BERLIET
Dernière mise à jour : 15/05/2010
Le Lyonnais
Petit historique
Déjà passionné de mécanique, c’est en assistant le 26 septembre 1896 à l’arrivée de l'étape
lyonnaise de la course Paris-Marseille que Marius Berliet prend la décision de
devenir constructeur d’automobiles. Contrairement à d’autres, il est surtout
intéressé par la mécanique des voitures, pas par les performances sportives.
Marius Berliet (1866/1949)
Né le 21 janvier 1866 à Lyon, dans le quartier de la Croix Rousse. Fils d'un artisan de la soie, Marius Berliet débute la vie active dans l'entreprise
de son père. A 15 ans, il a rejoint ce dernier dans son atelier de confection de rubans de chapeau. Marius s’est intéressé très tôt à la mécanique et
pour aider son père, il conçoit et développe de nouvelles machines pour accroître la production. En 1884, il annonce déjà ses intentions à son cousin,
lui dévoilant que s'il a raté les débuts de la bicyclette, il ne ratera pas les débuts de l'automobile. Malheureusement, son père n'est pas du tout
du même avis, malgré le soutien de ses proches. C'est donc en suivant des cours du soir à la Société d'Enseignement Professionnel du Rhône qu'il va
apprendre les grands principes de la construction mécanique. Diplôme en poche, il va profiter de ses soirées et de ses week-end pour concevoir un
premier moteur. Comme le fera Louis Renault à Paris, Marius débute ensuite, dans son petit atelier, la construction de sa première voiture qu'il
termine en 1895. Cette voiture ne fait que 80 cm de large pour pouvoir passer par la porte d'entrée de l'atelier. Les roues de la voiture seront
montées sur le trottoir. Ce premier véhicule, très proche du quadricycle, et à cause de son étroitesse, dispose de deux places en tandem.
Lors des premiers essais routiers, il grippe le moteur par échauffement excessif. Berlier entoure alors le cylindre
d'une chemise d'eau et résout le problème. Sa première escapade se termine dans la vitrine d’un charcutier.
Nullement découragé, Marius construit un second moteur, puis une nouvelle voiture.
Entre-temps, un premier client a passé une commande.
En assistant à l’arrivée de l'étape lyonnaise de la course Paris-Marseille, Marius sait ce qu'il fera dans l'avenir, constructeur d'automobiles.
La Berliet n° 2 possède cette fois deux places côte à côte, et d’un moteur bicylindre. Berliet la fait breveter et la propose à d'autres
constructeurs lyonnais qui, cependant, la juge trop légère. Marius va donc se lancer lui-même dans la construction de son modèle, le Type B.
Toujours sans l'accord de son père, mais avec le soutien financier de sa mère, il loue un petit atelier et engage un ouvrier. La nuit, après
sa journée de travail dans l'entreprise familiale, il s'occupe à la construction de ses
automobiles. Mais Marius est confronté à des problèmes de
sous capitalisation et de manque de place, devant souvent terminer ses voitures dans la rue. En 1899, il achète un petit local de 90 m2 au 56 rue Sully,
puis louera un autre atelier de 450 m2 au 1 rue Paul-Michel Perret. Il passe, pendant cette période, au moteur 4 cylindres, avec une 10/12 HP et une
16/20 HP, conservant toutefois la fabrication des bicylindres, le type le plus vendu et le plus rentable.
Au cours de l'été 1899, le père de Marius décède. Marius décide alors de laisser la direction de l’atelier de confection à son frère. Il peut
alors se consacrer à plein temps à sa petite entreprise. A la fin de l'année, il a déjà construit 6 voiturettes et emploie 4 ouvriers.
Mais là encore; il est encore à l'étroit. En 1900, Marius a produit 12 voiturettes, des 10 et 16 HP qui rencontrent un beau succès. Les voitures,
réputées simples et robustes séduisent la clientèle. La production augmente et en 1902, Marius produira 10 à 15 voitures par mois et fera travailler
250 personnes. Il doit donc trouver des locaux plus grand. Il rachète donc l'ancienne usine de la Société Audibert et Lavirotte, qui a fermé en 1901.
