LES COURSES D'ANTAN     

Dernière mise à jour : 05/05/2010

Le New York-Paris 1908

Un an après le Pékin-Paris, deux quotidiens décident d'organiser une course, ou plutôt un raid, entre New-York et Paris. Cette association entre le Matin français et le New York Times américain va offrir à ses lecteurs et aux spectateurs une formidable aventure, intense et pleine d'imprévus.
En 1908, il faut un sacré courage pour envisager une telle aventure. L'automobile est encore dans sa toute jeunesse et les voitures encore assez rudimentaires par rapport à ce qu'elles sont aujourd'hui. Une poignée de sportifs va toutefois relever le défi et s'inscrire dans cette épreuve, histoire de prouver au monde que l'automobile est un formidable vecteur de liberté et un partenaire efficace pour partir à la conquête de territoires encore inconnus.

Jour de départ

C'est le 12 février 1908, à 11 h15, que le départ du New York-Paris est donné. Les organisateurs ont voulu, cette fois, faire mieux que le raid traversant l'Asie l'année précédente et, pour corser l'épreuve, ont ajouté la traversée des Etats-Unis au programme. C'est Mr Colgate Hoyt qui se charge, d'un coup de pistolet, de libérer les concurrents. Juché sur son balcon, il domine une foule composée de nombreux spectateurs venus assister aux premiers tours de roues de ces valeureux pilotes qui partent à la conquête du monde. On estime à 300.000 spectateurs présents à Broadway ce jour-là. Dans l'Illustration du 29 février, on peut lire le commentaire qui relate ce départ. En voici un extrait :

"Toutes les classes de la société se pressaient sur le parcours, pour acclamer sans distinction de patrie les champions d'une des plus captivantes industries modernes ; le sourire des femmes s'adressait à la fois à la science et à l'audace des hommes..."

Premières sélections

Dès le début de la course, les concurrents vont devoir affronter une météo peu clémente. Dans les premiers kilomètres, les membres du New York Automobiles Club, qui ont pour l'occasion réunis près de deux cents voitures, accompagnent les participants, jusqu'à Tarrytown, une ville située à 45 km de New York. La neige est présente et ces premiers kilomètres sont difficiles. Pourtant, ce n'est qu'un début. A Hudson, après seulement 185 km de course, les trois voitures de tête doivent faire une première étape. Une réception attend les pilotes à Albany, ce qui met un peu de réconfort au coeur des participants qui doivent désormais rejoindre Chicago. Les routes sont alors de plus en plus impraticable, la neige est abondante et les températures sont de plus en plus basses. Dans l'Indiana, on relève des températures de -18° C. De plus, hors des grandes villes, les chemins sont empruntés principalement par des chariots hippomobiles et sont inadaptés pour des voitures automobiles. La débrouillardise va être un atout particulièrement efficace. Ainsi, la Thomas est autorisée, par une compagnie de chemin de fer, à rouler sur le rails qui sont dégagés de neige. Pour l'occasion, la compagnie suspend la marche des trains. Plus difficile, une De Dion-Bouton est stoppée suite à la casse d'un pièce mécanique, elle n'avait parcourue que 10 km dans la matinée. Le mécanicien devra prendre le train pour Chicago, se procurer une pièce de rechange et revenir pour effectuer la réparation. Cet exploit est réalisé en 24 heures, permettant ainsi à la voiture de reprendre sa route vers Chicago.

Toujours plus difficile...

Sur les bords du lac Michigan, la route est défoncée par les chariots et les intempéries. Outre les blocs de glace, la couche de neige qui atteint parfois les 3 m de hauteur, les pilotes doivent aussi s'occuper des troncs d'arbres barrant ce qui n'est plus une route mais qu'un étroit sentier. De nombreux participants devront louer des chevaux pour se sortir du bourbier, et ce, à prix d'or, selon les commentaires des journalistes de l'époque. Cette première étape entre New York et Chicago, de 1.685 km, durera une quinzaine de jours. Les concurrents restant en course doivent désormais rejoindre San Francisco, à l'autre bout du pays. Ils emprunteront, pour cela, le parcours qui emprunte approximativement celui de la future Route 66.
Quelques pilotes européens ont pris le départ de l'épreuve. Parmi eux, quelques français. Bourcier, Saint-Chaffray, Autran et Hansen courent alors sur De Dion-Bouton, Godard, Livier et Hue sont sur Motobloc. Pons, Deschamps et Berthe participent aussi à l'épreuve, sur Sizaire et Naudin. Ils abandonneront assez vite, et les gazettes de l'époque diront "qu'ils avaient trop présumé de leurs forces". Pour rejoindre New York, ces pilotes avaient embarqué au Havre.
Parmi les concurrents, on note également la présence d'une voiture non officielle, une Werner, pilotée par Drieghe. A ses côtés, deux hommes, Hohmann et Lelouvrier. C'est en "pirate" qu'ils participèrent à cette aventure.

Rejoindre l'Asie

Avant de rejoindre l'Asie, les pilotes doivent rejoindre l'Alaska. Ils embarquent alors sur un bateau afin de poursuivre l'épreuve en passant le Détroit de Behring. Malheureusement, un fois sur place, une couche de neige de 5 mètres de hauteur les empêche de continuer. Le parcours initial étant impossible à suivre, les concurrents relient dons le continent asiatique par un nouveau voyage en bateau. Selon la destination des navires empruntés, les pilotes se retrouvent en Chine ou au Japon. De là, s'ouvre une nouvelle aventure, toujours aussi épique, pour rejoindre Vladivostock, Kolimsk, Verkhoiansk, Yakutsk, Irkustk, Omsk, Moscou, Berlin et Paris. Après les bourbiers, le dégel, les ennuis mécaniques, vaincus un à un, d'autres épreuves attendent les concurrents. Les concurrents devront s'organiser pour rouler ensemble, mettront souvent pied à terre pour venir à bout, à la pioche ou à la scie, des obstacles empêchant la progression des voitures.

Une arrivée délaissée

Si le départ à New York a suscité l'enthousiasme, on ne peut pas en dire autant de l'arrivée à Paris. Au fil de l'épreuve, l'intérêt du grand public est sensiblement retombé et, lorsque les premiers concurrents arrivent à Paris, devant le siège du journal Le Matin, sur les grands boulevards, la foule est beaucoup moins dense. Roberts Montague, champion de la côte Est, et Harold Brinkes, champion de la côte Ouest, franchissent la ligne d'arrivée le 31 juillet. Les américains sont au volant d'une Thomas, baptisée pour l'occasion "Thomas Flyer". S'ils sont déclarés vainqueurs de l'épreuve, ce ne sont pourtant pas les premiers à Paris. Cinq jours plus tôt, le 26 juillet, la Protos allemande du lieutenant Koeppen, l'ingénieur Knape et Maas, était la première à franchir la ligne d'arrivée. La voiture "lourde et imposante comme un camion militaire", surnommée "camion" d'ailleurs par la presse, sera déclassée et devra se contenter de la seconde place. A la troisième place, on trouve les italiens Scarfoglio, Sirtori et Haaga, au volant d'une Brixia-Züst.

Thomas Flyer victorieuse

Photos