BEDELIA    

Dernière mise à jour : 15/05/2010

Tandem à quatre roues...

Petit historique

Avec peu de moyens, Robert Bourbeau et Henri Devaux fonde en 1909 la firme Bedelia. La première Bedelia est une sorte de voiture hybride, moitié motocyclette, moitié automobile, avec deux places en tandem. On nommera cet engin le Cyclecar. Très active, la firme se fera remarquer en compétition en remportant de nombreuses épreuves dans sa catégorie.

Robert Bourbeau (1891/..?..) - Henri Devaux (1891/..?..)

Henry Devaux et Robert Bourbeau furent, en fondant la firme Bédélia, des pionnier du Cyclecars en France, mais pas les inventeurs. En effet, à Saumur dans le Maine-et-Loire, Camille et Léonce Bobrie avaient, dès 1908, fabriqué et commercialisé une série d'environ dix petites voitures qui présentaient cette singularité d'avoir des sièges en tandem. Bourbeau et Devaux par contre, eurent beaucoup plus de chance dans leur entreprise. L'association va durer jusqu'au milieu des années vingt et Bourbeau sera le premier à se retirer. Après son départ, Devaux revendra Bedelia à l'entreprise Mahieux.

En 1907, Robert Bourbeau et Henri Devaux, jeunes élèves ingénieurs à l’école Violet, sont victimes d’un accident. Les deux garçons profitaient d’un peu de temps libre pour taquiner le goudron sur leur motocyclette J. Quentin dotée d’une sorte de side-car. Une collision sans gravité pour les deux compères, qui s’en sortent avec de simples égratignures, endommage sévèrement la motocyclette.
Le lendemain, se retrouvant sans moyen de locomotion et sans moyens financiers, Robert et Henri décident, avec les débris de leur attelage détruit, soit quatre roues et un moteur, de construire un petit véhicule pour les transporter à nouveau. Ils vont alors imaginer un drôle de châssis/carrosserie autoporteur, fuselé comme la cellule de l'avion Blériot IX. Ce véhicule, à moteur à l’avant (le Quentin de l’ex motocyclette), ne disposait pas de système d’embrayage, deux courroies de transmission entraînaient directement les roues arrière libres et pour le démarrer, il suffisait de la pousser et de sauter dans l’habitacle, comme on le faisait pour une moto. Pour la petite histoire, le volant et les sièges étaient de fabrication maison, le cercle d’un pied de chaise et des sacs de charbons tendus. Tout ce bricolage fut réalisé en quelques jours. Au volant de ce véhicule hybride, moitié moto, moitié automobile, ne disposait pas d’un réservoir d’essence comme on le conçoit de nos jours. A la place, les deux hommes avaient posé un bidon sur le moteur et, par gravitation, son contenu alimentait le moteur. En ce qui concerne l’habitacle, il est tout à fait original. En fait, les passagers se trouvent placés en tandem, protégés par une carrosserie toute simple faite en contre-plaqué. Rustique, et d’une grande simplicité, dans sa conception comme dans sa réalisation, l’engin à le mérite de rouler. Henri et Robert vont vite en faire la preuve. Au cours de l’été 1907, les deux jeunes hommes partent en vacances au Mont St Michel avec leur voiturette. Cette dernière se montre rapide et double sans problèmes les grosses automobiles. En route, ils rencontrent de nombreux automobilistes qui sont séduits par la voiturette, par ses performances et par sa simplicité. Certains iront jusqu’à en commander un exemplaires. De retour à Paris, les deux jeunes hommes vont devoir honorer les commandes et louent pour cela un petit atelier à Passy, au 32 rue Félicien David. L’aventure commence.