Cette usine deviendra la grande usine Berliet de Lyon-Montplaisir. Audibert et Lavirotte avaient, d'ailleurs, refusé de construire la voiture de Berliet
à ses débuts. Berliet engage toutefois Emile Lavirotte comme directeur commercial. En 1904, Marius se lance dans la compétition. Les voitures Berliet
remportent quelques 25 prix au cours de l’année 1905, sans compter les prix d’élégance que les voitures décrochent grâce à leurs qualités et leur esthétisme.
Les Berliet en compétition, en 1905 et 1907
ALCO
En 1903, Marius modernise sa gamme annuellement et propose 4 modèles de 10 à 24 HP. Grâce à la qualité de fabrication de ses voitures,
Berliet se fait vite une renommée qui traverse les frontières. En 1905, cette gamme de voiture est en parfaite osmose avec le marché
et s'étend de la 14 HP à une énorme 60 HP de 9 litres. Ce sont les voitures de cette gamme qui intéresseront les américains d'Alco.
C'est à la fin de l'année 1904 que Berliet a reçu l'offre innatendue d'Alco. Cette firme américaine, la plus grande entreprise de construction
de locomotives aux Etats-Unis, veut à cette époque étendre ses activités et créer une branche automobile. Après des essais secrets des principaux
châssis européens, Alco choisit Berliet en 1906. La transaction, outre les redevances prévues au contrat de licence, s'élève à 100.000 $ (500.000 francs-or)
qu'Alco verse comptant à Berliet. La vente de la licence concerne les 22, 40 et 60 HP qui seront désormais produites et vendues aux Etats-Unis sous le
logo Alco.
les Alco-Berliet seront produites pendant deux ans à Rhode Island, Alco décidant de construire ses propres modèles en 1908. de Island. Le logo
Berliet sera modifié et la locomotive chasse buffle fabriquée par Alco viendra se positionner sur le nouvel emblème de la marque française.
Cet apport financier permet à Marius de voir l'avenir sereinement et de prendre son essor industriel. Une partie de l'argent sera investi dans
la construction d'une nouvelle usine à Vénissieux, l'une des plus moderne d'Europe à cette époque. Marius achète également de nouvelles machines-outils
de haut de gamme et embauche du personnel. De 250 ouvriers en 1905, l'usine passera progressivement à 4.000 ouvriers en 1913.
Une gamme en parfaite osmose avec le marché
En 1905, une certaine stabilité s'installe chez les constructeurs, et les types sont presque
standardisés. Ils vont de 8/10 HP à 45/50 HP, alors que pointent à l'horizon les premiers moteurs 6 cylindres.
Marius Berliet est désormais un constructeur reconnu et poursuit lui aussi sa croissance en faisant évoluer
sa gamme, s’engageant dans une course à la puissance avec un catalogue offrant des 16 HP, 22 HP, 40 HP, 60 HP et même des 80 HP.
Cette gamme tournant essentiellement autour des 16/22 HP économiques, robustes et confortables.
Berliet est aussi le premier constructeur à vendre des voitures complètes.
La 60 HP est une 6 cylindres, présentée au Salon de Paris de 1907. Sa cylindrée frôle les 10 litres.
Cette gamme va évoluer jusqu'en 1914 sans bouleversements techniques majeurs. Les châssis sont en
tôle emboutie, les ressorts semi-elliptiques, les roues avant et arrière sont égales et le radiateur frontal s'impose.
L'allumage par magnéto à haute tension est universellement adopté malgré son coût et les carburateurs sont
automatiques, le chauffeur pouvant encore régler la richesse au moyen d'un volet d'air. La
sûreté de fonctionnement devient réelle et l'automobile commence à être utilisée pour de longs parcours à caractère touristique, perdant peu à peu son aspect
strictement sportif. Marius Berliet est donc bien placé sur le marché.
Type C1 1908 du Musée Henri Malartre
Ecole Berliet
En 1906, Berliet fonde l’Ecole des Chauffeurs, pour fidéliser sa clientèle.
