LES INSTITUTIONS
Dernière mise à jour : 05/05/2010
ACF : Automobile Club de France
La course "Paris-Rouen", ou plutôt le "concours de voitures sans chevaux", organisé en juillet 1894,
révéla publiquement l'état de la jeune technologie automobile. Pierre Giffard,
alors patron du magazine le "vélo" et du "Petit journal", a l'idée de confronter
grandeur nature les réalisations des pionniers et inventeurs en organisant cette première compétition. En fait, cette randonnée entre Paris et Rouen
va surtout permettre de réaliser un remarquable "essai comparatif", où les constructeurs les plus
sérieux et les plus compétents, comme de Dion, Peugeot où Panhard et Levassor, vont
être les mieux classés. Il va surtout, et c'est très important pour notre histoire,
permettre la rencontre entre le comte de Dion et le baron de Zuylen de Nyevelt.
Comte Albert de Dion de Malfiance (1856/1946)
Au terme de l'épreuve, c'est le véhicule du comte de Dion qui arrive en tête.
Malheureusement, il est déclassé en raison de son caractère peu pratique, au profit de voiture
à essence. C'est donc la Peugeot de Georges Lemaitre qui est déclarée
victorieuse. Le comte veut donc sa revanche et décide d'organiser une vraie course,
le "Paris-Bordeaux-Paris". Prévue pour 1895, et dotée de 69.100 francs-or de prix,
il va tout mettre en oeuvre pour faire aboutir son projet. Pour ce faire, il crée un comité
réunissant de fortes personnalités, comme le baron de Zuylen, James Gordon
Bennett, propriétaire du New York Herald, Marcel Deprez et un certain nombre
d'ingénieurs dont Levassor, Mors, et Jantaud. Contrairement au Paris-Rouen,
Pierre Giffard ne cautionne pas cette épreuve, sous prétexte d'un trop grand risque d'accidents, les voitures
pouvant atteindre et même dépasser les 20 km/h de moyenne. L'épreuve se déroule les 11,
12 et 13 juin et cette fois, c'est une Panhard & Levassor à essence qui remporte
l'épreuve au bout de 1.175 km, condamnant de ce fait la propulsion à vapeur. Malgré sa défaite
sportive, le comte a remporté son pari. La course est un succès. Le Comte a très bien compris
l'intérêt de la compétition et de ses
retombées sur le plan technique. Il est désormais convaincu que cette activité technico-sportive ne peut
être que bénéfique au développement de la nouvelle
locomotion, à condition, bien sûr, de lui apporter une organisation susceptible de la
promouvoir efficacement. Il songe aussitôt à transformer le comité
d'organisation en une Société d'encouragement permanente, dotée de la personne
morale. Bien sur, il n'invente rien, mais copie ce qui se fait déjà
dans l'hippisme et dans le sport cycliste.
Photo officielle du
déjeuner au cours duquel fut fondé l'ACF.
A gauche, le baron de Zuylen de
Nyevelt, au centre, le comte Albert de Dion et à droite, le journaliste Paul Meyan.
Très vite, le comte envisage la transformation de son bébé et décide de créer une association plus mondaine qu'il
compte baptiser Automobile-Club de france. Pour ce faire, et en accord avec le baron de Zuylen, gendre fortuné des Rotschild, il prend contact
avec la presse en la personne de Paul Meyan, fondateur et rédacteur en chef de La france Automobile (première revue automobile), créateur
de rubriques sportives dans les quotidiens Le Matin et Le Figaro. Un échange
d'idée au cours d'un déjeuner chez le comte de Dion, au 27 quai d'Orsay, va
jeter les base de cet organisation. Comme le résuma Paul Meyan : "au dessert, l'Automobile-Club
de France était fondé". C'est ce dernier également qui sera chargé de rédiger
les statuts du club.
Une nouvelle fois, une cinquantaine de personnalités de l'automobile, du sport, de la presse et de la
finance sont invitées chez le comte de Dion. Le 12 novembre 1895, en préambule,
de Dion leur déclare que cette réunion a pour but de "former un cercle qui
prendra le nom d'Automobile Club de France". Une fois les statuts discutés
et approuvés, après quelques modifications mineures, le bureau est élu. Le baron
de Zuylen est désigné premier président de l'A.C.F., les
vice-présidents étant de Dion et M. Menier, le célèbre chocolatier.
Les mondanités initiales
vont vite s'effacer au profit de fructueuses réunions de travail
préparées par des commissions sportives, technique, de contentieux, etc. Tout
est encore à organiser. L'A.C.F. devient vite un laboratoire d'idées, un lieu d'échanges où
les constructeurs, les ingénieurs, les sportifs et les scientifiques peuvent imaginer, programmer
et développer courses et expositions. Ainsi, dès 1896 et la course Paris-Marseille, l'A.C.F.
a défini ce qui reste la trame des grandes épreuves
routières actuelles type rallye : course par étape, mise en parcs
fermés chaque soir et nomination de commissaires sportifs chargés de faire
respecter le règlement, création de catégories de véhicules, organisation de
ravitaillements, de contrôle de passage, etc.
L'année 1898 s'avère encore plus féconde. L'A.C.F. organise pour
la première fois une exposition d'automobiles aux Tuileries, créant de ce fait
le premier "Salon de l'Automobile" du monde. C'est un succès.
L'Angleterre avait déjà organiser ce type d'évènement en 1896 avec la Horseless Carriage Exhibition.
Mais était-ce vraiment un Salon de l'Auto? Celui de Paris avait la
prétention d'être consacré exclusivement à l'automobile.
