BRASIER    

Dernière mise à jour : 15/05/2010

L'Arriviste

Petit historique

Charles-Henri Brasier (1864/1941)

Charles-Henri Brasier est une homme cultivé, intelligent, autoritaire. Mais il est aussi un homme ambitieux, arriviste, intransigeant, irrascible et orgueilleux aux dires de certains. Ces qualités, et ces défauts, en feront un personnage de premier plan dans l'industrie automobile des années 1910/1920. Mais si la victoire, ou plutôt sa double victoire dans la Gordon-Bennett, lui offre reconnaissance et gloire, de la nation et de tout le gratin du monde automobile, son obstination et le refus d'écouter les conseils de son entourage le plongeront dans la déchéance.
Très jeune, Brasier se révèle un bon étudiant, et, à 16 ans, termine second de sa promotion et entre à l'Ecole d'Arts et Métiers de Chalons. Ingénieur diplômé, il travaille dans différentes sociétés (dont Panhard selon certaines sources, en tant que dessinateur) puis à la Compagnie des Chemins de Fer Paris-Orléans, au département matériel et traction. En 1886, il entre chez Mors, toujours comme dessinateur. Affecté au service du matériel électrique, il parvient toutefois à construire un petit tricycle à vapeur qu'il présentera lors de l'Exposition Universelle de 1889. Il remportera d'ailleurs un prix. Les frères Mors vont alors le pousser vers l'automobile, un secteur qui les intéressent également. Brasier met alors au point un moteur quatre cylindres en V avec allumage par rupteur pour voiture. Puis, il conçoit un moteur quatre cylindres en ligne qu'il monte sur un Vis-à-vis. Le succès de cette automobile apporte un début de notoriété à Mors, mais aussi à son concepteur. Mors va ensuite engager ses voitures en compétition, et c'est à ce moment que brasier va trouver sa voie. C'est dans le domaine de la course qu'il va s'épanouir et laisser son génie créatif l'emporter vers le succès.

Chez Mors

Grâce à Charles-Henri, la marque Mors se hisse sur les plus hautes marches des podiums, les voitures s'imposant dans pratiquement toutes les courses, comme au Paris Paris-Dieppe, au Paris-Trouville, au Paris-Amsterdam, au Paris-Ostende ou Paris-Berlin. C'est au cours de cette course de 1901 qu'Henri Charles Brasier, pilote lui-même dans cette épreuve, à le malheur d'écraser un enfant qui vient se jeter sous ses roues peu après le départ.  Pendant cette période, les cylindrées des Mors ne cessent d'augmenter et Charles Brasier entend rester le seul maître à bord. Cependant, il n'est pas vraiment en accord ave le pilote maison, Henri Fournier, et certaines tensions existent entre lui et certains membres de la direction, principalement avec le responsable financier qui n'apprécie guère ses exigences, et ses dépenses. En 1901, la rupture est inévitable. Le départ de Brasier marquera d'ailleurs la fin des victoires de Mors dans les compétitions importantes. de Mors.

Chez et avec Georges Richard

En 1902, la société de Georges Richard est en plein essor et l'arrivée de Brasier ne peut être que bénéfique, la firme recherchant un ingénieur-projeteur compétent. En 1903, les deux hommes s'associe et donne naissance à la Société Anonyme des Automobiles G. Richard-Brasier, sise à Ivry-Port. A l'époque, les voitures de la marque remportent quelques succès dans de nombreuses courses et la compétition est la passion de Brasier. Sous l'impulsion de ce dernier vont naître de nouveaux modèles, une voiturette bicylindres 8 HP, une voiture légère 12 HP et une voiture de tourisme quatre cylindres 16 HP. Ces trois voitures disposent de nombreux éléments brevetés Brasier mais disposent d'un certain air de ressemblance avec les Panhard et Levassor de cette époque. Bien sur, la gamme se complète avec des modèles de course, plus puissant et spécialement mis au point pour participer à la grande épreuve que tout le monde attend, le Paris-Madrid de 1903. Quatre voitures Georges Richard sont engagées, mais seulement trois parviendront à rejoindre Bordeaux. La quatrième voiture, absente à l'étape, est celle de Georges Richard en personne, ce dernier ayant été victime d'un accident. En voulant éviter un spectateur, près d'Angoulême, il a percuté un arbre et s'est grièvement blessé à la jambe.