Cette école devient une Ecole d’Apprentis en 1912, pour former des ouvriers
adaptés aux besoins de l’entreprise. En 1916, elle évolue en Ecole des
Stagiaires. En 1920, l’Ecole Professionnelle Berliet ouvre ses portes, pour la
formation d’ouvriers qualifiés. En 1943, elle devient Ecole Technique Berliet
et formera des spécialistes jusqu’en 1970, année du dernier recrutement.
Les camions
C'est à partir de 1906 que Marius se lance dans la production de camions, un secteur qui ne peut que se développer en parallèle au
chemin de fer. Ce nouveau marché se confirme et certains constructeurs s'y intéressent, comme les militaires d'ailleurs.
En fait, il ne s'agit plus désormais de décliner un camion à partir d'un châssis de type tourisme, mais de concevoir de vrais châssis
renforcés en vue de porter des charges de plusieurs tonnes. Marius Berliet va donc proposer un premier 2 tonnes, rudimentaire mais
efficace, utilisant le même 4 cylindres que les automobiles. Il va mettre au point par la suite toute une gamme de véhicules industriels
dotés de châssis spécifiques renforcés, de gros moteurs à régime lent et d'organes robustes. Il seront proposés pour la plupart en
cabine avancée, comme le type M en 1910. En peu de temps, Berliet va devenir le « spécialiste » du
poids lourd avec plusieurs modèles à son catalogue.
Marius va également se lancer dans le tourisme, en concevant un autocar qui ouvre la voie aux premiers voyages touristiques. Une
première ligne touristique entre Grenoble et Le Lautaret sera d'ailleurs vite ouverte. Mais toutes ses activités sont onéreuses et
Marius doit se recentrer. Il abandonne donc la compétition en affirmant que : "Berliet ne court pas et gagne, quand même".
Berliet Type M et CBA
Vers 1905, l'armée française prend conscience de l'utilité des camions automobiles. Elle organise des
concours de poids lourds entre les différents constructeurs. Les camions primés y gagnent une
réputation de robustesse et de fiabilité. Leurs acheteurs peuvent se faire rembourser jusqu'à
30% du prix d'achat par le Ministère de la Guerre mais en compensation, le véhicule est
réquisitionné en cas de mobilisation avec le chauffeur. Berliet bien sur ne ratera pas l'occasion de
présenter ses produits.
Retour aux automobiles
En 1909, Marius Berliet propose à son catalogue une 15 HP de 2,4 litres. Petite voiture très économique, elle élargit la clientèle
de l'entreprise. Pour les amateurs de tourisme, ils peuvent toujours se rabattre sur la 22 HP de 4,5 litres qui devient une voiture
moyenne plus performante sur la route sans entraîner une surconsommation de pneumatiques et d'essence.
Landaulet AK 4 1911
Types AI
En janvier 1911, Berliet propose les Types AI 9 et 10 aux services des Mines. Par rapport aux types 22 HP précédents, ces voitures se distinguent
par leur transmission par arbre à cardans à la place des chaînes, ce système n'équipant plus que les très grosses cylindrées et les camions, des véhicules
possédant des moteurs à fort couple.
Autre nouveautés, les moteurs sont désormais de types monobloc, des 4 cylindres coulés en une seule pièce avec les chemises d'eau et les tubulures
d'admissions et d'échappement. Les moteurs bibloc disparaîtront totalement en 1913.
Souple et douce à conduire, à l'aise dans une région au relief changeant, la 22 HP AI 9 est le choix l'idéal pour une
clientèle aisée qui aime "tailler la route" avec famille et bagages. Avec la 15 HP, la 22 HP AI deviendra l'épine dorsale de la gamme Berliet entre
1911 à 1914. En 1913, Berliet disposera de 48.000 m2 pour sa production.
Signalons que le 4 cylindres qui équipe la AI 22 HP équipera également le nouveau camion CAA de la marque, l'ancêtre du CBA, le héros de la "voie sacrée"
en 1916.
