
CES HOMMES QUI ONT FAIT L'AUTOMOBILE
Dernière mise à jour : 18/05/2010
Giuseppe Figoni
- 1894/1978

Profession : Carrossier
Figoni fait sûrement partie des carrossiers les plus remarqués de l'entre-deux-guerres. Ses créations, d'abord sportives comme l'Alfa Romeo 8C 2300,
prirent rapidement une orientation plus esthétique avec le coach Goutte d'eau, puis carrément débridée et flamboyante.
Au début du 20e siècle, l'industrie automobile italienne, si elle compte quelques marques intéressantes, est à la traîne de l'Europe, faute d'un marché
intérieur suffisamment porteur. Les meilleurs carrossiers à façon ou les mieux "installés" s'en sortent en monopolisant les carrosseries sur commandes
des grandes marques, Itala, Diatto, isotta-fraschini, OM et quelques très rares Alfa Romeo. Les jeunes carrossiers, s'ils ne veulent pas travailler pour
le compte des grands ateliers de carrosseries, directement ou en sous-main, n'ont guère d'autre choix que de s'expatrier. C'est ce que fait, au début des
années vingt, Giuseppe Figoni, né à Piacenza le 31 décembre 1894.
Paris
Au sortir de la Première Guerre mondiale, la France devient l'un des premiers pays industrialisés du monde, avec les Etats-Unis et l'Angleterre. De
nombreux étrangers passionnés d'automobiles, ne pouvant exercer leur art dans leur pays, viennent en France trouver les débouchés qui leur manquent chez
eux. Bugatti et Hispano-Suiza s'y sont installés juste avant la guerre. Soutchik, Gordini et bien d'autres viennent gonfler le nombre après le traité de
Versailles. C'est en 1923, précisément, que Giuseppe Figoni ouvre son atelier à Boulogne-sur-Seine. Ses premières créations sont surtout sportives. Il
travaille notamment sur des châssis Alfa Romeo, Ballot, Bugatti, Delage et même Duesenberg. Il se fait remarquer en carrossant l'Alfa Romeo 8C 2300 qui
remporte les 24 Heures du Mans 1932, pilotée par Raymond Sommer et Luigi Chinetti.

L'entreprise de Figoni prospérant, l'affaire doit prendre une dimension plus importante pour se développer. Figoni s'associe à un compatriote, Ovidio
Falaschi, pour créer la carrosserie Figoni & Falaschi en 1935. Ovidio Falaschi n'est
pas un carrossier, mais un financier avant tout, éventuellement un
conseiller. Il gère la comptabilité et ne s'occupe pas de carrosserie. Débarrassé des problèmes de comptabilité, Giuseppe Figoni a désormais les mains
plus libre pour se consacrer exclusivement à la création. Il réalise d'abord une petite série de cabriolets sur base Lancia Belna et Chrysler Eight. Le
style du maître, qui se fait désormais appelé Joseph, s'affirme d'année en année.

Les créations les plus remarquables de Figoni arrivent au milieu des années trente. L'illustrateur Geo Ham, dont les dessins et les aquarelles paraissent dans
la presse spécialisée de l'époque, propose le dessin d'un roadster à ailes carénées à Figoni, le Phaéton Grand Sport. L'originalité de ce dessin réside dans
les ailes entièrement carénées, à l'avant et à l'arrière, et soulignées par un motif chromé. Le premier modèle est présenté au Salon de Paris en octobre 1936
sur châssis Delahaye 135 compétition. Il est repris sur un châssis 135 M l'année suivante avec un bourrelet alourdissant l'aile avant et des motifs chromés de
bas de caisse qui marquent le début d'une escalade décorative qui confine à la vulgarité.

Phaéton Grand Sport
Avec son 6 cylindres, la Delahaye 135 remporte de nombreuses victoires sportives, notamment les 24 heures du Mans 1938. Delahaye conçoit également un prestigieux
V12 un peu moins heureux. A l'époque, les plus grands carrossiers se disputent l'honneur de carrosser ces splendides machines : Saoutchik, Chapron, Franay,
Letourneur & Marchand et, bien sûr, Figoni et Falaschi.