Victoire d'une Mors

A Bordeaux, le Paris-Madrid s'achève suite au nombre important d'accidents sur le premier parcours. La course est donc annulée par le gouvernement. C'est une voiture Mors, première arrivée, qui est déclarée victorieuse, une voiture étudiée d'ailleurs par Charles-Henri Brasier.

La Mors n° 168 de Fernand Gabriel, victorieuse et étudiée par Charles Brasier

Prise de pouvoir

Georges Richard en convalescence, il cède les pleins pouvoirs à Charles Brasier, provisoirement. Brasier hérite de fait de la direction de l'entreprise, grâce notamment à l'appui des autres actionnaires. Georges Richard, obligé de fréquenter régulièrement les hôpitaux, n'a plus vraiment la possibilité de contrôler son affaire. Avec ce nouveau statut, Brasier à les mains libres et peut donc exploiter la situation pour étudier de nouvelles voitures, une 24 HP et une 40 HP. Il en profite également pour engager une voiture dans la Coupe Gordon-Bennett. Signalons que les voitures portaient déjà le nom de Richard-Brasier. Engagées  en catégorie "Grosses Voitures", catégorie chère à Brasier, les Richard-Brasier vont devoir se qualifier, neuf autres marques françaises étant également inscrites pour cette compétition. Au total, 29 voitures devront se départager au cours de qualifications organisées sur un circuit qui vient d'être créé dans les Ardennes françaises, dans l'Argonne. Le rendez vous est fixé au 20 mai 1904. Richard Brasier fait partie des nouveaux venus.

La voiture étudiée pour al course est une puissante voiture dotée d'un moteur 4 cylindres en deux paires d'une cylindrée totale de 9,8 litres. Les soupapes, disposées symétriquement de chaque côté, sont commandées par deux arbres à cames dans le carter. L'allumage est par magnéto basse tension à rupture et le graissage par barbotage. Le châssis est en tôle d'acier emboutie, la boite offre 3 rapports et la transmission finale est à chaînes. Cette voiture n'offre rien de révolutionnaire, mais elle est un peu plus légère que les autres, très bien construite et préparée, et son conducteur la ménage tout en la menant très vite. Théry prend le commandement au troisième tour en doublant Henri Farman sur Panhard. Il tourne avec une étonnante régularité, sans casser ni suchauffer ni massacrer ses pneus. Conséquence : il représente la France en Allemagne sur un circuit très accidenté et plein de virages où, dès le premier tour, il prendra le commandement.

Théry et la Richard-Brasier des éliminatoires de 1904

Brasier victorieux

Au terme des éliminatoires, la 80 HP Richard-Brasier est qualifiée, son pilote Léon Théry ayant terminé la course en tête. Les poursuivants sont Salleron sur Mors, Rougier sur Turcat-Méry. Ce sont donc ces trois constructeurs qui représenteront la France lors de la Coupe disputée le 17 juin en Allemagne, sur le circuit de Taunus, près de Francfort. Cette course sera disputée devant un grand amateur d'automobiles, l'Empereur allemand Guillaume II. Le jour de l'épreuve, les concurrents doivent parcourir à 4 reprises les 508 km du circuit. L'Allemagne, représentée par Mercédès, compte sur ses deux pilotes, Camille Jenatzy et le baron Pierre de Caters. Elle peut aussi compter sur une Opel 4 cylindres 100 HP conduite par Fritz Opel, le créateur de la marque. L'Autriche est également représentée, avec trois Mercédès également, pilotées par Edgar Braun, Christian Werner et Warden. La Belgique présente trois Pipe, celles de Lucien Hautvast, Augières et de Crawhez. La Grande-Bretagne aligne deux Wolseley, l'une pilotée par Sidney Girling et Charles Jarroll. La troisième est une Napier conduite par Edge. Enfin, FIAT représente l'Italie et là encore, avec des pilotes de renom, Alessandro Cagno, Vincenzo Lancia et Storero. Nos français ont donc affaire à de sérieux adversaires.