De nos jours, il resterait deux AI 22 HP, des véhicules appartenant à la fondation Berliet. Ce sont deux torpédos en parfait état de marche,
et complètes. L'une d'elle, l'AI 10, a appartenu à René Fonck, un as de l'aviation de la Première Guerre
mondiale. Elle est dotée de deux puissants
projecteurs placés en hauteur pour mieux éclairer la route quand le pilote se
déplaçait à vive allure loin en arrière du front.
L'avant-guerre
Berliet, victorieuse au Monte-Carlo 1912
En 1910, Berliet compte 10 succursales et son fondateur dispose d'une fortune imposante. Gage de réputation, c'est une
de ses voitures, une Berliet 15 HP de 1912, qui est choisie pour être la première automobile de l'Elysée à la disposition du Président de la République,
Raymond Poincarré, qui sera de fait le premier président véhiculé officiellement en automobile en 1913.
En 1912, une voiture Berliet 16 HP pilotée par l'allemand Julius Beutler remporte la seconde édition du Monte-Carlo. La voiture,
de série, s'impose dans une épreuve comptant, cette année-là, 60 voitures au départ. Cette victoire est une bonne publicité pour la marque qui
va ouvrir un magasin d'exposition sur les Champs-Elysées, tout en continuant de promouvoir ses véhicules industriels.
La production des voitures et camions atteint à Lyon les 4.000 véhicules. En 1912, 50 % des ventes sont pour l'exportation.
La modernité apporte en 1913 l'éclairage électrique en option sur les voitures. Au niveau de la ligne, le radiateur est désormais
une copie de celui de Mercedes, mais Berliet n'est pas le seul à le faire, sans que personne ne s'en offusque.
Berliet 14 HP 1914
En 1914, la Berliet 14 HP sera le modèle le plus diffusé par la marque. Cette voiture représente le segment moyen inférieur de l'offre
du constructeur.
Première Guerre mondiale
Alors que Berliet connaît une prospérité sans précédent, la Première Guerre vient mettre un frein au développement de l'entreprise.
Comme tous ces confrères, dont Renault, Berliet va se consacrer à l'effort de guerre et produire du matériel pour l'armée.
Berliet passera un contrat avec l'armée, stipulant que tout produit sortant de son usine doit être affecté à l'armée française. Le CBA,
sorti en 1913 sera bien sur concerné. Il sera produit durant le conflit à une cadence de 1000 véhicules par mois, la grande majorité en
version militaire, avec caisse bâchée à ridelles avec logo Berliet sur la bâche. Une version ambulance sera également produite.
L'usine va également fabriquer des obus (6.000 par jour), mais aussi des tourelles de chars, le matériel pour la construction des roues ayant été modifié pour cette fabrication.
En 1916, Berliet produira jusqu'à 40 Berliet 22 CBA par jour. Le CBA sera le camion
increvable qui reliera Barleduc à Verdun (67 km), baptisée "voie sacrée". Cette route va absorber le trafic ininterrompu de 3.500 camions
assurant le transport de 90.000 hommes et 50.000 tonnes de matériel par semaine vers le front.
En juin 1916, le trafic mensuel a dépassé 500.000 tonnes et 400.000 hommes. Deux millions de tonnes furent ainsi
transportés pendant la bataille de Verdun. Pour assurer l'entretien de la voie et la bonne circulation des convois, des carrières virent le
jour tout au long du parcours et 700.000 tonnes de calcaire furent rependus sur la chaussée pendant cette période.
Berliet CBA de la "voie sacrée"
en 1916
Années 20
En 1918, l’Armistice signée, Berliet reprend la
construction de ses automobiles, avec les 12, 15 HB VB de 1920 et 22 HP. Marius Berliet, toujours tourné vers l’avenir,
peut s’appuyer désormais sur le succès de son CBA, considéré comme l’un des
artisans incontesté de la victoire sur les Allemands. Berliet est assuré de
vendre son camion aux entreprises. Il dispose également de l’usine la plus
moderne de France, construite sur le modèle américain. On y trouve des bâtiments
consacrés à la production, les bâtiments administratifs, une infirmerie aux
dimensions d’une véritable clinique, un restaurant d’entreprise. Voulant imiter
Ford, l’exemple international, Marius va même vouloir construire qu’un seul
modèle de camion et un seul modèle de voiture. Cette idée l'a mené à proposer, à peine la guerre terminée,
la 16 HP Etoile d'Argent.
