets de rationalisation mènent à la suppression de la marque Chenard-Sénéchal et le type T7 du Salon est représenté au service des Mines sous la seule marque Cheanrd & Walcker Type Y7.
Malgré la bonne volonté des marques qui composaient le consortium (Delahaye, Unic et Chenard), l'individualisme prévalut rapidement. Dès juillet 1927, les désaccords se précisèrent et Unic se retira. En 1928, Rosengart, Ariès et Donnet furent recrutés mais les rares modèles communs perdaient peu à peu tout caractère. Les cessions intermarques généraient de lourdes charges fiscales et les politiques commerciales s'opposaient. Dès le début de l'année 1931, au moment où la crise économique mondiale sévissait en France, l'entente fut rompue.
Y 8
Pendant ce temps, Toutée a travaillé sur une 1.500 cm3 équipée d'un moteur de sa conception, semi-culbuté. Deux types de voitures à tendance sportive en découlent, le Type Y7, disponible en roadster, conduite intérieure et cabriolet, à châssis classique, et le Type Y8, inspiré des tanks 1.100 à châssis surbaissé sous les essieux, dont les premières versions sont apparues en 1925. D'un esthétisme discutable mais particulièrement efficaces, les tanks s'imposeront dans leur catégorie dans de nombreuses courses, notamment au Mans, à la Coupe Boillot ou bien encore aux 24 Heures de Spa-Francorchamps en Belgique 1925, ou André Lagache et René Léonard s'impose avec brio. Le tank va engendrer des controverses, à tel point qu'elles seront retirées de la compétition en 1927 pour ne réapparaître qu'en 1937. En effet, certains constructeurs refuseront de prendre le départ d'une course si une voiture Chenard & Walcker y était engagée. Au cours de cette année 1927, la marque développera des 4 et 6 cylindres en plusieurs versions.

En 1930, une nouvelle 14 HP 6 cylindres, prélevée sur les chaînes de montage, établit une impressionnante série de records sur l'autodrome de Montlhéry. Pilotée par Senechal, elle parcourt 3.181 cm3 en 24 heures, à la moyenne effarante de 133 km/h. Cette performance n'aura pas l'impact souhaité sur la courbe des ventes. Les voitures sont toujours très bien finies, et possèdent des raffinements techniques propres à la marque. Elles possèdent un dispositif de roue libre, qu'on peut enclencher à volonté grâce à un levier situé à côté du conducteur. Elles bénéficient également d'un servo débrayage en option. Malgré cela, les voitures se vendent mal. La situation est donc délicate et, avec la crise mondiale, s'aggrave lentement. Les doutes s'installent et les dirigeants des deux sociétés, Chenard et Delahaye, sont incapables de s'entendre. Du coup, le contrat qui liait les deux entités est rompu. Après cela, la firme cherchera des solutions pour survivre. Sous la pression des concessionnaires, la production deviendra très disparates, et parmi les modèles proposés, on trouve au Salon de Paris de 1934 la traction avant Super Aigle, une voiture étudiée par l'ingénieur grégoire. Cette voiture a pour mission de relancer l'entreprise mais malheureusement, Citroën expose au cours du même salon ces Traction 7 et 11 CV à grand renfort de publicité. Bien que plus au point que les Citroën, malgré quelques faiblesses au niveau du moteur et de la carrosserie, la Super Aigle va rester dans l'ombre de ses rivales.

Chausson

En 1935, la Société des usines Chausson, installée à Asnières depuis 1907, rachète Chenard & Walcker. Juridiquement, la firme n'est pas dissoute et continuera de produire ses voitures. Elle existera à travers Chausson qui fabrique des utilitaires Peugeot destinés à l'Afrique après l'arrêt officiel de leur commercialisation en Europe. Malgré la situation, la firme poursuit ses activités, le personnel désabusé ne se décourage pas. La firme modifie une majeure partie des carrosseries de la gamme de 1936 et les voitures vont recevoir la même livrée que les Matford Alsace V8, Chausson acceptant de fournir ces dernières à Chenard. Les nouvelles voitures sont dotées d'un moteur 4 cylindres maison à soupapes en tête. La traction avant 14 CV, 4 cylindres est fabriquée avec une boite de vitesse Cotal. En marge de cette nouvelle production, quelques prototypes voient le jour, comme la surprenante "Mistral" aux lignes futuristes. Elle dispose d'un moteur 8 cylindres en V de 3.500 cm3, avec des roues avant indépendantes, 8 vitesses dont 6 silencieuses. Cette nouveauté fait sensation mais elle est malheureusement trop en avance, trop chère et ne s'imposera jamais. De plus, ces concepteurs sont embourbés dans d'énormes soucis financiers qu'ils ont toutes les peines à gérer. Dans ce climat très conflictuel, un autre prototype voit le jour, celui d'une autre voiture baptisée X5, elle aussi dotée d'un 8 cylindres en V, mais de 4.948 cm3 et 28 CV. Cette voiture, destinée rené Donnay, sombrera vite dans l'anonymat et l'oubli.
En 1936, la gamme tourisme évolue de son côté, avec une nouvelle traction avant. Comme la précédente, elle a été étudiée par l'ingénieur Grégoire. Baptisé Super Aigle 24, elle connaîtra la même carrière, brève voire éphémère, de la Super Aigle.

