BENTLEY    

Dernière mise à jour : 15/05/2010

Souplesse, silence et performances...

Petit historique

Walter Owen Bentley (1888/1971)

Aujourd'hui propriété de Volkswagen, Bentley fait partie de ces marques qui représentent le luxe anglais. A son origine, un homme, Walter Owen Bentley, qui se fit d'abord connaître comme pilote de moto.
Bentley débuta sa carrière comme ingénieur à la Great Northern Railway mais très vite, la compétition le passionna beaucoup plus que les locomotives. Pilote moto d'abord, puis d'automobiles, Walter Owen se taille une belle réputation qui le mène à passer, avec son frère, dans le commerce d'automobiles. Distributeur pour diverses marques, dont la française DFP, il oriente ses activité vers la construction de moteurs d'avions dès le début de la Première Guerre. Grâce à l'argent gagné dans cette branche, Bentley se lance en 1919 dans l'automobile. Il lance l'étude de sa première mécanique, avec beaucoup d'à-propos, mais sans réels moyens financiers. Walter Owen Bentley, s'il n'a pas de grande usine ni de compte en banque bien fourni, ne manque pas d'idées. Et la première qu'il met en oeuvre, c'est de faire courir ses voitures. Pour ce faire, il va s'adresser à ses clients, généralement jeunes et fortunés, qui ont tout de suite vu le potentiel des automobiles de Bentley, puissantes et bien faites. Ainsi, W. O. Bentley bénéficiera des retombées médiatiques de ses succès, sans avoir à engager beaucoup d'argent.
C'est en 1924 que Bentley présente sa première automobile, la Bentley 3 litres. Mais elle a été dévoilée à la fin de l'année précédente et à immédiatement fait l'objet d'un article dans la presse. L'Angleterre peut voir ces premières voitures de compétition en courses de côtes et en Speed-trails, mais Bentley considère ces compétition moins comme une finalité que comme des séances de mise au point. Pour preuve, une voiture est expédiée à Indianapolis en 1922. Conduite par Douglas Hawkes, elle y fait bonne figure, mais l'expédition américaine a coûté cher. Au Tourist Trophy, trois Bentley participent, dont une pilotée par le patron, et sont récompensées par la performance d'équipe.

Compétition

L'engagement en compétition coûte donc cher à la marque, dont l'actionnaire principal est le pilote Woolf Barnato, et va engloutir des sommes importantes dans ce secteur, délaissant la production de voitures, elles aussi très coûteuses. La firme ne s'en remettra pas. En 1931, elle sera reprise par Rolls-Royce. En attendant, la marque a un grand rendez-vous, les 24 Heures du Mans. C'est dans cette épreuve que la marque bâtira sa réputation.

Au centre, Walter Owen Bentley.
Speed Model 3 Litres
Avec son air pataud, qui aurait cru que la grosse Bentley puisse rivaliser avec l'élite internationale, et s'adjuger des victoires un peu partout dans le monde ? Bentley remporta à cinq reprises les 24 Heures du Mans avec des voitures de différentes cylindrées, mais les deux premières victoires sont à mettre au crédit des 3 litres. Ces voitures prirent la première place au Mans en 1924 et 1927, et insufflèrent à la marque frappée d'un B majuscule l'élan pour ses autres victoires avec des moteurs plus importants.
La première fois que Bentley vient au Mans, c'est en 1923. Il aligne des voitures dotées de moteurs de 3 litres, menaçant directement les favoris représentés par Bignan, Lorraine, Ariès et Chenard & Walcker. Ces derniers ont raison de s'inquiéter. Dès le début de l'épreuve, les Bentley sont redoutables. Une seule petite pierre, perçant le réservoir, causera la perte de la Bentley de John Duff, qui devra se contenter de la 4e place.
En 1924, Duff et Clément domineront l'épreuve, une revanche qui renforce les craintes des constructeurs français. John Duff remporte l'épreuve à plus de 86 km/h de moyenne. Première marque étrangère à venir participer aux 24 Heures du Mans, Bentley est également la première marque étrangère à remporter l'épreuve.