L'A.C.F. a le vent en poupe et organise les grandes courses de ville à
ville, dont le grandiose Paris-Amsterdam de 1898, la première course de côte à
Chanteloup-les Vignes et le Tour de France automobile de 1899. Une bien belle et
utile publicité pour l'automobile nouvelle et qui va profiter aux constructeurs
pionniers. Soulignons qu'à cette époque, la France est le premier exportateur
d'automobiles du monde. Un monde qui ne va pas rester en reste et suivre
rapidement l'exemple. Ainsi, au cours des 10 années qui vont suivre, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, la
Suisse, la Hollande, le Danemark, l'Espagne, le Portugal et l'Italie vont fonder
également des Automobile-Clubs. Ainsi, l'automobiliste retrouve hors de son pays
toutes les aides qu'il disposait chez lui. Car l'A.C.F. est également un centre
d'information. Comme on peut le lire dans les programmes de la commission
sportive, créée en 1899, "La commission s'occupe des promenades, rallyes,
pique-niques, en un mot de toutes les distractions automobiles. Un bureau est
créé où les membres du cercle trouveront tous les renseignements utiles, pour
leurs voyages. Un concours permanent sera ouvert pour l'étude et la recherche
des meilleurs itinéraires au point de vue de leur intérêt touristique et du
confort des hôtels".
En 1899 encore, est créée la Commission Sportive,
chargée d'élaborer les règlements des épreuves, concours et records futurs à
partir du 1er janvier 1900. Ce rôle d'organisateur d'épreuves automobiles
nationales, l'A.C.F. l'a assumé jusqu'en 1967, la fédération française du Sport
automobile prenant le relais à partir de 1968.
Par la suite, l'A.C.F. élabora
l'union des "automobile-club" en fédération internationale et nationale . L'une
et l'autre furent constituées en 1904 et 1905.
En 1899 toujours, l'A.C.F. cherche des locaux plus grands et plus prestigieux pour s'installer.
L'hôtel de Plessis-Bellière, place de la Concorde, étant à vendre, l'industriel Robert
Lebaudy (des sucres et des dirigeables) avance la somme d'un million et demi de
francs-or pour son acquisition, avant de rétrocéder le bien à une société civile
constituée par des membres du cercle, qui louera ensuite les locaux à
l'association.
Le premier Grand Prix de l'Automobile Club de France se déroulera dans la Sarthe, en
juin 1906, sous l'impulsion de Georges Durand, négociateur du projet à
l'Automobile Club de France à Paris (A.C.F.). Il portera la bonne parole à la sortie
des messes et sur les marchés pour convaincre les Sarthois d'aider le jeune
Automobile Club de la Sarthe (A.C.S.), bien avant que celui-ci ne devienne l'Automobile Club de l'Ouest
(A.C.O.) en 1913.
Au fur et à mesure que l'automobile se développe et devient indispensable, l'ACF se démet de ses fonctions fédératrices et organisatrices, remplacé par les
pouvoirs publics, les fédérations et les constructeurs.
En 1906, c'est la chambre syndicale des constructeurs qui organise les Salons de l'Auto. En 1923, le laboratoire technique de l'ACF cède la place à L'UTAC.
L'Union technique de l'Automobile, du Motocycle et du Cycle est experte auprès des instances européennes et internationales, service technique notifié auprès
de la Commission Européenne et de l'ONU. Elle participe à l'élaboration des réglementations applicables aux véhicules et à leurs équipements dans les domaines
de la sécurité active et passive et de l'environnement (émissions polluantes, nuisances acoustiques et vibratoires, compatibilité électromagnétique) ainsi qu'à
la définition des normes industrielles.
Après la promulgation par le général de Gaulle en 1945 des ordonnances relatives aux fédérations sportives, la FFSA se substitue à l'ACF pour l'organisation
des courses automobiles. Cette succession d'abandons donne le beau rôle aux "cercieux", des membres plus intéressés par la piscine et le restaurant de la
place de la Concorde que par les activités de soutien à l'automobile pour lesquelles le club a été fondé. C'est cette activité de cercle qui
prédomine
aujourd'hui parmi les 2.000 membres de l'ACF, place de la Concorde. Il faut avouer que la piscine art-déco de 25 m conçues par Gustave Eiffel est un pur joyau
et que ses salons et sa bibliothèque jouissent d'une vue et d'une adresse particulièrement prestigieuses et enviables au coeur de Paris, au 6-8 place de la
Concorde. Cette adresse est d'ailleurs l'un des facteurs essentiels dans la survie de l'ACF. En effet, les 12.000 m2 en plein coeur de Paris
représentent un
patrimoine immobilier inestimable et une grande tentation de capitaliser tout autant qu'une adresse de prestige qu'entend bien conserver la fédération
internationale de l'automobile présidée aujourd'hui par Jean Todt, qui succéda à Max Mosley en 2009, et qui occupe les locaux. Cette organisation a but non
lucratif regroupe plus de 200 organisations automobiles de 125 pays. Elle est surtout connue pour sa gestion des plus importantes épreuves de courses automobiles
mondiales, mais son étendue comprend tout ce qui concerne l'automobile : routes, mobilité, environnement, sécurité routière. En 1950, la FIA a lancé le Championnat
du Monde de Formule 1 et, en 1973, elle a étendu son domaine au rallye avec celui de Monte-Carlo.
Aujourd'hui, en dehors de ce rôle d'hébergement de la FIA, l'activité automobile de l'ACF se réduit à sa propre représentation et à celle des clubs régionaux
affiliés, dont l'ACO, co-organisateur des 24 Heures du Mans. Pour son centenaire, l'ACF a fait procéder à la mise à jour des archives et à la saisie sur fichier
informatique. Cela concerne 35.000 volumes rangés dans des vitrines d'acajou et une fabuleuse collection de photographies, notamment sur les Grands Prix. Ces
archives sont à la disposition des chercheurs, journalistes et écrivains.