Brasier cupide

Durant l'épreuve, Théry fait preuve de régularité et son pilotage coulé va lui faire faire la course en tête, malgré la rupture d'une pale de ventilateur. Au terme de la confrontation, Léon Théry confirme sa prestation des éliminatoires français et remporte cette 5e édition de la Coupe. Au retour en France, le pilote et Richard Brasier sont fêtés comme des héros dans Paris et seront reçus à l'Elysée par le Président de la République en personne, Emile Loubet. Léon Théry, modeste ajusteur chez Decauville, propulsé pilote pour Richard-Brasier, vient de se qualifier pour la prochaine édition de la Coupe. La conquête de la Coupe en terre allemande a un énorme retentissement à l'époque et Théry comme son mécanicien Muller et son patron Henri Brasier sont fêtés comme des héros. Mais cette victoire, devant deux Mercédès, une référence à l'époque, est aussi une véritable consécration pour Brasier qui va exploiter une nouvelle fois cette situation.
La Brasier de la Coupe de 1904 avait été étudiée en fonction des difficultés du circuit du Taunus. Elle était courte, assez légère et munie d'amortisseurs pour épargner les pneumatiques. Détail : le pilote et le mécanicien étaient assis dans le réservoir d'essence, qui avait été formé pour servir d'armature de siège.

Théry et la Richard-Brasier n° 5, victorieuse en 1904
Après la victoire de 1904, Brasier va mettre un terme définitif à son association avec Georges Richard dès 1905, poussant ce dernier dehors alors qu'il est encore convalescent. Il parviendra à récupérer les usines d'Ivry-Port, à conserver le nom de Richard-Brasier pour ses voitures et à s'octroyer l'emblème du trèfle à quatre feuilles qui avait pourtant fait l'objet d'un dépôt de brevet de la part de Georges Richard. Il intente même un procès à son ancien associé pour qu'il ne puisse plus utilisé le nom de Richard s'il décide ultérieurement de poursuivre une activité de constructeur automobile. Heureusement, Georges Richard gagne le procès. Georges Richard, avec l'aide du Baron Henri de Rothschild, rachètera les anciens locaux de la société Bardon, Quai National à Puteaux. Il n'utilisera pas le nom de Richard mais celui d'Unic.
Nommé au poste d'administrateur délégué et comme directeur technique de la nouvelle Société de Construction d'Automobiles Le Trèfle à 4 Feuilles, qui devient ensuite très vite la Société des Automobiles Brasier, Charles-Henri Brasier va développer une politique attentiste. Les voitures commercialisées sont celles de la gamme précédente, avec 6 modèles respectivement de 8, 12, 16, 24 et 40 HP. Elles ne subissent aucun perfectionnement, Brasier mettant toute l'usine à contribution pour préparer le voiture qui doit disputer les prochains éliminatoires de la Coupe Gordon-Bennett 1905, la dernière édition.

