MEMOIRE DES CIRCUITS     

Dernière mise à jour : 12/05/2010

Nürburgring

Avec ses 170 virages et plus de 28 km de bitume, le Nürburgring est le plus long circuit permanent du monde. Aujourd'hui remanié, réduit, celui qu'on nomme aussi le "Karusel" garde toute son aura.

Création

1927, les premières épreuves sur le circuit, avec trois Mercedes SS RAcing au départ
En 1925, l'Allemagne est en plein marasme. La république de Weimar ne parvient pas à endiguer une inflation galopante qui mène le pays à la catastrophe et qui sera encore aggravée après le sinistre jeudi d'octobre 1929. Dans cette Allemagne secouée par le chômage et les crises politiques, le sport automobile garde pourtant ses droits. Ceux qui ont encore les moyens de le pratiquer rêvent d'un circuit permanent, comme ceux de Monza, d'Indianapolis ou de Brooklands.
La première fois qu'on envisagea la construction d'un circuit en Allemagne remonte à 1907. A cette époque, on discute déjà d'un circuit dans l'Eifel, un petit massif boisé de Rhénanie, culminant à 600 m, à l'ouest du Rhin, entre la Moselle et l'Ahr. La première guerre repoussa le projet. En 1922, le maire de Cologne encouragea les membres de l'ADAC dans leur projet de circuit dans l'Eifel. Ce maire se nommait Conrad Adenauer, qui deviendra chancelier d'Allemagne Fédérale (l'équivalent de notre Président de la république) de 1949 à 1963. Au cours de ces années vingt, le sujet est donc remis sur la sellette et fait son chemin. Cependant, et déjà, une farouche opposition des amis de la nature, ancêtres des "verts", fait barrage, ces derniers disposant d'une influence considérable en Allemagne. La décision est cependant entérinée. Le choix géographique du site s'arrête sur un terrain près de la ville d'Adenau, à une cinquantaine de kilomètres de Bonn, une soixantaine de Coblence et plus de soixante-dix de Cologne.
L'Adac regroupait les automobiles clubs allemands. Ces clubs vont bénéficier de l'aide de l'Etat pour faire passer leur projet de circuit. La politique de l'Allemagne de l'époque était favorable aux grands travaux, une source de travail pour une population très appauvrie dans cette région de l'Eifel.

Le tracé

Cliquez pour agrandir la photo. Sur cette dernière, vous verrez les deux circuits, le Nordschleife et le Südschleife, avant 1967. Le Südschleife est représenté avec des pointillés. Aujourd'hui, c'est dans cette partie du circuit que le tracé de F1 à vu le jour. Il ne reste que peu de vestiges de l'ancien tracé dans cette partie sud.

Premiers travaux

C'est en 1925, en avril, que le chantier débute. Pas moins de 60 anciens chômeurs sont présents pour débuter les travaux. Le nombre de ces ouvriers va augmenter au fil des semaines et on comptera plus de deux milles ouvriers travaillant simultanément à la construction du circuit, qui coûtera 6 millions de marks. Le tracé du Nürburgring reprend certaines routes ou chemins existants déjà, alors que d'autres portions sont construites de toutes pièces. Sinueux, et pentu à souhait, ce tracé s'avère un véritable test pour les mécaniques. D'une longueur sans égale, avec plus de 28 kilomètres, il se compose de deux boucles. La plus grande est la Nordschleife, au nord comme son nom l'indique, long de 22,8 km. La boucle au sud, la Südschleife, ne fait que 7,7 kilomètres. C'est la partie la plus sinueuse du circuit, qui sera rarement utilisée. La plupart des grandes courses automobiles se dérouleront sur la boucle nord uniquement.
De nos jours, il faut se rendre sur place pour se rendre compte du travail colossal qu'accomplirent les ouvriers du circuit. En fait, le plus gros du circuit est à créer et, au endroits ou il aurait fallu contourner le relief pour élaborer une route normale, les ingénieurs du Nürburgring ne se posèrent pas de questions et l'attaquèrent de front. Le résultat nous donne donc des montées et des descentes incroyables, tout à fait compatibles avec la future vocation du circuit, tester les mécaniques. Le chantier dura deux ans et le circuit fut inauguré les 18 et 19 juin 1927. La première course, cependant, fut organisée le 3 juin 1927, une course de motocyclettes internationale. Lors de l'inauguration, c'est une course nationale qui fut organisée, bien que son nom fasse penser au contraire. Ce "Prix des Nations" fut remporté par Otto Merz, sur une Mercedes-Benz 6,8 litres à compresseur, à 102 km/h de moyenne. Le Grand Prix d'Allemagne sera couru sur le Nürburgring dès 1927, seul celui de 1959 sera organisé sur l'Avus. Outre les Grands Prix, d'autres grandes épreuves seront organisées sur le circuit, les 500 km réservés aux Grand Tourisme, les 6 Heures réservées aux voitures de tourisme, et l'autre épreuve phare, les 1.000 km du Nürburgring réservés aux Sports-Prototype, une épreuves calquée sur les 24 Heures du Mans et qui compte alors pour le Championnat du Monde des marques. Cette épreuve sera organisée dès 1953.