Carrosserie Goutte d'eau sur châssis Delahaye au Salon de Paris 1936
Autre sommet de l'art de Figoni, le coach goutte d'eau est l'un des dessins les plus fulgurants et les plus remarquables de la carrosserie française d'avant-guerre.
Cette interprétation toute instinctive de l'aérodynamique est caractérisée par la forme ovale des vitres latérales et par l'aspect fuyant de la carrosserie, toute
en courbes sensuelles.

Delahaye exposée au Salon de Paris 1937, sur le thème de la Goutte d'eau
Autre sommet de l'art de Figoni, le coach goutte d'eau est l'un des dessins les plus fulgurants et les plus remarquables de la carrosserie française d'avant-guerre.
Cette interprétation toute instinctive de l'aérodynamique est caractérisée par la forme ovale des vitres latérales et par l'aspect fuyant de la carrosserie, toute
en courbes sensuelles. Le premier apparaît en novembre 1937 sur châssis Talbot-Lago SS. On le retrouvera sur d'autres châssis
Talbot-Lago avec quelques changements.
Le style Figoni a alors atteint son apogée. Il va malheureusement se perdre dans une exubérance qui fera malgré tout le bonheur des collectionneurs américains.

Talbot Lago SS 1937 et Coach sur châssis Delage 3 litres, qui sera transférée ensuite sur châssis Delahaye 135
A la fin des années trente, Figoni a atteint le sommet de son art avec les Phaéton Grand Sport sur châssis Delahaye et les Goutte d'eau sur châssis Talbot.
L'après-guerre va être plus difficile. L'apogée de la carrosserie française se situe incontestablement dans la deuxième moitié des années trente. Jean Bugatti
signe les Atlantic sur châssis Type 57, tandis que Figoni habille les
Talbot-Lago de carrosseries aérodynamiques à la fluidité instinctive. A côté de ses sportives
empiriques, d'autres vont plus loin, comme Saoutchik, émigré de Biélorussie, qui s'est fait un nom en habillant de carrosseries flamboyantes, à la limite du
mauvais goût, les châssis les plus prestigieux. Ce style plaît, Figoni, lui non plus, n'est pas insensible à ces dessins outrés, qui correspondent au goût d'une
clientèle fortunée et extravertie. Avec Geo ham, passionné de sport mécanique originaire de Laval, qui s'est fait connaître par ses nombreuses illustrations
techniques et ses comptes-rendus de Salons parus dans la presse spécialisée, il a créé les Phaétons Grand Sport aux ailes carénées. Le dessin, reconduit d'année en
année, se surcharge de chromes et de replis de tôle inutiles et disgracieux. C'est l'une de ces voitures qui est choisie pour représenter la France à la Foire de
New York en 1939. Les hostilités entre la France et l'Allemagne vont annuler son retour sur le sol français et la Delahaye flamboyante va rester outre-Atlantique
où elle réside encore aujourd'hui. La guerre va momentanément interrompre l'escalade de ces carrosseries outrancières.

Illustration d'un catalogue de Figoni

Etude sur châssis Delahaye 135 Compétition court, très proche des 135 S de course
En 1937, Figoni réalise un nouveau roadster Delahaye "de rêve", que l'Aga Khan veut acheter. Mais le peintre Géo Ham fait saisir la voiture, dont il revendique
les lignes. Un procès, le premier du genre, revoie les protagonistes dos à dos. Le célèbre acheteur reçoit enfin sa voiture, mais un an plus tard !
La Seconde Guerre mondiale a rapidement tourné à la débâcle en France et l'industrie automobile, comme la carrosserie, doivent se tourner vers des productions
civiles plus utiles et plus prioritaires en ces temps de pénurie. Figoni & Falaschi trouvent quelques débouchés en fabriquant des réchauds et des radiateurs
électriques pendant le conflit mondial. On est loin des carrosseries flamboyantes. Contrairement à leurs homologues italiens, sevrés d'acier pendant la guerre
et convertis à l'aluminium par le gouvernement fasciste, les carrossiers français semblent être restés en sommeil. Lorsque la paix revient, ils reprennent le
cours des choses là ou il s'était arrêté. Figoni reprend le dessin des Phaéton en le transformant en Narval.

