CES HOMMES QUI ONT FAIT L'AUTOMOBILE
Dernière mise à jour : 18/05/2010
Edouard Delamare-Debouteville - 1856/1901
"Le" Pionnier
Né le 8 février 1856 à Rouen, Edouard Napoléon François Delamare-Debouteville
est devenu, très jeune un ingénieur novateur. A 24 ans, il invente une machine
universelle puis en 1883, la première voiture mue par un moteur à 4 temps. A 27
ans, il devance Karl Benz. Son nom, cependant, n'aura pas le même impact dans
l'histoire de l'automobile.
Dans les années 1870-1880, l'automobile est sur le point de voir le jour. De
nombreux chercheurs travaillent sur le sujet. Ces pionniers, à l'imagination
débordante et à l'ingéniosité étonnante, sont bien souvent français, bien qu'on
considère que les anglais sont à l'origine de cette nouvelle venue notamment
grâce aux recherches et à la mise au point des moteurs à vapeur. Mais ces
derniers se sont laissés dériver vers la locomotion sur rail, poussé par un
gouvernement hostile aux véhicules routiers. C'est donc en France, et en
Allemagne, que l'avenir de l'automobile prend sa source. En 1884, le Quadricycle
de De Dion-Bouton et Trépardoux fait son apparition. C'est un véhicule 4 places
dos à dos doté d'un petit moteur à vapeur 2 cylindres. Serpollet est lui aussi à
l'ouvrage et peaufine sa chaudière à vaporisation instantanée. Mais avant cela,
il ne faut pas oublier Amédée Bollée père et sa fameuse obéissante de 1873 qui
transportait déjà une dizaine de personne. Cependant, aucun véhicule ne
fonctionne avec un moteur à essence. Ce qui ne va pas tarder. Revenons en
arrière.
A cette fameuse époque,
de nombreux chercheurs s'intéressent à une autre source d'énergie pour faire
fonctionner les moteurs et ainsi, gagner en puissance, en poids et en volume.
L'intérêt est également de gagner en rendement. Beau de Rochas fut l'inventeur
du fameux cycle à quatre temps défini fonctionnant selon le principe suivant :
aspiration, compression, inflammation et refoulement. N'ayant pas su profiter de
son invention, Otto tenta de s'en emparer et y parviendra presque bénéficiant au
passage d'un monopole durant quelques années avant que la justice française ne
rende à César ce qui appartenait à César. Tombé dans le domaine public, le
moteur 4 temps intéresse beaucoup de monde, dont Edouard Delamare.
La carrière d'Edouard fut brève mais sera riche d'expériences. Diplômé de l'Ecole
Supérieure de Commerce et d'Industrie, il s'est trouvé une passion pour la
mécanique et, issue d'une famille propriétaire d'une filature de coton, décide
de mettre à profit ses capacités pour faire évoluer l'entreprise familiale.
Etudiant le principe du moteur d'Alphonse Eugène Beau de Rochas, il met au point
un premier moteur alimenté au gaz de ville. Malheureusement, au cours d'une
expérimentation, un tuyau reliant le détendeur au mélangeur éclate et provoque
une explosion. Ne parvenant pas à résoudre son problème, il décide d'abandonner
le gaz pour l'essence.
Léon Malandin
Dans ses recherches,
Edouard s'adjoint l'aide d'un des chefs d'atelier de la filature familiale. La
postérité rendra son nom définitivement associé à l'invention d'Edouard et le
rendra aussi célèbre que son patron. Il s'agit de Léon Malandin. Les deux hommes
se mettent donc au travail et, optant pour le moteur à essence alimenté par un
carburateur à mèches, procèdent progressivement à toute une série de tests.
Lorsque la mise au point finale est achevée, les deux hommes se trouvent face à
un imposant moteur avec 2 cylindres séparés de 4.064 cm3 dont les bielles
parallèles entraînent un vilebrequin. La puissance est estimée à 8 ch à 250
tr/mn.
Côté technique, on note que l'admission s'effectue par un tiroir alors que
l'échappement se fait par une soupape. Le mélange air/essence se réalise dans le
carburateur à mèche et l'allumage est produit par une bobine alimentée par un
carburateur 10 Volt et un vibreur pour disposer d'une étincelle permanente.
