Philippe Charbonneaux travailla aussi bien avec les grands constructeurs
généralistes qu'avec les marques artisanales. Il contribua à faire connaître en
France la profession de styliste automobile.
Né le 18 février 1917, sa passion pour le dessin et pour tout ce qui touche à
l'aviation le pousse à réaliser de multiples illustrations sur ce thème, pour
différents périodiques. C'est à la fin des années trente qu'il se tourne vers
l'automobile et commence à élaborer de fines gouaches et aquarelles démontrant
son imagination fertile en matière de carrosserie.
En février 1949, le
pilote automobile Jean-Pierre Wimille entreprend la construction de son second
prototype de coupé sportif animé par le moteur V8 de la nouvelle Ford Vedette.
Les formes de la machine, confiées aux crayons de Philippe Charbonneaux, sont
alors grandement améliorées comparées à celles de la mouture originelle. Si le
pare-brise panoramique et les portières "dévorant" le pavillon restent de mise,
le styliste prévoit une lunette arrière découpée en lamelles et flanquée de deux
généreuses prises d'air qui donnent à l'auto une réelle personnalité.
Mais en 1949,
Charbonneaux vit une autre expérience, unique et excitante à la fois, en
intégrant les services stylistiques de la General Motors, à Détroit. Les bureaux
de style du groupe, dirigés alors par Harley Earl, sont à la recherche de jeunes
talents, à plus forte raison q'ils peuvent faire profiter la firme de leur
"vision européenne" de l'automobile, comme c'est le cas de Philippe Charbonneaux.
Placé sous la tutelle de Jules Andrade, vétéran du métier, proche de Earl et
directeur du studio dit des "projets spéciaux" depuis 1947, le français élabore
des maquettes de berline et de coupé aux lignes fluides et souples, d'un
caractère moderne mais raisonnable, sur lesquelles on note malgré tout une
pointe d'excentricité. Mais le manque de contact et d'échange avec les instances
dirigeantes, notamment avec Earl, déçoit Charbonneaux qui préfère renoncer à son
expérience américaine et retourner en France.
Les années cinquante
De retour en France, Philippe Charbonneaux ne reste pas sans rien faire et va
travailler pour Rosengart et Delahaye.
Dès 1950, Philippe Charbonneaux, alors âgé de 33 ans, prend en charge la nouvelle Rosengart Ariette.
Il dessine une carrosserie simple mais agréable à l'oeil. Comme souvent, Philippe réalisa également
les illustrations et la mise en page du catalogue.
Lors du Salon Automobile
de Paris, en octobre 1951, on peut y découvrir les fruits des travaux de notre styliste sur le stand
de la marque Delahaye. La marque dévoile cette année-là sa dernière génération de coupés et cabriolets,
à la fois sportifs et luxueux : la série 235. Si la carrosserie du prototype fut confiée aux établissements
turinois Motto, c'est Philippe Charbonneaux qui en dessina les contours généraux et imposa une large grille
cloisonnée de forme ovale.
Pour le Salon de 1956, et contre la somme exagérée de 700.000 francs, Philippe
Charbonneaux présente un joli coupé en finition bicolore sur une base de 2 CV
Citroën, tandis qu'il élabore la carrosserie d'une limousine imposante et plutôt
austère basée sur une plate-forme de Citroën 15 CV destinée à la présidence de
la République. Le carrossier Franay sera chargé de la construction finale de la
carrosserie.
Le Coupé sur base 2 CV.
Limousine présidentielle.
Les années soixante
En 1961, la célèbre et renommée maison Bernard, qui assemble des camions de qualité dans ses ateliers d'Arcueil,
adopte pour ses modèles 19 DA 150 et 4 RA 150 une cabine originale et très
moderne pour l'époque. Elle est constituée de lignes anguleuses, de quatre
optiques surmontées d'une calandre et d'un immense pare-brise panoramique. Un
dessin signé Charbonneaux. Cette face rappelle étrangement, dans ses formes
générales, celles des téléviseurs Téléavia. Charbonneaux avait vendu le concept
esthétique à la firme en 1954.
En septembre 1960, Fernand Picard, directeur des bureaux d'études de la Régie Renault, convoque Charbonneaux et
lui demande son aide pour définir les lignes de la future remplaçante de la Dauphine. Encore connue sous le code
de "Projet 113", la nouvelle voiture baptisée plus tard R8, sera une de ces réalisations majeures, bien que peu de
gens savent qui est à l'origine du coup de crayon qui l'a fait naître. Le styliste donne une forme bien particulière
au capot avant avec son angle central si caractéristique. Il dessinera également le volant, les feux arrière de
cette berline. C'est à lui aussi que l'on doit l'idée du logo en losange de la marque décalé sur le côté de la face avant.
Une très jolie reproduction en miniature exécutée par Solido
d'un camion à cabine Charbonneaux et à droite, Philippe à côté de la Renault 8 dont il dessina la ligne.
Les Dernières réalisations
La R 16
C'est avec Gaston Juchet, nouveau directeur de la Régie Renault, que Charbonneaux se retrouve sur
l'étude de la R16, ou projet 115. Présentée au Salon 1965, cette nouvelle voiture dispose d'un hayon et préfigure
une nouvelle conception du confort, avec des sièges modulables et un coffre à l'accès facile et plutôt logeable
pour l'époque. Elle sera la première berline de sa catégorie à adopter ce hayon si particulier
et son succès (15 années de commercialisation) sera indiscutable. Ce qui donnera des idées à d'autres
constructeurs. Aujourd'hui, toutes les marques proposent des versions avec hayon, que ce soit en France ou à l'étranger.
Philippe Charbonneaux réalise également une autre étude, en partant de la 16. Il dessine une version "trois volumes"
et en construit un unique prototype. Non retenu par la direction, ce projet restera dans les cartons et ne sera jamais produit.
A gauche, la R16 dans sa version finalisée et à droite, le
projet "trois volume" jamais mis en production
L'Ellipsis
Après la 16, et toujours
inspiré par l'idée d'un véhicule à trois volume, Charbonneaux finalise en 1985
une Renault 25 techniquement réalisée par Sbarro.
A l'occasion du Mondial de l'Automobile de 1992, il expose l'Ellipsis, une
machine futuriste et ovoïde aux roues disposées en losange. Ce sera la dernière
création de cet artiste passionné qui nous quittera le 4 juin 1998.
Les trois versions de l'Ellipsis, celle du Salon de 1992, celle du Salon 1994 et enfin, celle présentée
lors d'une expo près de Dijon en 1996.