CES HOMMES QUI ONT FAIT L'AUTOMOBILE     

Dernière mise à jour : 18/05/2010

    Jean-Albert Grégoire - 1899/1992    

Ingénieur aux multiples talents

Fondateur de la marque Tracta, ingénieur pour l'Aluminium français, Amilcar, Hotchkiss, la CGE, et la Socema
Né le 7 juillet 1899 à Paris, Jean-Albert Grégoire reste, pour le monde de l'automobile, le père de la traction avant, mais ses autres créations furent néanmoins aussi importantes.
Orphelin à 7 ans, Jean-Albert fut élevé par son oncle et à 18 ans, réussit le concours d'entrée des Mines et de Polytechnique. C'est Polytechnique qui aura sa préférence.
Pendant ses études, qui le mèneront au diplôme d'ingénieur, il suit des cours droit et obtient un doctorat dans cette discipline. Malgré toutes ces activités, il trouve le temps de s'investir dans le sport et devient capitaine de son équipe scolaire de rugby. Il remporte le 100 mètres aux jeux interallié 1917, et décroche  par la même occasion le titre de Champion de France. Avec ses diplômes acquis, il intègre ensuite une fabrique de métiers à tisser. On le verra également comme pilote sur Harley-Davidson mais il voue une admiration sans bornes à la course automobile. Il achètera une Amilcar CC en 1922 puis une Scap. Il vénère également Robert Benoist, le pilote qui offrit le titre de Champion du monde des constructeurs à Delage en 1927.

Après être parti pour Madagascar pour prospecter du pétrole, il revient en France et en 1925, ouvre un garage à Versailles pour devenir concessionnaire des marques Delage et Mathis. Jean-Albert Grégoire à trouver sa voie : l'automobile. Mais ces véritables débuts date de 1925, quand il débute comme garagiste.

L'ami Fenaille et l'aventure Tracta

Avec Pierre Fenaille, Jean-Albert court le rallye de Monte-Carlo au volant d'une Amilcar puis d'une Mathis (on verra aussi Grégoire sur Bugatti). Cette participation donne des idées et les deux hommes décident de produire leur propre véhicule. La Société des Automobiles Tracta voit ainsi le jour à Asnières. Ce sera le début de l'aventure Tracta et d'une voiture qui inaugure une nouvelle technique pour une auto de série, la traction avant. C'est un premier succès pour Grégoire qui voit sa popularité s'affirmer. Jusqu'en 1934, les petits roadster Tracta construits permettent surtout de mettre au point le joint homocinétique qui permet d'éviter les à-coups dans la transmission lors du braquage des roues. La licence d'exploitation sera vendue à plusieurs constructeurs, dont les firmes allemandes Adler et DKW. Il vendra également la licence à l'américain Bendix en 1932. Avec Fenaille, il concevra une belle voiture rapide, une 17 CV dont sera dérivé un coupé carrossé par Duval. C'est à cette époque que Jean-Albert participe à l'élaboration de la Traction Avant de Citroën, seul constructeur français à être séduit par cette nouvelle formule. On sait aujourd'hui l'énorme succès que remportera cette automobile. Si on parle souvent de la marque créatrice, on oublie souvent Grégoire lorsqu'on parle d'elle. Il est vrai que Grégoire, ne voulant pas agir en qualité de conseiller technique dans la fabrication de la traction, refusa les appointements de Citroën.

Jean-Albert et sa femme à côté du superbe coupé Tracta carrossé par Duval
C'est en se présentant au concours de la Société des Ingénieurs de l'Automobile pour une petite voiture 2 places que Grégoire est amené à présenter un nouveau brevet concernant la "carcasse coulée en aluminium". D'abord adaptée à une Adler Junior de série, elle sera adopté par le constructeur Hotchkiss pour la marque Amilcar. 

Aluminium Français et Amilcar

Après s'être occupé de la motricité de l'automobile, Jean-Albert s'intéresse donc à la construction des châssis. Son idée est de trouver un compromis entre la rigidité et la légèreté. Pour ce faire, il trouve dans l'aluminium toutes les qualités dont il a besoin. Le résultat donne un ensemble de panneaux boulonnés en alliage coulé baptisé Alpax sur lequel vient se fixer le moteur et la carrosserie. Il adopte cette formule en 1937 pour la conception de la Compound d'Amilcar. Ainsworth, le directeur d'Hotchkiss, marque qui absorba Amilcar, l'avait rencontré auparavant et, séduit par le projet, l'avait nommé directeur technique chez Amilcar pour la construction de la nouvelle voiture de la marque. De ce fait, il avait eu la possibilité de mettre en oeuvre ses idées en réunissant la traction avant et un châssis rigide en aluminium.

