LES COURSES D'ANTAN
Dernière mise à jour : 05/05/2010
Le Paris-Vienne 1902

Une course difficile
Quand on évoque les courses de ville à ville, on pourrait croire qu'il s'agit de
longues promenades, de sortes de processions, qui vont d'une capitale ou d'une
simple bourgade à une autre. La réalité est bien différente. Il s'agit de
véritables compétitions, dans lesquelles l'exploit technique est souvent dépassé
par l'exploit humain. C'est le cas en 1902, lorsque Marcel Renault réalise
l'exploit de relier la France à l'Autriche à bord de sa légère 4 cylindres,
devançant les grosses Panhard 70 HP, les Mors 60 HP ou les Mercedes 40 HP. Un
remake de David contre Goliath.
Sur la route
Dans le Paris-Vienne, la victoire de Marcel Renault, à plus de 62 km/h de
moyenne, est donc restée dans les annales. Le départ a lieu à Champigny sur Marne, à l'est de Paris.
Sur place, au coeur de la nuit, près de 10.000 spectateurs se sont massés le long de la route
pour admirer les 218 concurrents (1 catégorie voitures et 2 catégories
motocycles) prêts à prendre la route. Le
départ du premier participant est prévu à 3 h 30, puis les autres concurrents
s'élancent à leur tour les 2 minutes, et ce, jusqu'à 7 h 45. Les concurrents doivent relier Vienne, en
Autriche, en quatre étapes.
La première étape, le 26 juin, relie Champigny à Belfort, une étape
longue de 407 km, sur de bonnes routes pour l'époque.
Le lendemain, les concurrents
effectuent la traversée de la Suisse (Belfort-Bregenz), où les courses sont
interdites. L'épreuve est donc neutralisée pendant 281 km et les voitures ne
doivent pas dépasser les 28 km/h de moyenne sous peine de sanctions.
Le 28 juin, les pilotes entrent en Autriche et doivent effectuer les 337 km qui séparent
Bregenz de Salzburg. Le plus coriace commence avec des routes épouvantables, à très fortes déclivité,
enneigées, caillouteuses à souhait. Il y a le col d'Arlberg à passer, à 1.793 m d'altitude. C'est là que les petites
Renault vont montrer leurs capacités. Plus agiles, plus maniables, elles
braquent mieux et sont moins affectées par les multiples dangers de ces routes
accidentées.
Le 29 juin, c'est la dernière étape, qui mène de Salzburg à Vienne, soit 335 km, toujours sur des routes également qualifiées
"d'irlandaises" par les journalistes de l'époque. A ce moment de la course, la
petite Renault de Marcel est en septième position derrière quatre Panhard, une
Darracq et une Mercedes. Quant à Louis, il rencontre certaines difficultés qui
oblige Marcel à partir devant sans lui.

Le départ à Champigny
Pendant que Marcel poursuit seul les 6 premiers
concurrents, Louis est en butte à des ennuis techniques suffisants pour
renoncer à la course.

Au centre de vérification d'Innsbruck, la Mercedes du
baron de Caters passa trop près de la Renault et attrapa une roue, tordant l'axe
et cassant une suspension. Après quatre heures de travail sur la voiture, Louis
repris la route. Ne voulant pas prendre le temps de s'arrêter pour allumer ses
phares à la nuit tombée, Louis ne vit pas les barrières fermées d'un passage à
niveau. L'impact fut violent et se solda par un axe tordu, un radiateur abîmé et
une roue cassée. Les rayons de la roue en bois furent réparés en taillant
les pieds d'une chaise, au canif. Un forgeron répara l'axe. Pour ce qui est du
radiateur, Louis ne voulu pas perdre plus de temps et son mécano, Szisz, passa
la suite de la course allongé sur le capot pour remplir le radiateur percé avec
des litres et des litres d'eau.

Malgré ces incidents, Louis ne renonce pas et au terme de la course, il se
classera à la 28eme place du classement général. Marcel de son côté, réalisa un
véritable exploit.

Les grosses voitures, qui avaient pris une bonne avance dans les étapes
précédentes, furent mises en difficultés sur les routes accidentées d'Autriche.
Marcel profita de la souplesse et la maniabilité de sa voiture pour reprendre du
terrain. Après avoir dépassé la Darracq d'Edmond, la Panhard de Maurice Farman
et la Mercedes de Sborowski, il s'attaqua à la
Panhard d'Henri Farman qu'il dépassa à l'aveuglette pour se retrouver en tête de la course.
Marcel arriva au Prater à
Vienne avec 2 heures d'avance sur l'horaire prévu. Bien sûr, personne ne
l'attendait si tôt et personne n'était là pour l'accueillir. D'abord considéré
comme resquilleur, il fut enfin reconnu et l'orchestre fut déranger dans son
déjeuner pour venir jouer la Marseillaise. Marcel venait dans le
même temps de battre de 7 heures le train Alberg Express, considéré à l'époque
comme le plus rapide en Europe.

Marcel avouera, après l'arrivée, être resté plusieurs minutes dans la poussière
la plus intense, soulevée par les voitures qui le précédaient, ne voyant
strictement rien, et pourtant, continuant d'accélérer.
Classement
1 - Marcel RENAULT / Renault
2 - Henri FARMAN / Panhard et Levassor
3 - EDMOND / Darracq
4 - Maurice FARMAN / Panhard et Levassor
4 - Comte Zborowski / Mercedes
Marcel Renault (1872-1903)
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La famille Renault comprenait trois frères, Fernand, Marcel et Louis. Louis était le plus jeune,
mais le plus entreprenant et le plus doué. C'est lui qui porta à bout de bras
l'entreprise qui porte son nom. Mais l'histoire aurait pu se jouer différemment
si les deux frères n'avaient pas épaulé financièrement et soutenu Louis à ses débuts.
Frère de Louis, Marcel est aussi passionné par l'automobile et c'est comme pilote qu'il se fait
connaître, en remportant notamment le Paris-Vienne de 1902, battant les grosses Panhard et Mercedes engagées
dans l'épreuve. Il fut victime d'un accident le 24 mai 1903, lors du Paris-Madrid, à Couhé-Véhac dans la Vienne.
Transporté à Payré, Marcel décèdera le 26 à 23 h 45, à 31 ans. Son copilote, Vauthier, aura plus de chance et s'en sortira.
Marcel, en plus de deux fractures, souffrait d'une lésion de la moelle épinière.
Louis ne sera prévenu qu'à son arrivé à Bordeaux et décidera de retirer ses voitures de l'épreuve avant même de savoir que cette
dernière serait arrêtée.
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Coupe Gordon-Bennett
C'est pendant le Paris-Vienne
que s'est couru la Coupe Gordon-Bennet. Créée par Gordon-Bennett, propriétaire
du journal "New York Herald", elle fut remportée cette année par S. F.
Edge, au volant d'une Napier.