La Bentley 3 litres de Duff et Clément de 1924
4 1/2 Litres
En 1925 et 1926, les Bentley abandonnent au mans. Malgré ces deux années sans succès, Bentley ne laisse pas tomber l'épreuve et revient en force en 1927. Cette année-là, et pour la seconde fois, Bentley remporte l'épreuve. Benjafield et Davis permettent à la marque de renouer avec la victoire. La Bentley 3 litres du Dr John Dudley Benjafield et S.C.H. "Sammy" Davis franchit la ligne d'arrivée en tête. Ils ont couvert en 24 heures 2.369 km, à la moyenne de 98,740 km/h. Les deux autres Bentley ne terminent pas l'épreuve, la Super Sport 4 1/2 litres de Franck Clément et Leslie Callingham, et la 3 Litres du Baron André d'Erlanger et Georges Duller s'arrêtèrent suite à un accident après seulement 34 et 35 tours.

La Bentley 3 litres du Dr John Dudley Benjafield et S.C.H. "Sammy" Davis de 1927
En 1928, c'est le Captain Woolf "Babe" Barnato et Bernard Rubin qui enlève l'épreuve sur une Bentley 4 1/2 Litres, celle de Sir Henry 'Tim' Birkin et Jean Chassagne terminant 5e. La voiture de Franck Clement et du Dr. John Dudley Benjafield s'arrêta au 71e tour suite à un problème de conduite d'huile et surchauffe du moteur.

La Bentley 4 1/2 litres de 1928
En 1929, Bentley est invincible, plaçant 4 voitures aux 4 premières places. La première est une nouvelle Bentley Speed Six, pilotée par Barnato et Birkin. les trois suivantes sont des 4 1/2 Litres, pilotées par ordre d'arrivée par Jock Lawson 'Jack' Dunfee et Glen Kidston, le Dr. John Dudley Benjafield et le Baron André d'Erlanger, et enfin Frank Clement et Jean Chassagne. Seule la Bentley de Bernard Rubin et Lord Howe ne terminera pas l'épreuve, l'ayant quitté au bout de 7 tours.

Speed Sport 3 litres Le Mans 1929 Barnato/Birkin
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6.5-Litre Speed Six
Depuis 1925, Bentley est financé à fonds perdus par le roi du diamant sud-africain Woolf Barnato, fou de vitesse et excellent pilote. Propriétaire de plusieurs Bentley et soucieux de la survie de sa marque favorite, il a investi plus de 100.000 £ dans l'affaire alors très endettée, dont il prend le contrôle tandis que Walter Owen Bentley, aussi bon ingénieur que mauvais gestionnaire, ne possède plus qu'environ 5 % du capital. La première 6 cylindres de la marque a contribué à creuser le trou financier à l'origine de cette restructuration. W. O. Bentley aime créer des moteurs performants et sa première automobile née en 1919, la 3-litre à 4 cylindres, est alors conforme à sa philosophie. Mais la plupart du temps, le châssis 3-Litre, allongé à la demande des clients, est écrasé sous le poids de carrosseries à conduite intérieure dont le niveau de confort entraîne une chute spectaculaire des performances routières. Bentley décide dès 1923 de dériver un 6 cylindres de son 4 en obtenant une cylindrée de 4,5 litres, donc davantage de couple et une souplesse supérieure. Le prototype déguisé de la future Six est utilisé par W. O. Bentley pour aller aux 24 Heures du Mans 1924 (que remporte justement une 3-Litre), les routes françaises permettant, contrairement aux routes anglaises, de soutenir de hautes vitesses pendant de longues périodes. Au retour du Mans, Bentley rencontre inopinément un prototype de Rolls-Royce également en essai. Une sorte de course-poursuite s'engage, qui révèle à Bentley l'insuffisance de son moteur confronté au 7,7 litres de la future New Phantom (Phantom I). Décision est prise d'élever nettement la cylindrée. Ainsi naît la 6.5 Litre, livrée à partir du printemps 1926.
Bénéficiant de l'expérience acquise, le châssis de la 6.5-Litre est à la fois plus moderne (configuration et équipements) et plus lourd. Le problème du poids excessif des carrosseries demandées par la clientèle la plus nombreuse se pose de nouveau. Si ces acheteurs se contentent d'un niveau de performance en retrait sur les possibilités réelles du châssis, qui dispose quand même de 147 ch, les vrais sportifs, ceux qui font la promotion de la marque sur al route et en course, demandent mieux, notamment au niveau des accélérations. Bentley applique des recettes bien connues (deux carburateurs, taux de compression relevé, reconfiguration des conduits de gaz, nouvel arbre à cames, etc.) et obtient 180 ch en toute sécurité, comme la Speed Six, appellation de la nouvelle version de la 6.5 Litre, le démontrera en gagnant les 24 heures du Mans en 1929 et 1930.