Toujours dans l'esprit de copier les américains, Berliet, peut-être mal conseillé,
a fait construire sa propre
aciérie, une construction qui va demander un gros investissement. Malheureusement, cette usine ne sera pas rentable, l'acier qui
sort de cette unité se révélant de mauvaise qualité. Cet acier doit cependant servir à la construction de sa nouvelle voiture.
Etoile d'Argent
La nouvelle 16 HP de Berliet trouve ses origines aux Etats-Unis. En fait, Marius a cherché outre-Atlantique une voiture qui
lui servirait de modèle. Il arrête son choix sur une Dodge. La voiture sera auscultée de près par les ingénieurs de Berliet et
démontée, copiée, de façon rigoureuse. Elle sera ensuite mise en production. Comme il a été dit précédemment, l'acier français n'a pas
les mêmes qualités que l'acier américain et les pièces fabriquées à Vénissieux n'auront pas la même solidité que celles construites
à Détroit. Malgré un accueil très enthousiaste du public lors de sa sortie, avec des milliers de commandes fermes en prime, la
voiture montre vite ses défauts, la qualité des éléments de la voiture étant médiocre. Les clients se tourneront rapidement vers
les nouvelles voitures de Citroën, Renault et Peugeot. La 16 HP, comme les voitures américaines, était proposée complète, clé en main, à une
époque ou il est encore fréquent de faire carrosser sa voiture chez un artisan. De plus, le prix annoncé lors de sa commercialisation
est inférieur à son prix de revient, ce qui va plonger Berliet dans une situation délicate.
Une autre cause des problèmes financiers de Berliet vient du secteur "camions". En effet, à la fin de la Première Guerre, les surplus militaires
sont encombrés de plus de 70.000 camions. En plus de la production française, il faut savoir que les alliés sont venus en France avec leurs matériels.
En 1917, les américains sont arrivés avec pas moins de 35.000 véhicules. Le marché est donc saturé, surtout que l'armée vend à bas prix au particuliers ses
surplus. Les constructeurs rencontrent alors de grosses difficultés à écouler les véhicules neufs. Cette situation poussera d'ailleurs certains
constructeurs à s'orienter vers les camionnettes.
Berliet Etoile d'Argent torpédo
En 1921, l'entreprise Berliet est placée temporairement sous administration judiciaire. Une enquête du Crédit Lyonnais soulève de graves
erreurs de gestion et pointe un passif qui s’élèverait à plusieurs dizaines de
millions de francs, sans remettre en cause la qualité des productions de l’usine
et la compétence de Marius Berliet. Toutefois, Berliet doit accepter un règlement
transactionnel pour éviter de fermer son usine. Destitué de la présidence du
conseil d’administration, il doit désormais partager la gestion de l’entreprise
avec sept administrateurs .Il ne peut donc plus rien entreprendre sans l’avis
et l’autorisation de ses administrateurs. Marius fait front et continue la
fabrication de ses camions et de ses voitures, la 16 HP étant revue et
modifiée. Une nouvelle 12 HP vient consolider la gamme et permettra à Berliet de redorer
son blason.
L'entreprise Berliet se remet en marche et le personnel licencié lors du règlement transactionnel réintègre les ateliers.
Cependant, un nouveau coup dur va venir ternir l'image de Marius Berliet. Citroën lance une accusation d'espionnage industriel
concernant la nouvelle 12 HP proposée par la marque lyonnaise. Bien que classée sans suite, cette affaire affectera beaucoup l'industriel.
Il va néanmoins se replonger dans le travail, poursuivre la production de ses voitures et de ses camions, tout en développant
un réseau commercial en Afrique du Nord pour les camions. Il poursuit également la production des autocars pour les sociétés de
transport en commun. Marius développera même un petit atelier de construction ferroviaire et produira des petites automotrices à
essence dérivées directement de la technique "camion" et des locotracteurs.
