BALLOT    

Dernière mise à jour : 15/05/2010

De la Marine à l'Automobile...

Petit historique

Edouard et Ernest Ballot

Les frères Ernest et Edouard Ballot sont connus comme pilotes d'automobiles, mais ce sont avant tout des motoristes. Depuis 1905, début des activités, les deux frères sont devenus d'importants fournisseurs de moteurs pour l'automobile et la marine (d'ou l'ancre sur le logo). Ernest Maurice Ballot fonde son atelier de mécanique en 1906, un atelier de fabrication qui devient Ets Ballot en 1910, puis Etablissements Ballot S.A en 1911. Il se trouvait sur le Boulevard Brune, dans le 14e arrondissement de Paris. Parmi les premiers clients, on trouvait d'ailleurs Delage, Delaugère, Corre ou Barre.

Au centre, Maurice Ballot
Firme spécialisée dans les constructions mécaniques et les moteurs, Ballot a travaillé continuera ses fabrications durant la Grande Guerre, ajoutant à ses activités une nouvelle production de moteurs pour l'aéronautique, des groupes marin et électrogènes, des pompes, etc. La situation financière est donc confortable au sortir du conflit, malgré le paiement des impôts de guerre. La direction choisit naturellement d'étendre ses activités dans le domaine de l'automobile et quoi de mieux comme moyen promotionnel que la course au plus haut niveau ?

Premiers véhicules

Au cours de l'été 1918, Ernest-Maurice Ballot envisage une fin rapide du conflit. Il décide alors de construire une voiture de Grand Prix pour disputer les 500 Miles d'Indianapolis 1919. Pour ce faire, il fait appel à l'ingénieur suisse Ernest Henry, brillant technicien motoriste, le père des moteurs à deux arbres à cames en tête des Peugeot Grand Prix de 1912. Quatre voitures seront donc alignées à Indianapolis, avec sous le capot des moteurs 8 cylindres à deux arbres à cames en tête de 4,8 litres. Deux voitures ne verront pas l'arrivée, celle de Louis Wagner abandonna suite à une roue cassée, celle de Paul Bablot suite à un accident. René Thomas se classa 11e et Albert Guyot termina 4e. La victoire revient à une Peugeot pilotée par Howdy Wilcox. Ce résultat mitigé ne va pas découragé Ernest Henry qui revient l'année suivante avec des moteurs 3 litres. Cette fois, les trois voitures engagées parviennent à terminer la course, René Thomas terminant second derrière un certain Louis Chevrolet sur Frontenac. Ralph de Palma termine 5e et Jean Chassagne termine 7e. Ralph de Palma, qui pilota également pour Peugeot, représentera encore Ballot en 1921 (abandon). On trouvera une fois encore des Ballot à Indianapolis, en 1922 avec Eddie Hearne (3e) et Jules Goux (abandon). Au cours de cette période, Ballot fait également étudier des 4 cylindres 2 litres de même architecture, c'est à dire à deux arbres à cames en tête et 4 soupapes par cylindres.

    

Louis Wagner et René Thomas sur Ballot en 1919 à Indianapolis

Paul Bablot, en 1919 à Indianapolis

    

