ALPHI    

Dernière mise à jour : 01/05/2010

Autos sur mesure

Petit historique

Baron du Luart, Prince Stanislas Poniatowski et Hougardy

Archétype de la voiture de sport de la fin des années vingt, l'élégante Alphi, bien conçue et solidement construite, aurait pu connaître une honnête carrière, si Wall Street, en octobre 1929, n'avait pas joué avec le feu.
Dans l'euphorie industrielle qui marque la deuxième moitié des années vingt, trois amis techniciens, amateurs de belles voitures et disposant de quelques capitaux, décident de créer une voiture de sport-compétition dont la technique et le style représenteraient la synthèse des meilleures solutions contemporaines. Ils veulent cette voiture plus solide et plus performante que les modèles issus des cyclecars, plus facile à entretenir et moins coûteuse qu'une Bugatti et d'une élégance agressive bien dans l'air du temps, avec un capot long et bas à peine plus haut que les roues. C'est ainsi que MM. du Luart, Poniatowski et Hougardy, ingénieurs, créent la marque Alphi, acronyme des initiales de leurs noms, et s'installent, en 1928, rue de l'Université, à Paris, pour y construire, avec quelques compagnons, des automobiles sportives sur mesure. Ils n'envisagent pas, n'ayant ni le goût ni les moyens, de construire en série.

La compétition comme publicité

Sans budget publicitaire, ils ne parviennent même pas à faire parler d'eux dans la presse spécialisée et choisissent la course comme moyen d'acquérir un peu de notoriété. Leur première voiture est engagée aux 24 Heures du Mans 1928 et confiée à Henri de Costier et Serge de la Rochefoucauld. Le duo ne terminera pas l'épreuve, abandonnant au 45e tour. Ils seront toutefois classés 25e. Cette jolie voiture, très basse et élégamment proportionnée, est, avec ses 260 cm d'empattement et ses 130 cm de voie, d'une taille et d'un poids (environ 1 tonne !) respectables. Ses créateurs ont voulu faire solide et n'ont pas lésiné sur la qualité des pièces : un robuste châssis classique, un essieu avant forgé, à grands freins Perrot-Piganeau très efficaces, un moteur CIME à 6 cylindres tout en fonte, avec une boîte à 4 rapports, le tout pesant 200 kg, un pont arrière à carter de différentiel accroché à la traverse arrière, deux ressorts à lames semi-elliptiques à l'avant et deux à l'arrière, montés transversalement pour assurer l'indépendance des roues. Cette classique offre quand même une suspension arrière indépendante peu courante à l'époque. Pour contrôler les mouvements des roues, les demi-arbres sont supportés par des tubes oscillants transversaux, articulés par fourche entre les deux éléments de la traverse arrière et munis de flectors qui suffisent à absorber les faibles débattements. L'ensemble est lourd pour les 50 ch (au mieux) du 6 cylindres CIME de 1.500 cm3 et la voiture, qui ne doit pas dépasser 140 km/h avec un pont long, ne tient que 770 km au Mans et abandonne au 45e tour.

     

Alphi 1.500 Course à compresseur, un exemplaire unique
Engagée dans d'autres épreuves, avec une version 1.100 cm3 du moteur CIME, elle ne se présente pas, probablement en raison des performances insuffisantes qu'induit un rapport puissance/poids défavorable. Elle aurait été détruite en 1939.

Production

Ses constructeurs réagissent en étudiant une version course à compresseur (70 ch et un meilleur couple) sur un châssis plus maniable et plus léger, raccourci à 240 cm d'empattement. Son allure est impressionnante, avec un réservoir d'huile à l'avant, sous un grillage protecteur qui habille aussi le radiateur, deux tubes d'échappement courant le long de la caisse, deux places décalées, des pare-pierres, un énorme compte-tours.
Deux autres Alphi à vocation plus routière ont cependant été construites : un coach quatre places sur châssis de 254 cm à roues arrière indépendantes, dont le poids respectable justifie le choix d'un moteur 6 cylindres américain Continental de 2,6 l, qui lui permet d'atteindre 120 km/h, ainsi qu'un gros torpédo sport. Cette Alphi n° 4, dont l'empattement atteint 305 cm, est habillée d'une caisse torpédo à quatre places style Bentley Le Mans, y compris le réservoir arrière apparent et deux roues de secours verticales. Pour animer cette grosse voiture, ses constructeurs ont choisi un moteur américain Continental de 5 l (alésage 82 mm et course 114 mm). Cette voiture acquise et transformée en cabriolet deux places par le champion haltérophile Charles Rigoulot en 1936, a pris le nom de Rigoulot Spéciale. Il est dommage qu'elle ait disparu : elle aurait porté à 75 % de la production totale d'Alphi la proportion des voitures survivantes.

Charles Rigoulot

Charles Rigoulot, célèbre champion de poids et haltère et acquéreur de la dernière Alphi construite, a été longtemps surnommé "l'homme le plus fort du monde". Il avait aussi un bon coup de volant, car il a remporté le Bol d'or 1937 avec un tank Chenard et Walcker 1.100 cm3 vieux de plus de 10 ans et toujours terriblement rapide.

Retrouvée, restaurée...

Engagée au Grand Prix de l'ACF 1929, couru à la consommation, l'Alphi version course à compresseur n'est pas terminée à temps et l'on peut se demander si son moteur latéral à compresseur lui aurait laissé quelques chances de figurer. Cette voiture, entrée en 1961 dans la collection Serge Pozzoli, après trente ans de traque, et restaurée, a été vendue aux enchères à paris en 1994. Elle a été adjugée 500.000 francs (76.225 euros).