AUTOBLEU    

Dernière mise à jour : 12/05/2010

Souplesse, silence et performances...

Petit historique

Au début des années cinquante, quelques préparateurs vont passer à l'automobile en prenant pour base des voitures existantes. Sur la base des châssis de la Panhard Dyna, ou de la 4 CV, ces constructeurs indépendants vont nous apporter quelques petites automobiles intéressantes. Jean Rédélé nous apportera l'Alpine, Roger Lepeytre et Maurice Mestivier nous apporterons l'Autobleu.

Maurice Mestivier et Roger Lepeytre

Maurice Mestivier fut Président de l'AGACI et organisa la première course d'après-guerre au profit de la caisse du Comité National de l'Accueil des prisonniers, le 9 septembre 1945. Mestivier, également pilote de course pour Amilcar, avant et après-guerre, s'associa en 1950 avec Roger Lepeytre. Ce dernier, à cette époque, est le Secrétaire Général de l'AGACI. C'est au sein de cette association qu'il rencontra donc Maurice Mestivier. Unissant leur passion, ils fondent Autobleu et débutent la production de tubulures pour la petite Renault 4 CV. Lorsqu'ils décideront de franchir le pas qui mène à la construction d'automobiles, ce sera pour produire un coupé qui fera son apparition en 1953 et sera produit jusqu'en 1956, après un passage chez Chapron en 1955. Voyons cela de plus près.
Située au 15 rue Aulmont-Thiéville, dans le 17e arrondissement de Paris, la jeune société débute ses activités en proposant la commercialisation de toute une série d'équipements mécaniques afin de "vitaminer" le 4 cylindres en ligne de la petite 4 CV de Renault. Cette idée, nouvelle à l'époque, fait des deux hommes des précurseurs dans cette branche de l'automobile. Idée qui sera reprise très vite par d'autres indépendants, avec plus ou moins de réussite.
Avec l'aide d'un mécanicien talentueux, Roger Normier, ils construisent une tubulure autour du moteur de la 4 CV, dotant ce dernier d'un carburateur américain le "carter", puis d'un "Solex". Après des essais, le prototype réalisé ridiculise ses adversaires, en accélération comme en vitesse pure. La tubulure, baptisée Autobleu par ses concepteurs, donna son nom à l'entreprise. Après cette première réalisation, Autobleu enchaîne les transformations, dont la plus célèbre, la 1093. Le Catalogue, qui touche désormais une clientèle importante aux moyens financiers limités, permet à de nombreux amateurs, séduits par la réputation et le sérieux de l'entreprise, d'engager la "puce" de Billancourt dans différentes épreuves sportives. Autobleu propose son produit le plus célèbre, la tubulure d'admission spéciale adaptables sur le bloc de série, et qui, conjugué à un carburateur d'un dessin optimisé, fait grandement grimper les performances et la nervosité. Le succès, évidemment, ne laisse pas insensible la Régie qui propose alors aux deux associés, de construire des tubulures pour son compte. Au départ, l'idée était de produire ces tubulures pour équiper des 4 CV destinées aux Etats-Unis. En effet, à l'époque, les américains n'ouvraient leur marché qu'aux voitures européennes d'appellation contrôlée "Grand Sport". Avec le contrat de Renault, la petite entreprise peut envisager l'avenir. Après 30 tubulures par jour, elle passe à 50 puis 80, toutes livrées directement à la Régie. Le rythme s'accéléra encore, pour atteindre les 120 tubulures par jour. Le nom d'Autobleu devient alors familier chez tous les amateurs de performance. Lepeytre et Mestivier pouvaient se féliciter : la fortune n'est pas encore faite mais l'entreprise est désormais rentable.

Une automobile

Bien sûr, l'idée de construire une voiture complète fait son chemin. Dotée d'un moteur modifié, la 4 CV mérite alors une carrosserie digne de ses capacités. La montée progressive du chiffre d'affaires autorise les créateurs à envisager cette entrée dans le monde des constructeurs. Ils peuvent envisager une carrosserie élégante mais assez racé pour mettre en évidence les performances du petit 750 cm3. De plus, la jeune entreprise bénéficierait de l'assistance de la Régie et de son réseau commercial, ce qui constitue un encouragement supplémentaire avant de se lancer dans l'aventure.

