BIGNAN    

Dernière mise à jour : 15/05/2010

L'autre constructeur de Poissy...

Petit historique

Jacques Bignan

Après la Première Guerre mondiale, l'industrie automobile reprend avec de nouveaux constructeurs et de nouvelles mécaniques, plus modernes et reléguant les modèles antérieurs au musée. Jacques Bignan n'est pas un nouveau dans l'industrie. Son affaire fonctionne depuis plusieurs années et durant le conflit, il fut sous-traitant de l'automobile et fournisseur de moteurs et de pièces mécaniques de précision pour d'autres constructeurs. Grâce aux contrats de ces fabrications mécaniques, il se constitua un petit pécule qui lui permet, à l'Armistice, d'envisager sérieusement la production d'automobiles, qui débute dès 1919.
Jacques Bignan fonda son entreprise automobile en 1918 à Courbevoie. Auparavant, il fabriquait des moteurs pour différents constructeurs. Vers 1920, Bignan se lança dans la fabrication de voitures sportives qui s'illustrèrent en compétition. Ce programme sportif précipita la firme dans les difficultés financières et la marque devra produire des Salmson sous licence pour tenter de redresser sa situation. Rebaptisée "La Cigogne" en 1929, l'entreprise produira un ambitieux modèle qui entraînera la ruine de l'entreprise en 1931. Entre-temps, Jacques Bignan gagnera le Rallye de Monte-Carlo au volant d'une Fiat.

Les débuts

Pour pouvoir entamer une production d'automobiles, Jacques Bignan s'associa au constructeur Grégoire, qui dispose à Neuilly d'une usine bien équipée pour ce genre de fabrication. Cette firme, connaît des problèmes de reconversion et l'arrivée de Bignan est plutôt une aubaine. Les premières voitures sont produites en petite quantités, en petites séries sous deux formes. On trouve d'abord des voitures dotées de moteur de 3,5 litres pour le tourisme sport. Afin de promouvoir la marque, une 3 litres, est prévue pour courir dans cette catégorie dans les Grands Prix. En fait, c'est le moteur de la tourisme Sport avec alésage réduit qui est utilisé pour propulser la voiture. Ces moteurs borgnes, 4 cylindres à deux paliers, dispose de soupapes latérales et sont très bien équilibrés, et délivrent 50 ch malgré un régime d'utilisation de 2.500 tr/mn. La version 3,5 litres délivre, elle, 55 ch. Les châssis sont bien étudiées et supportent des carrosseries légères. Dans cette configuration, la voiture atteint une vitesse proche des 100 km/h. Grâce à une boite de vitesse à quatre rapports, les Bignan gagnent une réputation d'excellentes routières. Qui dit vitesse dit sécurité et là, Bignan dispose d'un atout fort. Les voitures sont dotées très vite d'un système de freinage sur les roues avant avec servo-centrifuge autorégulateur Hallot, une entreprise réputée pour ses produis de qualité. Ces voitures sont destinées en autre à des conducteurs sportifs. C'est en 1920 que la première Bignan apparaît sur les circuits. Cela se passe au grand prix des Voiturettes du Mans. Trois voitures sont engagées, deux seulement prennent le départ, la voiture pilotée par Gérard de Courcelles connaissant des problèmes de magnéto. Pour une première apparition, les voitures Bignan se font remarquer. Après plus de 4 heures de course, les deux voitures encore en course terminent juste derrière la voiture victorieuse, une Bugatti Type 13. Le pilote M. Nouge termine à la deuxième place, Delauney troisième. Ces deux voitures, étudiées en 1914, sont dotées d'un moteur de 1,4 litre à soupapes bilatérales, un système déjà relégué aux oubliettes par les autres constructeurs. Ce ne sont donc pas des modèles de 1920 qui gagnent, une leçon et le résultat est donc encore plus beau pour l'entreprise. Légères et rapides, dotées de freins sur les quatre roues, elles ont tenu tête à l'autre Bugatti engagée, à une Majola et à deux Coventry Simplex. Ballot, Peugeot, La Licorne et Mathis n'ont pas eu la même chance et connurent des abandons mécaniques.