Ralph DePalma et René Thomas sur Ballot en 1920 à Indianapolis

Ralph DePalma en 1921 à Indianapolis

En Europe

Le bilan américain n'est pas mauvais, les abandons ne mettent pas le moteur Ballot en cause et les voitures sont donc engagées au Grand Prix de l'ACF de 1921 au Mans. La victoire échappe de peu à la marque qui termine l'épreuve aux 2e et 3e places. Au départ, Ballot a quatre voitures, pilotées par Ralf De Palma, Jean Chassagne, Jules Goux et Louis Wagner. Face à eux, des Sunbeam-Talbot-Darracq, Mathis et surtout des Duesenberg venues d'Amérique. Chassagne prendra la tête de la course lors du 6e tour mais une pierre viendra percer le réservoir et contraindra le pilote à l'abandon. Les Duesenberg prennent alors la tête, suivies par les Ballot de Wagner et De Palma. Au vingtième tour, alors qu'il reste deux Duesenberg en course, le classement est pratiquement joué. La Duesenberg de Guyot souffre et perd du temps, permettant aux Ballot de reprendre du temps. Guyot devra s'arrêter à son stand. Son mécanicien change les roues mais, trop fatigué, ne parvient pas à démarrer le gros 8 cylindres. C'est un spectateur, l'ancien pilote Arthur Duray qui sautera la balustrade pour démarrer le moteur. Il sautera ensuite à côté du pilote, prenant de fait la place du mécanicien. Murphy, de son côté, connaît également des soucis avec son radiateur. Il terminera la course en remplissant manuellement son radiateur percé. Il conservera toutefois la tête jusqu'à l'arrivée. Ralph De Palma sur Ballot 3L et Jules Goux sur Ballot 2LS terminent respectivement 2e et 3e, devant deux Sunbeam et la Duesenberg de Guyot. Louis Wagner termine 7e. On vient d'assister à la première victoire d'une américaine en Europe. Pour Ballot, il faudra encore attendre pour décrocher une victoire. Ce sera chose faite le 4 septembre 1921 à Brescia, dans le Grand Prix d'Italie. Alors que Ralf De Palma abandonne sur panne mécanique, Jules Goux et Jean Chassagne s'impose sur Ballot 3L. Le troisième est Louis Wagner, qui malheureusement pilote cette fois une Fiat 802. La performance de Jules Goux étonne également par le fait qu'une 2 litres, en 1921, est une petite voiture.

Jules Goux, victorieux à Brescia en 1921
Ballot 2 LS et 2 LT

Les 2 LS, en châssis Sport "extra léger" et en châssis Sport "normal".
Depuis 1920, Ballot préparait un moteur 4 cylindres 2 litres pour la saison 1922, un nouveau chef d'oeuvre d'Ernest Henry. Emballés par les performances du moteur en Grand Prix en 1921, les sportifs réclament une version pour la route. Ballot décide alors de commercialiser ce moteur 4 cylindres 2 litres à 2 arbres à cames en tête sur une routière Sport-compétition, la 2 LS. C'est Ballot en personne qui présente la nouvelle voiture au Salon de Paris en fin d'année. Elle sera commercialisée dès 1922. C'est un châssis Grand Prix légèrement adapté à l'usage routier (moteur à 2 soupapes par cylindres et délivrant 88 chevaux), capable d'atteindre 148 km/h. Routière exceptionnelle, la 2 LS est la première voiture vendue au public avec ce type de moteur, devançant celles de Salmson. Cependant, c'est aussi une voiture très chère, 75.000 francs en châssis nu (certains annonce 75.000 francs), plus qu'une Rolls Royce Twenty ou une 27 CV Hispano-Suiza. Conscient qu'il sera difficile de vendre ce produit, qui sera d'ailleurs fabriqué en 95 exemplaires de 1922 à 1924, Ballot décide de produire une version simplifiée plus abordable, avec un seul arbre à cames en tête, 2 soupapes inclinées par cylindres, allumage par batterie Système Delco, vilebrequin porté par trois grands paliers lisses, embrayage monodisque à sec, mais boîte à 4 rapports et pont arrière en tôle d'acier type banjo. Malheureusement, cette décision provoque quelques désaccords avec Ernest Henry qui décide de quitter l'entreprise pour rejoindre Sunbeam. C'est l'ingénieur Louis Germain qui prendra la relève et qui concevra la cette nouvelle automobile, baptisée 2 LT, T pour Tourisme. L'allongement du châssis à 311 cm d'empattement, le poids déraisonnable de certaines carrosseries et la déception de quelques clients qui se réfèrent aux performances de la 2 LS à caisse courte incitent Ballot à proposer une "tourisme" plus musclée, la 2 LTS. Il est vrai que le moteur de la 2 LT ne délivre plus que 40 chevaux et que la vitesse maximale a chuté à 105 km/h. Son prix toutefois n'est plus le même que la 2 LS, la 2 LT s'affichant à 25.000 francs. Cette 2 LT, qui restera cependant la plus diffusée, sera produite à 1.500 exemplaires jusqu'en 1928.
Le 2 litres d'Ernest henry équipera les Ballot 2LS prévues pour le Grand Prix de l'ACF à Strasbourg en 1922. Cependant, la course tournera à l'échec, les trois voitures pilotées par Giulio Foresti, Jules Goux et Giulio Masetti ne terminant pas la course. Elles ne participeront pas également au 2e Grand Prix d'Italie.