Pour débuter, ils contactent le carrossier turinois Ghia afin que ce dernier leur soumette une proposition découlant d'un cahier des charges précis. La voiture envisagée doit être un petit coupé, à deux portes et pouvant emporter quatre passagers dans un confort raisonnable. Tout cela, bien sûr, en partant de la plate-forme de la 4 CV. Si l'étude est finalisée en Italie, c'est en France, chez Figoni, que la voiture sera construite au départ, puis chez Chapron. Si Mestivier et Lepeytre ont opté pour Ghia, c'est suite à un concours de circonstances. En août 1952, à Cannes, Lepeytre et Mestivier assistent à un concours d'élégance et peuvent admirer une Lancia réalisée par Sègre et Boano. En octobre, le stand d'Autobleu se retrouve au-dessus de celui de Ghia. Les deux hommes ont alors l'occasion de discuter avec les artistes italiens et de soumettre leur projet. Convaincus et séduits, les italiens repartent à Turin avec une 4 CV d'occasion pour étudier de plus près les côtes de la petite auto française. Pendant ce temps, Mestivier et Lepeytre expédient une plate-forme et la mécanique nécessaire au à l'élaboration du prototype. Après un ultime séjour à Turin pour régler les derniers détails, le proto est livré en mai 1953 en France. La Régie et les journalistes sont alors conviés à sa présentation. Séduit, Renault décide de proposer à Autobleu ses circuits commerciaux. Deux modèles sont donc préparés pour une présentation au Salon de 1953. Ces derniers sont réalisés à l'aide d'éléments fabriqués en Italie. Une solution qui demande une logistique très particulière. Il faut en effet recevoir les éléments préfabriqués, assurer la finition, s'occuper de la peinture et de la sellerie. L'emboutissage classique était, à cette époque, trop coûteux pour le jeune entreprise pour les modestes aspirations de cette dernière, soit une voiture par jour.

Pour pouvoir poursuivre l'aventure, Lepeytre et Mestivier doivent s'agrandir et trouver des fonds pour investir dans du matériel de production. Ils se mettent alors en relation avec un de leurs amis, Francis Guérin, carrossier et disposant d'un atelier à Clamart. Guérin donnent son accord pour une collaboration et surtout, l'apport d'un outillage permettant la construction des éléments de la voiture. Grâce à l'emploi d'une résine synthétique, le Rézolin, Guérin comptait fabriquer les outils servant à l'emboutissage. Malgré les efforts, et la technique de la résine synthétique, les moyens financiers manquent encore pour s'équiper avec du matériel de qualité. Les premiers résultats ne sont pas brillants et les délais de fabrication sont très longs. Chaque accessoire, du simple bouchon de radiateur au simple essuie-glace, demande des mois de recherche et de nombreuses discussions avec les industriels. Au résultat, les voitures sortent au compte-gouttes et le prix de vente est assez élevé. La finition n'est pas non plus celle espéré par les clients.

Deux clients de l'Autobleu, Luis Mariano et Michèle Morgan.
Malgré tout, la voiture reste une grande réussite esthétique. La ligne ponton adoptée, avec toutefois quelques rondeurs légèrement marquée aux niveau des ailes arrière, accueille une délicate prise d'air située au même endroit que sur son modèle, la 4 CV. Elle est cependant plus en harmonie avec la voiture. Au sommet du capot moteur, une évacuation permet l'évacuation de la chaleur délivrée par la mécanique. Une deuxième ouverture est positionnée au-dessus du pare-chocs, joliment décorée de trois baguettes horizontales chromées; Les feux stop et les clignotants proviennent de la Frégate. Les pare-chocs, eux, sont constitués en fine lames. L'ensemble de cette première mouture est plaisante à contempler et la forme du pavillon incorpore un pied rentrant ceinturant une large lunette, qui autorise une luminosité appréciable de l'habitacle. D'une finition poussée, l'habitacle est traité en diverses teintes contrastées, comme la caisse. Le volant à deux branches et la planche de bord à deux larges cadrans circulaires sont spécifiques au modèle. La banquette arrière est accessible en basculant le siège avant. Les roues de l'Autobleu conservent le dessin en étoile de la 4 CV mais sont munies d'un enjoliveur en forme de cône chromé, ou bien des enjoliveurs à rayons fabriquées par la maison Robergel. Compte tenu du côté "mode" de l'auto, les pneumatiques sont très souvent livrés avec des flancs blancs.
Coupé 4 CV