Bédélia

Comme à chaque création d’entreprise, il faut trouver lui trouver nom. Ce dernier sera Bédélia. Pourquoi Bedelia ? Pour certains, cela correspond aux deux initiales des constructeur, un B et un D lié, d’où BéDélié, puis Bédélia. Bédélia est également un prénom féminin américain entendu dans une chanson populaire de l’époque. Est-ce lié ? La société sera fondée officiellement l’année suivante, grâce au père d’Henri qui accepta d’être garant en cautionnant et finançant l’entreprise des deux nouveaux entrepreneurs. Dans leur atelier de Passy, encore un village aux portes de Paris, les deux hommes vont débuter une petite « production ». Ils vont assembler et vendre leurs premiers véhicules qu’ils baptisent "voiturettes de sport type A", première Bédélia.
La Bedelia sera proposée en trois versions, Tourisme, Livraison (appelé Commerce) et Course. Le modèle tourisme sera proposé en deux carrosseries, une caisse anguleuse baptisée Type A et dotée d'un moteur Quentin de 3,5 HP ou de 4,5 HP, ou avec une caisse aérodynamique baptisée BD, avec un moteur bicylindre en V construit par Bédélia. Le modèle de livraison baptisé "Commerce"" disposait d'un grand coffre à la place du passager avant, coffre permettant le transport de charges de 100 à 150 kilos.

 

Version utilitaire BD1 bis, avec caisse de chargement pour 100 à 150 kg de charge utile
Le premier cyclecar fut présenté en lever de rideau du Grand Prix des voiturettes de Dieppe en 1908. Puis, un premier catalogue fut diffusé début 1910, avec un descriptif très complet détaillant les mérites de la voiture. Pour le prix, il est très alléchant, 1.200 francs. Le véhicule, non content d’être le plus léger du marché, est également le moins cher des 4 roues sur le marché. Au Salon de Londres, cette même année, le journal The Observer écrira quelques lignes pour vanter les mérites du véhicule, en soulignant ces mots par une simple vérité : "Pendant que nous étions tous a nous casser le tête pour trouver le moyen de produire la voiture tant désirée, une maison française est venue avec un véhicule à deux places, luxueusement suspendu, vendu à partir de 1250 F". Le reste de l’article décrit le Bédélia, pointant du doigt tous les mérites de sa simplicité de conception. Rappelons que chaque véhicule est construit à la main, selon les désirs du client.

Véhicule militaire ?

Le Bédélia présenté dispose toujours d’un monocylindre Quentin de 3,5 HP, lui permettant d’atteindre les 60/70 km/h, une vitesse supérieure à l’époque à de nombreux véhicules de plus grosse cylindrée. Au niveau technique, les solutions n’ont guère évolué. Si le véhicule suscite l’intérêt de nombreux clients, l’Armée française ne restera pas non plus insensible au charme du véhicule. Elle envisage de les doter d’une mitrailleuse et développe ce projet dans le plus grand secret. Il ne verra pas le jour. Par contre, un certain docteur Paul Michel se proposera d’en transformer quelques exemplaires en porte-bracards. Ce projet ne sera pas retenu, l’armée jugeant que ce système nécessite de mobilier un homme pour un blessé, une solution jugée trop onéreuse par le service de santé des Armées.

  

Trois prototypes pour l'Armée, mais sans lendemain

Compétition

En 1911, les ventes des Bédélia permettent à l’entreprise Bédélia de voit l’avenir sereinement. Bourbeau et Devaux propose désormais deux nouveaux modèles, A1 et BD1. Le premier dispose désormais d’un moteur plus puissant que la version précédente, un moteur monocylndre de 4,5 HP, toujours de marque Quentin. Le BD1 est doté, lui, d’un 5,5 HP, un moteur conçu par Robert Bourbeau. C’est également à cette époque qu’il se pique au jeu de la compétition et dote pour cela un cyclecar d’un moteur bicylindre placé longitudinalement à la carrosserie conçue pour la course. Bedelia va s’imposer rapidement dans sa catégorie. Devaux, et Bonville, leur chauffeur, s’impliqueront également dans ces épreuves. En 1911, Bédelia s’impose au Meeting du Mans, organisé par l’ACF les 4 et 5 juin. Les Bedelia décrochent ensuite les deux premières places dans la Course de côte de Val Suzon, puis la 1ere place dans la course de côte de Gometz-Le-Chatel. LA victoire la plus retentissante à lieu le 1er octobre, dans la course de côte de Gaillon. Cette fois là, Bedelia utilise un modèle disproportionné équipé pour l'occasion d'un moteur d'avion, et capable d'avaler la montée d'un kilomètre en 1 minute et 5 secondes.