Speed Six 1re au Mans en 1930 Barnato/Kidston
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La Bentley Speed Six litres de 1929 et les vainqueurs de 1930, Barnato et Kidston
Avec une nouvelle victoire en 1930, Barnato signe, avec Kidston, sa troisième victoire consécutive. A la deuxième place de cette édition 1930, on trouve Frank Clement et Richard 'Dick' Watney. Les deux voitures sont des Speed Six. La troisième voiture engagée par Bentley, pilotée par S.C.H. "Sammy" Davis et Clive Dunfee abandonna au 21e tour après une sortie de route. Deux autres Bentley furent engagées par Hon, Miss Dorothy Paget, une écurie anglaise. Les deux voitures, des Bentley C Blower, pilotée par Dr John Dudley Benjafield et Giulio Ramponi, et Sir Henry 'Tim' Birkin et Jean Chassagne, abandonnèrent sur ennuis mécaniques après 138 et 144 tours. La série s'achèvera là, Alfa Roméo mettant un terme à la suprématie de la marque anglaise.

    

Mais fin 1928, Bentley comme Barnato ne pouvaient pas savoir que les "années folles" et la période faste des années 1925-1929 vont brutalement s'achever, pour les pays les plus industrialisés, suite à l'effondrement de la Bourse de New York en octobre 1929, entraînant aussitôt la disparition de la majorité de la clientèle de la Speed Six. La victoire de 1930 au Mans n'y pourra rien et le pari fou de Barnato non plus.
Speed Six "Blue Train"

En 1930, Barnato se fait construire une étonnante conduite intérieure sport profilée, réalisée par la firme anglaise Gurney Nutting, spécialisée dans les carrosseries sport, d'après un rapide croquis tracé, dit-on, sur une enveloppe. Cette carrosserie de coach trois places à l'arrière plongeant et coffre presque intégré dans la poupe est entoilée selon le procédé Weymann, flancs et pavillon. Le choix de la toile tendue sur molleton permet de gagner du poids et d'absorber dans l'habitacle l'énorme bruit de la mécanique, qui prend presque la moitié de l'empattement. La faible hauteur de la caisse ne peut faire oublier l'importante garde-au-sol d'un châssis conçu presque 10 ans plus tôt. Toutefois, le rapport puissance/poids est voisin de celui d'un tourer découvert et la voiture doit croiser aisément à 140 km/h avec une réserve de vitesse et de bonnes accélérations. Séjournant sur la Côte d'Azur, Barnato tente un coup publicitaire en faisant le pari (200 £) à la suite d'un dîner entre amis de battre le luxueux et rapide Train Bleu (Calais-Mediterranee Express) sur le trajet Cannes-Paris-Londres, en arrivant dans la capitale anglaise avant que le train n'entre à Calais. Si le profil de la Nationale 7 en 1930 est loin d'être celui d'une autoroute, il faut se rappeler que la circulation, sauf à proximité des grandes villes, y est très clairsemée et que les camions sont rarissimes. Mais il faut traverser toutes les villes, notamment Lyon et Paris.

