LES COURSES D'ANTAN     

Dernière mise à jour : 02/07/2010

La Coupe de Paris 1945

Les Parisiens se réjouissent à l'annonce de la première réunion automobile et motocycliste, qui se déroulera dans les allées du bois de Boulogne, en septembre 1945. Pour l'occasion, les coureurs ont ressorti leurs bolides, cachés depuis cinq ans aux yeux de l'occupant.

Première course d'après-guerre

Grand club parisien dont le sigle signifie Association Générale Automobile des Coureurs Indépendants, l'AGACI a donné rendez-vous au public le 9 septembre 1945 pour la première épreuve de l'après-guerre, sur un tracé constitué par des allées du bois de Boulogne. Le départ sera donné au pavillon Royal, situé au carrefour du bout des lacs, et se dirige vers la porte Dauphine, avant de revenir à son point de départ. De nos jours, le boulevard périphérique ne permet plus de visualiser la totalité du circuit, qui empruntait l'allée des Fortifications et faisait un peu moins de 3 km de long.

Cinq courses

La manifestation comporte cinq courses et une exhibition. A partir de 13 h, les motos 250 et 350 cm3 se mettent en piste. Une heure plus tard, les side-cars partagent les allées du bois avec les 250 cm3. Ensuite, les motocyclistes alliés effectuent une exhibition devant le public en tenue d'été. Les voitures n'entrent en lice qu'à 15 h 30, avec la Coupe Robert Benoist, une épreuve réservée aux petites cylindrées (jusqu'à 1.500 cm3). A 16 h 45 vient le tour de la Coupe de la Libération, qui voit s'affronter les voitures de cylindrée comprise entre 1,5 litre et 3 litres. Enfin, dernière épreuve de la réunion, la Coupe des Prisonniers, qui accepte les bolides de plus de 3 litres de cylindrée.

Robert Benoist (1895/1944)

Cette première réunion sportive automobile et motocycliste d'après-guerre, intitulée Coupe de Paris, permit de mettre en avant le nom de Marcel Charles Benoist, dit Robert Benoist, pilote de course de renommée internationale avant la guerre. Grand résistant pendant l'Occupation, membre du réseau Chestnut puis chef du réseau Clergyman, il fut agent secret du Special Operations Executive. Arrêté et déporté à Buchenwald, il y meurt le 14 septembre 1944. Ces courses furent donc dédiées aux prisonniers, aux déportés, aux réfractaires et aux maquisards. Robert Benoist avait remporté le Grand Prix automobile de France en 1925, le Grand Prix de France, d'Italie, d'Espagne et de Grande Bretagne en 1927 (année ou il fut Champion du monde) avec une Delage 15S8, et les 24 Heures du Mans de 1937 avec Jean-Pierre Wimille sur Bugatti. Jean-Pierre Wimille était un membre du groupe de résistance de Robert Benoist, mais il parvint à s'échapper avant d'être arrêté par la Gestapo le 18 juin 1944, le lendemain de l'arrestation de Benoist.

Henri Louveau, sur Maserati, 1er dans la Coupe de la Libération
Le jour de la course, le public manifeste sa joie d'accueillir des pilotes qui ont fait des pieds et des mains pour se retrouver sur la grille de départ. En effet, il n'a pas été simple, en cette période de restrictions et de pénurie, de trouver les éléments pour remonter sa voiture de course. Sur certaines, un carburateur a disparu, pour d'autres, un toit effondré a endommagé la carrosserie. A telle autre manque le tuyau d'échappement, réduit peu à peu en poussière au terme de cet arrêt involontairement prolongé. A tous, les pneumatiques font défaut, et c'est souvent avec de vieilles carcasses de plus de cinq ou six ans, usées jusqu'à devenir dangereuses, que certains participants prennent le départ.
Ressortir de leur cachette les voitures de course remisées à la déclaration de guerre fut un travail laborieux, mais la perspective de s'affronter de nouveau sur un circuit a donné des ailes aux mécaniciens. Ainsi, ceux de Bugatti, trop heureux de remettre la main à la pâte, travaillèrent sans interruption deux jours et deux nuits pour mettre en conformité la monoplace Bugatti Type 50 B1 de 4,7 litres avec compresseur.
Amédée Gordini finit 1er de la Coupe Robert Benoist. Il conduit évidemment une Gordini, celle-là précisément qu'il pilota aux 24 Heures du MAns 1939. Il devance Brunot sur Riley et Bouchard sur Salmson. Amédée a réussi le tour le plus rapide de cette course, qui est aussi la première d'un pilote privé qui fera parler de lui dans le domaine de la collection automobile, Serge Pozzoli. Pour la course suivante, la Coupe de la Libération, 17 voitures sont au départ et doivent effectuer 36 tours, comme lors de l'épreuve précédente. Henri Louveau l'emporte sur MAserati, devant Veuillet, qui deviendra l'importateur Porsche en France, sur MG, et Lascaut sur Amilcar. Enfin, la Coupe des Prisonniers, qui rassemble les pilotes les plus brillants de l'époque, compte 16 partants, et parmi eux des vedettes internationales comme Raymond Sommer, Maurice Trintignant, Pierre Levegh, Philippe Etancelin, Friedrich, Marcel Balsa, Eugène Chaboud, Bob Gérard et Jean-Pierre Wimille. Ce dernier remporte la course sur Bugatti, devant la Talbot de Raymond Sommer. Le troisième est Chaboud. Le duel aura été magistral entre les deux vedettes, Wimille et Sommer, synthétisant cette course en un face-à-face Talbot-Bugatti qui tournera à l'avantage de ce dernier. Au soir de ce jour de fête, qui a succédé à tant de frustration et de privations, chacun est reparti chez lui, le coeur léger. Aucun accident grave, aucune blessure à déplorer. Seuls quelques coups de soleil furent à apaiser.

Le départ de la Coupe Robert Benoist
Première de tous les pays, la France vient de renouer avec le sport automobile, une discipline qu'elle a vu naître non loin de là, sur le parcours Paris-Rouen, en 1894.

Bugatti

Ettore Bugatti, dont les voitures étaient des monstres sacrés comme le sont aujourd'hui les Ferrari, assista à la Coupe de Paris, pour voir gagner son pilote vedette Jean-Pierre Wimille. Ce devait être pour lui un nouveau départ, car il avait passé le temps de l'Occupation à réfléchir à de nombreux projets. Pour la petite histoire, sachez que celui qu'on appelait "Le Patron" arriva au bois de Boulogne dans sa Bugatti personnelle, la Royale Coupé Napoléon, celle-là même que l'on peut admirer au Musée de l'Automobile de Mulhouse, collection Schlumpf.