Break de chasse
Une fois le moteur réalisé, il est monté sur un break de chasse de 275 cm de long et
165 cm de largeur. Ce véhicule, haut de 205 cm, est juché sur quatre roues dont
les deux arrière ont un diamètre beaucoup plus important. Des sabots en bois
font office de freins. Il n'y a pas de boite de vitesses. La transmission est
composé d'un arbre, relié par une chaîne à un autre arbre, situé plus en avant
et doté de deux roues crantées qui entraînent les roues arrière par
l'intermédiaire de chaînes.
Le 12 février 1884, Edouard
Delamare-Deboutteville et Léon Malandin déposent un brevet d'invention. Derrière
ce brevet se cache le premier véhicule automobile quadricycle doté d'un moteur à
explosion fonctionnant à l'essence. Le brevet porte le numéro 160 267 et on peut
y découvrir la description complète du moteur. Des témoignages attestent que le
véhicule a effectivement roulé. Cependant, le véhicule en reste là et ne sera
pas commercialisé. Edouard retourne ensuite à l'étude et à la conception de
moteur à gaz pour les industriels. Ces derniers seront construits et distribués
par la Société Simplex.
Edouard va développer de grands moteurs, aux puissances impressionnantes
de 7.000 chevaux; Ils seront exposés à la grande Exposition Universelle de Paris en 1900 et notre homme recevra
le Grand Prix de l'expo. Avant cela, en 1897, à Rouen, le président de la
République en fonction, Félix Faure, impressionné par ses travaux, l'avait nommé
Officier de la légion d'honneur. Edouard s'intéressa, en parallèle à ses
recherches sur les moteurs, à différents sujets, dont l'ostréiculture, la
mytiliculture, l'histoire naturelle. Le Muséum de Rouen, d'ailleurs, dispose d'une
collection d'oiseaux qu'Edouard avait constitué. Doué également pour les
langues, il rédigea une grammaire en trois volumes de Sanscrit, une des plus
vieilles langues du monde. Il avait précédemment, en 1881, écrit un ouvrage de
haute philosophie synthétique. Il aurait sans doute poussé ses études encore
plus loin si la maladie ne l'avait pas rattrapé. Après son retour de
Saint-Petersbourg, victime d'un refroidissement, il s'éteint le 16 février 1901
à Montgrimont. Il n'avait que 40 ans.
La reconstitution de 1984
Le véhicule, et son histoire, ne seront révélés qu'en 1984, à l'occasion du
centenaire de sa naissance. Afin de commémorer l'évènement, une réplique exacte
est construite à partir des plans détaillés du brevet du 12 février 1884. Ce
sont deux passionnés, Jacques Rousseau et Georges Ageon, de la Chambre
Syndicale des constructeurs, qui vont prendre les choses en main, ce qui n'est
pas aussi simple que l'on peut l'imaginer. Pour retrouver et reproduire les
gestes ancestraux, ils font appel aux Compagnons du Devoir du Tour de France,
les plus aptes à procéder à cette reproduction qui se doit d'être le plus
fidèle possible à l'original. Ils vont se charger de la sellerie, de la
conception du châssis, des suspensions, etc. La partie moteur, par contre, sera
confié à la Société "Le Moteur Moderne". Pièce par pièce, les ouvriers de cette
entreprise vont reconstituer cet organe majeur du véhicule. Deux autres
sociétés, Valéo et Ducellier, vont apporter leur savoir pour la conception de
l'embrayage et de la partie électrique. Le montage définitif sera réservé à un
mécanicien Compagnon du Devoir.
Un an plus tard, en 1985,
le véhicule est fin prêt et une présentation officielle est organisée. La
voiture, dans une livrée verte et juchée sur ses roues rouges, fait quelques
tours de roues pilotée par Serge Delamare-Debouteville, le propre petit-fils du
génial inventeur.
Une médaille fut frappée par la Monnaie de Paris, d'après un dessin de
Jacques Hardi. Une miniature au 1/43 fut produite également pour rappeler cet évènement.