Pour résumer, on peut dire que les épreuves importantes étaient organisées sur le Nordchleife, et que les courses de catégories inférieures, et les courses de motos, étaient organisées sur le circuit sud. Il y aura quelques exceptions, les épreuves motos se déroulaient également sur la grande boucle, quelques épreuves de F1 furent organisées sur la boucle sud. Lors des premières années, on utilisait également les deux tracés simultanément. La zone des stands, également ligne de départ et d'arrivée, servait de lien entre les deux boucles (la zone des stands était considérée comme appartenant à la zone nord). Cette zone constituait alors un mini circuit de 2,3 km par le raccordement des deux lignes droites passant devant et derrière les stands. Ajoutons que lors de certaines courses organisées sur la grande boucle, les pilotes pouvait utiliser la boucle sud ouverte pour effecteur leur tour de chauffe plus rapidement. Ajoutons enfin que sur la boucle nord, la largeur minimale de la route est de 8 mètres et que l'on compte plus de cent cinquante virages.

L'aspect le plus spectaculaire du circuit est dans doute son site naturel exceptionnel. Il déroule son parcours au milieu des arbres et des prairies, avec des dénivellations importantes, des ravins et des collines. C'est un magnifique spectacle pour ceux qui l'empruntent (il est ouvert au public). Cependant, les pilotes ont rarement l'occasion d'en profiter.

Le nom

Pour trouver un nom au circuit, on organisa un grand concours. Jusqu'alors, le tracé avait le nom de "circuit d'essais et de course en montagne". C'est un certain Dr Kruse qui remporta ce concours, proposant le nom de Nürburgring, l'anneau du Nürburg. Le Nürburg est le château médiéval en ruine qui domine le circuit, à l'intérieur de la boucle nord.

De nos jours

Le circuit a été remanié et les épreuves de Formule 1 sont organisées à Hockenheim. Il garde cependant son aura et le nom de Nürburgring évoque toujours un incomparable charme, un véritable théâtre de verdure, conservant la mémoire de tous les grands champions qui s'y sont mesurés dans des courses fantastiques, pour des exploits retentissants. Le plus spectaculaire reste celui de Fangio qui en 1957 remporte la victoire de façon magistrale en remontant un énorme retard, laissant sur place des concurrents redoutables et bien plus jeune que lui. Il en gardait le souvenir de sa meilleure course.