CGE

A la fin de 1940, devant les restrictions de production automobile provoquées par la guerre, Jean-Albert Grégoire se voit proposer une étude par Henry de Raemy, de la C.G.E. Le but, étudier une petite voiture électrique qui serait construite par la Société des Accumulateurs Tudor.

A cette époque, Grégoire croit beaucoup en l'avenir du moteur électrique et accepte le défi. Pour info, Pierre Quoirez, père de Françoise Sagan, et directeur d'une filiale de la Compagnie Générale d'Electricité, collabora au projet. En 1941, la motorisation électrique, comme le gazogène, s'était imposé par manque de carburant suite aux restrictions imposées par l'occupant allemand. La CGE confia donc à Grégoire la mission de concevoir et produire cette voiture électrique en six mois. Habitué des épreuves sportives, Grégoire se lance dans cette étude avec sa fougue habituelle. C'est un cabriolet qui sort très vite de son étude. La moitié des batteries qui alimente le moteur sont placées à l'avant , l'autre moitié se trouvant à l'arrière. Il renonce cependant à adopter la traction avant et dispose son moteur en position centrale.
Hotchkiss se voit confier la tache de réaliser la carrosserie qui sera une carcasse coulée, selon le brevet Grégoire. La partie électrique, qui n'est pas du domaine de Grégoire, est confiée à Paul Rapin. Au cours de l'hiver 1941, les premiers essais sont effectués. Le prototype CGE-Tudor roule sur route enneigées et avec un châssis non rodé. Ces essais, jugés très décevants, ne découragent pas notre homme. Au printemps suivant, en avril, et avec une carrosserie, le prototype effectue de nouveaux tests. Rodé et sur route sèche, les résultats sont totalement différents de ceux de février. Suffisamment probants pour envisager une présentation aux grands directeurs de la CGE. Des essais sont organisés entre Paris et Versailles et confirment un fait, la voiture manque d'autonomie. Un gros travail reste donc à accomplir sur la capacité des batteries. Rapin va travailler dur pour passer de 96 à 144 ampères-heures. Une fois cette modification achevée, la production est lancée. Les premiers exemplaires sortis de Suresnes sont destinés à la direction de la CGE, aux directeurs des branches et filiales, ainsi qu'à des maisons amies. Les allemands, très intéressés, tenteront d'en réquisitionner quelques-uns mais, se heurtant à une mauvaise volonté et une fausse courtoisie, abandonneront l'idée sans insister. Au total, un peu moins de 200 véhicules seront construits jusqu'à la fin de 1944, date de fin de production.
Cette expérience de Grégoire ne restera pas sans lendemain. Signalons que durant cette période, Grégoire parviendra à établir un record qui restera dans les annales de l'automobile. Avec sa voiture, le 11 septembre 1942, Grégoire, effectue entre Paris et Tours une distance de 253 km sans avoir besoin de recharger les batteries de la voiture.

Signalons également que la voiture suiveuse était un prototype AFG étudié par Grégoire et l'Aluminium français qui deviendra la Dyna Panhard en 1947. Dans les années qui suivirent la guerre, Grégoire persistera dans cette voie avec la CGE qui sera habillée d'ailleurs d'une carrosserie dessinée par Philippe Charbonneaux. En fait, c'est parallèlement et en prolongement du concours de la S.A.I., il étudia avec l'aluminium français un nouveau prototype de petite voiture à carcasse coulée, à traction avant , dont le cahier des charges précise que le véhicule doit avoir 4 places, ne peser que 400 kilos, ne consommer que 4 litres au 100 et atteindre les 90 km/h. En 1er janvier 1941, Grégoire commença son étude et en juillet 1942, la voiture carrossée roula. D'abord équipée d'une suspension à anneaux concentriques Neiman, elle sera par la suite dotée de la fameuse suspension à flexibilité variable. Son moteur est un bicylindre refroidi par air situé devant le train avant, pour une meilleure tenue de route et habitabilité. Cette voiture sera baptisée Aluminium Français Grégoire en 45 et subira quelques modifications afin de permettre sa fabrication par Simca, dont Grégoire est devenu directeur général technique. Mais, devant l'opposition du président Pigozzi, la Simca-Grégoire ne sera pas produite.