4 CV Coupé Autobleu 1956
Eligor
Présenté en mai 1953 à la presse, le coupé Autobleu fait sensation. Ce beau coupé est signé Ghia, et l'italien lui a donné une ligne sportive et élégante. Si la voiture conserve l'empattement et les voies de la 4 CV de série qui servi de base, la mécanique a subit un traitement spécifique. Le petit moteur de la Renault est légèrement vitaminé, grâce à une tubulure Autobleu et un carburateur Solex. Les carrossiers Pourtout et Figoni participèrent à la confection des premiers exemplaires, mais c'est Chapron qui décrocha le marché et qui fut chargé de la fabrication en petite série. L'Autobleu apparaît alors sous sa forme définitive au Salon de Paris de 1954, avec quelques retouches. La production s'achèvera en 1956, après seulement 802 exemplaires. Signalons qu'un cabriolet fut également présenté, au Salon de 1955, mais ne fut pas produit en série.

Autobleu et Chapron

Au Salon 1953, deux prototypes furent présentés. Après Guérin, pour augmenter la cadence de production, les Autobleu seront produites par Pourtout, Figoni. Fin 1955, Mestivier et Lepeytre, soucieux de l'avenir de l'entreprise, décide de passer à la vitesse supérieure et d'en finir avec la production à la petite semaine. Ne gardant à Clamart que l'outillage, ils font appel à Chapron, carrossier réputé et bien équipé, disposant d'une main-d'oeuvre qualifiée, tôliers, peintres et selliers, en nombre conséquent et capable de produire les Autobleu à un rythme beaucoup plus soutenu. En 1956, Chapron prend livraison de l'outillage de montage et d'assemblage de la voiture. Dès lors, on peut définir le prix de revient net de la voiture et définir enfin un vrai prix de vente. Désormais, tout est plus simple et une soixantaine de voitures est très vite livrée. Avec cette nouvelle production, l'Autobleu subit un léger restyling. Les pare-chocs s'épaississent et les klaxon de la calandre disparaissent. Renault, de son côté, s'offre d'en assurer l'exportation. C'est ainsi que quelques Autobleu seront vues sur les routes  d'Espagne, de Tunisie, et même à Caracas.

Après un léger restyling, au niveau des pare-chocs qui prennent du volume et la suppression des klaxon sur la calandre, l'Autobleu devient conforme aux désirs de ses deux créateurs.

Le nouveau modèle souffre malheureusement d'un défaut majeur : son nouveau prix. Calculé trop juste, la situation financière de l'entreprise ne permettra pas de poursuivre l'expérience. Moins d'une centaine d'Autobleu avait cependant vu le jour depuis sa création. L'ultime voiture sortira durant l'hiver 1956. Durant cette dernière année de production, Chapron réalisa une version décapotable qui, comme le coupé, reçut quelques modifications esthétiques mineures concernant la face avant, notamment un motif décoratif central. Il sera construit qu'à deux exemplaires, trois selon certains. En tout cas, il n'en reste qu'un, et en Belgique.

Lepeytre et Mestivier ont démontré que des voitures de série, spécialement préparées, trouvaient une clientèle spécifique. Avec la chute des exportations de Renault aux Etats-Unis, les deux hommes consacrèrent leur énergie aux tubulures et avec la naissance des Dauphine, fourniront des accessoires pour la 1093 qui remportera de nombreux succès en compétition. Lorsqu'il rencontrent Carlo Abarth, désireux d'étendre ses activités en France, un accord est trouvé pour la construction sous licence des tubulures et pots d'échappement italien. Cette expérience ne durera pas et l'entreprise reviendra vite à la fabrication de ses propres tubulures.