La fin d'une grande marque

Le 13 juin 1936, Chenard & Walcker dépose son bilan. Mr Henry, toujours à la direction du conseil d'administration, va conclure un nouvel accord avec Chausson qui acquiert la majorité des actions de l'entreprise. Elle en prend naturellement la direction. De nouvelles voitures vont donc sortir des usines Chausson, selon des méthodes propres à cette entreprise, soudures électriques, abandon des ossatures en bois et adoption des capots dits "crocodile". Les derniers moteurs Chenard & Walcker seront utilisés jusqu'en 1937 mais pas reconduits. les voitures adopteront progressivement des moteurs 11 et 21 CV provenant de chez Citroën. Une partie des ateliers de Chenard sera reconvertie pour la production de pièces détachées, notamment pour la marque de Javel.

Chant du Cygne : Bol d'Or 1937

Après 10 années de retraite méritée, un "tank" Chenard et Walcker remporte le Bol d'Or en 1937. Il est piloté par "l'homme le plus fort du monde", le champion d'haltérophilie Charles Rigoulot. La firme Chenard & Walcker, auréolée d'une victoire officieuse aux premières 24 Heures du Mans (1923) pour la plus grande distance parcourue, construit et engage en course en 1925 des automobiles d'aspect révolutionnaire conçues par l'ingénieur Toutée. Surbaissées, dotées d'une carrosserie style tank, comme on disait à l'époque, les petites Chenard & Walcker 1.100 cm3 ont pour objectif de remporter aux 24 Heures du MAns les Coupes triennale et Biennale disputées respectivement sur trois et deux ans. Pour ces tanks, l'ingénieur Henri Toutée a créé un moteur original, à soupapes en tête et arbre à cames latéral, dont l'équipage mobile très léger permet de "prendre" 5.500 tr/mn, régime réservé à l'époque aux moteurs de voitures de Grand Prix. Ce nouveau groupe présente une particularité sous la forme d'un second système d'échappement avec son propre collecteur constitué par les lumières percées au bas des cylindres et démasquées par les pistons en fin de course de détente. Cette meilleure évacuation des gaz brûlés permet de mieux remplir les cylindres lors de l'aspiration et, par conséquent, d'obtenir un couple et une puissance supérieurs. Compte tenu des régimes élevés, le graissage est à carter sec et radiateur d'huile. Les freins avant sont dotés de très grands tambours et l'un des deux systèmes de freinage n'agit que sur cet essieu, l'autre commandant les quatre tambours. Le châssis caissonné, très rigide, est renforcé à 'avant par une traverse en arche contenant le radiateur. Celui-ci, comme le moteur, est en arrière de l'essieu afin que les masses principales soient bien centrées.
Les performances des tanks, dotés d'une boite à 4 rapports et d'un pont arrière étroit sans différentiel, confirment la justesse des solutions Toutée comme la qualité des fabrications de la marque, déjà prouvée par les résultats des types 3 et 2 litres sport. Avec 55 chevaux sans compresseur, le tank de 600 kg atteint 150 km/h en toute sécurité. Les victoires s'accumulent dès 1925 - Le Mans avec les Coupes triennales et Biennale, la Coupe Boillot à Boulogne - puis en 1926, avec un compresseur et une vitesse de pointe de 170 km/h. Il remporte aussi les 24 Heures de Spa et le Grand Prix de Tourisme de San Sebatian, où les Mercedes 7 litres suralimentées sont battues non seulement au handicap mais aussi au classement absolu à la distance avec une moyenne de 103,7 km/h. A Boulogne, les trois tanks engagés ont fait peur à la concurrence et il n'y a que huit voitures en course, Chenard & Walcker s'octroie les trois premières places. Vainqueur de toutes les grandes classiques, la firme renonce à courir en 1927 pour consacrer ses ressources à la production, car les menaces planent sur les marques qui ne produisent pas en très grandes séries. Les tanks sont remisés.