Phaéton Grand Sport sur base Delahaye 35 au Salon de Paris 1949
Au lendemain de la guerre, l'Amérique entame une période d'opulence insolente, qui se traduit par des automobiles aux énormes V8, aux carrosseries démesurées
surchargées de chromes. L'argent se trouvent là-bas. Les grands carrossiers français pensent séduire les acheteurs américains en allant dans leur sens. Les
Narval de Figoni, sur les derniers châssis Delahaye 135, singent les dernières créations américaines. On reconnaît les lignes générales des Phaéton Grand
Sport d'avant-guerre, mais elles en ont perdu la limpidité. Elles arborent un avant agressif orné, au sommet de leur calandre, d'une bosse évoquant le rostre
d'un narval, d'où leur nom. A l'arrière, des ailerons au dessin incertain prolongent les ailes sans grâce. Les décorations chromées ne font rien pour arranger
les choses.

Cabriolet Narval
Mais les carrossiers français ne sont pas les seuls à être en péril. Les constructeurs de prestige ferment leurs portes les uns après les autres. Les carrossiers
doivent chercher de nouveaux châssis à habiller. Ils doivent aussi s'adapter à un nouveau marché. La plupart se tournent vers les constructeurs nationaux pour
trouver une base propice à créer des modèles spéciaux qu'ils puissent carrosser en petite série. Après avoir carrossé quelques Lancia Belna en cabriolet, Figoni
choisit Simca, la marque soeur de Fiat, créée par son compatriote Henri-Théodore Pigozzi. Ovidio Falaschi, quant à lui, a quitté la France et racheté le Rex Hotel
à Marina di Massa, sur la Riviera italienne. Figoni carrosse ainsi une série de 500 Simca Sport; essentiellement destinées au marché nord-africain, Algérie et Tunisie.
Il réalise également encore quelques carrosseries spéciales, toujours sur base Simca Aronde, la Florida, en juin 1953, et la Filante, présentée au Salon de Paris
en octobre 1954. Autant la première est classique, autant la seconde se singularise en renouant avec les replis de tôle caricaturaux, lointain héritage de la Narval.
Figoni récupère également la construction des Autobleu, délaissée par le carrossier italien Ghia. Malheureusement, à partir de 1955, Simca cesse de livrer des
châssis à Figoni. Le carrossier de Boulogne réalise encore les dernières Talbot et deux Bentley avant d'arrêter définitivement ses activités de carrossier pour se
consacrer à sa nouvelle tâche d'agent Lancia à partir de 1961. Il deviendra concessionnaire de la marque en 1975.

Carrosserie Figoni sur base Simca

Carrosserie Figoni sur base Simca
Lorsque Figoni tente quelques créations sur base Simca, dont le type "8" Sport", puis sur base Aronde, Joseph se retrouve en concurrence avec Facel. Il n'a pas
les structures ni les capitaux nécessaires pour passer au stade industriel. Il réalise encore une série de cabriolets Simca P60 avant de cesser son activité de
carrossier.

Une création sur châssis Simca 8 Sport, autour de 1950
En 1952, une curieuse et élégante 15 CV Citroën roule dans Paris. Sa forme a dicté son surnom : le Squale. Elle remporte le Grand Prix de l'Art et de l'Industrie
au Salon de Paris, ce qui agace et inquioète les dirigeants de Citroën, qui n'ont encore rien à proposer à la place de la traction, âgée de 18 ans.