1905

Victorieuse en 1904, La France organise de fait la Coupe Gordon-Bennett sur son territoire. Elle aura lieu sur un circuit élaboré par les frères Michelin, qui ont fait choisir par l'ACF un circuit tracé aux portes de Clermont-Ferrand. ce tracé est long de 137 km et les éliminatoires ont lieu le 16 juin. Les pilotes soulignent les difficultés du parcours : près de 150 virages, peu de lignes droites et peu de sections en palier. Brasier est bien sur présent avec son pilote Léon Théry, sur une voiture sensiblement identique à celle de 1904 mais avec une puissance supérieure, 96 HP au lieu des 80 HP de la version précédente. La seule amélioration concerne l'alésage, qui passe de 150 à 160 mm, la course demeurant à 140 mm. Brasier pratique donc le moteur super carré, ce qui n'est pas rare à l'époque en course. Théry, part le premier. La Darracq de Wagner réalise le meilleur tour mais Théry le suit à 2 mn. Sa voiture est un peu plus lourde. Au troisième tour, il se rapproche et passe en tête, suivi d'une deuxième Richard-Brasier, celle de Caillois. Les deux voitures terminent dans cet ordre, qualifiant les deux pilotes. La troisième brasier finit 12e, démontrant la fiabilité des mécaniques.
Le 5 juillet 1905, des foules immenses sont présentes sur le Circuit d'Auvergne, plus de 80.000 spectateurs selon les diverses sources. La France est représentée par les Richard-Brasier de Théry et Caillois, et par une Dietrich pilotée par Arthur Duray. Face à eux, on retrouve l'Allemagne avec trois Mercédès conduites par Jenatzy, De Caters et Werner. L'Autriche est une nouvelle fois représentée par les Mercédès, celles de Braun, Burton et Hieronymus. Pour L'Italie, c'est encore des Fiat avec Felice Nazzaro, Cagno et Vincenzo Lancia. La Grande-Bretagne est également de la partie avec Charles Rolls et Bianchi sur Wolseley, Earp sur Napier. Si la Belgique est absente, les Etats-Unis sont de la fête, avec des Pop-Toledo pilotées par Lyttle et Dingley, et une Locomobile pilotée par Tracy. Théry part à 6 heures du matin, suivi des autres concurrents de 5 en 5 mn. Théry crève au premier tour, loin d'un point d'assistance Michelin, mais répare vite. La Fiat de Vincenzo Lancia le précède de 6 mn. Après le deuxième tour, Théry à 13 mn de retard sur Lancia, dont le moteur trop sollicité grippe au 3e tour. Théry prend alors la tête et se contente de contenir les efforts des Fiat de Nazzaro et Cagno pour finir 1er avec une régularité de marche qui le fait surnommer "Monsieur Chronomètre".
C'est un triomphe total pour Théry et son mécanicien, qui devance Nazzaro, Cagno et l'autre Richard-Brasier de Caillois. La France remporte donc définitivement la Coupe offerte par James Gordon Bennett. Michelin, pour l'occasion, éditera sa première carte routière, celle du parcours de la course à l'échelle 1/100.000e.

Si le pilote reçoit la médaille d'Officier d'Académie, Brasier reçoit la rosette de la Légion d'honneur. Jusqu'alors, Panhard et Mors régnaient sur les courses et leur succéder est plus qu'un exploit. Après ces deux victoires, Brasier déclara vouloir être le "Napoléon de l'automobile" et que le Circuit d'Auvergne est son "Austerlitz". Il n'en faut pas plus à notre homme pour se persuader qu'il est un "génie de la mécanique" et pour imposer désormais ses points de vues à ses associés. Brasier ne se doute pas encore que doucement, à cause de son comportement, son entreprise va décliner.