En 1912,les Bedelia glanent d’autres victoires, dans la course de côte de Montanglaust, sur le circuit de Paris et au Meeting du Mans. Elle remporte à nouveau le Val Suzon. A ces victoires s’ajoutent des records de vitesse à Brooklands. Toujours en 1912, les Bedelia s’imposent dans toutes les épreuves des 4 jours de course du Meeting de Boulogne (en motocycles). Ces victoires glanées en catégorie "motocycles" vient du fait qu'à cette époque, les organisateurs ne savaient pas très bien ou inscrire ces véhicules, voiturettes ou motocyclettes. Le terme Cyclecar arrivera peu arpès, avec l'arrivée des anglais. Le terme sera conservé et non traduit par les français. Les Bédélia s’imposeront ensuite au Grand Prix de France, dans la course de côte de Gaillon et de Gometz-Le-Chatel. En 1913, les Bedelia s’imposent lors du Paris-Le Havre, au Circuit de Paris avec les trois premières places et dans le Paris-Nice, recevant la médaille du Touring-Club de France. Pendant ces trois années, Bourbeaux et Devaux préparaient des voitures très spéciales, très éloignées des voitures de série et dotées de toutes sortes de moteurs.

Grand Prix d'Amiens 1913

Aperta Sport 1913
Brumm

Fin d'une association

Au fil des années, la recette du cyclecar Bédélia est copiée et la concurrence se fait de plus en plus présente. Cependant, Bédélia occupe toujours le devant de la scène, grâce notamment aux succès en course. Bourbeau et Devaux améliore les véhicules pour résister, dotant les véhicules de garde-boue, de pare-brise, de roue de secours, des roues flasquées, et même de deux phares a la place d’un phare cyclope. Une capote est même disponible. Bien sur, le prix augmente en conséquence. Cependant, le modèle de base AC est toujours proposé, avec son monocylindre 4 HP. Au dessus, le BD1, qui deviendra BD2, dispose du bicylindre 6/8 HP. Le modèle de livraison BD1 bis est également toujours au catalogue. A la veille du conflit, Bedelia aura produit environ 3.000 véhicules, en seulement 4 ans de production. Certains de ces véhicules auront été livrés en Italie, en Angleterre (avec moteur Jap), et même en Afrique et en Indonésie.

Cyclecar 1913 en Malaisie
La Première Guerre mondiale stoppera les activités de l’entreprise, provisoirement d’abord, puis définitivement à l’armistice. En effet, Robert Bourbeau et Henri Devaux décident de se séparer. Henri s’éloigne alors de l’automobile tandis que Robert vend l'entreprise à Mahieux et Cie et se lance dans la production de nouveaux cyclecars sous la mmarque Jacquemont. Cette nouvelle entreprise fermera ses portes trois ans plus tard.

1913, dernier Salon pour Bédélia

Bédélia par Mahieux et Cie

Ce sont les Etablissements L. Mahieux et Cie Constructeurs qui rachètent la marque Bédélia. Cette entreprise située au 123 rue Jean Jaurès à Levallois-Perret vont poursuivre la fabrication des cyclecars Bédélia dans leur usine de l’Ile Saint Denis. Ces cyclecars n’auront plus rien en commun avec ceux d’avant-guerre. Présentés en 1920, ces derniers ont perdu de leur originalité, avec désormais une carrosserie à deux places côte à côte, légèrement décalées, avec une direction classique et une boite de vitesse mécanique conventionnelle. Elles conservent toutefois le transmission par courroie. Baptisée Type M, ces véhicules appartiennent à une nouvelle histoire, celle de Mahieux et Cie, qui durera jusqu’en 1925. Cette histoire sera brève. En 1920, les cyclecars Bédélia sont quatre au catalogue, mais sont désormais en concurrence avec des véhicules plus esthétiques, techniquement plus aboutis. Au Salon de Paris de 1923, le Bédélia ne recueille que l'indifférence du public. Le prix de vente n'est plus le même non plus. En 1924, l'Etat modifie la taxe qui protégeait les cyclecars, la réduction ne concernant désormais que les véhicules dont le prix de vente est inférieur à 5.000 francs, soit la moitié du prix de la Bédélia. C'est un coup fatal pour le cyclecar de Mahieux qui tire sa révérence en 1925.