Juan Manuel Fangio, vainqueur sur Maserati 250 F au Nürburgring de 1957

Evolution du circuit

Depuis 1928, le circuit a connu des hauts et des bas. Déjà, à cette date, la situation financière du circuit est au plus mal. La société Nürburgring Gmbh est alors fondée pour faire face. Elle est détenue en grande partie par l'Etat. C'est encore le cas aujourd'hui. Les revenus du "Ring" proviennent des courses qui y sont organisées mais aussi des locations aux constructeurs et des redevances issues de l'utilisation publique. En effet, vous pouvez, de nos jours, utiliser le tracé pour une petite ballade moyennant un droit d'entrée de quelques euros.
En 1945, les chars américains vont avoir la mauvaise idée d'emprunter une partie du circuit, ce qui endommagera une partie du revêtement de la piste. Au sortir de la guerre, la France contrôlera la région de l'Eifel et décidera d'organiser un Grand Prix sur le Nürburgring. C'est donc la France qui lancera une grande opération de réfection de la piste. Cependant, l'idée d'organiser un Grand Prix va se perdre dans les tourments de la politique. Les premières épreuves d'après guerre seront donc allemandes. En ce qui concerne le tracé, il y a peu d'informations, il est donc difficile de dire si ce tracé a été modifié ou si certains virages ont été réaménagés. Il est également difficile de savoir si le revêtement a beaucoup évolué. Rappelons toutefois qu'à l'époque, la piste était plus étroite qu'aujourdui et que le revêtement était bien sur plus grossier. En ce qui concerne le tracé toujours, on se souviendra qu'en 1967, une nouvelle chicane fut mise en place, la chicane d'Horhenrain, juste à l'entrée de la ligne droite des stands. Si le circuit a changé, le paysage a lui aussi évolué au fil des années. Dans les années vingt, la végétation était différente. Notons qu'à l'époque, la forêt de pins au niveau de Quiddelbacher n'existait pas. Quant à celle qui existait à Brunnchen, elle fut rasée pour faire place à un grand vide de 200 m ouvert au public. Pour la sécurité, seules des haies délimitaient la bordure de la piste originelle. Avec le temps, cette sécurité fut remise en cause, surtout en 1970, lorsque les pilotes refusèrent de F1 refusèrent de courir dessus, ce qui poussa l'organisation a utiliser le circuit d'Hockenheim. Les performances des voitures augmentant, la sécurité considérée comme sûre en 1927 était devenue totalement obsolète. On peut donc affirmer que la F1 a enterré le Nürburgring originel.

Départ en 1957 et en 1965

En course en 1962

Ronnie Bucknum en course en 1964

Départ en 1969

Relance

Pour remettre le circuit au premier plan, les allemands vont employer les grands moyens. Tout le circuit va être remis à neuf, et une véritable reconstruction de la piste va être opérée. Ces moyens vont concerner le circuit nord, le circuit sud ne sera pas modifié. En 1971 donc, l'ancienne piste est totalement détruite, pour déposer un revêtement neuf et moderne. Le tracé est cependant conservé. Le but de cette grande opération est en premier lieu de rendre le circuit plus sûr, sans lui enlever sa spécificité, la difficulté. Dans cette optique, il est élargie et certaines bosses sont aplanies. Des voies de dégagements sont créées. L'ampleur des travaux porte ses fruits et la F1 revient sur le Nordschleife à la fin de l'année 71. Le circuit sud sera utilisé pour les tours de chauffe.

L'accident de Lauda

Comme sur tous les circuits, et malgré tous les moyens mis en place pour la sécurité, on ne peut éviter l'accident. En 1976, Nicki Lauda sera victime d'un terrible accident, lors du grand Prix d'Allemagne. Le 1er avril, il part en pneus pluie puis s'arrête au stand à l'issue de la première boucle pour chausser des pneus slicks. Il repart dans le peloton. Dans le deuxième tour, pour une raison toujours inexpliquée, il perd le contrôle de sa Ferrari et va frapper l'extérieur de la piste, avant de rebondir en plein milieu de la piste. La voiture est alors percutée par d'autres concurrents lancés à pleine vitesse. Au moment du choc initial, le casque de Lauda a été arraché et sa voiture s'est embrasée. A moitié inconscient, Lauda reste prisonnier des flammes. C'est Arturo Merzario, aidé par ses collègues pilotes Brett Lunger, Guy Edwards et Harakd Ertl qui le sortiront de la voiture.