Une réplique de la voiture de la Gordon-Bennett

Brasier seul

Henri Brasier règne définitivement à l'usine d'Ivry-Port, dont Georges Richard est définitivement évincé. Seul aux commandes, Henri Brasier fonde alors la Société des Automobiles Brasier en 1905. La marque Brasier est considérée comme championne du Monde, mais si les victoires sur le plan international rapporte à Brasier une grosse publicité, qui se traduit par des commandes, elles vont aussi bloquer sa technique et l'inciter à cultiver ses solutions plutôt qu'à en chercher de nouvelles. Les Brasier du commerce forment une gamme de 2 et de 4 cylindres allant de 15 à 100 HP. Brasier ne participe pas au Circuit des Ardennes, que remporte Darracq devant deux Panhard, ni à la Coupe Vanderbilt aux Etats-Unis. Il ne modifie rien sur ses voitures alors que la concurrence (Darracq, Renault, Clément, Fiat et Mercedes) progressent. Malgré quelques beaux barouds d'honneur, plus aucune Brasier ne gagnera une grande épreuve.
En 1906, Brasier partit favori dans le GP de l'ACF, premier du nom, mais la concurrence était puissante et, malgré une cylindrée portée à 12 litres (en 4 cylindres !), les Brasier ne purent faire mieux que 4e, 7e et 9e, avec toutefois le meilleur tour pour Baras à 118 km/h de moyenne. ce dernier termina 3e au Grand Prix de 1907. en 1908, revenu dans l'équipe, Théry tint longtemps la quatrième place, mais cassa une jante dans le dernier tour. Dès lors, brasier ne courut plus.

1906 - 1908 : La chute

Bien sur, le mauvais résultat au GP de l'ACF n'est pas dramatique, la réputation de la marque n'en souffre pas. L'entreprise de Brasier, en 1906, est à son apogée et l'usine d'Ivry-Port tourne à plein régime. Les premières Henri Brasier sont en fait d'anciennes Richard-Brasier. Si la technique est classique (faux-châssis portant le moteur et la boîte, moteurs bi-blocs, soupapes monolatérales, embrayage à cône en cuir, boîte de vitesses séparée), les Brasier sont fabriquées en très petite série avec un soin et une précision qui en explique le prix élevé. Si on est encore loin de la grande série, la production se diversifie et, comme chez la plupart des constructeurs, se fait par série de 25 ou de 50 châssis identiques. Ces chiffre semblent faible aujourd'hui mais il faut rappeler qu'à cette époque, la demande est encore limitée par les prix, par la faiblesse des ressources, des méthodes et des moyens. Quoiqu'il en soit, les Brasier bénéficient d'une réputation de robustesse, mais les différents modèles proposés restent beaucoup trop conventionnels.
Si Georges Richard était hanté par le type "Unique", Brasier offre de la diversité mais pas de modernisme. En 1906 subsiste une 2 cylindres 10-11 HP, qui complète une gamme de cinq 4 cylindres : 12-18 HP, 12-25 HP, 20-30 HP, 25-36 HP et 50-60 HP, le premier chiffre donnant la puissance taxable, le second la puissance réelle. Ces voitures n'attire pas la convoitise de la clientèle. Cette clientèle, forcément riche, sait compter, aussi bien l'argent que les cylindres, ce qui pousse les autres constructeurs à élargir leur gamme en proposant plusieurs cylindrées sur le même châssis, avec des longueurs pouvant être pratiquement "à la carte". Chez Brasier, ce n'est pas vraiment le cas. Pire, Brasier a profité de sa récente notoriété pour doubler le prix de ses voitures. Si la Coupe a dopé les ventes, 560 et 625 exemplaires en 1904 et 1905, ces chiffres vont sévèrement s'effondrer en 1907 et 1908.
En 1907 apparaît la première 6 cylindres, une 45-60 HP, qui vient compléter deux 4 cylindres : une 16-16 HP et une 30-40 HP. Les cylindres sont coulés par paires. Les châssis sont un peu plus bas et un peu plus larges qu'en 1906, pour augmenter le confort des carrosseries. Pourtant, Brasier innove en proposant une boîte de vitesses à deux baladeurs avec système de verrouillage interne. Ces solutions techniques vont être conservées jusqu'en 1914, avec cependant l'abandon des chaînes en 1908 en faveur de l'arbre à cardans. Ce dernier apparaît fin 1907 sur une petite 12-15 HP ajoutée à l'offre car les grosses cylindrées commencent à souffrir de la mévente. C'est pourquoi une 2 cylindres sera réintroduite en 1909, tandis que les 60 et 100 HP seront abandonnées..
Les ventes de 1908 sont catastrophiques, et seules environ 370 voitures trouvent acquéreurs. En plus du vieillissement des modèles, une crise de mévente secoue l'industrie automobile entre 1908 et 1910. Brasier n'a plus non plus le soutien de la compétition pour affirmer la qualité de ses produits. Depuis 1906, les résultats obtenus sont peu glorieux et aucune victoire ne vient soutenir la commercialisation des modèles de tourisme. Le meilleur résultat est obtenu par une Brasier 105 HP, 4e au Circuit des Ardennes en 1906. En résumé, Brasier est plus préoccupé par la compétition et mise davantage sur des solutions acquises et éprouvées que sur la recherche de nouveaux dispositifs. En 1907, on peut toutefois citer deux victoires, la Coupe du Val Suzon et la Coupe du Commerce à Vérone, mais ce sont des courses de 2e zone. Signalons aussi la 3e place dans le GP de l'ACF 1907. En 1908, Charles-Henri Brasier fait à nouveau appel à Léon Théry, qui à cette époque se bat contre la maladie. Malgré cela, le pilote accepte de rejoindre la marque et malgré ses efforts, il ne peut rivaliser avec ses adversaires. Une victoire de Bablot dans la course de côte du Mont-Ventoux apportera quelques émotions, mais ne déclenchera pas l'étincelle qui permettrait de relancer la marque. L'étincelle s'est vite éteinte.