L'après guerre

Pendant l'Occupation allemande, Jean-Albert Grégoire, avec l'aide de la Société de l'Aluminium Français, a construit son prototype ultraléger de 400 kg doté d'un moteur à 2 cylindres opposés de 600 cm3. Grâce à cette motorisation, le véhicule pouvait atteindre les 100 km/h. En 1945, il fonde la marque Grégoire et dépose des brevets qui attirèrent la curiosité de la firme américaine Kaiser et de l'australienne Hartnett. En France, l'A.F.G. ne sera pas produite par Simca et c'est finalement chez Panhard que le projet va se développer. Dès le lendemain de la guerre, la marque doyenne s'intéressa au prototype de Grégoire. Des accords furent signés en 1943 alors que Grégoire est en poste chez Simca. L'A.F.G. servira de base pour la conception de la Dyna, nouvelle voiture de la marque doyenne à la recherche d'un modèle populaire pour redémarrer sa production.

"R" de 1947

La consécration pour Grégoire viendra avec la construction de la "R", une voiture qui sera présentée au Salon de Paris en 1947 et produite par la firme Hotchkiss dès 1949. On retrouve bien sûr les techniques chères à Grégoire avec un châssis en Alpax et la traction avant. Ajoutons à cela un moteur tout à fait inédit. En effet, ce 4 cylindres à plat d'une cylindrée de 2 litres est refroidi par air. Autre innovation, la suspension à flexibilité variable qui reprend le principe de ressorts hélicoïdaux s'adaptant à la charge. Cette dernière avancée technologique fait l'objet d'un dépôt de brevet et vaut à Grégoire de recevoir le Prix Monthyon de mécanique décerné par l'Académie des Sciences.

Sur la photo 1, la structure du Type R de 1947, qui attira de nombreux curieux lors du Salon de Paris. Sur la photo 2, le prototype du Type R 1947 (à gauche) et l'Hotchkiss-Gregoire de production 1949 à droite. Une voiture en avance sur son temps.
Dès 1944, et désirant étudier une grosse voiture de 2 litres de cylindrée, Grégoire demande à l'ingénieur Marcel Sédille, de la société Rateau, d'étudier l'écoulement de l'air sur une maquette aux formes très proches de l'A.F.G., puis, lui demande de'en dessiner une autre de la meilleur forme aérodynamique possible, et enfin, de comparer les résultats à une maquette de 11 légère Citroën. L'affinement de la maquette aérodynamique donnera le prototype Grégoire R (ou Tracta R). Présenté au Salon de 1947, Hotchkiss s'engagera par contrat à sa production en juin 1949.

Grégoire - Hotchkiss

Dans sa version cabriolet, la Grégoire-Hotchkiss conserve autant d'élégance que la berline. Voiture de luxe, elle est dotée d'atouts techniques considérables mais qui ne connaîtront pas le succès. En effet, le prix trop élevé de la voiture dissuadera même les plus enthousiastes. Il faut tout de même débourser plus de 2 millions de francs en 1950 pour acquérir cette automobile.

Les premières Hotchkiss-Grégoire seront livrées en 1951, juste avant que la firme ne dove stopper sa production pour des raisons financière. Après 253 exemplaires seulement, l'Hotchkiss-Grégoire est donc victime des réticences de Peugeot, l'un des repreneurs de la vielle firme de la rue d'Ivry, qui refuse de poursuivre l'aventure. La voiture ne pourra imposer sa silhouette et déçu, Grégoire aura du mal à comprendre pourquoi une voiture aux qualités reconnues par la presse et par la clientèle est ainsi rejetée. Un coupé dessiné par Chapron et un cabriolet seront toutefois produits avant l'arrêt définitif des chaînes. Toutefois, avec la proposition que lui fera la SOCEMA, il pourra démontrer que la pertinence est la source de sa conception de l'automobile moderne. Une conception qui répond à quatre critères :
- les roues avant motrices,
- le centrage des masses et moteur en porte-à-faux avant,
- la carcasse en aluminium coulé, plus rigide et plus légère que les coques acier,
- la finesse aérodynamique qui autorise des vitesses élevées pour une consommation très basse.
On notera que l'Hotchkiss-Grégoire fut la première voiture d'après-guerre à rassembler et à proposer en série toutes ces solutions techniques.

Nouvelle voie

Dans les années cinquante, Jean-Albert se lance un nouveau défi en s'investissant dans le domaine de la propulsion et en cherchant un procédé capable de remplacer le classique moteur à explosion dans la motorisation d'une automobile. Ces recherches le mène d'abord à l'élaboration d'une turbine à gaz mais les essais, non concluants, le feront chercher ailleurs. La SOCEMA lui permettra de concrétiser ses recherches. En 1968, il renouera avec la CGE.