1921

Malgré les bons résultats de ses voitures en 1920, jacques Bignan ne poursuit pas la production de ces modèles en 1921. Il revend le type à Fernand Lefèvre qui en fera les premières voitures la Perle. Bignan se concentre désormais sur ses modèles 3 et 3,5 litres. Au Grand Prix de Corse, la 3 litres, pilotée par Guyot, dispose d'un moteur à haut rendement dessiné par l'ingénieur Némorin Causan. Ce 4 cylindres, à 1 arbre à cames en tête, 4 soupapes par cylindre et disposant d'un double allumage, développe 95 ch à 3.600 tr/mn, ce qui permet au pilote, sur des routes encore très difficiles de l'île, d'atteindre une vitesse de 72 km/h de moyenne et de remporter sa classe en catéégorie Sport. Une autre Bignan remporte la catégorie Tourisme.

Moteur 2 litres

Jacques Bignan prépare de nouvelles 2 litres pour la nouvelle formule mise en place pour la saison de compétition de 1922 en Formule Sport et Grand Prix. Dotées de différents moteurs, ces voitures sont présentes sur plusieurs épreuves; Au Grand Prix de Tourisme à Strasbourg, ou la puissance est limitée à 65 ch à 3.800 tr/mn, Bignan et l'ingénieur Causan ont préparées une auto disposant d'une distribution desmodromique (soupapes refermées positivement par des cames). Face à des voitures de 4 litres, les Bignan se montrent aussi rapides mais doivent malheureusement abandonner. Dans cette course, seules trois marques sont présentes, Bignan, Peugeot et Voisin. Rougier et Duray, sur Voisin, terminent devant celle de Gauderman. La Peugeot de Boillot se classe quatrième, devant une autre voisin et une autre Peugeot. Si Piccioni n'avait pas connu des problèmes de pneumatiques, les quatre voisins seraient en tête à l'arrivée. Face à cette suprématie des Voisin, Jacques Bignan a de quoi être déçu mais il ne baisse pas les bras. Il se présente donc ensuite au Grand Prix de Belgique avec la ferme intention de terminer l'épreuve. C'est donc à Francorchamps que le moteur Desmo Bignan/Causan démontre toutes ses capacités. Au volant de la voiture, Paul Gros termine 3e au général et remporte la catégorie. Encore une fois, la stratégie de Bignan change. Jugé trop fragile, le moteur est changé pour un 16 soupapes à 1 arbre à cames en tête non desmodromique donnant 75 ch à 4.500 tr/mn qui participera aux 24 Heures du Mans de 1923. Dotées de ces moteurs, les Bignan se classent troisième et quatrième à la distance, derrière des 3 litres Chenard & Walcker.

En 1924, la 2 litres remporte le GP de Belgique sur 2 heures. A Montlhéry, la même année, une Bignan bat le record du monde des 3.000 km à 124 km/h de moyenne. L'année suivante, avec un moteur poussé à 80 ch, les Bignan cumuleront les victoires en catégorie. A cette époque, les voitures d'usine à 16 soupapes frôlent les 145 km/h. Toujours en 24, après un résultat moyen au Mans, Bignan reporte une magnifique victoire au général aux 24 H de Belgique. En 1925, les Bignan 2 litres étaient souvent carrossées en torpédo sport, un habillage qui mettait en valeur son caractère de grande routière raffinée. Mais la concurrence s'impose et les voitures ont du mal à poursuivre la récolte de victoires. Les Bugatti 2 litres sont les premières à s'opposer, souvent avec panache face aux Bignan. Des 1926, l'équipe officielle est dissoute, faute d'argent.

Le moteur 2 litres est vraiment une belle pièce de mécanique sportive, et resta l'atout majeur des Bignan. Entre les mains de clients-pilotes, ce moteur fit des merveilles sur les circuits durant quelques années, en endurance comme en courses de côte.