Charles Rigoulot, dans la voiture, Yves Giraud-Cabantous debout à ses côtés.
En 1937, profitant de la promotion de la Formule Sport, une écurie créée par le pilote Benoît Falchetto et un dénommée Wolf réussit à disposer des tanks Chenard & Walcker d'usine de 1.095 cm3, dont les performances, en dépit de leur âge, sont toujours d'actualité en catégorie 1100 et 2 litres, dans ce dernier cas avec compresseur. Pour le premier Bol d'Or organisé à Montlhéry, deux tanks de 1.095 cm3 sont engagés : l'un est confié à l'athlète Charles Rigoulot, l'autre au pilote déjà confirmé Yves Giraud-Cabantous, qui conduiront seuls pendant les 24 Heures selon la formule du Bol.

Le circuit emprunte trois quarts de l'anneau de vitesse et la bretelle des Quatre Bornes du circuit routier. Il est plus rapide et plus sûr que le circuit de la forêt de Saint-Germain, devenu trop dangereux pour les pilotes comme pour le public. Malgré leurs dix ans d'âge, les deux Chenard prennent les deux premières places, Rigoulot à 88 km/h de moyenne devant Giraud-Cabantous. Les voitures ont tourné comme des horloges lors de cette mise en jambes préalables aux 24 Heures du Mans, où malheureusement elles abandonneront. Une ultime épreuve en juillet, la Coupe de la commission sportive de l'ACF, verra trois tanks au départ, et Giraud-Cabantous terminera 5e. Dès lors, on n'entendra plus parler des tanks, dont il subsiste de nos jours un exemplaire original au Musée automobile du Mans.

Yves Giraud-Cabantous dans le virage des Quatre Bornes, utilisé pour la première fois à l'occasion du Bol d'Or 1937
Charles Rigoulot (1903/1962)
Champion olympique d'haltérophilie ux jeux de Paris de 1924, Charles Rigoulot, surnommé déjà "l'homme le plus fort du monde", fut plusieurs fois Champion du Monde amateur, en 1920 et 1925, et professionnel, en 1925 et 1932. Outre 56 records du monde, sa meilleur performances'établit à 182,5 kg à l'épaulé et jeté en février 1929. Il logea pourtant facilement ses 103kg et ses 173 cm dans la caisse surbaissée du tank Chenard pour courir le Bol d'Or 1937. Fin pilote et amateur de voitures rapides, il acheta le cabriolet Alphi à moteur Continental de 5 litres pour en faire la Rigoulot Speciale, voiture qui a malheureusement disparu.

Des camionnettes

C H V

Le bureau d'études, lui, continue de travailler, désormais sur une camionnette. Elaborée par Henri Toutée, toujours présent, elle est construite avec une suspension inédite, une invention de notre ingénieur. Cette dernière est à barres de torsion à brins multiples et permet un abaissement de la caisse. Environ 30.000 véhicules seront construits, avec un moteur 2 temps Chenard & Walcker, puis un moteur de Peugeot 202. Ce petit utilitaire fort agréable est de plus une traction avant avec joint homocinétique pour la transmission. Cette production se poursuivra jusqu'en 1939, en parallèle aux voitures. La firme devra ensuite participer à l'effort de guerre et produire des obus. En 1940, la marque se délocalise à Brive, mais elle revient à la fin de l'année pour construire des pièces pour l'entreprise allemande Hentschell.

CHV 1500 1947
Norev
A la fin du conflit, la marque reprend la production des voitures et des camionnettes à moteur Peugeot. Malheureusement, un nouveau coup dur vient s'abattre sur la firme. En 1950, Peugeot sort la 203 et abandonne le moteur de la 202. Peugeot refuse alors de fournir ce nouveau moteur, sauf si ce dernier porte la marque Peugeot et s'il est distribué par son réseau commercial. Chenard et Walcker accepte, abandonnant de fait son petit utilitaire CHV 1500. Peugeot, à cette époque, ne possédait pas de petit utilitaire pour  succéder au DMA et trouve là une occasion rêvée d'intégrer sans études, un nouvel utilitaire dans sa gamme. Une raison peut-être à son refus de vendre son moteur à Chenard & Walcker. Le CHV deviendra le D3A, puis le D4A, avec le succès qu'on connait.

LA décision prise par la Chenard & Walcker signe la fin de la société. Le 19 mai 1950, elle ferme ses portes et cesse d'exister. Cette fin se passe dans l'indifférence générale, un comble pour un des constructeurs les plus originaux et les plus inventifs d'avant-guerre.