1952 - Socema-Grégoire

Au début des années cinquante, les avionneurs passent du moteur à piston au turboréacteurs ou turbopropulseurs. La Société de Construction et d'Equipements Mécaniques pour l'Aviation, la SOCEMA. Cette entreprise, filiale de la CEM (Compagnie Electromécanique) qui a réalisé un turboréacteur, puis un turbopropulseur. recherche de nouveaux débouchés pour sa technologie. Comme beaucoup d'autres, les ingénieurs de la Socema imaginent pouvoir utiliser ce mode de propulsion pour un engin terrestre, une automobile par exemple. Déjà, certains constructeurs d'automobiles n'ont pas hésité à se lancer dans ce genre d'application. On peut citer l'exemple de Rover qui présenta le prototype Whizzer mû par une turbine à gaz en 1950 et qui frôla les 140km/h. La Socema, qui ne fait pas partie de l'industrie automobile, va suivre cette voie lorsque les ingénieurs vont mettre au point un turbocompresseur compact développant 100 ch et ne pesant que 130 kg. Baptisé TGV 1 Cema-Turbo, cet imposant moteur tourne à 45.000 tr/mn et est accompagné d'un e turbine motrice à deux étages qui' elle, possède un régime de 25.000 tr/mn. Un réducteur épicycloïdal amène l'arbre de transmission à tourner à 5.000 tr/mn. La transmission choisie est la célèbre boîte électromagnétique Cotal. A ce stade de l'élaboration, il reste juste à trouver une solution original pour le freinage. Le principe du turbocompresseur n'offrant aucun frein moteur, un ralentisseur électromagnétique Telma est donc placé devant le différentiel. Pour l'alimentation, deux larges batteries Tudor de 12 V servent pour le lancement de la turbine. Elles sont logées dans le compartiment moteur. En juillet 1952, Jean-Albert Grégoire intègre le projet avec la mission de définir la transmission et surtout, d'élaborer la carrosserie de la machine.

A cette époque, Jean-Albert travaille encore à la définition de l'Hotchkiss-Grégoire. C'est donc au sein des ateliers de la firme de Saint-Denis que seront élaborées les lignes futuristes de l'auto. Jean-Albert confie le dessin de la Socema-Grégoire à son collaborateur Carlo Delaisse. La fabrication de la carrosserie sera confiée aux compagnons formeurs de chez Hotchkiss. Fidèle à ses convictions technologiques, Jean-Albert adopte la carcasse en alliage léger coulé et la ressemblance avec la Hotchkiss-Grégoire est évidente. L'équipe a cependant réalisé une carrosserie dont le coefficient de pénétration dans l'air est encore plus faible que celui de l'Hotchkiss-Grégoire. Son Cx est de 0,18, et mesuré dans les souffleries des établissements Rateau. Comme cette dernière, la Socema-Grégoire possède un important porte-à-faux avant. Les formes retenues, rondes et fluides, sans ornements inutiles, sont très agréables à contempler.

Pour coller à la mode en vogue de l'époque, les passages de roues arrière sont masqués et les optiques se cachent sous des trappes, ce qui accentuer le côté moderniste de l'ensemble et améliore grandement la pénétration dans l'air. Formée d'une "peau" en aluminium, la carrosserie adopte un très joli pavillon tombant terminé d'une lunette en trois parties, et la face avant une originale calandre en large cercle chromé cerné par deux moustaches, un dessin qui rappelle celui de la Panhard Dyna.

La construction de la Socema-Grégoire est soignée et, peinte en un saillant bleu Miramar, elle repose sur des pneumatiques Dunlop Racing à flancs blancs. D'après les dirigeants de la Socema, la voiture peut atteindre les 200 km/h. D'après les analyses extérieures, il semble que ce chiffre est un peu exagéré. De toute façon, les 244 km/h atteints par une Rover en juin 1952 viendront clôturer le débat. Présentée au Salon en octobre 1952, la voiture fait l'effet d'une bombe. Malheureusement, le 12 octobre, jour de fermeture du Salon, son destin est déjà joué. Les nouveaux dirigeants de la Socema perdent soudainement tout intérêt pour ce projet. La voiture restera donc à l'état de prototype, au grand désespoir, une nouvelle fois, de Jean-Albert Grégoire. Il est vrai que la mise au point définitive de la voiture était loin d'être atteinte et que les problèmes de température, de consommation et de coût de construction de la turbine demandait un gros investissement. En ajoutant la conception d'un système de freinage complexe adapté au véhicule, le projet avait de quoi faire peur. Jean-Albert Grégoire estimera que les industriels français manquaient de courage et de clairvoyance. L'avenir aurait peut-être apporté la solution à tous ses problèmes de mise au point de la turbine appliquée à l'automobile. Mais à l'époque, c'était encore pour beaucoup de l'utopie. Rover, Renault ou encore Chrysler, poursuivront leurs recherches mais comme la Socema, renonceront tous au cours des années 50 et 60.

