LES COURSES D'ANTAN     

Dernière mise à jour : 05/05/2010

Le Paris-Madrid 1903

Une course meurtrière.

C'est en octobre 1902 que l'A.C.F. décida d'organiser une course automobile entre deux capitales. Madrid est sélectionnée pour point d'arrivée. A la mi-janvier, les inscriptions sont ouvertes.

Fernand Gabriel et sa Mors 70 HP
Le 8eme grand Prix de l'Automobile Club de France est organisé en mai et se déroule entre Paris et Madrid, sur un parcours de 1.014 km, divisé en deux étapes : Paris-Bordeaux soit 550 km, puis Bordeaux-Madrid pour les 564 km restants. La liste des engagements est close le 16 mai et on dénombre 275 véhicules inscrits, répartis en quatre catégories :
Grosses voitures (650 à 1.000 kg)
Voitures légères (400 à 650 kg)
Voiturettes (250 à 400 kg)
Motocyclettes (jusqu'à 50 kg)
Sur 315 inscrits, 224 seront au rendez-vous le 24 mai à Versailles pour s'élancer vers Madrid.
Le 24 mai à l'aube, à partir de 3 h 30 (3 h 45), le premier concurrent s'élance, suivit par le second à une minute, et ainsi de suite, par ordre de catégorie. Les 90 grosses voitures partent en premier, puis suivent les 49 voitures légères, les 36 voiturettes et les 49 motocyclettes. On compte des pilotes expérimentés, mais aussi des pilotes débutants, ou presque. Nombreux seront les abandons, et les accidents. C'est au cours de cette épreuve que Louis Renault perdra son frère Marcel.

Leblon sur Gardner Serpollet à vapeur après pesage aux Tuileries.
Si la traversée des villes est neutralisée, les pilotes doivent batailler sur la route pour se frayer un passage sur les route sans revêtement, dans des nuages de poussière soulevés par les bolides. On se contente de suivre les arbres qui bordent la route pour se guider. De plus, les spectateurs enthousiastes et inconscient du danger se massent sur le bord de la route. Après avoir franchit Chartres, Tours, Poitiers, Angoulême et Libourne, la course est stoppée à Bordeaux. En effet, dans cette première partie de l'épreuve, on compte déjà de nombreux blessés et surtout, huit morts. Entre Paris et Tours, Leslie Porter, sur la Wolseley n°243, voit sa voiture prendre feu dans un accident à un passage à niveau. La voiture s'est retournée et le mécanicien, tombée dessous, meurt carbonisé. Plus loin, c'est Delaney sur De Dietrich qui capote dans un virage, sans blessés graves toutefois. Près d'Angoulême, le pilote Richard heurte un arbre mais sans sort miraculeusement. A Ablis, un pilote ne peut éviter une femme qui traverse la route et la percute. Elle meurt sur le coup. Marcel Renault en fait partie. Parti dans une folle remontée, Marcel Renault se retrouve derrière la Decauville de Théry. Il veut le dépasser, mais la poussière l’empêche de voir le drapeau agité par un commissaire pour signaler un virage dangereux, il prend ce tournant à toute allure et va au fossé. Sa voiture quitta la route à la hauteur de Couhé-Vérac pour se retrouver dans le fossé. Marcel est projeté à six mètres. Transporté à Couhé-Vérac dans un état critique, il s'éteindra à son tour. A trois kilomètres après Angoulême, le pilote Tourand sur Brouhot n°23 décolle d'un pont. Son mécanicien et trois spectateurs, deux enfants et un militaire, succombent. Près de Montguyon, à la Combe-du-Loup, Phil Stead, pilote de la Mercedes n°18, est mortellement blessé lors d'une collision avec le voiture 96. Son mécanicien est blessé gravement. A Arveyre, la voiture n°5, pilotée par Claude Lorraine-Barrow, rencontre un chien. En voulant l'éviter, la voiture percute un mur. La voiture est en miette, L. Barrow est dans un état désespéré et s'éteindra à l'hôpital le 13 juin 1903. Son mécanicien, Pierre Rodez est mort.

Marcel Renault en course
Malgré le succès populaire, le gouvernement, informé des circonstances dramatiques de la course français, et déjà très réticent à l'égard des courses, décide en accord avec les autorités espagnoles, d'arrêter la course à Bordeaux. Seul la catégorie tourisme sera autorisé à continuer jusqu’a Madrid.
Suite à l'accident qui coûta la vie à Marcel Renault, Louis, qui ne fut au courant de la terrible nouvelle qu'à son arrivée à Bordeaux, sortira ses voitures de la compétition. Parmi les abandons suite à des accidents aux conséquences moins dramatiques que celles citées ci-dessus, on trouve les voitures de Georges Richard (Georges-Richard n°26), de Henri Farman (Panhard Levassor n°51), de Charles Stewart Rolls (Panhard Levassor n°59), et de W. K. Vanderbilt (Mors n° 60).

J. Edmond sur la Darracq n°103, 31e à l'arrivée.

Louis Renault pressé par la Mors 168 de Fernand Gabriel.

Camille Du Gast sur la De Dietrich n°29.
Dans cette épreuve, on note une forte participation, tant au niveau des voitures que des marques. Certaines montrent leur puissance par le nombre des voitures engagées, comme Panhard et Levassor qui aligne 17 grosses voitures, Mors qui en aligne 14, Mercedes 12 et De Dietrich 10. Renault aligne 10 voitures légères. Peugeot, lui, n'est pas représenté.
On peut également constaté, au vu des résultats, qu'il ne suffit pas d'avoir une grosse voiture pour remporter une course. Louis Renault, a terminé second, mais il a tenu tête jusqu'au bout à la grosse Mors de Fernand Gabriel avant de se faire dépasser. Avec ses 10 voitures légères engagées, Renault précède Darracq qui lui, en aligne 9.

Si les moteurs essence sont majoritaires, la vapeur est également représentée. Deux marques sont inscrites, Chaboche et Gardner-Serpollet. La vapeur, qui est à l'origine de la motorisation automobile, est en fin de vie. Le moteur à essence ne lui laisse aucune place. Après l'électricité, la vapeur, malgré les efforts de quelques fervents supporters comme Serpollet, disparaîtra à son tour de l'industrie automobile.

Enfin, pour terminer, il faut signaler les débuts de quelques pilotes téméraires qui deviendront bientôt de grands constructeurs. Charles Stewart Rolls, qui pilote la Panhard n°59, s'associera à Henry Royce pour fonder la plus célèbre des marques de l'Empire britannique, Rolls-Royce. Herbert Austin, pilote pour Wolseley et donnera son nom à une autre voiture anglaise, aussi célèbre, la mini. Enfin, la jeune firme F.I.A.T. a envoyé le jeune Vincenzo Lancia pour défendre les couleurs de l'Italie. Lui aussi, après une courte carrière chez Fiat, il fondera en 1907 la marque Lancia, au prestige que l'on connaît. Signalons aussi la présence féminine en course avec la participation de Camille du Gast sur De Dietrich n°29.

Pour accéder à la liste des participants du Paris-Madrid 1903, je vous invite à lire la page spéciale dans la partie Encyclo43.
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