CES HOMMES QUI ONT FAIT L'AUTOMOBILE     

Dernière mise à jour : 18/05/2010

    Battista "Pinin" Farina - 1893/1966    

"Le" Carrossier italien

Battista Farina est le père fondateur de la plus célèbre carrosserie italienne. Evoquer son nom c'est évoquer la beauté des lignes, la finesse du dessin, mais aussi la créativité italienne qui inspirera les créateurs du monde entier. A sa mort en 1966, son fils Sergio reprendra le flambeau.

Né le 2 novembre 1893, à Turin, Battista est le dixième des onze enfants d'un couple du Piémont, venu en ville pour trouver du travail. En 1899, son père trouve un emploi dans l'industrie automobile naissante grâce à Giovanni Agnelli qui vient de fonder la Fabbrica Italiana Automobili Torino. C'est au sein de cette entreprise que Battista débutera au côté de son père, puis, à 12 ans, il entre comme apprenti dans la petite carrosserie de son frère Giovanni, la Stabilimenti Farina. Il y rencontrera d'ailleurs des grands noms de l'industrie, comme Vincenzo Lancia ou Giovanni Agnelli. Son premier travail sera de construire un radiateur, une étude assez compliqué pour ne pas tomber dans l'ornemental et dans le décoratif inutile, selon les propres termes de Battista... Mais le jeune homme rêve d'autre chose, et décide rapidement de découvrir le monde à la découvertes des progrès techniques réalisés par les américains. C'est après la première Guerre qu'il s'embarque pour les Etats-Unis. Pendant un mois et demi, Battista va découvrir l'univers de Ford à Détroit, la capitale américaine de l'automobile. Lors de ce passage aux Etats-Unis, Henry Ford, intrigué par les nombreuses connaissances de Battista, proposa à ce dernier de l'embaucher au sein de sa société. Préférant travailler seul, notre petit italien refusa la proposition et s'en retourna au pays.

A son retour, Battista s'essaya à la course automobile, mais, sous l'insistance de sa mère, renonça assez vite à cette idée. Toutefois, il établira un record dans la course reliant Aoste au col du Grand Saint Bernard avec son Itala. Contacté par Fiat, Battista dessina quelques modèles pour la marque de Turin pendant six ans. Grâce aux méthodes de travail qu'il a observé chez Ford, grâce à son expérience acquise avec Fiat, Battista décide de fonder sa propre carrosserie. Afin de mieux se démarquer de l'entreprise de son frère, il utilise le surnom que lui donne nombre de ses amis, "Pinin", qui signifie "petit" en italien. A 37 ans, Battista fonde la Carrozeria Pinin Farina. Nous sommes alors en 1930.

1930 - Premières études

Grâce à ses nombreux contacts, entretenus depuis l'enfance avec les grands constructeurs comme Lancia et Fiat, Battista choisit de se lancer dans le design automobile. de sa visite chez Ford, Battista garde la vision des Ford T produites à la chaîne. Il va donc fonder son atelier selon une organisation similaire. Battista veut également fabriquer des carrosseries uniques dans la tradition du moment et acquérir la capacité d'en produire d'autres en petites séries. la ligne de production lui permet de sortir très vite des petites série de 7 à 8 automobiles par jour, toutes dotées de leur carrosserie. Battista travaille alors sur des châssis italiens, mais aussi sur des châssis américains, comme un somptueux spider Cadillac V16 destiné à un Maharadjah indien.

Par la suite, une collaboration s'installe avec Lancia, grâce, une nouvelle fois aux bonnes relations qu'entretient Battista avec Vincenzo, des souvenirs de son passage aux Stabilimenti Farina de son frère Giovanni. Il travaille alors sur les dessins de nombreux modèles Dilambda, mais aussi sur des Augusta, Aprilia, Ardea et Artena avant d'atteindre l'un des sommets de son art avec le cabriolet Astura "Tipo Bocca" de 1936. On trouvera aussi quelques Astura carrossées par notre artiste.

Parmi les constructeurs qui recourent dès les années trente aux services de "Pinin" Farina figure également Alfa Romeo pour qui Battista dessina un fabuleux cabriolet 2900. Pour de riches clients de la firme milanaise, il réalise alors de nombreux modèles spécifiques. Le plus bel exemple de son travail reste encore le somptueux Coupé Aerodinamico Pescara de 1935 sur la base d'une 6C-2300, entièrement réalisé en aluminium.

Toutes ces créations font de "Pinin" Farina l'un des carrossiers incontournables des années trente. Dans ses réalisations, il ne faut pas non plus oublier ses carrosseries sur base de Fiat Ardita. Dans le monde de l'automobile, les critiques sont unanimes pour dire que Farina "révolutionne la philosophie du dessin automobile".