1909

C'est donc dans la morosité que s'écoule l'année 1909. Les types "populaires" sont désormais dans les rues et s'avèrent aussi fiables et aussi bien construites que les modèles proposés par Brasier. Ces nouvelles venues oblige donc notre constructeur à descendre en gamme et à proposer de nouveaux modèles, de 10 à 50 HP dotés de moteur de 2 à 6 cylindres. Ce retour aux bicylindres démontre bien que Brasier doit s'adapter au marché s'il veut survivre, car désormais, la clientèle des 40-60 HP est peu nombreuse et très sollicitée. Tout cela se résume en quelques phrases. Suite à la mauvaise gestion de Brasier, la méfiance de son entourage s'installe. Dans le même temps, le groupe financier suisse qui jusque là soutenait l'entreprise connaît des difficultés. Sous la pression de M. Sautter, président du conseil d'administration, Brasier a du accepter de limiter son autorité, et de revoir sa politique en baissant d'une part le prix de ses voitures, et d'autre part, en concevant quelque chose qui pourrait relancer la marque. Brasier, et contrairement à ses principes, fut donc "obligé" de dessiner une modeste bicylindre de 10 HP qui sera appelée la "petite voiture Brasier". En ce qui concerne les évolutions, Brasier introduit quand même la transmission à cardans sur la 12/15 HP, qui a toujours toutefois un moteur bi-bloc et un allumage à rupture, l'allumage à haute tension étant proposé en option.

10 HP 1909
Charles Brasier est également affecté par le décès prématuré de son fils, qui vient s'ajouter aux concessions qu'il vient d'accepter. Il se réfugie donc dans le travail et ce dernier va porter ses fruits. La courbe des ventes remonte et la sortie en 1909 d'une quatre cylindres de 11 HP, animée par un moteur monobloc, semble en être la cause. Cette voiture remporte d'ailleurs quelques courses qui redonne un peu d'espoir à la marque. Remise sur les rails, l'entreprise n'est pas pour autant sortie du tunnel. Brasier va se diversifier pour tenter de retrouver quelques finances. C'est ainsi que vont naître des moteurs pour groupe électrogènes, des moteurs pour bateaux, avions ou dirigeables/ Ces moteurs s'avèrent de bons moteurs puisque Brasier battra le record de distance et de durée en vol avec un dirigeable en 1911, un record de vitesse sur l'eau en 1910 lors de la Coupe du Prince de Monaco avec un Brasier-Despujols. Notons que la gamme 1909 accueille une nouvelle 10 HP et voit les 50 et 100 HP disparaître.