           

La 2 LT
Ballot 2 LTS
"Tous ceux qu'intéresse la question de l'automobile ont entendu parler de notre 2 litres sport. Longtemps avant que cette cylindrée fût adoptée par la Commission Sportive de l'ACF pour le Grand Prix 1922, nous avions prévu que la formule 2 litres rallierait tous les suffrages."
Voilà ce que Ernest-Maurice Ballot annonça dans la préface de l'un de ses catalogue...
après la présentation de la 2 LS et de la 2 LT, Ballot produira un type intermédiaire, la 2 LTS, une 2 Litres Tourisme Sport. Présentée au Salon de 1925, cette 2 LTS dispose toujours du moteur 4 cylindres 1.998 cm3 avec un seul arbre à cames en tête deux soupapes. Cependant, ces dernières sont inclinées à 50° et plus grosses. Le moteur a un peu plus de couple et atteint 3.500 tr/mn, autorisant des vitesses de l'ordre de 115-120 km/h à condition que la carrosserie reste légère. A cette fin, la carrosserie entoilée type Weymann est hautement recommandée pour le gain de poids qu'elle apporte. Le système de freinage est celui des 2 LT : frein à pied sur les roues avant, frein à mains sur les roues arrière.

La 2 LTS en version faux-cabriolet 1927
A partir de 1926, le freinage au pied sur les quatre roues est assisté par un servo à dépression Dewandre. Vendue 43.000 francs fin 1926, suite à l'inflation galopante, la 2 LTS atteint 52.000 francs en 1927 et 1928, ce qui en fait une voiture de grand luxe car c'est le prix du châssis nu. La clientèle capable de mettre plus de 50.000 francs dans un châssis veut désormais 6 ou 8 cylindres et davantage de confort et d'équipements. En 1928, la brillante Ballot 2 litres appartient à une génération d'autos en voie de disparition. Ballot en produira environ 500 exemplaires. En 1927, une 6 cylindres 2 litres 15 CV est prévue pour prendre la relève, une 2LT-6. Il semble qu'il n'y ait cependant aucune suite commerciale.
Le caractère sportif du moteur Ballot 2 litres exigeait que le châssis fût carrossé légèrement afin d'exploiter au maximum le potentiel de performances de la voiture. Les routes souvent désertes des années vingt permettaient aux sportifs de tirer la quintessence des meilleurs châssis. Les carrossiers des Ballot 2 litres étaient donc les spécialistes des caisses légères, des carrossiers jeunes de la deuxième génération : Kelsh, Lavocat et Marsaud, Figoni, Lagache et Glazmann et Letourneur et Marchand. Les caisses en aluminium ou entoilées étaient fréquentes sur le châssis Ballot 2 litres.
RH3 8 cylindres

La 8 cylindres

Une RH3 au Musée ACCLC de La Clayette
En 1926, les 6 cylindres sont à la mode : régularité du couple, meilleur souplesse et silence séduisent le public, qui semble plébiscité les multicylindres. Un moteur 6 cylindres est étudié et construit, mais il n'est pas commercialisé, au contraire d'un 8 cylindres plus ambitieux, d'une capacité relativement modeste mais construit avec tout le raffinement possible que sportif. Malgré quelques difficultés, Ballot présente un nouveau modèle. Le Type RH apparaît au Salon de Paris 1927 sous la forme d'un long châssis classique à deux longerons en U et traverses perpendiculaires, rétréci à l'avant et reposant sur des ressorts à lames semi-elliptiques freinés par des amortisseurs à friction. Les freins sur les quatre roues sont assistés par un servo Ballot-Dewandre à dépression et la direction à vis et écrou, très douce en marche, est d'une très grande précision. La pièce maîtresse est bien entendu le beau 8 cylindres en ligne à un arbre à cames en tête commandé par arbre et pignons à taille hélicoïdale et à vilebrequin à neuf paliers taillé dans la masse et équilibré statiquement et dynamiquement. La Dynamo montée en bout de vilebrequin fait fonction d'amortisseur de vibrations torsionnelles, lesquelles sont de toute façon très limitées. Ballot a donc réuni les meilleures solutions visant à obtenir un maximum de souplesse, de régularité et de silence. Ces solutions n'ont rien de bon marché. Mais en 1926-1927, la reprise économique est nette : les constructeurs vont battre des records de production et croire aux multicylindres. Conçue par F.M. Vadier, qui s'inspira des créations d'Ernest Henry, cette voiture de luxe est trop lourde pour le moteur et ses performances sont médiocres. La voiture se montre décevante sur al route. Si, comme d'habitude, les cabriolets et torpédos légères tiennent leur rang, la plupart des voitures, lourdement carrossées en limousines ou coupé de ville, se traînent, même avec 4 vitesses, et la moindre côte demande la 3e, alors que les voitures américaines comparables permettent de rester en prise. La cause semble se situer dans un déficit de cylindrée : la ballot ne fait que 2,85 litres et, sur châssis long, ne dépasse que rarement 100 km/h.