6,5 litres Coupé Gurney Nutting "Blue Train" 1930
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Barnato, accompagné du co-pilote Dale Bourne, golfeur amateur, prendra le volant de sa Speed Six en mars 1930. Le départ de la voiture a lieu en même temps que le départ du train. A 17 h 45 donc, la Bentley, 6,5 litres Coupé Gurney Nutting s'élance. Malgré son entraînement au pilotage, Barnato doit contrer la fatigue, le sommeil, le bruit, la brutalité d'un châssis lourd à manoeuvrer. Mais sa vigilance et son talent vont lui permettre de signer un exploit. Malgré une météo exécrable, les mauvaises routes, la traversée des villages et villes françaises, il tiendra une moyenne de 73,80 km/h. Pendant son parcours français, par la route Napoléon d'abord, via Digne, le Col de la Croix-Haute, Grenoble et Lyon, il doit affronter quelques soucis d'ordre logistique. Ainsi, vers 4 heures du matin, alors qu’il atteignait Auxerre, l’équipage perd du temps dans sa progression pour chercher la station service où il avait prévu de ravitailler. Après multiples coups de klaxon et appels désespérés dans une cité endormie, une bougie éclaira une pièce. Barnato, soulagé, peu faire le plein et vérifier les niveaux d’eau et d’huile avant de reprendre sa route. Il parvient à 10 h 30 du matin le lendemain à Calais. Prenant le premier bateau, l'équipage traversa la Manche, et arriva à Victoria Station. Barnato ira se garer tranquillement devant son club à St James Street, au coeur de Londres, en attendant l'arrivée du Train Bleu prévue à 15 h 24 à Calais. Le pari est gagné. Barnato serait arrivé à 15 h 20, soit 4 minutes avant le Train Bleu, traversée du Channel en ferry comprise. Barnato vient de battre celui qui était présenté à l'époque comme le "train le plus rapide d'Europe".

Il semble cependant, d'après une étude récente, que l'exploit n'a pu être réalisé avec le coupé Gurney Nutting. En effet, ce dernier a été livré en juin 1930, alors que la course a eu lieu au mois de mars. Barnato pilotait donc une autre Speed Six, ce qui n'enlève rien à sa performance.

    

redécouvert à la fin des années soixante presque à l'état d'épave, le coach profilé de Barnato fut totalement reconstruit à l'identique aux Etats-Unis. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, les grandes Bentley valaient leur poids de métal à la casse et la "Blue train" aurait été annoncée en 1938 à ... 20 £ !
Continental

Continental 1971
Solido
Au début des années trente, Rolls Royce devient propriétaire de la marque Bentley. Commence alors une période de production commune Rolls-Bentley. Si Rolls-Royce s'est fait remarquer dans les mondanités, Bentley s'est distinguée en compétition. Jusqu'au début des années cinquante, les deux marques vont conserver une identité propre, mais après cette date, les modèles vont se standardiser. Sauf pour la Bentley Continental de 1952, qui conservent encore toutes les spécificités des Bentley antérieures. A partir de 1966, toutes les Bentley ne sont en fait que des Rolls Royce, même la Continental de 1971 qui n'est plus qu'une réplique de la Corniche. La séparation des deux marques se jouera en 2002, lorsque Volkswagen cède Rolls-Royce à BMW, mais conserve Bentley (rachetée en 1998).
EXP8

EXP8 24 Heures du Mans 2001 Wallace/Leitzinger/Van de Poele
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Après son rachat par Rolls-Royce, la marque Bentley se retira de la compétition, la course représentant une charge financière trop lourde pour la firme. Cependant, en 2001, juste avant sa reprise par BMW, deux voitures reprennent la piste au 24 Heures du Mans, après 73 ans d'absence sur le circuit. Une campagne de trois ans vient de s'ouvrir, avec un but, remporter à nouveau la mythique épreuve. Les deux voitures engagées en 2001 sont en fait deux anciens prototypes Audi conçus par Peter Elleray, revus par les anglais et rebaptisés EXP Speed 8. Voiture fermé sport prototype, la Speed 8 est construite selon la réglementation ACO LM GTP, et dispose d'un moteur double turbo de 3,6 litres V8 race moteur de la société Audi (groupe VAG). La n° 8, pilotée par Andy Wallace, Butch Leitzinger et Eric van de Poele, termine à une belle troisième place, la seconde voiture ayant abandonnée après un incendie. Deux nouvelles voitures seront ensuite préparées pour l'édition 2003. Après 73 ans d'absence, une Bentley remportera à nouveau les 24 Heures du Mans, la sixième après 1924, 1927, 1928, 1929 et 1930.