Aujourd'hui, la Socema-Grégoire est la propriété de l’Automobile Club de l’Ouest. Elle est exposée au Musée de la Sarthe "Circuit des 24 Heures du Mans". En 2005, elle s'installa pour quelques jours au Salon Rétromobile, pour la plus grande joie des visiteurs.

Lassé par l'échec commercial de la Hotchkiss, Grégoire entreprendra en 1953 l'étude d'un prototype de Frégate Renault-Grégoire. Ce projet, lui aussi, ne verra pas le jour. Lassé par l'échec commercial de la Hotchkiss, Grégoire fera encore appel à Chapron pour dessiner, sans aucun critère aérodynamique, un cabriolet sport à mécanique Grégoire R gonflée d'un compresseur Constantin. Cette Grégoire Sport 1956 sera vendue à un prix prohibitif de 4 millions de francs. Elle ne sera construite qu'à une dizaine d'exemplaires.

Retour à la CGE

Conjointement à l'étude de nouveaux prototypes, Jean-Albert Grégoire, pour la Société Tracta, continua de déposer et d'exploiter de nouveaux brevets, en particulier celui de la suspension à flexibilité variable, adaptée à de nombreux véhicules dont la Citroën 15 CV, et celui de la suspension à coussin d'air atmosphérique pneumatique qui équipera près de  1,5 million de Renault Dauphine "Aérostable" à partir de 1960. En 1963, Grégoire étudia la suspension aléopneumatique. La diversification amène la marque à concevoir également une suspension pour les brancards destiné aux transport des blessés de la colonne vertébrale, oeuvre pour laquelle Grégoire sera chaleureusement remercié par le Général de Gaulle.
C'est à la fin de l'année 1968 que Raymond Pelletier, directeur de la C.G.E. demande à Grégoire l'avant-projet de l'étude d'une fourgonnette électrique. Une fois réalisé, la décision de construire le véhicule est prise en avril 1970 et ses premiers tours de roues ont lieu le 18 mars 1971. Les prototypes, baptisés 1 et 2, bénéficient d'une transmission par courroie crantée peu satisfaisante. Elle est donc remplacée par une transmission par pont et montée sur le prototype 3 qui roule en mars 1972. Ce proto est doté de la suspension pneumatique à basse pression qui équipait la Dauphine Aérostable. Produite en série jusqu'en 1974, la CGE-Grégoire sera l'ultime projet de Jean-Albert qui se tournera vers l'écriture, une discipline ou il excelle comme romancier depuis la publication de la plaquette "L'ingénieur de l'Automobile" parue en 1947.
Grégoire avait choisit au cours de sa vie de prendre les sentiers glissant longeant les précipices au lieu de devenir ingénieur pour une marque et de suivre une route bien droite, sans relief et monotone. Au lieu de travailler sur des sujets adaptés à la demande des constructeurs, Jean-Albert préféra donner libre cours à son imagination, étudier des sujets qui l'intéressaient et conserver une liberté précieuse.
Le 19 août 1992, Jean-Albert Grégoire décède et l'industrie automobile perd alors une personnalité haute en couleur, ingénieuse et rare. Elle lui doit des avancées majeures qui restent encore trop méconnues du grand public. Sachons nous en souvenir.
Depuis 1992, le Musée de l'Automobile de La Défense réserve un de ses espaces aux 12 prototypes que Jean-Albert réalisa.

Records

Si la Socema-Grégoire ne battit aucun record, d'autres constructeurs s'en chargeront. Depuis 1953 et la construction de premiers prototypes roulants, la Chrysler Corporation mena un programme d'automobile à turbine. Ces études placées sous la responsabilité de Georges Huebner prendront fin en 1973.
Le 5 septembre 1955, Renault emmena son Etoile filante sur la croûte salée du lac de Bonneville dans l'Utah. Ce jour-là, Jean Herbert atteint la vitesse de 306,90 km/h et tombe le km lancé en 11"73. La turbine utilisée par le bolide bleu venait de Turboméca. L'Etoile Filante battra d'autres records comme le mile en 18"33 (307,90 km/h) et les 5 km en 58"28 (308,85 km/h).
D'autres travaux sur des automobiles à turbine à gaz seront aussi menés chez Fiat et Général Motors.