12 HP Type C de 1910, le modèle le plus vendu de la gamme
12 HP Type C
Depuis 1910, le type le plus vendu est le châssis 12 HP, à moteur 3 paliers et 4 cylindres monobloc. Dénommée Type C, elle dispose d'une boite à 4 rapports qui l'équipe est au centre du châssis et reliée au moteur par un embrayage multidisque et un arbre sous tube. Le châssis classique en tôle d'acier emboutie est suspendu par des ressorts trois quarts elliptiques à l'arrière, donnant une grande souplesse. Les freins métal sur métal agissent sur les roues arrières. Cette 12 CV, confortablement carrossée, roule à 70 km/h en pointe. Confortable et silencieuse, elle représente bien la routière moyenne familiale. Malheureusement, elle est produite en très petite série et son prix limite encore son succès commercial. 

Ce phaéton Type C 12 HP porte l'emblème du trèfle à quatre feuilles. Ce type de carrosserie commence déjà, en 1910, à être remplacé par les premières torpédos surbaissées, comme celui en photo ci-dessous.
La C10 12 HP 4 cylindres va représenter l'essentiel de la production de l'usine. Sa carrière s'achèvera en 1914, année ou tout les modèles de tourisme sont à cardans.

Ce torpédo Brasier C 10 date de 1914. Ses lignes sont nouvelles et diffère totalement de celles de la Type C en photo ci-dessus.

A la veille de la Première Guerre, la tendance est à la recherche du confort. Les caisses à conduite intérieure sont de plus en plus demandées. Grâce aux premières vitres laminées, on peut les doter de vitres plus grandes.
Après 8 modèles en 1911, Brasier propose 10 modèles en 1912. Cette année là, une nouvelle voiture légère attire l'attention. Le moteur, un 4 cylindres, dispose désormais de soupapes en tête, une nouveauté. Le modèle dispose de solutions techniques intéressantes mais ces dernières ne sont pas pour autant innovantes. C'est plus une mise au goût du jour pour rattraper le temps perdu face à la concurrence. Tout semble donc aller mieux pour l'entreprise. Malheureusement, des grèves à répétition entraînent de nouvelles difficultés. Les ouvriers se mobilisent pour refuser le système de travail à la chaîne inspiré du Taylorisme que veut instaurer Charles-Henri Brasier. Une nouvelle fois, la firme se retrouve dans la situation qu'elle a connue en 1908 et 1909. C'est la déclaration de la Première Guerre mondiale qui viendra mettre un terme à cette situation.

AB 16 HP
En 1911-1912, la gamme Brasier cherche à ratisser large en offrant des types différents, de 10 à 50 HP, et des moteurs allant de 2 à 6 cylindres. Les types moyens sont des 12 HP et le 15 HP à moteur 4 cylindres. La 15 HP devient une 16 HP en 1912, par augmentation de l'alésage. Ce coup de pouce est justifié par l'augmentation du poids des carrosseries, les clients exigeant de plus en plus de confort. Comme la 12 HP, elle ne survivra pas à la Grande Guerre. C'est en 1912 que la 12 HP inaugure l'allumage à haute tension, le graissage sous pression et l'embrayage à disque, qui vont équiper tous les modèles, y compris une nouvelle petite 6 cylindres, la 22 HP de 1914.

Cette 16 HP de 1912 est carrossée en limousine. Elle fut carrossée par Guilloux, à Châlon-sur-Saône dans un style à l'avant-garde de son époque. Bien que datant de 1912, elle est, d'aspect, plus moderne que bien des créations des années 20. A noter que les grandes glaces sont inhabituelles à l'époque.