Transporté à l'hôpital d'Adenau, Lauda est sévèrement brûlé au visage. Le bulletin des médecins n'est guère rassurant puisqu'il indique que le pilote a les poumons touchés, le pilote ayant inhalé des vapeurs d'essence hautement toxiques. Il souffre de graves difficultés respiratoires. Son état est à ce point critique qu'on fait appel à un prêtre pour rester à son chevet, afin de prononcer les derniers sacrements. Six semaines plus tard, Lauda est présent au départ du Grand Prix d'Italie, le visage encore marqué par des brûlures encore vives. Malgré son absence, Lauda compte encore 1 point d'avance sur Hunt au classement du Championnat. En raison de la pluie virulente, Lauda renoncera volontairement à courir dès le fin du premier tour, offrant le titre à Hunt. Pour les passionnés, Lauda à toutefois remporté un tire, celui de la bravoure.
Suite à ce drame, le circuit est une nouvelle fois montré du doigt. Pourtant, cela aurait pu se produire ailleurs, le virage gauche rapide qui précède la longue ligne droite de Bergwerk n'est pas plus dangereux qu'un autre. La Formule 1 ne reviendra plus sur le Nürburgring, enfin, sur la partie nord. Ce fait sauva le circuit. En effet, avec l'évolution de la F1, et le besoins de la sécurité, il aurait sûrement été modifié, comme de nombreux circuits légendaires qui ont été défiguré pour être remplacer par des nouveaux tracés sans aucun charme ni intérêt, plus adaptés aux caméras. Pour la Nürburgring Gmbh, il n'est pas non plus question que les prestigieuses courses disparaissent et que les tiroirs-caisses soient vides. La société doit donc trouver une solution pour que la F1 reste, et pour ce faire, le plus facile est de créer un tracé adapté au sport mécanique moderne en partant de zéro. C'est donc en 1983 que va naître le nouveau circuit de F1., un circuit tout à fait neuf, créé sur mesure pour la F1. Court, sûr, mieux adapté aux spectateurs et à la télévision, il est, selon les passionnés, insipide à souhait. Pour le construire, il a fallut sacrifier la zone des stands de la Nordshleife, les deux lignes droites parallèles, reliées par le Sudkehre. Le principal, c'est que l'essentiel du circuit nord n'a pas été touché. Par contre, la partie sud sera vouée à l'oubli. Il ne reste aujourd'hui que quelques parties de cet ancien circuit. Les travaux, débutés le 3 octobre 1977 s'achève en 1983, mais il faudra attendre le 12 mai 1984 pour l'inauguration. En octobre, le circuit recevra le GP d'Europe, une course remportée par Alain Prost.

Si le circuit nord n'a pas été touché, il est toutefois délaissé. La dernière grande épreuve sera les 1.000 km, organisée en 1983. On pensait que le circuit survivrait, devenu indépendant avec une ligne de départ bien à lui. On se trompait. Désormais, il n'y subsistera qu'une épreuve de 24 Heures. De plus, depuis les travaux, trouver le départ de la Nordschleife est devenu un jeu de piste. Il se trouve entre les deux pistes, au niveau des deux bretelles de raccordement. Il fallait, pour y accéder, et ce jusqu'en avril 1998, prendre un petit chemin minuscule pratiquement situé dans le village de Nürburg. Ce chemin débouchait sur un parking minuscule, tout en longueur. Arrivé à ce point, on ne trouvait aucune infrastructure, la ligne de départ ressemblait plus à un poste frontière qu'à une grille de départ. Sur place, des commissaires vendaient les tickets, debout au milieu de la piste. En avril 1998, le circuit nord sera doté, enfin, de parkings conséquents et de beaux batîments. Le seul regret, c'est que les voitures partent désormais du milieu de la ligne droite et il faut donc oublier l'image des voitures se lançant à fond pour parcourir les 5 kilomètres les séparant du premier virage. Pour les vitesses délirantes atteintes dans la courbe d'Antoniusbuche, il faudra regarder d'anciens films.

1.000 km du Nürburgring

John Surtees remporta, avec Ferrari, l'édition 63 des 1.000 km.
L'épreuve des 1.000 km du Nürburgring reste une course mythique, qui aujourd'hui nous manque. Cette épreuve, fut organisée jusqu'en 1983 et permettait de voir évoluer des voitures de course atteignant un niveau de performance inégalé sur le circuit nord. Ces voitures, les mêmes que celles du Mans, atteignaient des vitesses de 300 km/h dans le schuss précédent le Fuchsrhore. A cette vitesse, les voitures exploitaient à fond l'effet de sol et décollaient régulièrement. En guise d'adieu, Stephan Bellof établira le record absolu de la piste en 6 minutes et 11 secondes, sur une Porsche 956. On considère qu'il s'agit bien du tour le plus rapide jamais réalisé sur la Nordschleife. Aujourd'hui, le "Ring" est toujours en activité, mais il accueille des voitures beaucoup plus sages. Les 24 Heures du Nürburgring est désormais l'épreuve phare, une épreuve pour voiture de tourisme et voitures de sport plus ou moins développées pour le circuit. Les courses nationales allemandes y sont également régulièrement disputées, comme l'Eifel KlassiK.

Deux images des 24 Heures du Nürburgring, 1979 et 2008