Ensuite...

Fournisseurs patenté de la Régie Renault, Lepeytre et Mestivier tenteront d'élargir leur champ d'action en s'attaquant aux autres modèles français de l'époque, comme les 203 et 403 de Peugeot ou l'Aronde de Simca. Ils reçurent également, de la part de Renault, la commande de collecteurs pour tracteurs. Pendant trois ans, ils vont occuper une place majeure dans la production de l'entreprise, au rythme de 3.000 pièces par mois. La Marine fera aussi appel à l'entreprise, par l'intermédiaire d'un chantier naval, pour la transformation de moteurs d'autos en moteurs marins. Autobleu reviendra à l'automobile avec l'arrivée des Renault 8 Gordini 1100 et 1300, avec la construction, pour la compétition, de 200.000 tubulures, également disponibles pour les Alpine disposant de ces motorisations. Avec la production de kits, la firme poursuivit son évolution. Chaque client disposait désormais de toutes les pièces nécessaires à la transformation de leur voiture. Ce kit contenait les collecteurs, le ou les carburateurs, le filtre à air, et tous les accessoires pour l'installation (boulons, joints, commandes). Bien sur, on disposait également d'une notice.

Aérodynamique

Lepeytre et Mestivier se penchèrent sur les problèmes d'aérodynamique en compétition. Dans ce but, ils mirent en chantier un petit bolide doté d'une mécanique de 4 CV modifiée. Carrossée en aluminium, la voiture sera testée à Montlhéry et fera des essais prometteurs, en atteignant une moyenne de 170 km/h. Engagée en compétition, elle faillit remporter les 1000 Miglia de 1955...

Coupé 204
Après la présentation de la Peugeot 204, en avril 1965, un amateur du nom de Pierre Thiriot décida de poursuivre l'aventure Autobleu. Pour ce faire, il se lança dans la transformation d'un coupé 204 pour en faire un petit coupé sportif dans la lignée des voitures qui ont fait la réputation de l'entreprise. Avec le concours de l'entreprise "le moteur moderne", une entreprise réputée et fondée en 1951, Thiriot met au point la motorisation. C'est Pietro Frua qui fournira une des premières 204 cabriolet qui servira de base à la conception du coupé. Ce modèle, dont les livraisons débutent en 1967, dispose de phares doubles et d'un hard-top. Transformé en coupé fastback, la voiture est présentée au Salon de Genève de 1967, sur le stand d'ItalSuisse. Peu de temps après, Frua procède à quelques retouches et recouvre les vitres latérales arrière de surfaces noires. La production de ce concept ne sera pas réalisée, Peugeot proposant, en série et à la même époque, un coupé signée Pininfarina qui condamne sans appel celui d'Autobleu.

Les deux modèles, la 204 d'Autobleu et celle de Pininfarina pour Peugeot

Les années 2000

A la suite de plusieurs rachats, la firme Autobleu est aujourd'hui installée en Loire-Atlantique et l'équipe à repris la fabrication de pots d'échappements pour autos, motos et engins de course. Le plus intéressant pour les amateurs et les collectionneurs, pour ceux qui pleuraient la disparition de l'entreprise, c'est que cette nouvelle entité est capable de reproduire, à l'identique, les modèles qui ont fait la réputation d'Autobleu, les 4 CV ou les Dauphine.

Tarifs Autobleu

En 1954 et 1955, le prix du coupé quatre places Autobleu était de 995.000 francs, ce qui plaçait la voiture dans une catégorie tarifaire plutôt raisonnable compte tenu de sa qualité de fabrication. Pour comparer, le coach Arista Rallye de l'époque, construit sur la plate-forme d'une Dyna Panhard coûtait 1.050.000 francs. Par contre, avec une finition plus simple, la Panhard Dyna Junior, en configuration cabriolet deux portes, était affichée à 660.000 francs. Pour bien situer ces prix, rappelons qu'une 2 CV de Citroën s'échangeait contre un chèque de 341.870 francs.