Au salon de 1927, Berliet propose les 9 et 12 Cv en
4 cylindres, ainsi que la 10 CV Six cylindres. Le dernier modèle de la gamme
est la VIMB, une 6 cylindres de 2 litres et 11 CV, surbaissée, disposant de
carburateur double corps. Son châssis reçoit des carrosseries modernes, torpédo
grand tourisme, conduites intérieures « Brougham ou Weymann, faux
cabriolet 2 places, etc. En 1929, la santé de l’entreprise s'améliore,
grâce notamment aux camions, autobus et matériels divers, ces dernières productions alimentant
les caisses de l’entreprise.
Marius Berliet, travailleur et persévérant, peut donc rembourser ses dettes et en juin 1929. Il rachète des
obligations en vendant des terrains à Cannes sur la Croisette pour 18 millions
de francs de l’époque et redevient le maître de la Société Anonyme des
automobiles Berliet.
Au cours des années 20, Berliet a poursuivit son expansion et de
nouvelles succursales se sont ouvertes, dans toute la France, mais aussi à l’étranger,
en Grande-Bretagne, en Belgique, en Suisse. En 1929, le catalogue propose trois
modèles, la 4 cylindres 9 CV VIG, et deux six cylindres, la 10 CV VIHF et la 11
CV VIHC.
En 1931, une 8/9 CV fait son apparition, baptisée VIL. Elle
dispose d’un 4 cylindres de 1,5 litre. Les deux grosses Berliet 6 cylindres reçoivent
des appellations assez prestigieuses, Trianon, Chambord, Chenonceaux ou Beaugency.
En 1932, la 9 CV est proposée en version surbaissé, sous le
nom de VILS. Elle reçoit une nouvelle carrosserie, type roadster avec des
garde-boue de type moto. Elle est destinée à Jean Berliet pour courir le Rallye
Paris-Nice de 1932. Berliet présente également deux 4 cylindres en version 2,6
litres et 3,3 litres alors que les six cylindres sont des 2,8 litres et 4
litres. Dans le même temps, le magasin des Champs-Elysées ferme et seule l’usine
de Courbevoie, boulevard de Verdun, figure encore sur le catalogue, avec deux
nouvelles succursales, l’une à Clermont-Ferrand et l’autre à Rennes. Ses succursales
s’ajoutent à celles de Béziers, Caen, Dijon, Reims, Rouen et Toulouse et Avignon,
ouvertes à la fin des années 20.
Nouvelle crise
Au début des années trente, la crise économique mondiale touche Berliet.
Cependant, grâce au moteur Diesel, qui équipe désormais
les camions depuis que l’entreprise a acheté la licence « Acro » à la
firme allemande Bosch, Berliet fait face. 90 % de ses camions de plus de 5 tonnes
de la marque sont équipés du moteur diesel. Mais un nouveau coup
dur s’abat sur la firme lyonnaise. Le directeur général des chemins de fer de
l'Etat promulgue plusieurs décrets qui privilégient le développement du rail
aux dépens de la route sur laquelle de nombreux camions sont interdits de
circulation. Côté automobiles, Berliet va concentrer sa production sur deux
modèles, une 9 CV et une 11 CV, qui remportent un beau succès. Ces modèles deviendront
par la suite la Dauphine (VIRP 11) en juin 1935. La firme parvient
donc à ce maintenir malgré cette nouvelle crise.
En 1933, Berliet abandonne les 6 cylindres. Le haut de gamme
reçoit alors un 4 cylindres de 3,3 litres de 19 Cv et devient le VRD 19, disponible
trois carrosserie. En bas de la gamme, on trouve toujours les 9 CV, présentées
avec de nouvelles appellations, 943 pour la 9 CV 4 cylindres 3 vitesses et 944 pour la 9 CV 4 cylindres 4 vitesses. Les