En 1929; l'alésage est augmenté de 2 mm à 68 mm et la cylindrée gagne 200 cm3, ce qui est bien insuffisant pour énerver la RH, devenue RH3. Pour pallier cette faiblesse congénitale, les chauffeurs et conducteurs de RH, piqué au vif par une voiture plus rapide, ont tendance à relancer souvent à fond de 3e, au grand dam des bielles, qui coulent plus souvent que la moyenne. Si les moteurs Ballot sont de véritables pièces d'orfèvrerie, la fiabilité n'est pas au rendez-vous et les ventes des véhicules sont décevantes. La plus grande qualité de la Ballot RH se situe dans sa consommation, mesurée entre 13 et 15 litres aux 100 km, valeur très raisonnable pour une voiture de cette dimension en 1929. Mais pour sa clientèle potentielle, ce n'est pas un argument déterminant, même en période de crise. Et celle-ci s'installe en 1930, frappant à mort les types de luxe comme les voitures de sport, éliminant les petits constructeurs et ceux qui n'ont pas d'autres gammes de produits comme les utilitaires ou les moteurs aéronautiques.

      

RH3 carrossée par Brandone
Dans ce contexte économique, la RH semble condamnée dès 1931, mais une bonne fée va se pencher sur son sort et lui procurer une deuxième vie. La firme Hispano-Suiza est alors à la recherche d'un "petit" modèle destiné à épauler la H6 née en 1919 et la J12, ambitieuse 12 cylindres apparues au mauvais moment. En mariant le châssis normal de la Ballot RH3 au moteur Hispano-Suiza 6 cylindres 4,6 litres de la gamme espagnole, on obtient curieusement un type homogène, plus économique que la H6, doté d'une boîte à 3 rapports - suffisante pour ce modèle de luxe sans prétentions sportives - et du servofrein Hispano. La firme réussira à vendre 120 Hispano Ballot jusqu'en 1934, sous le nom d'Hispano Junior puis HS 26 d'après sa puissance fiscale.

Brandone

Âgé de 33 ans en 1926, Etienne Brandone, ouvrier puis maître sellier, fonda à Cannes une entreprise de carrosserie qui fonctionna jusqu'en 1961. La carrosserie Brandonne réalisa pour une riche clientèle locale des créations originales souvent distinguées en concours d'élégance ainsi que des bus d'hôtel et des véhicules publicitaires.

Hispano

Le rachat de Ballot par Hispano-Suiza n'était pas le fait du hasard. Depuis 1911, Ballot SA, quoique dirigée par Ernest ballot, était contrôlée par un groupe d'investisseurs dont Marc Birkigt faisait partie. A l'origine de la création des Etablissements Ballot S.A en 1911, qui succédait aux Ets Ballot, le capital des frères était estimé à 550 actions sur les 16.000 émises. Les 15.450 actions restantes étaient détenus par une société écran du nom d'Omnium Central". Le directeur de cette société était tout simplement Marc Birkigt. Ballot avait donc sous-traité des fabrications pendant la grande Guerre et bénéficié d'un parc de machine-outils de qualité et de techniciens de valeur. Le rachat de Ballot ne coûta donc pas cher à Hispano-Suiza, qui récupéra des ateliers bien équipés pour sa production aéronautique. La commercialisation de l'ex-RH rééquipée d'un moteur espagnol permit d'écouler les châssis invendus trouvés dans l'usine parisienne. A signaler également que lors de la reprise par Hispano-Suiza, Ernest Ballot fut gentiment remercié. Le nom de Ballot perdurera jusqu'en 1932.