Une affiche de 1914

Baissé de rideau

Brasier profite de ses gros moteurs pour créer dès 1912 une gamme de camions qui lui vaudra des commandes militaires en 1915. Pendant le conflit, Brasier poursuivra la production de ses camionnettes et de camions de faible tonnage pour l'armée française. Elle produira également des obus et des moteurs d'avions Hispano-Suiza. A l'Armistice, la situation financière de la société est bonne, voir très bonne. La production reprend avec des automobiles d'avant-guerre. Mais la reprise est difficile avec de nouvelles grèves qui éclatent. De plus, Charles-Henri Brasier veut investir dans le marché du luxe, ce sera un échec. Il installe alors son siège social sur les Champs-Elysées pour donner un peu d'éclat à une marque moribonde. Ce sera en vain. Conscient qu'il traverse une nouvelle période de vaches maigres, il choisit de ne sortir qu'un seul nouveau modèle pour 1920, une 4 cylindres 18 HP de 3,4 litres, avec freins sur les quatre roues. Le modèle sera présenté au Salon de Paris, habillé avec des carrosseries signées par de grands noms, comme Saoutchik, qui signe à l'occasion un beau cabriolet. Mais cette voiture n'aura pas le succès espéré. Brasier complète sa gamme avec des camionnettes et des petits camions de faibles tonnages. Ces modèles, cependant, s'avère une nouvelle fois dépassés techniquement et les ventes continuent de s'effondrer. En 1923, Brasier tente un retour en compétition en inscrivant deux voitures pour la première édition des 24 Heures du Mans. Il décrochera le Grand Prix d'endurance mais la victoire n'est pas au rendez-vous. Pour 1922, Brasier propose une 2 litres pourvue d'un beau moteur à cinq paliers, carter aluminium, bloc-cylindres et culasse en fonte détachables à soupapes en tête à culbuteurs. Trop coûteuse à fabriquer en très petite série, la TB 4 reste confidentielle et Brasier vit chichement de ses camions et camionnettes. En 1924, Brasier revient aux 24 Heures du Mans et ses voitures se classent 7e et 8e. Il faudra attendre 1926 pour voir une Brasier sur la plus haute marche d'un podium, lors du Bordeaux-Les Pyrénées-Bordeaux. Cela ne suffira pas pour relancer la marque qui, depuis 1924, est placée en liquidation judiciaire.

Brasier ne carrossait pas ses modèles. Les grandes 6 cylindres 22 HP, réintroduites en 1913, étaient construites sur commande par des carrossiers conseillés.
En 1925, une petite 9 CV 1.500 cm3, la TD 4, ne parvient pas à remonter les finances de la marque, pas plus qu'une 6 CV, la T4, en 1927. Entre-temps, Brasier recapitalisé, va devenir Chaigneau-Brasier;

Dernier coup de dé

Charles-Henri Brasier a toujours été un homme de combat et il va jouer sa dernière carte en 1926. Il va s'associer avec la société Chaigneau pour former une nouvelle firme, la Société Automobile Chaigneau-Brasier. Mais là encore, les mêmes erreurs du passé sont renouvelées. Les voitures produites, des 6 et 9 CV, sont quelconques et démodées, et le prix de vente est encore trop élevé. Quai d'Ivry, ou les services des deux entreprises ont été rapatriés, c'est le début de la fin. Pour renflouer la trésorerie, une partie des bâtiments que possèdent l'entreprise sont vendus. Brasier travaille sur un nouveau modèle, un huit cylindres de plus de 3 litres, avec arbre à cames en tête et traction avant. La voiture sera présentée au Salon de l'Auto de 1927 sous le nom de DG8 mais c'est encore une erreur. Le marché du luxe est en pleine récession et la crise économique n'est pas loin. Brasier démontre une nouvelle fois ses limites en gestion et la sortie de nouveaux modèles, les TE4 et TD4 vont accentuer la chute. Ces modèles ne se vendent pas et un nouveau déménagement sur les Champs-Elysées aggrave la situation. Finalement, c'est Delahaye qui, en février 1929,  va mettre fin au calvaire de Brasier en rachetant l'entreprise.