modèles reçoivent une calandre en coupe-vent, légèrement inclinée. Ces voitures
remporteront un beau succès dans les concours d’élégance. Une version cabriolet
de la 944 fera même son apparition sur le catalogue Berliet de 1934. C’est au
cours de cet été 1934 que Berliet proposera une version évoluée de la 944, la
11 CV Dauphine.
Au Salon d'octobre 1934, le public découvre les nouvelles 944 et la
Dauphine (ou 1144). Elles adoptent désormais une calandre portant deux joncs
cintrés en forme de V, la plupart de carrosseries 11 CV étant livrées sans
marchepieds avec des ailes à bavolets. En 1935, les volets d’aération
deviennent horizontaux sur toutes les voitures. Une version commerciale de la
944 est même proposée. Ces modifications sont également apportées à la 9 CV
Dauphine apparue au cours de l’été 1934, voiture que certains appelleront "petite
Dauphine". Cette voiture est disponible en berline et en cabriolet sans
marchepieds. Seule la 11 CV recevra des jupes pour dissimuler les roues
arrière.
1936
En 1936, le climat
social s’assombrit. Un grave conflit éclate et les usines Berliet ne sont pas
épargnées. Des milliers de personnes descendent dans la rue. Pendant plus d’un
mois, du 16 mars au 28 avril, l’usine sera paralysée. A cette époque, les
ouvriers lyonnais sont remontés contre Marius Berliet, certains le traitant de
tyran, d’autres insultant son nom. On ira jusqu’à l’appeler le "saigneur
de Vénissieux". Une fois cette
période trouble passée, Marius reprendra la production mais cette dernière sera
plus axée vers le diesel et le gazogène. Rappelons encore une fois qu’à cette
époque, Marius Berliet occupe la première place en matière de
fabrication de camions.
Gazogène
Alors qu’il développait ses moteurs diesel pour les camions
et utilitaires, Marius avait depuis 1923 misé sur le gazogène. Lors du concours
national des Gazogènes, il avait déjà présenté des berlines dotées de cet
attribut, des voitures qui avaient parcouru 100 km à 85 km/h de moyenne avec 30
kg de bois . En 1938, il participe à la traversée du
Tanganyka pour prouver la supériorité des gazogènes produits par l'usine de Vénissieux, n’utilisant
pendant le raid que des bois tropicaux trouvés au fil du parcours. On ne
pensait pas encore à cette époque que le gazogène deviendrait indispensable
durant la Seconde Guerre suite aux restrictions et à la pénurie d’essence
imposés par le conflit.
Pendant ce temps, la production des
voitures particulière se poursuit mais les voitures souffrent d’une mauvaise
image, celle qui les compare aux gros porteurs Berliet, fumants et bruyants. Ce
secteur est de plus en plus moribond mais Marius a encore une carte à jouer.
Dernière Dauphine
Pour réduire la chute des ventes de ses modèles Dauphine aux lignes désormais démodées, Berliet achète des
carrosseries de 402 B à Peugeot pour ne pas développer une nouvelle étude. Les ingénieurs de Berliet étudient alors un avant spécifiques pour la
voiture, un avant aérodynamique et d'inspiration américaine. Elles sont présentées à la Foire de Lyon en mars 1939
sous le nom de Dauphine 39 ou VIRP 2.
Présentée au Salon de 1938, la Dauphine 39 à moteur 2 litres (1.990 cm3) est la dernière cartouche de berliet.
Malheureusement, la Seconde Guerre provoque l’arrêt de la production de la voiture, quelques mois seulement
après la mise en route des chaînes de montage. Seules 200 voitures sortiront de
l’usine.
Ancienne et nouvelle Dauphine
Marius impuissant
En 1938, Marius Berliet doit faire face à d’autres problèmes, le concernant directement. A
l’automne, Marius, malade, est convoqué à plusieurs reprises au Minist7re de la
Guerre à Paris. Il ne décroche pas de contrat, l’armée préférant faire appel
aux constructeurs de la région parisienne. Ce n’est qu’au début du conflit
qu’iol recevra des commandes pour des camions et des obus. Malheureusement, Berliet n’est pas prêt et ne dispose pas
de l’outillage nécessaire. Il demande un soutien financier et technique qui lui
sera refusé. Les commandes seront purement annulées et les usines Berliet
réquisitionnées une semaine plus tard. Le ministère s’appuyant sur le fait que
Berliet n’avait pris aucune mesure pour la mise en route des commandes de
guerre. Marius est écarté, remplacé par un nouveau directeur général, Maurice
Roy. Entre les deux hommes, les rapports sont tendus, et Roy ira jusqu(à interdire
l’accès des installations à Marius. Quatre mois après son arrivée, le crédit
refusé à Marius est débloqué par son successeur. L’usine produira, non sans
quelques difficultés, des obus jusqu’au 18 juin 1940. A cette date, les
ateliers s’arrêtent et Marius récupère les clefs de son usine.