Malheureusement, la Seconde Guerre va mettre un terme aux activités de Battista, mais sans pour autant entamer sa réputation qu'il retrouvera intacte à la fin du conflit. Deux ans à peine après la fin du conflit, "Pinin" Farina révolutionnera encore le design automobile en présentant une nouvelle vision de l'automobile moderne.

1947 - Cisitalia

Pendant la Seconde Guerre, l'entreprise de Pinin Farina est réquisitionnée par l'armée et la carrosserie est chargée de construire des charrettes, des traîneaux et des barques en bois. En 1946, un incendie ravage les ateliers, mais n'arrêtent pas notre designer qui reconstruit rapidement ses locaux. De toute façon, il n'y a pas d'évènements majeurs cette année là pour le carrossier, le Salon de Paris étant fermé pour les représentants des nations vaincus. Battista et son fils, Sergio, ne vont pourtant pas s'arrêter à cela et si les portes du Salon restent closes, c'est devant le Grand Palais qu'ils présentent leurs nouveautés. Battista et Sergio sont venus d'Italie à bord de deux créations, une Alfa Romeo et une Lancia, toutes deux carrossées par leurs soins. Stationnées devant l'entrée, les visiteurs qui entrent ou qui sortent du Salon ne peuvent pas manquer les créations du designer. La presse se chargera de transmettre l'évènement en parlant "de l'antisalon personnel de ce diable de Farina". Une publicité inattendue fort appréciable. 

En 1947, les mentalités ne sont plus les mêmes. Les italiens sont invités à l'exposition. Une occasion que Pinin Farina ne va pas laisser passer. Le designer italien dévoile alors un merveilleux petit coupé sur la base d'une Fiat 100, la Cisitalia 202. La ligne ponton du modèle change radicalement des ailes séparées qui caractérisent les silhouettes des automobiles produites avant-guerre. Cette Cisitalia est résolument une voiture moderne, belle et qui offre un espace intérieur inédit dans une voiture qui ne fait que 3,40 m. La voiture est dotée d'un moteur 4 cylindres de 1.100 cm3. Pour Battista, cette voiture est l'aboutissement de toutes les recherches de son entreprise. Elle va lui permettre également, après avoir séduit les européens, d'effectuer un retour triomphant aux Etats-Unis. Les plus grandes marques comme Nash, Dodge ou la General Motors vont travailler en collaboration avec Battista.

La Cisitalia marqua tellement l'univers du design que le Musée d'Art Moderne de New York (Museum of Modern Art). va en exposer un exemplaire dans ses allées. On peut encore la découvrir de nos jours. Avec cette Berlinetta, Pinin Farina inaugure un style de voiture sportive qui va connaître un certain engouement dans les années suivantes. Cette voiture ne sera pas construite en peu d'exemplaires mais marquera les mémoires.

1950 - Collaboration européenne

Dès le début des années cinquante, Battista commence une collaboration avec de grands constructeurs européens. Volkswagen, BMW, et plus proche de nous Peugeot, vont faire appel au talent de l'artiste. Peugeot lui confiera l'étude de la 403 en 1955.

Maserati

En 1948, Battista poursuit dans sa lancée et signe un magnifique projet pour un constructeur italien, Maserati. L'A6 Coupé est la première des voitures habillée par le carrossier pour la célèbre marque au trident. Berlinette, elle est la première d'une fructueuse collaboration. Après avoir produits des voitures de sport depuis la reprise des compétitions, la firme Maserati décide de produire des voitures de tourisme pour amener des finances supplémentaires dans les caisses de la société, la vente seule de voitures de course à des clients sportifs ne suffisant pas à couvrir les frais engagés dans cette voie. La A6 inaugure donc l'entrée sur le marché commerciale de la marque et donnera naissance à une série de coupés et de cabriolets Grand Tourisme, comme l'A6 GCS Berlinetta de 1954. Cette association, cependant, restera toujours en retrait de celle que Battista va engager avec le grand rival de Maserati, le constructeur Ferrari de Maranello.

Ferrari

En 1951, la Carrozeria Pinin Farina travaille aussi sur des châssis Ferrari, dont la célèbre 212 Inter, sûrement la première à recevoir une carrosserie Pinin Farina... Cette 212 Inter, châssis n° 0107ES, passera plus ou moins inaperçue, au milieu de toutes les réalisations effectuées par d'autres carrossiers, comme les Stabilimenti Farina (de Giovanni), les Vignale (sur dessin de Michelotti), les Ghia-Turin, Gliia-Aigle et Touring. Sur les 82 exemplaires produits, il en existe bien peu d'identiques ! Avec cette voiture, Battista va naviguer avec le succès et les honneurs.
En 1952, Battista farina bénéficie d'une "aura" internationale. En Italie toujours, Ferrari, qui débute dans le monde des constructeurs de voitures sportives, enchaîne les succès. Les deux personnalités sont devenus, en peu de temps, des personnages incontournables du paysage automobile italien. Hommes fiers et visionnaires, les deux hommes vont se rencontrer pour sceller un accord de collaboration. Cette rencontre fut très particulière puisque qu'aucun des deux hommes ne voulut se rendre dans le fief de l'autre. C'est donc à mi-chemin des deux sites que les deux hommes se rencontrent, à Tortona, entre Turin et Maranello. A la grande surprise de tous, les deux hommes s'entendent à merveille et donnent naissance à l'une des associations les plus marquantes de l'industrie automobiles. Il faut dire que les deux hommes ont certains points en commun, d'être à peu près du même age et avoir chacun un fils passionné d'automobile prêt à prendre la relève.