1926

En 1926, Bignan dispose de moteurs exceptionnels mais trop coûteux pour être mis en production. Ce sont donc des modèles 8 soupapes à 1 arbre à cames en tête qui sont proposés, avec un prix plus abordable. Avec 60 ch, ces voitures plus fiables sont parmi les routières Sport les plus brillantes de l'époque. Vendues en châssis classique, avec quatre ressorts semi-elliptiques et des freins seulement à l'avant. C'est un gros tambour , placé en sortie de boite de vitesses qui freine le train arrière. Ce système, qui sollicite trop de différentiel, réduit pourtant les masses suspendues en améliorant la tenue de route. Ajoutons que le pont arrière est en aluminium coulé avec renforts en tubes d'acier. Toutes ces solutions ont un prix qui se répercute sur la voiture, qui encore une fois est trop cher. Très élaborées, souvent légèrement carrossées en torpédo sport ou en conduite intérieure à caisse entoilée, la marque manque cruellement d'un réseau commercial très étendu pour en assurer à la fois la diffusion et assurer l'entretien délicat de la mécanique. LA clientèle, déjà rares, renoncent souvent à l'achat d'un tel véhicule à cause de ce manque de spécialistes dans l'hexagone. Cette situation se résume assez bien en regardant le chiffre de la production et des ventes, qui n'est que de quelques dizaines de voitures par an. Bignan est donc amené à proposer des modèles encore plus accessibles pour survivre.

Les 7 et 10 CV

La marque présente au sein de son catalogue des 7 CV et une 10 CV. La première, une 1.100 cm3, n'est qu'une Salmson AL3 habillée d'une caisse spécifique et d'un radiateur Bignan, le châssis étant acheté complet chez Salmson. La seconde est une 10 CV moyenne, à moteur à 1 arbre à cames en tête. Mais cette dernière est encore trop chère. Bignan entre alors dans une période difficile.

Première faillite, reprise et fin de l'aventure

Bignan, dans l'espoir de se remettre sur pied, lance la 2 litres 8 soupapes, puis des types plus banals dotés de moteurs Scap ou Ballot. Elles conservent toutefois le fameux radiateur Bignan, flatteur pour les acheteurs. Mais le fruit des ventes reste encore insuffisants pour que Bignan se redresse. Du coup, la firme est reprise par la société La Cigogne, peut-être un bon signe puisque, comme d'autres marque, Bignan avait utilisé cet oiseau comme signe de reconnaissance, un animal adopté comme emblème par les aviateurs de la Première guerre. On le retrouve d'ailleurs chez Hispano-Suiza. Malheureusement, la nouvelle entreprise ne parviendra pas, à son tour, à rétablir la situation. Malgré une 6 cylindre et un essai de moteur 8 cylindres Scap, les Bignan ne sont plus celles d'antan. Avec l'adoption de carrosseries fermées et lourdes, pour suivre la mode, les châssis sont surchargés et les moteurs, pourtant brillants, fatiguent sous le poids à tracter. les pertes s'accumulent et Bignan termine sa carrière de constructeur par une activité de simple garagiste. Bignan disparaît au début des années trente, en pleine crise économique.

Clausse

En 1926, Clausse, pilote privé, s'obstinera à défendre les couleurs de la marque moribonde. Avec une 2 litres surbaissée, il participa aux 24 Heures du Mans, mais une série d'incidents le poussa à l'abandon. Il fut cependant pointé avec une moyenne de 124 km/h sur un tour. Au Grand Prix du Comminges, Clausse termina second derrière la Bugatti Grand Prix de Louis Chiron. Enfin, au premier grand Prix d'Allemagne, à l'Avus, il termina quatrième à 8 minutes du vainqueur, le Grand Rudolf Caracciola, pilotant cette année 1926 la Mercedes 2 litres à compresseur de 160 ch.

L'Angleterre

Les premières voitures Bignan furent importées en Angleterre. Fabriquées par l'usine Grégoire de Poissy, elles étaient diffusées par Malcolm Campbell sous la marque Grégoire-Campbell. En effet, à cette époque, le nom de Grégoire jouissait d'une bonne réputation de l'autre côté de la Manche alors que le nom de Bignan était encore inconnu.

Fin d'une voiture trop ambitieuse

Cette torpédo Sport, présentée dans un concours d'élégance en 1927, est caractéristique d'une génération de brillantes routières. La crise qui frappe l'Europe au début des années trente sonnera le glas de cette voiture prestigieuse, moderne et dotée d'une mécanique raffinée.