Seconde guerre
Pendant l’Occupation, les ouvriers qui n’ont pas été déportés ou envoyés au STO reviennent à l’usine.
Les ordres de Paris ordonnent à Marius Berliet de produire pour l’armée
allemande. Marius exige alors que ses ouvriers, emprisonnés en Allemagne soient
libérés. Marius fait également de la résistance, en cachant du matériel ou en
faisant fonctionner les machines au ralenti. En septembre 1944, à la libération
de Lyon, l’usine se remet à fonctionner normalement. Cependant, le sort s’acharne
sur Marius qui est emprisonnée. Ses bien sont confisqués et ses usines sont
placées sous séquestre par Commissaire de la République, le communiste Yves Farge. Ce dernier confie l’administration
des usines à l'un de ses proches. Peu de temps après, ce sont les quatre fils de Marius qui sont arrêtés, ces derniers
détiennent alors la majorité du capital de l’entreprise familiale. Albert
Bardin, nouveau directeur technique dira alors : « Débarrassé des
oppresseurs, la maison Berliet devient la maison de la liberté ». Il
applique cependant les mêmes directives qui furent reprochées à Marius Berliet.
Faux procès
En 1945, le parti
communiste contrôle l’économie lyonnaise et personne ne veut l’affronter, pas même
Edouard Henriot, député du Rhône qui n’interviendra pas pour défendre Marius Berliet
et ses fils. Le procès aura lieu le 3 juin 1945. L’accusation de collaboration
avec l’ennemi sera mentionné mais les chefs d’inculpation tomberont les uns
après les autres. Au final, Marius sera condamné à deux ans de prison,
transformés en assignation à résidence à Cannes. On reprochera en fait à Berliet de n’avoir
vécu que pour son usine. Paul, son fils, et principal collaborateur de Marius,
sera condamné à cinq ans de prison. Pendant toute cette période de procès,
l'entreprise sera mise en gestion ouvrière.
La fin des automobiles
Au cours des années
qui suivront, tout sera fait pour nationaliser l’entreprise Berliet. Finalement,
le 28 décembre 1949, après 4 ans de batailles juridiques et politiques, les
biens des Berliet seront restitués ? Marius Berliet ne verra pas cette
restitution, il s’éteint le 17 avril 1949, l'année de sa réhabilitation. La production des automobiles ne
reprendra pas, seul l’activité poids lourd assurera l’avenir de la marque.
Après le décès de Marius, c'est son fils Paul qui reprendra les rênes de
l'entreprise, avec le président en poste à l'époque, Emile Parfait.
Emile Parfait (1896-1966)
Né le 8 novembre 1896 à Atton, en Meurthe et Moselle, Emile Parfait s'intéresse vite à la mécanique. Ingénieur des Arts et Métiers,
il est officier dans l'artillerie puis l'aviation naissante. En 1927, il est chargé par Donnet de concevoir et mener à bien le projet de l'usine
de Nanterre. Pui, Emile quitte Donnet en 1928 pour devenir ingénieur en chef chez Hotchkiss, puis, dès 1929,
devient directeur d'usine chez Citroën. En 1934 et 1935, on le retrouve ingénieur-conseil chez Talbot puis enfin, en 1935, devient
chargé de mission à la Direction Générale de la firme de Marius Berliet. Après la Seconde Guerre, il devient président de la société.
En 1964, après avoir siégé au Conseil Economique et Social (de 1959 à 1964) et à la Chambre du Commerce de Paris depuis 1960,
Emile Parfait succède à J.P. Peugeot à la présidence de la Chambre Syndicale des Constructeurs d'Automobiles. Il s'éteint en 1966.