Cette collaboration, qu'Enzo décrira dans ces mémoires comme celle d'un "homme qui avait une belle femme à vêtir et le couturier qui cherchait son modèle", se concrétisera très vite avec une commande spéciale, la fabrication d'une voiture pour le roi Léopold III de Belgique. C'est un châssis 342 de Maranello qui entre donc au sein de ateliers de Pinin Farina le 2 novembre 1952 pour recevoir sa carrosserie. En mai 1953, c'est un somptueux et luxueux cabriolet qui voit enfin la lumière du jour. On peut noter également qu'une autre voiture fit l'objet d'une étude chez Pinin Farina à cette époque, et fut prête avant celle du roi Léopold.

La 342 ouvre la voie à d'autres collaborations et quelques centaines de Ferrari dont certaines marqueront l'automobile et l'histoire du design. On trouvera la 375 MM "Rossellini", commandée par le célèbre réalisateur pour son épouse Ingrid Bergman en 1954, le 250 GT châssis court en 1959, la Daytona de 1968, la Testarossa de 1984 ou la 456 GT de 1992. Ajoutons à cette liste les 250 GT et GTO, ainsi que la 500 Mondial. Mais il y en a d'autres...

En 1958, Battista pousse Enzo à aborder la fabrication en série avec un modèle qu'il a déjà fait dessiné par ses stylistes. Cette voiture est la 250 GT. Elle va propulser Ferrari de la construction artisanale à la construction industrielle et va permettre au designer d'investir dans une nouvelle usine à Grugliasco, près de Turin. C'est à cette époque, en 1959, que Battista commence à passer la main et prend du recul par rapport à l'entreprise. C'est son fils Sergio qui va prendre progressivement les responsabilités de l'entreprise avec Renzo Carli, le gendre de Battista.

La 250 GT Pinin Farina Coupé II de 1958

Et Peugeot.

Parmi les études qui mobilisèrent le bureau de Farina, on trouve celle de l'Alfa Romeo Spider et celle de Peugeot. Le constructeurs français, soucieux de relever sa gamme fait appel à un bureau de style extérieur en 1951 pour dessiner sa future berline. Le choix s'arrête alors sur "Pinin" Farina, pour son coup de crayon à la fois moderne et classique.  Quatre ans plus tard naît la 403 qui deviendra un grand succès commercial. Cette réussite ouvrira alors la voie aux 404, 204 et 504 dans leurs versions coupé et cabriolet. "Pinin" Farina se charge de la fabrication des carrosseries qui sont ensuite livrées au constructeur de Sochaux. Dans les années 80, la 205 et la 306 cabriolet naitront également sur les tables à dessin du carrossier turinois. En 1992, le studio d'études et de recherches de Pininfarina commence à réfléchir à une version deux portes de la berline 406. Le prototype finalisé apparaîtra en 1995, mais le carrossier hérite désormais de l'assemblage du modèle de série dans son usine de Grugliasco. Le succès de cette voiture sera immédiat et le public, comme la presse, soulignera les ressemblances entre cette nouveauté française et certains modèles de la firme au cheval cabré, à la grande fierté de Peugeot.
En 1961, en récompense pour services rendus à l'Italie, un décret présidentiel et exceptionnel autorise le carrossier à changer son nom en raison de son mérite social et industriel. Battista "Pinin" Farina devient alors Battista Pininfarina. Il avait déjà reçu une importante décoration par le gouvernement italien, quelques années auparavant.

Succession

Sergio, présent aux côtés de son père depuis la fin des ses études, va, avec l'aide de son beau-frère Renzo, orienter la firme familiale vers un statut de partenaire industriel pour les constructeurs automobiles. En 1964, et dans cet optique, il inaugurent un centre d'études et de recherche. Battista est présent ce jour là pour cette occasion. Malheureusement, il ne verra pas l'essor que prendra cet établissement, ni la création du département CAO tridimensionnelle qui verra le jour en 1967. Il s'éteint en 1966 à Lausanne à l'âge de 73 ans.